• L'innocence suicidée

    La rue en bas était déserte. Ni voiture, ni personne, rien que le vide et le bitume. Au bord du toit de l'immeuble, il n'avait pas peur. A quoi bon ? Il fixait ce sol si loin et en oubliait le froid. Avait-il vraiment froid, d'ailleurs ? Il y avait du vent. Il le sentait dans ses cheveux, pourtant  bien qu'il se tint debout torse et pieds nus, il n'avait pas froid. Il songea avec ironie que les bleus qui lui couvraient le corps pouvait donné l’impression qu'il était complètement vêtu. Il reporta son regard au loin. Les immeubles s'étendaient dans un gris bleuté étrange à cause du soleil et de sa lumière mourante.

    Soudain, une main glacée vint se glisser dans la sienne. Il baissa son regard à sa gauche. Une fillette se tenait, à présent, debout à ses côtés. En larme et dévêtu. Il lui sourit. Ce n'était plus la peine de pleurer, maintenant. C'était fini après tout. Dans sa main droite, une autre victime vint glisser sa main. Une fille plus grande. Les yeux sur l'horizon, le sang sur ses poignets semblait s'être figé. Il se demanda quelles raisons avaient pu la pousser au suicide. Mais il ne parla pas. Ici, on ne parlait pas. C'était trop tard pour cela. Ils attendaient simplement. Un garçon prit place à côté de chacune de ces filles. Près de la violée, le garçon portait une marque sanglante au front. C'était-il lui aussi suicidé ? Ou avait-il reçu une balle perdue ? Près de la suicidée, le garçon portait au bras des centaines de blessure. Des marques laissaient par de trop nombreuse piqûre. Overdose sans doute. Deux filles arrivèrent, puis deux garçons. Ils remplirent ainsi, doucement, le bord du toit.

    Était-il le seul enfant battu ici ? Quand même pas. Sans crainte de la chute, il se pencha en avant pour tenter de voir les enfants les plus éloignés. Au bout de la rangée, il vit une fille avec un œil au beurre noir. Comme elle tournait la tête, il aperçut les marques bleus sur son cou. Assassinée. Alors qu'il tentait de deviner si elle avait été battu aussi, la fille l'aperçut. Ils se sourire et et il se redressa. Remarquant que les autres bords du toit commençaient à se remplir, il se pencha en arrière. De dos, il était difficile de deviner. Cependant, trois garçons portaient une arme à feu en bandoulière. Il se demandait dans quelle guerre ont les avaient enrôlés. Un autre garçon se tenait complètement nu. Une fille flottait dans ses vêtements, tellement elle était maigre. Il y avait-il la famine dans son pays ? Ou bien ses parents l'avaient-ils négligé ? De l'autre côté, alors qu'un garçon tournait la tête, il aperçut des lèvres gercées, une peau asséchée. Sans doute la soif. Venaient-ils du même pays ?

    Son attention se reporta vers l'avant. Les autres immeubles, dont les toits étaient plats quelques temps plus tôt, étaient à présent hérissés de centaine de corps chétifs parfaitement alignés en leur bord. Il patienta. Déjà, le soleil baissé. Il n'y avait rien que le silence. La violée avait cessé de pleurer. Il serra un peu plus fortement sa main dans la sienne. Tous se tenaient la main, comme si cela pouvait encore, les réconforter. Il souriait. Bientôt. Son cœur s'accéléra. Le soleil offrit une explosion de lumière orange lorsqu'il atteint l'horizon. Il ne plissa même pas les yeux pour s'en protéger. Au contraire, il le fixait intensément et tous attendait. L'étreinte des mains se fit plus forte. Le soleil mourut. Il n'y avait plus de vent. Dans la rue, rien ni personne. Mais ce n'est pas cela qui les intéressait. Ce qu'ils cherchaient se trouver là-haut. 

    Ils levèrent les yeux au ciel. La lune était là. Les souffles furent retenus, les mains serraient plus encore. Il sentait intensément la présence des autres enfants autour de lui, bien qu'ils se tenaient les dos tournaient. Il captura le contact des peaux des filles à ses côtés dans ses mains. Parce que c'était la dernière chose qu'il aurait. Il fallut attendre encore un peu. Puis, il y eut comme un éclat dans la lune. Pas vraiment une lumière, pas vraiment un son. Mais un changement imperceptible que seul les enfants perçurent. Alors, main dans la main, les innocents, debout sur tous les bord d'immeubles, sautèrent. Tous, sans un mot, sans un cri, sans une hésitation.

    FIN

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