• XXVII - Xutik

    Xutik Razaug

    Rang : Argent (anciennement or)

    Clan disparu - héritier d'argent de lae Cinquième

     

    Xutik se tourna vers la vallée en contrebas pour tenter de savoir d'où provenait le coup de feu. Les arbres qu'il surplombait étaient serrés et feuillus, si bien que ce qui était en dessous lui était invisible. Laisse tomber. De toute façon, c'était un écho. Si ça se trouve, c'était même pas en bas. L'adolescent se redressa pour partir. Il passa les deux filles qui formaient le reste de son groupe et qui s'étaient également arrêtées en entendant le bruit. L'adolescent continua en les plantant sur place.

    -Hey ! Attends-nous !

    L'héritière d'argent courut pour le rejoindre alors qu'il ne ralentissait pas.

    -Tu dois attendre. C'est dangereux et il faut qu'on reste groupé.

    L'héritière d'or ne tarda pas à les rejoindre et ajouta son grain de sel :

    -Elle a raison. Il faut que tu arrêtes d'agir comme si tu étais tout seul.

    Xutik garda le regard vers l'avant, sans leur répondre. Il n'imaginait aucune des deux s'en sortir en vie. La raison principale étant que l'héritière d'or portait des lunettes. Il n'avait vu de lunettes qu'en école commune. À l'école des héritiers, on veillait à envoyer un enfant sans déficience aucune ou à réparer celles qu'il y avait pu y avoir. Si un clan n'avait même pas l'argent nécessaire pour faire soigner la vue de leur héritier d'or, autant dire qu'ils étaient au-delà d'insignifiant. Un héritier déficient ne survivrait pas. Pour ce qui était de l'héritière d'argent, elle se souciait trop du groupe. Cela la tuera aussi. Lui, il visait la sortie. Grand Jeu, points privilèges, tout cela n'avaient plus aucun intérêt pour lui.

    -Hey, tu nous écoutes ?

    Xutik était fatigué de les entendre. Elles n'arrêtaient jamais. L'héritière d'or finit par lui saisir le bras pour le forcer à lui faire face :

    -Tu dois m'obéir je te signale. Je suis la plus élevée ici.

    Le garçon observa les lunettes. Elle n'y voit vraiment rien si on les lui enlève ? Se rendant compte que l'adolescente continuait de parler, il tenta de capter un mot ou deux.

    -Je ne sais pas comment les héritiers sont éduqués dans ton clan, mais chez moi, ils obéissent à tous leurs supérieurs.

    Xutik grimaça. Je suis un héritier d'or, connasse. L'adolescent se retint car il était aussi conscient que son veston le détrompait. Il faut que tu t'y fasses. En vérité, à présent, il oubliait qu'il ne portait plus l'or et acceptait même assez bien ce changement. Mais les trois quart du temps, il était avec Hiloy, Rafirin et Falibi et avec ces trois là, le veston était sans importance. L'héritier s'était habitué à voir lae Cinquième se faire gronder par Falibi, sans que cela ne provoque autre chose que des rires de sa part. Rafirin semblait même plus à l'aise en parlant avec lui qu'avec les filles. Malgré tout, Xutik n'aimait pas qu'on lui rappelle son infériorité nouvelle. Enfin, plus si nouvelle maintenant.

    Il se dégagea d'un geste sec de la prise de la jeune fille :

    -Je n'ai pas à t'obéir.

    Avant qu'il ne puisse se détourner, l'adolescente ajouta :

    -Tu sais que tu peux attirer des ennuis à ton clan avec ce comportement ?

    Xutik éclata de rire :

    -Mon clan, ouais, t'as raison...

    Puis il marmonna avec un sourire crispé :

    -Il en a plus rien à foutre mon clan.

    Vexée, l'héritière d'or lui cria alors qu'il s'éloignait à nouveau :

    -Je demanderais réparation à ton héritier d'or, je te préviens !

    Xutik en vint à se demander comment réagirait Hiloy si iel se retrouvait dans une situation délicate à cause de lui et réalisa, dans le même temps, que le clan qu'il devait considéré comme le sien n'était plus le clan de son père, mais bel et bien le clan Plilaz. Je fous dans la merde lae Cinquième du roi. Une bouffée d'angoisse le saisit et il s'arrêta pour réfléchir. Au bout d'une minute, il fut rassurer. Cette héritière d'or insignifiante n'oserait certainement pas faire face à lae Cinquième.

    -Tu devrais t'excuser.

    L'adolescent ignora l'héritière d'argent pour s'intéresser au paysage. Le chemin qu'ils suivaient commencé à descendre. On va finir dans les bois de toutes façons. Comme ils se rapprochaient de plus en plus, Xutik finit par se dire qu'il lui suffirait de partir à travers champ, dévaler la pente pour arriver dans les bois et les perdre.

    -Tu ne nous écoutes pas du tout en fait.

    Ah, elles n'ont pas fini. Il songeait réellement à se lancer quand un groupe arriva au-devant d'eux. Xutik s'arrêta pour les observer avec méfiance. Ce qui l'ennuyait, c'était que les nouveaux arrivants n'étaient pas trois, mais neuf. L'héritière d'or le doubla en déclarant :

    -Ils font des alliances. Ça peut être intéressant.

    Xutik fit la moue. Il n'aimait pas tellement les regards et la marche autoritaire des membres du groupe. Comme si la route leur appartenait. Faut pas rêver non plus. La jeune fille ne les avait pas atteint qu'ils leur lançaient :

    -Montrez nous vos blasons !

    L'héritière d'or s'arrêta :

    -En quel honneur ?

    Elle s'effondra sur le sol une seconde plus tard. Xutik aperçut le taser dans la main d'un des membres du groupe qui continuait d'approcher. .....OK, salut. Il bifurqua sur sa droite, dévalant la pente et courant droit vers les bois.

    Un coup de feu et son genou fut pulvérisé. Dans un hurlement, l'adolescent s'écroula, continuant à dévaler la pente. Ce qu'on ne voyait pas des hauteurs, c'était la faille inondée à la limite des arbres. C'est à l'intérieur que Xutik se retrouva, l'eau gelée lui bloquant la respiration. L'adolescent réussit à se redresser, l'eau lui arrivant au menton. Il aurait pu remonter, se hisser sur le sol, mais craignant que le groupe ne vienne vérifier son état, l'adolescent préféra se laisser porter par le léger courant. Faisant le moins de bruit possible, il s'éloigna de l'endroit, guettant le moindre bruit qui pourrait lui indiquer que des individus s'approcher.

    Le jeune homme se déplaça un long moment, perdant peu à peu ses sensations. Xutik finit par choisir de remonter, profitant de longues racines pour se hisser hors de l'eau. Son genou lui arracha un cri et des larmes quand il tapa contre une pierre en sailli. L'héritier rampa jusqu'à arriver dans un espace ensoleillé. Tremblant, il retira veston et chemise en remerciant son Roi qu'il n'y ait pas de vent. Il tenta de voir sa blessure à travers le trou fait dans son pantalon. Finalement, Xutik le déchira, retira sa chaussure et enleva le tissu. Il grimaça devant la bouilli qu'était devenu son genou et vida son sac sur le sol pour récupérer sa bouteille d'eau. Le garçon fit ce qu'il put pour nettoyer la plaie. C'est infecté. C'est clair. C'est la merde. Il retira le blason du veston et enroula celui-ci autour de sa jambe pour tenter de protéger sa blessure. Xutik regarda autour de lui avec un certain désespoir. Le gros du bois était derrière lui. Autour, il n'y avait que quelques arbres éparses. On ne peut pas tellement faire plus découvert que ça. Il pouvait encore apercevoir le flanc de la montagne qu'il avait dévalé, trop loin tout de même, pour qu'il s'inquiète d'être vu.

    Le soleil tapant fort, Xutik était déjà réchauffé et sec. Il étendit ses vêtements en espérant pouvoir attendre qu'ils soient également sec avant d'être obligé de repartir. Enfin, repartir... Après un instant de réflexion, Xutik retira son blason. La mère d'Hiloy lui avait transmis un blason d'argent avec son serpent à deux têtes. Il était rassuré de ne pas avoir été obligé de changer son symbole. Si le groupe veut voir les blasons, c'est qu'ils cherchent quelqu'un en particulier. Par contre, je me demande qui a pu se foutre dans la merde au point de s'attirer tant d'ennemi. Il accrocha le blason à l'intérieur de la poche de son pantalon. S'il demande le blason, c'est qu'ils ne savent pas à quoi la personne ressemble. Donc, si je n'ai plus mon blason, ils seront bien embêté.

    A présent, le soleil devenait insupportable. L'inconstance de l'humain. Heureux y a pas dix secondes et maintenant, je retournerais bien dans l'eau. Xutik soupira et jeta un regard languissant vers l'ombre d'un arbre. Faudrait que j'aille là-bas. Il remit ses affaires dans sons sac, pleurant intérieurement en réalisant l'état de ses sandwichs, puis, il entreprit de se traîner à l'ombre. Sa jambe lui arrachait des grimaces de douleur à chaque mouvements. L'adolescent était en sueur quand il arriva à destination. Il vida à nouveau son sac pour sécher au soleil ce qui pouvait l'être.

    Ce n'est qu'à la nuit tombée que Xutik s'ennuya suffisamment pour se décider à bouger. La douleur de son genou se rappela à lui assez rapidement pour qu'il change d'avis. Je vais pas passer mon temps ici quand même ? Les minutes s’écoulèrent et il dût bien se résoudre à admettre que, si, il resterait à cet endroit. L'adolescent finit par s'endormir alors qu'il commençait à se demander sérieusement s'il n'enlèverait pas son bracelet.

    J'ai de la fièvre... je suis sûr... Le jeune homme ouvrit les yeux et les referma de suite lorsque les rayons du soleil lui transpercèrent le crâne. Merde, j'ai dormi combien de temps ?

    -Il est là !

    -Je vous avais dit que je l'avais eu.

    Aux sons des voix, Xutik cessa aussitôt tout mouvement. Putain, j'ai vraiment la poisse. Il les écouta attentivement tandis qu'ils approchaient.

    -Ouais, il a quand même sacrément bougé pour un mort.

    -J'ai pas dit que je l'avais tué, j'ai dit que je l'avais eu.

    -Vos gueules tous les deux.

    Xutik déglutit difficilement en devinant qu'ils étaient à sa hauteur. Une fille prit la parole :

    -Il est où son blason ?

    Le garçon ajouta :

    -Où est son veston ?

    -Là, crétin.

    -C'est ça ?!

    Xutik n'avait pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir qu'ils parlaient de sa jambe. Pendant quelques secondes, il n'y eut plus rien, puis un autre héritier demanda :

    -Il dort où ?

    -Il a pas l'air bien surtout.

    L'adolescent sentit une main fraîche sur son front :

    -Je crois qu'il a de la fièvre.

    Je le savais ! D'autres mains retirèrent le veston de sa jambe, ce qui provoqua un ensemble de son de dégoût.

    -Eurk...

    -C'est dégueu...

    -Aha ! Vous voyez que je l'ai eu !

    Le groupe l'ignora, mais une héritière reprit la parole pour dire :

    -Elle est foutu.

    -De quoi ?

    -Sa jambe.

    Un autre intervint :

    -Donnez-lui des Soins.

    Cela provoqua des réactions violentes :

    -Pourquoi ?!

    -Ça va pas ?!

    Celui qui avait fait la proposition s'énerva :

    -Vous êtes cons où quoi ? Il a dit qu'il fallait qu'on ramène un maximum d'héritier.

    -Ouais, mais là... on va gâcher des Soins. Je suis pas sûre que ça serve à grand-chose là.

    Pendant ce temps, Xutik avait entendu le son du tissu que l'on retourne :

    -Il a pas son blason là.

    -Il l'a perdu ?

    -Comment il l'aurait perdu ?

    -On peut revenir au pourquoi on le soignerait ? Qui en a quelque chose à foutre ? Personne saura s'il crève ?

    -Et si c'est un des Cinq ?

    L'héritier répliqua avec dédain :

    -Y a que la Cinquième en première année abrutie.

    -Il a peut-être retiré son brassard.

    -Pourquoi il aurait fait ça ? Qui se dit en entrant dans le Grand Jeu : « tiens je vais retirer mon brassard, on sait jamais ».

    Qu'est-ce qu'ils leur veulent aux Cinq ? Le garçon qui avait proposé de lui donner des soins relança d'un ton sans réplique :

    -Vous la fermez et vous le soignez ! Merde ! On va pas y rester cent ans. On le ramène, point barre.

    Une fille osa glisser :

    -Ouais, et tant qu'à faire, je préfère qu'il marche plutôt qu'on ait à le porter.

    Suite à cela, Xutik sentit une piqûre dans son bras. Bon, ça, c'est déjà une bonne chose.

    -On va vraiment attendre là ? A rien foutre ?

    -Tu peux apprendre la liste des Bestioles.

    Il les entendit s'installer autour de lui, mais décida de continuer à jouer les inconscients. A force de rester immobile, sa position devint fortement inconfortable. Au bout d'un certain temps, il se résolut à bouger malgré sa crainte d'attirer l'attention du groupe. Le jeune homme attendit le cœur battant une réaction, un commentaire, mais personne ne réagit. A peu près soulagé, il se permit un somme.

    Lorsque le nouvel héritier d'argent se réveilla, ce fut pour hurler de douleur. Cela mit le branle-bas de combat dans le groupe qui l'entouré.

    -Qu'est-ce qu'il a ?!

    -Il se passe quoi ?!

    Fou de douleur, Xutik n'entendait rien et tentait d'arracher sa jambe à coup de griffes. Des mains le plaquèrent au sol, pendant qu'il se débattait en criant.

    -C'est sa jambe ! Je vous avais dit qu'elle était foutue !

    -Qu'est-ce qu'on fait ?

    -Il faut coupé. Les soins sont en train de cicatriser sans tenir compte du reste de la jambe.

    -Quoi ?!

    -Ta gueule et coupe.

    Une fille sortit une hachette de sa ceinture :

    -J'ai ça... je le fais ?

    -Évidemment ! Qu'il arrête au moins de gueuler !

    -Si ce n'est que ça.

    Xutik reçut un coup violent au crâne qui lui fit perdre connaissance. 


    Le garçon ouvrit les yeux sur le brouillard. Il finit par comprendre qu'il s'agissait de sa vision et non d'un vrai brouillard. Peu à peu, il y vit plus clair et se redressa sans se soucier de son entourage. Xutik voulait absolument voir sa jambe ou ce qu'il en restait. Le moignon était incroyablement lisse, comme s'il était né ainsi. L'héritier passa sa main sur la peau, cherchant le reste du regard. Une grande fille qui dormait à proximité se réveilla et le regarda faire avant de dire :

    -Il y a eu un problème.

    Les larmes aux yeux, Xutik se tourna vers elle, l'air mauvais :

    -Non, sans rire.

    Sans se démonter, elle ajouta :

    -Ton genou ne pouvait pas être soigné. Les soins ont cherché à s'en débarrasser, c'est pour ça que tu as eu mal.

    Xutik renifla :

    -Je me souviens vaguement d'une hachette.

    -On a dût couper. Les Soins te rongeaient, ils ne pouvaient pas réparer, alors ils essayer de se débarrasser...

    -Je m'en branle.

    Elle pinça les lèvres se retenant d'ajouter un commentaire. Un jeune homme s'approcha alors :

    -Bon on va pouvoir y aller. Debout tout le monde.

    Xutik l'ignora, toujours concentrer sur sa jambe manquante. Des mains finirent par le saisir pour l'aider à se lever. Le jeune homme manqua tomber et demanda avec une colère dans la voie :

    -J'avance comment exactement ?

    -On a prévu.

    Sans montrer la moindre émotion, l'adolescent fit signe à un autre membre du groupe qui s'approcha tenant deux bâtons qu'il donna à Xutik.

    -On les a un peu modifié.

    Xutik les prit en main. Les bouts avaient été renforcé avec des cordes et du tissu, lui permettant une prise et appui. Avec ces béquilles improvisées, il put avancer. Il fallut un moment à l'adolescent pour s'habituer à cette progression bancale. Trop concentré sur ses jambes, il ne chercha pas à parler aux membres du groupe. L'héritier ne remarqua pas la direction qu'ils prenaient, ni depuis combien de temps. Ce n'est que lorsque l'explosion eut lieu qu'il reprit conscience de ce qui l'entourait.

    Un des membres du groupe était étendu un peu plus loin, le torse explosé. Incapable de penser pendant une seconde, il fixa le sang, les entrailles déchiquetées, le cœur à découvert.

    -Oh bah merde alors.

    Les autres se mirent à crier, vomir, faire demi-tour. Mais aucun ne put partir. Même Xutik qui tentait de reculer, se trouva acculer contre un mur invisible qui s'était dressé dès qu'ils étaient entrés dans la zone. Maladroitement, il s'accroupit pour découvrir une fine encoche au sol, dissimulé par la terre et l'herbe. La barrière sort de là. Le garçon suivit la fine rainure du regard qui semblait faire une courbe. Sans doute un grand cercle. Se doutant qu'il n'y aurait pas de passage de ce côté, il reporta son regard vers le cadavre. Ce n'est que là qu'il en remarqua quelques autres éparpillés sur le terrain. Comment ils n'ont pas remarqué les corps ? Les autres s'étaient agglutinés le long de la barrière. Certains ne semblaient plus en capacité de réfléchir, d'autres, comme Xutik, tentaient déjà de trouver un sens à la situation. L'ancien héritier d'or s'assit, rageant intérieurement d'être déjà fatigué à cause de sa seule jambe.

    La question maintenant est : « Qu'est-ce qui les a tué ? » Se contentant de pivoter la tête, le garçon observa le sol qui l'entourait. Il ne repéra rien qui ne lui sembla suspect. Aux vues de la distance du corps qui venait d'exploser et sa disposition, Xutik déduisit que cette personne ne devait pas être tellement loin de lui. Je ne devrais pas risquer grand chose à essayer de m'approcher. Il commença à essayer de se relever, pestant contre la difficulté qu'il avait à effectuer une tâche si simple. L'adolescent s'arrêta soudain, en se demandant s'il n'y avait pas une Bestiole qu'il n'avait pas encore vu qui traînait dans le coin. Sous terre alors... Xutik devint hésitant. Si c'était une Bestiole qui se trouvait sous terre, peut-être se repérerait-elle aux vibrations pour l'attaquer. Mais si c'est ça ? Comment expliquer que le corps est explosé ? Il ne l'aurait pas dévoré ?

    Après un long moment de réflexion, Xutik se décida à adresser la parole aux autres :

    -Vous avez vu ce qu'il s'est passé exactement ?

    Un garçon lui répondit :

    -Il a juste explosé.

    Xutik attendit des précisions, mais chacun semblait perdu dans ses pensées. En en voyant qui regardait leur tablette, une évidence lui vint. Mais quel con.

    Il se rassit avec précaution et afficha le menu des Bestioles sur sa tablette. Il avait parcourut la description d'une bonne dizaine de créature, sans en trouver une qui lui sembla correspondre, quand des voix lui parvinrent. L'adolescent se retourna et aperçut trois garçons qui approchaient :

    -Ils ne nous voient pas ?

    Une fille se leva en même temps que deux autres adolescents en répondant :

    -On a rien vu non plus.

    -La barrière nous fait croire que la plaine est vide.

    Les héritiers tapèrent et crièrent contre la barrière de toutes leurs forces en espérant sans doute les avertir. Les garçons ne s'arrêtèrent pas un instant. Bon, bah tant pis. Xutik les regarda s'approcher de la zone sans rien pouvoir faire pour les prévenir. Ils entrèrent à plusieurs mètres de lui. Sitôt qu'ils passèrent la barrière, les membres du groupe crièrent :

    -Stop !

    Les héritiers s'arrêtèrent en sursautant, puis ils observèrent les alentours et découvrirent les corps. De là où il se tenait, Xutik ne put entendre ce qu'ils se disaient, mais il en vit un s'avancer vers l'un des cadavres. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée ça.

    Soudain, le corps du garçon se contracta, sa bouche s'ouvrit comme pour crier, mais aucun son ne sortit. Puis, il fut secoué de tremblement avant que son torse n'explose. Xutik eut un mouvement de recul devant l'éjection de boyaux. Il entendit les deux autres crier malgré la distance et l'agitation du groupe derrière lui. Mais c'était quoi ? Il n'avait sentit aucun tremblement dans le sol qui aurait pu faire penser que quelque chose se déplaçait dessous. L'un des garçons en panique se mit à frapper la barrière, la longeant en espérant y trouver une faille. Toujours pas une bonne idée. Au bout de quelques pas, comme le premier, il s'arrêta, se crispa, puis trembla et explosa. Xutik grimaça en s'efforçant de rester sur place. Quand le dernier garçon du groupe eut finit de vomir ses tripes, le nouvel héritier d'argent lui cria :

    -Qu'est-ce que c'était ?!

    L'adolescent se redressa, le regardant sans comprendre. Xutik répéta sa question plus fort. En réponse, le garçon haussa les épaules en secouant la tête. Il n'a rien vu. Comment c'est possible ? Il n'était pas si loin. Le garçon baissa les yeux. C'est forcé, ça vient du sol, mais quoi ? Xutik chercha un objet quelconque qui pourrait lui permettre de mener des tests. Finalement, il se décida à prendre un des sandwich, devenu immangeable depuis son passage dans l'eau, dans son sac. Si c'est une Bestiole, peut-être que ça va l'appâter quand même. Il étendit le bras au-dessus du sol en tenant le sandwich. Rien ne se produisit.

    -Tu fais quoi ?

    Xutik ignora la question d'un des garçons du groupe et se contenta d'observer. Donc, il faut nécessairement un contact avec le sol... ou le sandwich n'est pas assez appétant...apét... apétruc...

    -Tu commences à perdre la boule, mon grand.

    -A qui tu parles ?

    Ignorant toujours son interlocuteur, l'adolescent ramena son bras en continuant de fixer le sol. Eh, je peux tenter ça. Il prit son sac et le posa à différents endroits, se reculant à chaque fois par précaution. Non, toujours rien... c'est peut-être une question de poids... ou de pas...

    L'adolescent observa la disposition des différents corps, en essayant de définir une forme ou un point commun qui pourrait l'aider à définir la cause de leur mort. Finalement, il se tourna vers les autres adolescents présents. Je ne pense pas qu'il y aura un volontaire pour faire quelque pas pour voir. Xutik les observa un moment alors que deux ou trois continuaient de faire des recherches sur sa tablette. C'est vrai que j'étais parti sur ça à la base. Se replongeant dans la liste, il commença à se demander si ce n'était pas des genres d'asticots. Des asticots qui te dévoreraient très très vite. Il se redressa en quittant sa machine des yeux :

    -On revient au fait qu'ils n'ont pas été dévorés.

    -Tu crois aussi que c'est une Bestiole ?

    Xutik finit par planter son regard sur l'adolescent qui n'arrêtait pas de lui adresser la parole depuis tout à l'heure :

    -Tu peux fermer ta gueule et rester avec tes potes ?

    Le garçon se rembrunit et s'adossa à la barrière l'air boudeur. Là, Xutik se rendit compte que le ciel s'obscurcissait. Je vais devoir dormir ici... OK... il hésita à tenter de poser son sac à côté de lui pour s'en servir d'oreiller. Dans quelles proportions, je peux m'étendre dans cette zone ? Par prudence, il préféra se caler contre le mur en espérant ne pas glisser sur le côté. Ça ne m'aidera pas à savoir comment sortir. Parce qu'il faudra bien que je sorte. Des murmures attirèrent son attention et il tendit l'oreille discrètement vers le groupe. De toute évidence, ils avaient une idée qui ne faisait pas l'unanimité du groupe. J'aurais peut-être dû être sympa. S'ils trouvent comment sortir maintenant, ils ne me le diront pas. Un garçon et une fille se levèrent, malgré la désapprobation d'une bonne moitié de ceux qui restaient. L'un des héritiers qui se tenait à la gauche de Xutik parla fort pour demander :

    -Vous faîtes quoi ?

    Sans répondre, les deux adolescents s'élancèrent dans deux directions différentes. A quelques secondes de décalage, ils connurent le même sort que les autres. Bon bah tant pis. Le nouvel héritier d'argent discerna des sanglots sans qu'il n'arrive à savoir exactement qui pleurait. Le jeune homme qui venait d'interroger le groupe, demanda encore :

    -C'était quoi l'idée ?

    Un héritier d'or du groupe dont Xutik reconnut la voix comme celle de celui qui avait réclamé les Soins, lui répondit :

    -Ils pensaient qu'il était possible que deux personnes ne pouvaient pas être attaqué en même temps.

    -Vous savez ce que c'est ?

    L'héritier secoua la tête. Après cela, il n'y eut plus de tentative avant l'obscurité.

    La nuit tomba inexorablement, sans que Xutik puisse progresser dans ses réflexions. Il fixait le corps à quelques pas de lui, jetait parfois un regard vers les autres héritiers présents qui ne semblaient pas en mener plus large que lui. l'adolescent crut bien mourir d'ennui. Il n'avait aucune idée. Aucune idée sur la façon dont il pouvait traverser, aucune idée sur la façon dont il pouvait sortir, aucune idée sur ce qui risquait de le tuer. Alors, quand la nuit fut là, c'est avec un certain soulagement qu'il se couvrit de sa couverture de survie et ferma les yeux, prenant la position qu'il avait testé plus tôt. Demain est un autre jour. Cela va rafraîchir le cerveau.

    Xutik se réveilla, allongé sur le sol. Il s'étira, bailla, resta quelques secondes sans bouger avant de se redresser en se souvenant soudain de la situation. Il avait en fait tenter de se lever, oubliant sa jambe manquante et était retombé aussi sec.

    Une fois assis il se figea, ne bougeant que les yeux pour tenter de voir si quelque chose avait changé.

    -Bon, au moins, t'es pas mort.

    L'adolescent baissa les yeux vers l'endroit où il était allongé. Est-ce que ça veut dire que ce coin est aussi sûr? Il y posa son sac pour se le rappeler. Au moins, je pourrais m'allonger un minimum. Un regard autour de lui, lui rappela qu'il n'était pas plus avancé. Xutik se tourna vers les deux garçons sur sa gauche qui s'étaient recroquevillés sur eux-même pour dormir :

    -Hey ! T'as trouvé quelque chose ?!

    L'héritier ne bougea pas. Ils dorment ou ils sont morts ?

    -Hé ho ! Ho !!!

    Des râlements lui parvinrent du groupe à sa droite, mais ils les ignora. Il crut bien le voir bouger, mais n'en fut pas sûr vu la distance.

    -Il y a forcément des zones sûrs. Sinon, on serait déjà mort.

    Xutik écouta l'héritière avec attention. Dans le silence qui les entourait, ce n'était pas bien difficile de l'entendre. Un adolescent ajouta :

    -C'est évident. Je suis sûr qu'il doit y avoir un passage sûr pour aller au bout.

    Un autre demanda :

    -C'est pas une Bestiole alors ?

    -Elle nous aurait déjà tuer si c'était le cas.

    Xutik parla fort pour se faire entendre :

    -Peut-être que c'est une Bestiole qui ne se repère qu'aux vibrations que l'on fait en marchant.

    La fille lui répondit :

    -On a forcément bouger cette nuit et personne n'est mort.

    Xutik n'était pas convaincu et l'un des garçons à sa gauche semblait de son avis :

    -Ce n'est pas la même chose quand on bouge en dormant et quand on marche.

    L'adolescent qui suivait la fille se leva :

    -Ouais, bah, en attendant, si vous voulez rester pourrir ici, c'est comme vous voulez. Perso, j'en ai marre et je suis prêt à tenter un truc.

    Xutik haussa les sourcils. Ah bah, j'ai hâte de voir ça. Une autre fille proposa :

    -Peut-être que si on marche sur quelque chose. Si on ne marche pas directement sur le sol, peut-être qu'on est pas atteint.

    La première héritière se décida :

    -Il suffit d'utiliser nos sacs. On les pose, on voit s'il se passe quelque chose, puis on prend un autre sac et on le pose plus loin etc.

    Le garçon qui avait fait donner des soins à Xutik et qui ne parlait pas beaucoup, finit par prendre la parole :

    -Deux sacs pour un héritier... comment feront les autres ?

    L'autre garçon à la gauche de Xutik pointa un des corps du doigt :

    -On a qu'à récupérer les leurs.

    Des approbations se firent entendre dans le groupe. Seul Xutik restait dubitatif. Enfin, même si ça marche, moi, je suis dans la merde. Il baissa les yeux vers sa jambe manquante. Je suppose que le côté positif à tout ce merdier, c'est que j'ai pas eu tellement le temps de pleurer sur mon sort. Un autre adolescent résuma :

    -Donc, vous allez chercher le chemin sûr en utilisant les sacs pour détecter les pièges.

    Visiblement, pour eux, ça tient plus du champ de mine que la Bestiole. Xutik s'installa plus confortablement. Après tout, il n'avait rien à perdre à les regarder essayer.

    Ils furent deux à tenter le coup dans des directions différentes. Ils progressaient lentement, attendant un bon moment avant d'oser avancer sur le sac poser plus avant. Les deux adolescents s'approchèrent chacun d'un corps pour en récupérer leurs affaires. L'héritière tenta de séparer le sac des restes de ce qui avait du être un bras. Elle finit par vomir un moment avant de pouvoir se remettre à la tache. De son côté, l'autre volontaire n'en menait pas plus large. J'aurais presque pitié, tiens. Un des héritiers à sa gauche demanda :

    -On ne pourrait pas utiliser les vestes avec les sacs ? Une veste, un sac.

    On lui répondit :

    -C'est peut-être pas assez épais.

    Xutik en profita pour mettre son grain de sel :

    -Vous avez laissé nourriture et boisson dans vos sacs ? Je demande ça comme ça... ce serait con quand même... de piétiner...

    -Évidemment qu'on a enlevé les vivres !

    Pas la peine de s'énerver. Tous suivaient avec attention, retenant leur souffle, les progrès des deux héritiers.

    -Donc, les sacs sont quasiment vides... et vous croyez qu'ils sont plus épais qu'un veston plié ?

    Xutik appuya ses paroles en pliant sa propre veste pour la comparer à son sac.

    -Tu veux bien la...

    La phrase se perdit dans une explosion. Ah. Xutik releva les yeux pour voir que la fille n'était plus qu'un souvenir.

    -Ça n'a pas l'air de marcher.

    L'autre garçon semblait hésiter sur la marche à suivre. Un des son groupe lui fit signe de revenir :

    -Essaie de repasser par là où t'es venu.

    L'héritier hésita encore avant de décider :

    -Non, je vais essayer de récupérer ses affaires et je reviens au bord.

    Xutik secoua la tête :

    -Pourquoi récupérer ses affaires ? Il n'y a rien à en faire.

    Le jeune homme lui répliqua :

    -Peut-être qu'avec deux sacs, ça passera.

    Vraiment ? Une histoire d'épaisseur ? C'est con de risquer sa vie pour une histoire d'épaisseur. Cependant, l'adolescent se rapprocher sans trop de problème. Sous les encouragement de son groupe, il récupéra le sac de sa compagne, celui du mort et se dirigea vers le bord en doublant l'épaisseur comme il l'avait dit. Xutik le vit venir vers son coin avec une certaine appréhension :

    -Tu veux pas plutôt...

    L'adolescent s'arrêta et commença à trembler. Oh, merde. L'air renfrogné, Xutik se couvrit comme il put avec sa couverture de survie. Près de lui, les encouragements s'étaient changés en désespoir. Le silence tomba après l'explosion. Xutik rentra la tête dans les épaules quand un liquide chaud se rependit dans son dos. Mmmh, dégueu. Le choc d'un corps qui tombe, puis les hurlements des survivants qui réalisaient ce qui venait de se passer. Le garçon ne s'en préoccupa pas. Il retirait la couverture avec une grimace de dégoût et la laissa tomber au sol en refusant d'y jeter un œil. Il avait certainement quelque chose dans les cheveux, mais il ne chercha pas non plus à y passer la main. Il eut un frisson en imaginant des morceaux de viscères sur sa tête, lorsque quelque chose attira son attention. Le corps du garçon se trouvait suffisamment proche pour qu'il puisse discerner ses chaussures.

    -Il a quelque chose sous le pied.

    Comme personne ne réagissait, Xutik leva le regard pour remarquer que le garçon le plus proche de lui était bouche bée, les yeux exorbités. Ne jamais avoir trop d'espoir, la chute est brutale. Il lui envoya son sandwich:

    -Hey.

    Le garçon se tourna vaguement vers lui et comme il ne le sentait pas très concentré, Xutik dit plus fort :

    -Hey, tu te réveilles ?

    -Quoi ?

    Le garçon avait au moins fermé la bouche, cela valu d'attirer l'attention des trois restants. Le nouvel héritier d'argent pointa la chaussure du cadavre :

    -Qu'est-ce qu'il a sous le pied ? J'arrive pas bien à voir de là où je suis.

    L'adolescent continuait de le fixer, le regard vide. Ça fait pas tilt apparemment. Il pointa le corps :

    -Y a un truc rouge sous son pied.

    L'héritier se tourna lentement vers le cadavre et resta de nouveau sans bouger. Oh, putain.

    -De quoi tu parles ?

    Ah, il a l'air plus dégourdi lui.

    -Je dis qu'il y a quelque chose sous son pied. Il faudrait voir c'est quoi exactement.

    La réflexion fut interrompu par les deux adolescents sur sa gauche. L'un d'eux avait tenté de retirer son bracelet, mais l'autre l'en empêcha :

    -Qu'est-ce que tu fais ?! On va perdre des points.

    -J'en ai rien à foutre. Ils faut qu'ils viennent nous chercher.

    Celui qui l'empêchait d'agir se tourna vers les autres :

    -Il y a forcément un moyen de sortir. Il faut qu'on trouve lequel.

    Xutik tapa dans ses mains pour attirer leur attention :

    -Je disais ! Le gars à un truc sous le pieds ! Il faudrait voir ce que c'est ! C'est probablement lié à ce qui l'a tué !

    -Ça va ! Pas la peine de gueuler !

    Sérieusement ?

    -Pourquoi tu vas pas voir ?

    Xutik revint au garçon de l'autre groupe :

    -Avec quelle jambe ?

    -Penches-toi, tu verras mieux.

    -Je veux bien, mais ce serait plus facile de votre côté.

    Finalement, un héritier restait silencieux jusque là se dévoua :

    -Il y a du sang... comme s'il avait marché sur quelque chose.

    La dernière fille encore en vie, énonça à haute voix, la pensée qui traversait l'esprit de Xutik :

    -Il y a quelque chose qui sort du sol par endroit.

    Xutik ramassa sa veste pour y enrouler son sac. Il prit le temps de viser avant de le jeter à l'endroit où le garçon s'était tenu avant de mourir. Son paquet eut comme un sursaut avant de rester immobile.

    -Quelqu'un peut me rendre mes affaires ?

    Son geste avait attiré l'attention du groupe qui le regardait maintenant sans aucune intention de bouger, apparemment.

    -Ça va, vous avez juste à tendre le bras.

    Le plus grand du groupe se décida à tendre le bras pour saisir la veste avec quelques peines, en grimaçant avant de le lui relancer. Xutik observa les tissus et finit par apercevoir des trous en cercle. Des pointes avec du poison ? Je ne vois que ça de toute façon.

    -Qu'est-ce que c'est ?

    L'héritier leva les yeux vers le garçon :

    -Ah, on s'intéresse à moi maintenant ?

    Les autres membres du groupe le regardaient également, alors il finit par leur montrer les trous dans sa veste :

    -Je crois que quelque chose sort du sol à certains endroits pour donner du poison.

    Le garçon qui avait cherché à enlever son bracelet demanda :

    -Pourquoi t'as mis ton sac dans ta veste ?

    -Pour faire un peu plus de poids. Au cas où ce serait vraiment lié au poids.

