• 4 - Concours

    Aujourd’hui, il fait beau, mais je ne peux pas aller dans la cour. Papa et maman veulent que je reste dans ma chambre ou avec eux. Je suis allée dans ma chambre parce que je n’étais pas contente et que j’étais triste. Quand j’étais dans ma chambre, j’ai entendu du bruit à la fenêtre, j’ai ouvert. C’était Fabor et Elea qui envoyaient des cailloux. Ils sont gentils, je les aime bien, mais je leur ai dit que je ne pouvais pas venir jouer. Ils sont partis et j’ai un peu pleurer parce que je voulais jouer quand même. Après, on a frappé à ma porte. C’était maman avec Fabor et Elea. Elle a dit qu’on pouvait jouer dans la chambre et j’étais contente.

     

    Soliflane sourit :

    -Oh, une histoire qui finit bien.

    Il observa la jeune fille endormie.

    -Vous n’êtes peut-être pas contente que je lise vos carnets.

    Il s’assit sur le rebord du lit :

    -Si vous voulez, je raconte un de mes souvenirs en échange. Alors réfléchissons… Je sais.

    Le prince sourit à son souvenir et s’installa en tailleur au bout du lit :

    -Prête ? J’y vais. J’ai un cousin, Drekis, avec qui je jouais souvent étant petit. Une fois, il est venu me demander de jouer au prince et au dragon et il voulait que je fasse le dragon. J’ai refusé, je voulais être le prince. Après tout, le dragon ne gagne jamais et puis, on pouvait être deux princes contre un dragon imaginaire. Il s’est mis dans une colère noire et à courut voir ma mère pour se plaindre. Ma mère lui a donné raison, après tout, il était l’invité. J’étais furieux et je suis parti bouder dans mon coin jusqu’à ce que ma mère vienne me voir pour me murmurer que les dragons n’étaient pas obligés de perdre. Ça m’a fait rire et j’ai accepté d’être le dragon. Au final, j’ai fait exprès de perdre parce que, vous savez, l’invité… bref, voilà, une petite histoire en échange de la votre. J’espère qu’elle vous a plu.

    Il se leva :

    -Bon, il faut que j’aille chasser, mais ne vous inquiétez pas, je ne serais pas loin.

    Le jeune homme referma la fenêtre, prit son couteau, son arc et ses flèches et quitta le château.

    Le prince, revenant avec quelques lapins, se rendit dans les cuisine pour les préparer. Quand il eut fini de faire cuire la viande, Soliflane remonta dans la chambre et s’installa sur le bord du lit pour manger.

    -Vous n’avez pas faim ?

    Il observa la princesse au visage de marbre.

    -C’est étonnant que vous puissiez vivre encore sans manger, non ?

    Le jeune homme baissa le regard sur le ventre légèrement arrondi. Il hésita un instant avant de dire :

    -Est-ce que vous vous êtes rendue compte que vous étiez enceinte ? Je ne sais pas si vous considérez ça comme une bonne ou une mauvaise nouvelle.

    Il mordit dans son lapin avant de poursuivre :

    -Ma mère, elle ne s’en était pas rendue compte jusqu’à ce que cela se voit. C’est mon père qui me l’a dit. Pour les autres… j’ai eu deux sœurs, mais elles n’ont pas survécu. La première est morte quelques mois plus tard, la deuxième a survécu deux ans avant qu’une épidémie l’emporte. Mon père ne m’a jamais dit si ma mère avait su qu’elle était enceinte avec elles. Vous voyez, comme si une fois qu’elle avait vécu la première grossesse, elle aurait pu reconnaître les symptômes.

    Le prince se rendit compte qu’il déblatérait sans but et préféra se taire, reprenant un morceau de lapin. Pourtant, Soliflane continua à se demander si l’enfant survivrait, continuerait à grandir. Peut-être bien qu’il était endormi, mais alors il n’aurait pas dû être visible. Sans doute que le bébé était bien vivant et éveillé, après tout, il venait de l’extérieur…comme moi. Ses propres pensées l’attristèrent et il mangea en silence pendant quelques instants avant de se ressaisir :

    -Mais dites-moi, je me suis confié à vous, cela veut dire que je peux lire un peu plus de vos histoires.

    Revigoré, il s’installa à la coiffeuse, essuya ses mains sur son pantalon et saisit un des carnets.

     

    J’ai entendu crier dehors. C’était le meunier qui criait encore sur son apprenti. Je le vois par la fenêtre tout le temps. Il cri sur le garçon, alors que c’est lui qui fais tout. J’en ai eu assez, alors je me suis penchée par la fenêtre pour les voir et quand le meunier est venu s’asseoir sous la fenêtre, j’ai craché. Vite, je me suis cachée avant qu’il ne lève la tête et j’ai bien rigolé. Quand Fabor et Elea sont venus, je leur ai raconté et ils ont rigolé aussi. On a dit que c’était un secret, mais la prochaine fois que le meunier va livrer, ils vont venir avec moi pour cracher. 

     

    On joue à ce nouveau jeu quand ils viennent. Il faut cracher le plus loin possible. Elea est très forte, elle arrive au puits. Le meunier ne s’assit plus sous la fenêtre et comme on veut pas cracher sur les autres, on n’a rien fait. On vise d'autre chose comme la fleur jaune qui sort des pavés. je suis forte quand même.

     

    Soliflane referma le carnet et se laissa tomber contre le dos de la chaise pour rêvasser un instant. Son regard tomba sur la fenêtre, un sourire se dessina sur son visage, puis le prince se leva pour s’y pencher. Il vit le banc où deux enfants s’étaient endormis en plein jeux, puis le puits un peu plus loin. Le jeune homme baissa la tête et imagina la fillette, le minois colérique de voir le garçon se faire crier dessus. Le prince se tourna vers la princesse endormie et il tenta de dessiner la même expression sur le visage figé sans y parvenir. Une idée lui vint et il se pencha à nouveau à la fenêtre. Après avoir analyser l’espace et la position des gens endormis, il cracha le plus loin qu’il put.

    -Ha !

    Le prince vint près du lit en criant :

    -Derrière le puits ! J’ai gagné. Avec quelques années de retard, mais je compte quand même.

    Il était assez fier de lui, même si Fabor, Elea et la princesse ne devaient pas avoir plus de dix ans à l’époque. Soliflane réalisa soudain quelque chose :

    -Au fait, vous vous appelez comment ?

    La jeune fille resta inerte, bien entendu.

    -Je vais réciter des noms, vous me dites stop quand c’est le bon.

    Il rit avant de se racler la gorge :

    -Hum, je plaisantais, vous vous en doutez.

    Assis sur le bord du lit, Soliflane resta un instant à contempler la princesse. La fillette qu’il imaginait, était pleine de vie et volontaire et cela l’attrista encore plus de la voir si inerte.

    -Quand vous vous réveillerez, on fera un concours de crachat. Pour l’instant, c’est moi qui gagne.

    Après être resté à l’observer un instant en espérant percevoir un signe qui, bien sûr, ne vint pas, Soliflane retourna à ses occupations, en soupirant.

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