• XXIII - Citseko : Il y a quelque chose d'explosif dans l'air

    Il retrouva le trio à la cafétéria et il fut à peine assis que Meb lui demandait :

    -Iel fait quoi alors ?

    Citseko ne se souvenait pas qu'ils lui aient déjà autant porté d'attention. Ils l'observaient tous, attendant sa réponse.

    -Iel n'a pas encore choisi.

    Meb ne se découragea pas :

    -Tant pis, tu lui redemanderas.

    Gondémàr ressentit le besoin de dire :

    -Oublie pas de nous avertir quand tu sauras, hein ?

    Il s'adressait bien sûr à Meb qui lui répondit :

    -Évidemment.

    Il ajouta en se tournant vers Citseko :

    -Au fait, ils vont au tir à l'arc avec nous. Génial, hein ?

    Citseko se crispa :

    -Cool.

    Il espéra avoir suffisamment feint l'enthousiasme, non pas qu'ils auraient remarqué quoique ce soit de toute façon. Sa minute d'attention étant terminée, Citseko s'enfonça dans son siège, alors que les autres commençaient à imaginer ce qu'ils feraient au club de tir à l'arc. Meb finit par se tourner vers lui :

    -Tu peux aller me chercher mes bouquins dans la chambre ? On va faire nos devoirs ici, non ?

    Ses amis approuvèrent son choix et Citseko se leva. Il aurait préféré être seul avec Meb. Celui-ci était toujours plus sympa quand ils n'étaient que tous les deux.

    Un sifflement sec et bref attira son attention alors qu'il sortait du bâtiment. Il se retourna pour voir de quoi il s'agissait, ne pensant pas un instant que cela puisse lui être adressé. Indilk s'approchait à grands pas. Citseko ne se souvint pas de l'avoir déjà vu parler à qui que ce soit et les élèves de la classe l'évitaient inconsciemment. Mais, du coup, c'est à moi qu'il vient parler, là ? Il sentit l'angoisse le saisir. Le problème avec ses yeux était qu'ils étaient si noir que l'on ne pouvait distinguer l'iris de la pupille. Il n'a pas de pupille si ça se trouve. Malgré l'inquiétude qui grandissait à chaque pas qu'Indilk faisait dans sa direction, il attendit patiemment qu'il le rejoigne.

    -Citseko, c'est ça ?

    L'interpellé fut surpris par sa voix. Il s'était attendu à une voix grave avec un ton inquiétant, mais il s'avéra qu'il n'y avait rien de particulier à son sujet. Ni particulièrement grave, ni aiguë, ni menaçante, ni enjouée. En fait, si Citseko avait dû définir cette voix, il aurait plutôt choisi le terme chaleureux. Étonnant. Comme il tardait à répondre, Indilk claqua des doigts devant son visage :

    -La question est simple jusque là, tu devrais y arriver.

    Citseko sursauta. Son attention revint à son regard et un frisson d'angoisse le parcourut. La voix restait chaleureuse, mais cette fois, il sentit autre chose dessous. Quelque chose qui ne me plaît pas beaucoup. Il s'empressa de répondre cette fois :

    -Oui, oui, c'est moi. Pourquoi ?

    Sans ménagement, Indilk le saisit à l'épaule et le ramena à l'entrée de la cafétéria.

    -Ce gars-là, c'est qui ?

    Citseko se pencha pour voir de qui il parlait. Il voyait de nombreuses tables occupées et n'eut pas la moindre idée de qui il avait désigné :

    -Quel gars ?

    -Celui qui discute avec ton héritier d'or. Celui aux cheveux verts foncés.

    Gondémàr ? Méfiant, Citseko se contenta de dire :

    -C'est un ami de Meb. Pourquoi ?

    -C'est quoi son nom ? Son clan ?

    Citseko connaissais bien sûr, la réponse à ces questions, mais il dit :

    -Je ne sais pas.

    Puis, il insista :

    -Pourquoi ?

    Indilk le scruta avec intérêt, ce qui le mit profondément mal à l'aise. Pendant une seconde, il crut bien qu'il allait lui répondre, mais il se reprit :

    -Je ne peux rien dire sans l'accord de Meb. Ce sont ses amis.

    Il sentit littéralement la colère monter chez Indilk. Au moment où il crut bien que sa vie était en danger, l'adolescent sembla se calmer d'un coup :

    -OK. Pas grave.

    Citseko eut du mal à croire qu'il était encore debout, alors qu'Indilk s'éloignait rapidement. D'accord, d'accord, t'es entier, c'est une bonne nouvelle.

    Il attendit le soir et qu'ils se retrouvent tous les deux dans leur chambre pour raconter sa rencontre avec Indilk à Meb. Sa réaction ne se fit pas attendre :

    -Après qui il en a, tu as dit ?

    Citseko le corrigea :

    -Je n'ai pas dit qu'il en avait après qui que ce soit. J'ai juste dit qu'il m'avait demandé qui était Gondémàr.

