• Tremon avait nettement entendu ce que ces quatre compagnons avaient raconté et avait eu le reste de la nuit pour inventer une histoire à servir aux différentes questions que l’on pourrait lui poser. Aussi, quand Seih lui fit face, une fois qu’elle les jugea assez éloigné des autres, Tremon était prêt à toute éventualité. Excepté celle qui se présenta :

    -Je vais arrêter.

    Tremon préféra rester silencieux en attendant la suite, étant incertain de savoir ce qu’elle voulait dire. Seih le fixa droit dans les yeux :

    -Je ne poserai plus de question sur toi. Je ne te soupçonnerai plus et je ferai même un effort pour être plus aimable.

    Tremon ne put s’empêcher de l’observer avec suspicion tandis qu’elle continuait :

    -On a assez de problème pour continuer à se méfier les uns des autres. Alors, je vais te laisser tranquille, magouiller ce que tu veux dans ton coin.

    Cette fois, Tremon intervint :

    -Et qu’est-ce qui te dis que ce que je magouille ne te mettra pas en danger ?

    Seih eut un sourire, le défiant du regard :

    -Parce que Ylios ne te le pardonnerais pas et je ne pense pas que tu pourrais continuer sans lui.

    Tremon ne put s’empêcher de ricaner :

    -Bien vu.

    La jeune fille s’approcha pour lui dire sur le ton de la confidence :

    -Ne te méprends pas, je sais que tu as soigné Ylios et Miral et que tu as mis le feu à la forêt. Je ne sais pas comment, c’est vrai, mais je sais que c’était toi. Je te demande juste de ne pas me prendre pour une idiote, n’essaie pas de nous mentir.

    Si je lui avoue que je n’ai pas la moindre idée de ce dont elle parle, je risque de relancer une discussion désagréable. Tremon choisit de garder le silence. S’il n’avait plus à satisfaire la curiosité de Seih, il pourrait se centrer sur ce qui importait. Soit ce qui lui arrivait exactement. Il y avait toujours Gialema, mais celle-ci ne semblait pas vouloir l’ennuyer plus que cela. Seih commença à s’éloigner et Tremon allait la suivre pour rejoindre les autres, quand elle s’arrêta à nouveau pour lui dire :

    -Merci, au fait, de m’avoir sauvé aussi.

    Le jeune homme se contenta de hocher la tête ne sachant ce qu’il était censé répondre. Seih rejoignit le groupe et Tremon vit que Ylios les avait observé avec inquiétude. Ils n’eurent pas le temps d’échanger un mot que le crocodile lançait le signal du départ.

    Ils marchaient depuis quelques minutes à peine quand Miral finit par demander à leur guide :

    -Est-ce que les grenouilles risquent de nous poursuivre ?

    Le crocodile et ses compagnons semblaient d’excellente humeur maintenant que la forêt avait été incendié et il répondit sur un ton guilleret :

    -Aucun risque, on a quitté leur domaine hier. Elles ne sont pas très braves ces petites grenouilles, elles ne viendront pas nous chercher. En plus, elles ont dû voir la forêt brûlée, cela doit leur donner de quoi réfléchir.

    Miral lança un regard à Ylios qui demanda :

    -Où allons-nous alors ?

    -On va vous donner une barque et vous pourrez partir.

    Le lion haussa les sourcils :

    -Si facile ?

    Le crocodile éclata de rire :

    -On peut vous faire marcher sur les mains si vous voulez.

    Le regard du jeune homme s’attarda sur Tremon. Celui-ci comprit que le crocodile se doutait que le feu n’était certainement pas le fruit d’une coïncidence. La barque était peut-être le prix pour service rendu. L’incendie les ayant sans doute débarrassé des Errants pour un moment. Mais c’est vraiment moi qui ai mit le feu ? Au cours de la nuit, il avait sentit l’arrivé d’une crise et la perte de conscience avait été plus rapide qu’à l’ordinaire. Sa situation empirait clairement. Pourtant, quand il s’était réveillé, la première chose qu’il avait réalisé était qu’il sentait la fumée et qu’Ylios avait toujours la marque. Il était clair qu’il faisait des choses sans s’en rendre compte. Mais provoquer un incendie ? Le regard du crocodile lui laissa supposer que celui-ci avait dû le voir faire. Cependant, Tremon eut beau se creuser la mémoire, il n’avait aucun souvenir et, malgré tout, il ne pouvait pas nier l’existence d’une brûlure sur son bras.

    -De quoi elle t’a parlé ?

    Tremon sursauta en se tournant vers Ylios qui s’était approché pour pouvoir lui parler à voix basse. Le jeune homme observa Seih qui parlait avec Miral quelque pas devant eux. Il ignorait s’il pouvait partager leur discussion, mais après tout, elle lui avait demandé de ne pas mentir. De plus, il n’avait pas envie de cacher plus de chose que nécessaire à Ylios.

    -Elle a dit qu’elle me laisserait tranquille et qu’elle ferait même un effort pour être aimable.

    Le lion ne cacha pas sa surprise :

    -C’est vrai ?

    Tremon hocha la tête. Son ami parut émerveillé et passa son regard de l’un à l’autre avec une mine réjouie.

    Ils arrivèrent aux abord d’un village, mais n’y entrèrent pas car le crocodile les mena aussitôt sur une berge à proximité où des barques étaient attachées.

    -Prenez celle que vous voulez. Je dois parler avec les autres chefs de clan concernant les grenouilles. Donc… adieu.

    Les cinq amis s’entre regardèrent avant que Tremon lance :

    -Juste comme ça ?

    Le crocodile se tourna une dernière fois en souriant pour dire :

    -Je n’aime pas les adieux. Ça me brise le cœur.

    Il est sérieusement atteint. Il s’éloigna laissant les cinq adolescents, seuls. Miral rompit le silence pour dire :

    -Au moins, on a une bonne nouvelle.

    Tremon retint une grimace en sentant la brûlure sur son bras. Il jeta un rapide coup d’œil aux autres pour s’assurer qu’il n’avait rien remarqué. Gialema s’était déjà approché d’une des barques :

    -Vous croyez que l’on peut traverser la forêt sans risque ? On ne sait pas si les Errants sont vraiment morts ou s’ils ont fui pour revenir.

    Tremon passa devant elle pour s’installer dans la barque :

    -On ne le saura qu’une fois là-bas.

    Il s’assit et fit signe aux autres de pousser l’embarcation dans l’eau. Les quatre amis échangèrent un regard à sa remarque, mais ne posèrent aucune question. Seih détacha la barque, Ylios et Miral attendirent que les filles montent avant de la pousser dans l’eau. Seih prit les rames, puis quand les garçons réussirent à s’installer, ils s’éloignèrent tranquillement.

    Il y eut des éclats de rire et des discussions concernant la méthode à utiliser pour diriger la barque qui firent oublier un instant les frayeurs par lesquelles ils étaient passés et celles qui les attendaient. Assez rapidement, Seih prit le coup de main et au bout de quelques minutes, ils atteignirent les berges cendreuses de la forêt.

     


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