    Xutik fixait la chaussure ensanglantée en répondant, quand un autre pointa les bois à leur opposé :

    -La sortie est par là, non ? On fait comment pour y arriver ?

    Xutik sourit :

    -Un volontaire pour retenter une traversée ?

    Comme ils le regardaient tous, il reprit son sérieux avant d'ajouter :

    -Pour la science.

    Un héritier dit froidement :

    -Tu crois que c'est le moment de rigoler ?

    Xutik serra les dents et, pendant une fraction de seconde, le visage de Gec-Nüj remplaça celui du garçon alors qu'il s'imaginait lui mettre son poing dans la figure. Pourtant, il se retint pour demander :

    -Des idées ?

    L'héritière leva son poignet libéré du bracelet :

    -Personnellement, j'attends.

    Celui qui avait protesté plus tôt, lui dit :

    -Ils ne viendront pas.

    -Qu'est-ce que tu en sais ? Ça ne me coûte rien d'attendre.

    -Ah ouais ? Et quand tu n'auras plus rien à manger et boire, tu feras quoi ?

    Xutik fronça les sourcils. Parce qu'ils ont encore à manger eux ?

    -Il doit y avoir un interrupteur. Comme dans le premier Grand Jeu.

    Ah, il se réveille maintenant, lui. Un autre héritier lui parla d'un ton tranchant :

    -On nous l'aurait signalé.

    Xutik finit par taper de nouveau dans ses mains :

    -Qu'est-ce qu'on fait ?

    C'est la question du jour, je pense. Personne ne trouva quoi répondre, mais Xutik continua de réfléchir à un moyen de traverser sans risquer l'empoisonnement. Il essaya de se souvenir les chemins emprunter par ceux qui s'étaient lancés plus tôt.

    Lorsque la pluie commença à tomber, il plaça sa couverture de survie sur sa tête pour se protéger. Recroquevillé, les bras autour de ses genoux, le front posé dessus, il commença à penser aux salles chauffées de l'école. Reste concentré. Il faut te barrer d'ici. Son lit, sa chambre. L'adolescent se rendit compte qu'il pensait à son ancienne chambre, celle qu'il partageait avec Gec-Nüj. Ses pensées se mirent à tourner autour de l'ancien héritier d'argent, alors qu'il s'efforçait de rester concentrer sur sa situation. Un anniversaire, un jeu dans la cours d'école, des secrets d'enfant. (Je voudrais un ami intelligent). Chaque parole et action de Gec-Nüj prenait soudain un double sens. La colère gronda de plus en plus fort dans sa poitrine. Jusque là, Gec-Nüj n'était devenu qu'une ombre secondaire. Le néant avait été trop présent et Xutik s'en souciait plus que du nouvel héritier d'or qui n'osait même plus croiser son regard. Ce n'était certainement pas par honte, seulement, il devait maintenant craindre l'union. Le moindre geste, la moindre parole et il devait s'imaginer qu'ils le feraient assassiner. Cela n'était jamais vraiment venu à l'esprit de Xutik, mais comme cela lui apparaissait à présent, il sourit. Le nouvel héritier d'argent leva légèrement la tête. Le rideau de pluie devant lui n'arrivait pas à dissimuler le néant derrière. Ce n'est peut-être que la nuit.

    Il fallut plusieurs heures pour que la pluie s'arrête. Le sol détrempé avait commencé à se changer en boue. La faim se rappelant douloureusement à lui, Xutik croisa les bras sur son ventre. Je doute que les autres m'en donnent, même si je leur demande gentiment. L'adolescent se souvint qu'Hiloy avait veillé à ce qu'il ait sa part des provisions dans le premier Grand Jeu. Pas Gec-Nüj. Elle l'avait également aidé quand on avait essayé de l'assassiner. Quand Gec-Nüj a voulu m'assassiner. Tout défilait dans son esprit, alors qu'il prenait une gorgée d'eau glacée qui le fit grimacer. Lorsqu'il avait été blessé au crâne, pendant le premier Grand Jeu, il s'était endormi et s'était réveillé pour réaliser qu'on avait soigné sa plaie. C'était Hiloy. Cela lui sembla soudain évident, et même s'il se trompait, il était sûr d'une chose. Ce n'était pas Gec-Nüj.

    -Qu'est-ce que tu fais ?!

    Xutik se tourna vers le groupe à côté de lui. L'héritière d'argent s'était levée et avait fait un pas vers la sortie.

    -Ils ne viendront pas.

    Xutik resta recroquevillé en écoutant leur discussion. La fille ajouta :

    -Ils seraient déjà venus s'ils avaient eu l'intention de nous aider.

    Le garçon près de Xutik marmonna :

    -On te l'avait dit.

    La pluie recommença à tomber tandis que la fille semblait hésiter. Finalement, elle leur tourna le dos et commença à marcher. Xutik la suivit du regard sans réagir. En fait, personne ne tenta de l'arrêter à nouveau, car chacun espérait qu'elle leur trouverait un chemin sûr. L'héritière d'argent évita l'endroit où s'était tenue ses camarades, égara un regard vers les corps, retint un sanglot et reporta ses yeux vers la sortie. Avant que l'adolescente ne puisse reprendre son avancée, un des garçons demanda :

    -Regarde s'il n'y a pas quelque chose qui marquerait les endroits à éviter.

    La jeune fille se pencha sans oser effleurer l'herbe pour lui dégager la vue :

    -Non, il n'y a rien de spécial. Je ne vois rien.

    Il y eut un silence avant qu'elle ne se décide à se remettre en marche. Un... deux... trois... quatre... Xutik comptait les pas sans trop d'attention, mais comme l'héritière d'argent continuait d'avancer, toujours bien vivante, il se redressa. L'adolescent crut bien que ceux d'à côté retenait leur souffle. Lui-même était maintenant, si concentré sur la fille que plus rien n'existait autour. Elle avançait encore et encore, s'arrêtant près de différent corps pour tenter de définir à quel endroit ils avaient marcher. La pluie se renforça, mais Xutik ne le remarqua pas. Il écarta d'un geste agacé de la main une mèche de cheveux lichen dont les gouttes lui tombaient dans l'oeil. Elle doit être à la moitié maintenant. La pluie finit par la cacher à leur regard, alors le garçon guetta le bruit d'une explosion, mais rien ne se fit entendre. Au bout de plusieurs longues minutes, l'un des héritiers demanda d'une petite voix pleine d'espoir :

    -Elle est passée. Elle est passée non ?

    Xutik garda les yeux au loin. Le néant, après tout, se trouvait là-bas. Elle doit pouvoir traverser le néant elle. Il se souvint soudain qu'il avait dit aux filles qu'il se moquait de mourir. Alors, pourquoi tu ne tentes pas aussi ? La vérité, il la connaissait. Il avait bien trop peur du néant. Après les minutes, se furent des heures qui passèrent, puis dans une longueur de temps glacial, le jour céda sa place à la nuit. Xutik était trempé jusqu'aux os malgré sa couverture de survie. Il fit un temps jouer son pieds dans la boue, conscient de sa chaussette imbibée d'eau et du liquide qui glissait entre ses orteils. L'héritier chercha à se souvenir de la chaleur sans y parvenir. Ses provisions étaient complètement vides, ses vêtements collés à son corps et la pluie continuait de tomber. 



    Un coup de tonnerre le réveilla. Dans la teinte noir-bleu de l'aube naissante, il vit les ombres des arbres, en dehors de leur cage, penchées sous le poids d'un vent violent. Au moins, la barrière nous protège de ça. Il vit un éclair zébrer le ciel, puis entendit le tonnerre tout près. Son corps était secoué de tremblement. Toujours recroquevillé sur lui-même, il reposa son front sur ses bras. Je vais avoir de la fièvre tiens. Il se demanda si les deux filles qui l'avaient accompagné étaient encore en vie. J'aurais un peu les boules qu'elles s'en sortent pendant que je reste coincé là.

    Gec-Nüj ne tarda pas à revenir le hanter et la colère qui l'accompagnait se fit plus forte. Quand le jour se leva, du moins, il le supposa car le ciel restait d'un gris sombre au lieu de noir, Xutik prit la résolution d'entrer le code d'Hiloy dans sa tablette. Il eut toutes les peines du monde à agir. L'écran mouillé ne captait pas correctement le placement de ses doigts gourds. Comme cela ne fonctionnait pas, il finit par enrager et renonça. Je le ferais quand la pluie aura arrêté. A force de rabâcher tout ce qui était arrivé depuis le début de l'année, Xutik avait éprouvé un élan de reconnaissance envers lae Cinquième. Sa position ne lui semblait plus si mauvaise. Au lieu de n'être qu'un héritier d'or perdu au milieu des autres, il était devenu le seul héritier d'argent d'un des Cinq. C'était Hiloy, pas Gec-Nüj.

    -J'ai une question.

    Maintenant que l'attention était sur lui, Xutik demanda :

    -Pourquoi vous cherchez lae Cinquième ?

    -Comment tu sais ?

    Non, mais il est vraiment con celui-là. Son camarade lui répondit :

    -Il a dû nous écouter parler, crétin.

    -C'est ça. Vous lui voulez quoi à lae Cinquième ?

    Les trois adolescents échangèrent des regards. En vérité, à force de s'imaginer, encore et encore, en train de pousser Gec-Nüj sur le sol, de l'écraser jusqu'à ce que des centaines de pointe le transpercent et le fassent exploser, une idée avait commencé à se former dans son esprit. Mais il faut un volontaire. La seule chose qu'il espérait maintenant, c'était que le dernier élément qui lui manquait pour passer à l'action se produirait avant qu'il ne perde toutes ses forces.

    Lorsque la pluie s'arrêta, ce fut comme si un poids se dégageait de sa tête. Il avait l'impression que cela faisait trois siècles qu'il n'avait plus levé les yeux au ciel. Son corps pesait toujours aussi lourd et le soleil resta caché derrière les nuages ne leur accordant pas le réconfort d'une quelconque chaleur. Xutik baissa de nouveau son regard. Le néant lui semblait beaucoup plus proche maintenant.

    -Pourquoi vous voulez lae Cinquième.

    -On t'a pas répondu la première fois, pourquoi on le ferait la deuxième ?

    - Pourquoi vous cherchez lae Cinquième ?

    -Inquiète toi plutôt de toi. Tu comptes partir comment avec une jambe ? Tu devrais retirer ton bracelet et attendre.

    Xutik lui sourit :

    -Vous êtes combien exactement ? Si j'ai bien compris, il y a quelqu'un qui commande. C'est quoi ? Vous cherchez les quatre autres aussi ? Je pense que oui.

    L'adolescent se détourna de lui, mais l'idiot reprit :

    -C'est pas tes affaires.

    -Oh, pardon. J'ai un peu perdu une jambe dans l'affaire, alors. Mais si vous cherchez lae Cinquième, il vaut mieux me garder en vie.

    De nouveau, les regards convergèrent vers lui.

    -Je suis son héritier d'argent après tout.

    Le dernier du trio qui était resté silencieux prit la parole :

    -Tu comptes sur une rumeur pour qu'on t'aide ?

    -Ce n'est pas qu'une rumeur. J'ai entré son code dans ma tablette. Je saurais quand iel sera à proximité.

    Il leva son bras pour appuyer ses propos. Cela ne fonctionna pas vraiment car l'adolescent qui parlait pour le trio déclara :

    -C'est facile à dire. Je ne crois pas que tu puisses prouver ce que tu dis.

    -Et s'il dit vrai.

    -Il veut simplement de l'aide parce qu'avec une jambe en moins, il est mal barré.

    L'autre s'adressa à Xutik :

    -Retire ton bracelet alors.

    L'interpellé sourit :

    -Non, il semblerait que Hiloy aura besoin d'aide.

    Depuis le temps qu'il se trouvait obligé de ressasser sa vie, le nouvel héritier d'argent avait commencé à se sentir honteux. Avait-il seulement remercié lae Cinquième de l'avoir sauvé en le prenant comme héritier d'argent et, par la même, en lui sauvant la vie, encore une fois. C'était Hiloy, pas Gec-Nüj. Xutik se décida à agir. Si le dernier élément ne voulait pas se déclencher, il ferait en sorte que cela arrive. De plus, il se sentait malade. Ce sera probablement ma dernière chance.

    Il se redressa faisant craquer son dos. En se dépliant, l'adolescent eut presque l'impression d'avoir chaud. Cela ne dura pas et un violent frisson le secoua des pieds à la tête. Avec des gestes lents, transi de froid, il rangea sa couverture dans son sac qui ressemblait plus à une serpillière qu'autre chose. Au moins, ma veste doit être propre. Le garçon eut un petit rire sans joie en la rajustant une fois les bretelles passées à ses bras.

    Xutik se déplaça légèrement pour se trouver plus près du corps du dernier héritier tué :

    -Qu'est-ce que tu fais ?

    L'adolescent ne répondit pas. Il avait l'impression que chaque mot prononcé le privait de force. Une fois qu'il se jugea assez proche, Xutik saisit la jambe du corps et ramena le cadavre à lui, puis le retourna sur le ventre.

    -Hey, qu'est-ce que tu fais ?

    Devant les actions de Xutik, l'adolescent sur sa gauche semblait avoir retrouvé un semblant d'énergie. Lorsque le nouvel héritier d'argent grimpa sur le dos du mort, le garçon s'emporta. Saisissant la veste et le sac de Xutik, il le tira en hurlant :

    -Non, mais ça va pas non ?!

    L'ancien héritier d'or résista, se penchant du côté opposé. Le voyant faire, l'autre héritier tira derechef. Xutik se laissa soudain emporter, ce qui déséquilibra son opposant qui tomba sur le dos, emportant l'adolescent qui lui tomba dessus. Cette fois, Xutik fut suffisamment proche pour entendre le déclenchement métallique des pointes. Il vit les yeux de l'héritier s'agrandir d'horreur avant de se dégager pour revenir à l'endroit sûr, où ils étaient restés assis tout ce temps.

    Xutik se cacha la tête entre ses bras en attendant l'explosion. Quand un jet de liquide chaud lui tomba dessus, il se redressa. L'adolescent essuya rapidement ses mains sur son pantalon, avant de reprendre son projet. Il avança, avec précaution, sur le dos du jeune homme, puis tira le corps encore chaud du nouveau mort. Cela lui prit un temps fou, car il devait veiller à ne pas tomber, mais le poids du cadavre le força à tester différentes positions pour le faire avancer. Quand Xutik réussit à lui faire dépasser légèrement le corps du premier, il passa sur le dos du second, puis il se mit à tirer le cadavre de l'adolescent pour le refaire passer devant.

    Il lui fallut encore un long moment pour réussir cette manœuvre. Les trois restants du petit groupe le regardaient faire, visiblement peu convaincu de son succès. Une fois le corps avancé, il progressa pour tenir sur le dos de l'héritier, mais l'adolescent manqua de glisser. Il faudra que j'en récupère un autre. Il n'est pas assez large. Xutik reprit son manège. La nuit tombait quand il atteignit un autre corps. Épuisé, le garçon n'essaya pas de continuer. Alignant comme il pouvait les trois cadavres, il s'allongea dessus, sans même se préoccuper de l'odeur. Les mouches le réveillèrent au matin.

    Le nouvel héritier d'argent observa le ciel avec une certaine surprise. A croire qu'il avait oublié à quoi un ciel bleu pouvait ressembler. Le jeune homme se redressa, affamé, frigorifié, mais il espéra que ce jour-ci, le soleil le réchaufferait un minimum. Il regarda autour de lui en bâillant, en tentant d'estimer la distance qui le séparait de la forêt. A la vitesse où j'avance, je vais en avoir pour des jours. Son regard tomba sur les derniers héritiers qui se tenaient accroupis contre la barrière. Cela faisait un moment qu'il ne les avaient pas vu bouger, au point qu'il se demandait s'ils n'étaient pas mort, figés dans leur posture. Xutik haussa les épaules et se remit au travail :

    -Allez viens Nü-Nüj, on va refaire un tour.

    Il ricana dans sa barbe comme s'il craignait que le corps ne se rebelle. L'adolescent choisit d'abandonner un des cadavres pour prendre celui du jeune homme qu'il avait rejoint la veille. Plus large, donc, plus facile de s'y stabiliser. Sa lente progression l'amena à la moitié du chemin en fin de journée. Puis, il lui fallut encore deux jours pour atteindre les arbres. Xutik souriait jusqu'aux oreilles chaque fois que le corps était secoué par l'impact des pointes. C'était comme si son ancien d'héritier d'argent mourrait encore et encore. En milieu de matinée du troisième jour, il aurait pu se trouver à l'ombre d'un bond, mais il se retint. Ton esprit te joue peut-être des tours, mon petit... et tu n'as plus qu'une jambe. De la même façon que les corps sur lesquels il marchait étaient devenus Gec-Nüj à ses yeux, il se demandait si la forêt était vraiment la fin de la zone de danger. J'ai pensé ça parce que c'était différent, mais si ça se trouve, c'est encore miné. Tranquillement installé sur le dos du garçon, il prit le temps de la réflexion. Le jeune homme n'était pas pressé par le temps et il ne voyait pas comment il pouvait se trouver en pire état qu'il ne l'était à ce moment-là.

    Au bout d'une minute à fixer le vide, Xutik finit par tendre le bras à la recherche d'une quelconque barrière. Non, rien, ça pue.

    -Ne prenons pas de risque Nü-Nüj. Je t'emmène.

    Il saisit le cadavre près de lui pour le ramener vers l'avant :

    -On est super copain de toute façon. On est inséparable, maintenant.

    La présence des arbres ralentit encore sa progression. Il lui fut encore plus difficile de déplacer les corps, ceux-ci se bloquant dans les racines, buttant contre les troncs. Le garçon devait redoubler de force pour les dégager en veillant, toujours, de ne pas toucher le sol. Un corps attira son regard. Il s'étonna car cela faisait un moment qu'il n'en avait plus croisé. Personne n'est arrivé jusque là. Il plissa les yeux pour tenter de discerner le corps à moitié dissimulé par les broussailles. Une fille... ah, c'est l'autre... ? Il se souvint de l'héritière d'argent qui avait réussi à passer. Pas totalement, apparemment. Il tapota le dos du corps près de lui :

    -J'ai bien fait de t'emmener Nü-Nüj.

    L'adolescent rit en reprenant son travail. Il lui fallut encore un jour avant d'atteindre la barrière. Lorsque son épaule cogna contre, il s'étonna de la trouver sur le côté et non devant lui. La traversée du bois avait été laborieuse et le garçon apercevait, maintenant, une nouvelle plaine. Xutik y réfléchit une seconde avant de s'adresser aux deux cadavres :

    -Bon, au bout d'un moment, est-ce qu'on en n'a pas un peu rien à foutre.

    L'adolescent appuya sur la barrière qui resta solide sous ses doigts.

    -La vraie question, Nü-Nüj, s'est de savoir comment la faire partir, cette conne.

    Il jeta un œil à sa tablette et s'étonna de la voir encore fonctionner. Ça fait un moment que je l'avais pas allumé aussi. Un point rouge y apparut.

    -Regarde Nü-Nüj, y a ce putain d'interrupteur qui s'affiche maintenant.

    Il leva les yeux pour cerner l'endroit où il se trouvait, puis sourit :

    -Je crois qu'on y est presque.

    Xutik tira de nouveau, passa, roula, tira, passa. La sueur lui collait les vêtements à la peau. Après la pluie, il avait l'impression que ses habits s'étaient intégrés à son corps.

    -Je ne me suis pas trompé, regarde. T'as rien à dire pour une fois, hein ?

    Devant lui, un poteau se dressait avec à son sommet, l'interrupteur qui lui permettrait d'ouvrir la barrière. Lorsqu'il l'eut rejoint, le garçon appuya dessus, vérifia sur sa tablette qu'il pouvait passer et se poussa de l'autre côté. Là, il s'écroula et ferma les yeux.

    Une respiration le réveilla. C'est moi ça ? Xutik inspira, expira profondément. Il faut croire que oui. Il ouvrit les yeux, mais resta sans bouger à écouter son propre souffle. Je peux en déduire que je suis en vie... pas sûr que ce soit une si bonne nouvelle. Son corps entier était douloureux. Allez, on se secoue. On a du boulot. Il se redressa en grimaçant pour chercher sa bouteille d'eau dans son sac. Le garçon était assez fier d'avoir penser à la garder remplie grâce à la pluie et à veiller à l'économiser quand il avait dû s'activer. Seulement, même ainsi, il ne lui restait plus qu'un fond d'eau. Quand l'héritier porta son regard au loin, il aperçut un refuge dans un bosquet a à peine quelques mètres de lui. Cela le fit éclater de rire.

    -T'as vu ça, Nü-Nüj ? Pour une fois que j'ai de la chance.

    Il se tourna vers l'endroit où il avait laissé les cadavres, mais la zone piégée était maintenant invisible. Xutik haussa les épaules :

    -Jamais été très bavard ces derniers temps de toute façon.

    Il se mit en route, clopinant, tombant, rampant à demi, faisant ce qu'il pouvait pour s'adapter à sa jambe en moins et son manque de force. Il lui sembla qu'il prenait des heures. Le nouvel héritier d'argent finit pourtant par arriver à destination. Il ouvrit la porte, soupira en découvrant le coffre qui cachait la trappe menant dans les profondeurs, là où se trouvait les réserves de nourriture. Si quelqu'un les a vidé, je le tue... y a des chances pour que ce soit moi qui meurt en fait. Il secoua la tête. Non, non, on a dit non. Il faut que tu t'occupes de ton boulot. L'adolescent réussit à bouger le coffre et à descendre les marches, plus assis que debout. Doucement, on est toujours pas pressé. La douleur dans son ventre que la faim avait provoquée avait disparu depuis un moment et il savait qu'il ne devrait pas se jeter sur la nourriture. Enfin devant les caches qui contenaient les réserves, il s'empara d'un sandwich dont il ne mangea qu'un petit bout de pain. Xutik savait qu'il lui faudrait du temps pour reprendre des forces, mais il ne s'inquiétait pas. Je ne suis pas pressé. Des soins rapides pourraient m'être utiles cependant. Il se redressa soudain et ce geste éveilla les douleurs dans son corps. Un regain d'énergie lui permit de se relever pour trouver la trousse de soin mise à disposition dans les refuges. Le garçon la vida complètement sur le sol et, en découvrant une seringue pleine du liquide spéciale, un son sortit de sa gorge, mêlant crie de joie et rire.

    -Alors, Nü-Nüj ? Qui a de la chance maintenant ?

    Xutik était certain que c'était un signe du destin, lui montrant que la décision qu'il avait prise été la bonne. Il réussit à s'injecter la solution et décida de rester sans bouger en espérant qu'une différence se ferait sentir sous peu. En attendant, mange petit à petit, tout petit, tout petit. Il s'assit dans un coin et ferma les yeux.

    Xutik entendit vaguement la trappe s'ouvrir et les pas descendre les escaliers. Il ne bougea pas, mais estima que les nouveaux arrivants étaient au nombre de deux.

    -Il est mort ?

    -Fait chier, quelqu'un a déjà pris les soins qui étaient dans la trousse.

    Le premier répondit :

    -Ce doit être lui.

    Xutik n'eut aucun mal à l'imaginer en train de le pointer du doigt. Le second sembla se rapprocher :

    -Donc, il est pas mort.

    L'adolescent sentit un coup dans sa jambe et daigna ouvrir les yeux. Deux héritiers d'argent se tenait au-dessus de lui. Le premier avait l'air inquiet :

    -Pourquoi tu ne dors pas dans un lit ?

    Xutik ne répondit pas, intéressé par le second. Celui-ci avait l'air renfrogné, comme prêt à s'énerver à la moindre contrariété. Lui, il peut être dangereux. Le premier se pencha vers lui, la main tendue :

    -Tu veux de l'aide ?

    Le second lui envoya un coup dans le bras :

    -Qu'est-ce que tu fous ? On s'en branle. Il a prit les soins. On se casse.

    Xutik plissa les yeux. Gec-Nüj a grandit ?

    -Ne parle pas comme ça, Nü-Nüj, ce n'est pas gentil. L'or ne te monterait pas à la tête ?

    L'adolescent l'observa avec dégoût :

    -Il est taré. Viens.

    Comme il se tournait pour s'éloigner, Xutik bondit, passant un bras autour de sa gorge pour l'étouffer. Tandis que l'héritier d'argent se débattait dans son étreinte, Xutik jeta un regard mauvais au deuxième qui se contenta de prendre ses jambes à son cou. Cours, Nü-Nüj. Il sourit, puis réalisa ce qu'il était en train de faire et relâcha le garçon inconscient.

    -Oups, désolé.

    Il observa le corps pour s'assurer qu'il ne s'agissait vraiment pas de son ancien héritier d'argent, puis aperçut le sac qui traînait au sol :

    -Bon, au point où j'en suis.

    Le jeune homme abandonna son sac déformé par la saleté et s'empara de celui du garçon qu'il vida pour en découvrir le contenu. Xutik sourit à nouveau en découvrant trois autres seringues pleines de soins, une paire de jumelle et un pot vide. T'es pas non plus tombé sur la bonne planque d'arme toi. Il compléta avec de la nourriture et des bouteilles d'eau avant de décider de dormir dans un des lits. C'est qu'il avait une bonne idée le petit monsieur. Il coinça le sac entre le mur et le matelas qu'il s'était choisi, puis s'écroula pour s'endormir aussitôt.

    Cela faisait un moment qu'il avait perdu la notion du temps et ce repos ne fit qu’aggraver les choses. Quand Xutik se réveilla, il était incapable de savoir le jour ou l'heure et encore moins, depuis combien de temps le Grand Jeu avait commencé. Après un coup d’œil à sa tablette, il eut au moins, une vague notion du quand. En tout cas, je ne peux plus traîner. L'adolescent inconscient s'était visiblement éclipsé sans demander son reste, emportant le vieux sac de Xutik à défaut d'avoir retrouvé le sien. Se sentant empli d'une énergie nouvelle, le nouvel héritier d’argent sortit. Xutik découvrit que la nuit était en train de tomber une fois dehors. Je ne vais peut-être pas m'élancer de nuit. Le garçon retourna se coucher, cette fois, en actionnant le réveil sur sa tablette.

    La seconde fois, Xutik se leva aussitôt, prêt à partir. Le soleil était levé et il put se mettre en route, le cœur léger. Il n'avait pas fait trois pas quand il aperçut au loin, un groupe assez conséquent d'héritier qui venait vers lui. Ceux-ci, au milieu d'une discussion visiblement assez mouvementée, ne le remarquèrent pas de suite bien qu'il se tint à découvert, juste devant le refuge. Malgré la distance, l'adolescent put reconnaître les deux garçons qu'il avait croisé dans le sous-sol. C'était des éclaireurs. Il réalisa dans le même temps combien la situation allait mal tourner pour lui et longea le mur en clopinant pour se dissimuler à leur vue. Le cœur battant, ils les entendaient approcher, leurs voix se faisant de plus en plus distinctes. De toute évidence, le groupe n’appréciait pas que les deux adolescents soient parti sans chercher plus avant qui était le garçon qu’ils avaient croisé. Xutik profita de l’autre côté de la cabane pour s’éloigner. Il espérait atteindre la couverture des arbres, comptant sur le fait que le groupe le chercherait probablement d’abord à l’intérieur du refuge. Avec un peu de chance, ils penseront que je suis parti par le tunnel et ils iront là-bas. Sans l’appui du mur, l’adolescent se retrouva au sol rapidement, rampant pour arriver à se cacher. Il était angoissé à l’idée qu’une partie du groupe pourrait décider de faire le tour pour observer les environs et qu’il soit repéré. Cependant, Xutik arriva aux arbres, s’enfonça dans les buissons, non sans y gagner quelques égratignures et s’arrêta pour reprendre son souffle. C’est pas possible. Faut que tu trouves un bâton, un truc pour avoir une canne. Avant de bouger, il attendit d’être sûr que tout le groupe soit entré dans le refuge, puis il entreprit ses recherches. Il lui fallu un moment pour trouver un bâton qui trouve grâce à ses yeux. Etant de nouveau capable de se tenir debout, Xutik reprit sa progression lentement, laborieusement, ce qui ne faisait qu’augmenter sa frustration. Il finit par s’arrêter, à nouveau à bout de souffle. L’adolescent voyagea dans les menus de sa tablette pour se persuader que c’était une pause nécessaire pour tenter de repérer Hiloy, et non pas du tout dû à la fatigue. Alors qu’il faisait défiler la légende de la carte, son regard s’arrêta sur un mot, tout en bas, auquel il n’avait pas prêté attention, puisqu’il ne s’était jamais donné la peine d’aller jusque là. Transport ?… comment ça transport ? Il appuya sur le mot et trois flèches apparurent, surmontée de chiffre. Mais transport, comme transporter ? Une voiture ? Il leva la tête, observa la densité de la végétation et fronça le nez. Si c’est ça, ce ne sera pas très utile dans ce coin. Le garçon observa les chiffres. La distance ? Il faudrait que j’aille vers par là alors… en espérant que c’est pas une voiture. Ce nouveau but lui donna un regain d’énergie…. Qui manqua disparaître lorsque le terrain commença à monter. Cependant, il réussit à se garder motiver, regardant décroître le chiffre au fur et à mesure qu’il approchait.

    Arrivé au sommet de ce qui lui avait semblé une montagne interminable, Xutik se laissa tomber au sol, respirant fortement, la bouche grande ouverte. Après quelques secondes, il réussit à se redresser pour récupérer sa bouteille d’eau et en boire la moitié. Il regretta son geste, sitôt qu’il vit qu’il ne lui restait pas grand chose. OK, il faudra que je retrouve de l’eau. Mais en même temps, si je ne bois jamais, c’est pas la peine d’en trimballer. Vite réconforter par ces pensées, l’adolescent se releva s’aidant de son bâton et s’approcha de la nouvelle cabane qu’il venait de trouver, dans une zone désherbée. Le vent grandissait en intensité si haut, sans l’obstacle des arbres. Xutik accueillit cette fraîcheur avec reconnaissance après la montée qu’il venait d’exécuter.

    Il entra sans difficulté dans la petite bâtisse pour découvrir un paramoteur. D’abord fou de joie, l’adolescent déchanta en réalisant qu’avec sa jambe en moins, il aurait encore des difficultés à mouvoir l’engin. Ses réflexions coupèrent court lorsque Xutik sentit le froid d’une lame sur son cou. Il leva une main, tenant fermement le baton de l’autre pour pouvoir rester debout :

    -Je n’ai pas d’arme et qu’une jambe. Je ne pense pas représenter un grand danger.

    -Xutik ?

    Il tilta au son de la voix :

    -Tahiya ?

    La jeune fille aux yeux verts se décala pour apparaître dans son champs de vision. Il put ainsi profiter de son air dégoûté :

    -La vache, t’es dégueulasse.

    Xutik sourit :

    -T’es pas mal non plus.

    Il avait répondu par réflexe, la première chose qui lui était venu, mais il savait bien que ce n’était pas vrai. Xutik était couvert de boue séchée et de sang, ses vêtements étaient déchirés. Il puait la mort, la sueur et le chien mouillé. En revanche, Tahiya portait la saleté naturelle d’une personne qui se promène en nature depuis plusieurs jours. Comparé à lui, elle paraissait relativement propre. Tahiya rangea son Khukuri pour s’approcher du paramoteur. Elle se débrouilla pour le sortir et Xutik s’inquiéta :

    -Cela ne te dérange pas si je t’accompagne. Il faut que je retrouve Hiloy.

    -Je dois trouver mon cousin.

    Oui, m’enfin la Cinquième, c’est plus important. Malgré tout, conscient qu’il n’était plus en état de tenir un duel, il proposa :

    -On peut les chercher ensemble.

    -Quand j’aurais trouvé mon cousin, on se barre vers la sortie directement.

    -Je n’ai qu’à espérer qu’on trouve Hiloy avant alors.

    Tahiya cessa de s’occuper de la machine pour l’observer avec attention. Au bout d’un instant de réflexion, elle lui fit signe d’approcher :

    -Monte.

    -C’est vrai ? Cool.

    Il s’installa, cala son bâton comme il pouvait et patienta tandis que Tahiya finissait les préparatifs.

    -Tu sais comment ça marche ?

    -Et toi ?

    Oui, mais là… il posa les yeux sur sa jambe manquante avec regret. Son avenir lui parut encore plus sombre qu’il ne l’était déjà. Lorsque le moteur démarra et qu’ils s’élancèrent, il dût bien reconnaître que Tahiya savait ce qu’elle faisait.

    Regardant le paysage défiler sous eux, le vent lui coupant le souffle, Xutik oublia un instant le Grand Jeu, l’école et tout ce qui y était lié. Cela ne dura qu’un instant. Il se ressaisit bien vite pour regarder sa tablette. A cette hauteur, la carte s’étendait bien plus qu’au sol et il ne tarda pas à repérer la flèche or qui indiquait la présence de lae Cinquième Xutik s’empressa de saisir Tahiya :

    -Je l’ai ! J’ai trouvé Hiloy ! Tourne !

    -Arrête de me secouer, putain !

    Il la relâcha en espérant qu’elle n’en profiterait pas pour regarder sa propre carte et chercher son cousin. Mais l’héritière d’or suivit ses direction et lorsqu’elle les estima suffisamment proches, entama la descente. Xutik commença à s’inquiéter lorsque Tahiya murmura :

    -Merde.

    -Qu’est-ce qu’il y a ?

    -C’est de la flotte.

    -Quoi ?

    Xutik se pencha, mais n’eut pas besoin de faire trop d’effort pour apercevoir le sol qui se rapprochait d’eux à toute vitesse. Il pouvait voir ici et là, les rayons du soleil se refléter sur une surface liquide dissimulée par la végétation. Oh, merde.

    -Saute !

    Quoi ? Tahiya n’avait pas plus tôt parler qu’elle s’exécuta. Xutik n’avait pas eu le temps de bouger que le choc le secoua violemment. Étouffant à moitié, il se détacha alors que l’engin s’enfoncer lentement.

    -Tahiya ! Viens m’aider !

    L’héritière d’or se débattait dans des herbes et des branches emmêler, faisant ce qu’elle pouvait pour progresser vers lui.

    -Détaches-toi !

    Non, mais merci, ça je sais ! Xutik s’accrochait aux plantes pour sortir quand il se rappela son sac et son bâton. Le paramoteur avait presque disparut sous l’eau, mais le garçon eut le temps de récupérer les deux objets et resta accrocher aux plantes en attendant Tahiya.

    -On fait quoi maintenant ?

    L’héritière d’or répondit d’un ton d’évidence :

    -Iel est où Hiloy ?

    Xutik battit des paupières. Ah oui, c’est vrai. Il regarda sa carte et indiqua la direction. Les adolescents avançaient avec difficultés nageant, s’accrochant à ce qui passait. Xutik sursauta plus d’une fois en sentant des algues ou des branches piégées ses jambes et s’imaginant qu’une Bestiole allait l’emporter. Le temps qu’ils passaient à se dégager de la végétation les fatigués beaucoup et ils en profitaient souvent pour se reposer. Xutik avait pensé plusieurs fois à abandonner son bâton qui l’encombrait plus qu’autre chose pour l’instant. Cependant, le garçon se rappelait à chaque fois combien il avait du mal à marcher sans lui et se contentait de voir Tahiya prendre de l’avance.

    Il leur fallut un long moment avant de voir la terre ferme. Hiloy se tenait au bord de l’eau, la main en visière et agita les bras en les apercevant. Iel les aida à sortir avant de demander :

    -Vous allez bien ?

    Xutik resta allongé au soleil, serrant son bâton contre lui :

    -Comment tu as su qu’on était là ?

    -Je vous ai vu tomber et tu es sur ma carte.

    Ah bah, oui, c’est vrai… faut vraiment que je dorme.

    -Vous étiez dans le même groupe ?

    Xutik secoua la tête, gardant les yeux fermés :

    -Non, j’étais avec deux...

    « Chapitre 314 - Concours »

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