    -Et tu lui as dit ?

    Citseko ne put s’empêcher de s'offusquer :

    -Bien sûr que non. Même si c'était tentant. Il est flippant ce mec.

    Meb commença à se ronger les ongles :

    -Qu'est-ce qu'il pourrait bien lui vouloir ?

    Citseko se retint de dire que cela ne les regardait pas vraiment. Si Meb voulait aider son ami, il le suivrait de toute façon. L'adolescent le laissa cogiter, attendant qu'il arrive à une conclusion quelconque. Meb finit par dire :

    -Bon, je le préviendrai, mais pour l'instant, on doit savoir dans quel club va s'inscrire Hiloy.

    Citseko soupira :

    -Bien sûr, je n'oublie pas.

     

    Dès le lendemain, on vint le chercher pour un nouvel Enfermement. L'héritier d'argent se laissa guider vers la salle en espérant qu'il n'aurait qu'une nuit à y passer. Et faites que ça se passe aussi bien que la première fois. Quand il entra, l’adolescent aperçut Hiloy lisant sagement dans un coin. Son cœur s'emballa en pensant à la joie qu'aurait Meb en sachant qu'il se serait rapproché encore plus de lae Cinquième. Une occasion à ne pas manquer. Il alla s’asseoir tout en réfléchissant à un moyen d'engager la conversation quand Indilk entra. Son cœur se mit à battre derechef. OK, s'il m'interroge encore, je ne sais toujours rien. Je reste calme. Le garçon, les mains dans les poches de sa jupe, ne posa même pas un regard sur lui et alla à une autre table, repliant les bras dessus et y posant sa tête comme pour dormir. Citseko respira plus facilement tout en songeant qu'il n'oserait pas faire le moindre bruit de peur de le réveiller. En revenant vers la porte pour voir qui entrerait en dernier, il croisa le regard d'Hiloy qui lui sourit timidement. Il hocha la tête pour lui répondre et la porte s'ouvrit.

    Tahiya entra. La jeune fille aux yeux verts perçants, ne semblait pas ravie de se trouver là. Citseko ne savait rien d'elle, mis à part qu'il l'entendait souvent râler en cours. Aussi loin qu'il se souvenait, l'héritier d'argent ne croyait pas l'avoir déjà vu de bonne humeur.

    La porte était à peine fermée qu'elle se jeta sur lui :

    -T'as de l'argent ?

    Pris de cours, Citseko bafouilla :

    -Argent ?.... non, non. C'est Meb qui garde l'argent.

    Tahiya prit un air désapprobateur :

    -Meb, ton héritier d'or ? C'est ton héritier d'or qui garde ton argent ? On est où là, au moyen-âge ?

    Citseko sentit le besoin impérieux de s'excuser, mais il ne savait pas pourquoi. Déjà, l'adolescente se tournait vers Hiloy :

    -T'as de l'argent ?

    Lae Cinquième, aussi surpris.e que Citseko, se contenta de secouer la tête.

    -Toi ?

    Indilk leva la tête comprenant que c'était à lui qu'on s'adressait. Un échange de regards et Tahiya battit en retraite. Au moins, il n'y a pas que moi qu'il fait flipper. Tandis que la jeune fille, debout au milieu de la pièce, les mains sur les hanches, se perdait dans ses réflexions, Citseko analysa la situation.

    Lae Cinquième et deux héritiers d'or. Ces deux derniers dans une constante mauvaise humeur. Il y a quelque chose d'explosif dans l'air. Il eut à peine le temps de finir de formuler cette pensée que Tahiya revenait à la charge :

    -Citseko !

    Il se redressa en répondant d'un air de petit soldat qui le surprit :

    -Oui !

    -Ton héritier d'or a donc l'argent.

    Te laisse pas déstabiliser.

    -Mais, pourquoi tu as besoin d'argent ?

    Tahiya croisa les bras :

    -J'ai pas besoin d'argent. Mon futur époux ou ma future épouse en a besoin.

    Citseko essaya de comprendre, mais ce fut Indilk qui expliqua en voyant qu'il n'y parvenait pas :

    -Elle veut se marier pour l'argent.

    Tahiya leva la main pour le faire taire :

    -Ce n'est pas si simple. A la base, mes parents voulaient juste que je me marie, mais maintenant, ils ont mis certains critères de sélection.

    Indilk, toujours affalé sur sa table, répliqua :

    -Donc, tu veux te marier pour l'argent. Ça reste si simple.

    L'adolescente lui jeta un regard noir :

    -Je ne veux pas me marier, je te signale.

    Le garçon dit encore :

    -Alors, pourquoi tu demandes qui a de l'argent ?

    Citseko et Hiloy suivaient le dialogue avec attention. Ça va exploser. Citseko le sentait venir aussi sûrement que le jour suivait la nuit. Ce fut Hiloy qui désamorça la situation en demandant doucement :

    -C'est toi qui as fait une annonce pour trouver quelqu'un, non ?

    Tahiya se détourna d'Indilk pour répondre :

    -Exact. Intéressée ?

    Lae Cinquième sourit :

    -Non, désolé.e, je ne compte pas me marier.

    Tahiya répliqua :

    -Ha, c'est Xutik qui va être déçu.

    Citseko s'inquiéta de la réaction de lae Cinquième à cette réplique alors même qu'Indilk ricanait dans le creux de ses bras repliés. Hiloy se contenta de soupirer sans rien dire. Tahiya, qui ne perdait pas le nord, reposa ses yeux verts sur Citseko :

    -Et Meb ? Tu crois qu'il serait intéressé ?

    Une pointe titilla le cœur du garçon, mais il répondit avec sincérité :

    -Je n'en sais rien. Je peux lui demander si tu veux.

    Même si Meb tenait à se rapprocher d'Hiloy, il n'avait jamais clairement dit que c'était dans l'espoir de l’épouser, donc il ne s'offusquerait pas si Citseko lui apportait une proposition. Cependant, Tahiya qui continuait de suivre son propre fil de pensée, claqua des doigts comme si une nouvelle idée venait de lui traverser l'esprit.

    -Xutik est riche, non ?

    Elle fit un tour sur elle-même pour chercher confirmation auprès d'un des trois. Aucun ne réagit, mais elle continua :

    -Je crois que oui. Il me semble qu'il est l'un des plus riches.

    Sautant d'une pensée à une autre, elle revint à Hiloy :

    -C'est vrai que tu n'as pas un rond, toi ? Tu es la Cinquième quand même.

    Avec une certaine gêne, Hiloy avoua :

    -En fait, je pensais que tu demandais de la monnaie, pas que tu parlais de ma fortune générale et c’est iel.

    Citseko fut bien content de voir qu'il n'était pas le seul à avoir compris cela. La formulation de la question ne pouvait que prêter à confusion. Indilk le fit remarquer :

    -Tu devrais demander: est-ce que tu es riche au lieu de "est-ce que tu as de l'argent".

    Elle haussa les épaules :

    -C'est la même chose.

    Indilk ricana :

    -Non. La preuve, c'est que personne n'a compris.

    Tahiya se tourna vers Citseko qui se contenta de baisser les yeux.

    -Ah bah, d'accord.

    Indilk conclut :

    -Si tu n'as pas d'autres sujets intéressants à nous faire part, tu permets que je dorme ?

    Tahiya prit la mouche et dit avec un sourire crispé :

    -Un autre sujet de conversation ? Je t'ai vu hier avec des secondes années. Enfin, avec, ils ont tourné les talons en t'apercevant.

    Citseko se demanda bien où elle voulait en venir.

    -Je parie que les secondes années te demandant des souhaits ne se sont pas bousculés.

    Indilk se redressa à demi :

    -Jalouse ?

    Tahiya s'appuya contre le bureau derrière elle :

    -Non, je trouve ça curieux, vois-tu. Mon cousin t'as vu plusieurs fois traîner vers le dortoir des secondes. C'est à se demander ce que tu y fais.

    -Je ne crois pas que cela regarde qui que ce soit.

    Elle eut un sourire mauvais :

    -Sans doute pas, mais mon cousin est très perspicace. Il a reconnu ton clan.

    Citseko vit la mâchoire d'Indilk se crisper.

    -Et alors ?

    Tahiya nota également le changement chez l'adolescent et eut un sourire mauvais :

    -Si tu savais tout ce que mon cousin entend. Il connaît aussi plein de trucs, par exemple que ton frère...

    Indilk se leva d'un bond renversant sa chaise. Citseko et Hiloy sursautèrent, passant leur regard de l'un à l'autre. Il va lui sauter dessus. A sa grande surprise, Indilk se contrôla devant le regard de triomphe de Tahiya et se contenta de dire :

    -Je ne crois pas que ton cousin sois fiable. J'ai entendu dire qu'il était débile.

    Finalement, ce fut Tahiya qui se lança la première. Il para le coup de poing et lui envoya son coude sur la tempe. Elle bloqua le geste de son bras. Ils luttèrent un moment enchaînant attaques et parades, bousculant les bureaux, faisant tomber les chaises. Citseko se leva précipitamment pour éviter un coup et se réfugia contre un mur. Il hésitait à intervenir. Il craignait qu'au final leur colère ne retombe sur lui s'il faisait mine de vouloir les arrêter.

    Soudain, Tahiya qui se retrouvait acculée, s'empara d'une chaise et la jeta sur l'adolescent. C'est à ce moment qu'Hiloy bondit.

    « XXII - Citeko : Bon, ça ne prend pas exactement la tournure que c’était censé prendreXXIII - Citseko : Il y a quelque chose d'explosif dans l'air »

    Tags Tags : , , , , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :