• Nouphilo n’était pas fan des cours de technologie. C’était une compilation de données incompréhensibles accompagnées d’instruments dangereux. Il se concentrait autant que possible pour former les contours d’une horloge sur un bout de plastique, quand un garçon lança :

    -Monsieur, y a une bagarre en bas.

    Les élèves allèrent s’agglutiner devant les fenêtres, mais Nouphilo ne bougea pas. Il n’avait jamais compris ce qui fasciné autant les autres dans les bagarres ou les accidents. Alors il continua à travailler, lorsque l’enseignant, après avoir jeté un coup d’œil par la fenêtre, déclara :

    -Ne bougez pas de là, je vais voir ce qu’il se passe.

    Une fois le professeur partit, un garçon lança :

    -C’est pas une bagarre, l’autre gars ne se défend même pas.

    Puis une fille réagit en lançant à son voisin :

    -Hey, c’est pas ton chef de dortoir ?

    -Ah si.

    Nouphilo se redressa et jeta un regard vers le groupe agglutiné. C’est pas Erlhas, comment ça se pourrait ? Il ne se retrouverait jamais dans une bagarre. Pourtant, il se leva et joua des coudes pour tenter d’atteindre la fenêtre. Il voulait vérifier, juste pour éteindre l’inquiétude qui commencé à lui saisir le cœur. Lorsqu’il fut enfin prêt de la vitre, à gauche d’un gars qui filmé la scène en semblant beaucoup s’amuser, la première personne qu’il aperçut fut son père. Il recula d’un coup. C’est pas possible, pourquoi il serait là ? Comment ? Il regretta soudain de ne pas avoir lu les lettres. Mais Erlhas en a lu une, il me l’aurait dit. Ah, mais il l’a pas lu jusqu’au bout, peut-être… Nouphilo réalisa soudain que s’était sûrement Erlhas que son père était en train de frapper. Non, pourquoi il ferait ça ? Il courait déjà dans le couloir. Impossible de trouver une raison, la seule chose qu’il pouvait faire s’était se rendre dans la cour intérieur pour l’arrêter.

    Il ouvrit la porte menant à l’extérieur quand il fut stoppé dans son élan par son professeur de technologie.

    -Non, non. Reste là.

    Nouphilo se rendit compte que deux enseignants venaient de maîtriser son père, alors que trois autres étaient penchés sur Erlhas. Nouphilo tenta de le rejoindre, alors que son professeur l’empêcher d’avancer :

    -Il… il a du sang sur la tête, non ? Je le vois.

    Finalement, une des enseignantes accroupit près du responsable remarqua sa présence et se leva. Il réalisa qu’il s’agissait de son professeur de littérature. Elle a souri quand j’ai rougi. C’est la seule chose qui lui vint à l’esprit lorsqu’elle rejoignit son collègue pour dire :

    -Nouphilo, retourne à l’intérieur. Toi aussi, Sebizan.

    Un coup d’œil par-dessus son épaule et il aperçut le garçon immobile devant la porte.

    -On a appelé une ambulance, alors attendez à l’intérieur pour l’instant. Je viendrais vous cherchez.

    Nouphilo allait protester quand Sebizan lui prit le bras pour le faire revenir en arrière :

    -Viens, allez.

    Il se laissa guider vers l’intérieur en reniflant. À quel moment j’ai commencé à pleurer ? Dans le couloir vide, ils s’arrêtèrent alors que Sebizan commencer à essayer de le rassurer :

    -Ne t’inquiètes pas, il est costaud tu sais… on avait… c’était pour rire, mais bon… je pensais pas qu’il le ferait… en même temps on pensait pas le rencontrer un jour…

    Nouphilo cessa de fixer le sol, pour observer Sebizan. Le garçon était en larmes et tournait en rond en jetant sans cesse des regards vers la cour intérieur. Évidemment qu’il panique, c’est son frère qui est étendue par terre. Toi par contre, de quel droit tu pleures, tu le connais depuis moins longtemps. C’est à toi de le consoler, pas l’inverse.

    -Sebizan ?

    -Oui ?

    -Tu veux un câlin de réconfort ?

    Sebizan essuya ses larmes en demandant d’une petite voix :

    -Tu ne vas pas me frapper ?

    -Promis.

    Sebizan le serra fortement, alors que Nouphilo l’effleurer à peine de ses bras. Les larmes lui piquèrent à nouveau les yeux, mais il les retint.

     

    Lorsque l’enseignante vint les chercher, ils patientaient tous deux en silence, au bas des marches. Elle les mena dans une salle de classe vide avant de commencer à parler :

    -L’homme qui a agresser Erlhas prétend être ton père, Nouphilo, est-ce que c’est vrai ?

    Il hocha la tête.

    -Est-ce que l’un de vous à la moindre idée de ce qui vient de se passer ?

    Elle n’était pas en colère, jugea le garçon, plutôt inquiète et déboussolée. Du coin de l’œil, il vit que Sebizan fixait le sol avec obstination. Il ne dira rien. Est-ce que je dois tout raconter ? Ou il préfère que ça ne se sache pas ? Alors qu’il hésitait encore à parler, Sebizan répondit :

    -Erlhas n’a rien fais.

    -Expliquez-moi simplement, ce qu’il s’est passé.

    Cette fois Sebizan croisa le regard de Nouphilo. Il hésite à parler à cause de moi. Le garçon fixa un point au-dessus de l’épaule de son professeur et commença à tout raconter, y compris ce qu’il avait subi étant petit. Lorsqu’il eut terminé, l’enseignante l’informa :

    -Il va y avoir une enquête. Enfin, juste pour savoir comment ils en sont arrivés là. Nouphilo, je te conseille de répéter ce que tu viens de me dire aux agents.

    Je veux pas.

    -D’accord.

    -Pour ce qui est de Erlhas…

    Sebizan la coupa :

    -On va porter plainte.

    La peur et la peine semblaient laisser place à la colère à présent.

    -Je crois que tes parents en déciderons.

    -D’accord, on va porter plainte.

     

    Nouphilo fixa le bâtiment. Allez, tu entres, tu racontes et tu ressors. C’est facile et puis une fois dehors, tu iras voir Erlhas. OK, c’est pas la fin du monde. La terre continuera de tourner quand tu seras là-dedans et le ciel sera toujours bleu quand tu sortiras. Il inspira. Arrête de réfléchir et vas-y.

    L’entrée du commissariat était un hall assez vaste. Sur la gauche, des gens patientaient occupant des rangées de chaises. Face à lui deux guichets. Il fut soulagé de voir qu’il n’y avait pas la queue, cela lui laissait moins de temps pour se dégonfler. Tu lui dis et c’est tout. T’es certainement pas le premier à venir porter plainte pour ce genre de truc, elle doit avoir l’habitude. Il s’approcha de la jeune femme penchait sur un dossier et qui se contenta de lui dire :

    -Oui ?

    Il parla d’une voix assez basse en espérant que personne d’autre qu’elle ne l’entendrait :

    -Bonjour, je viens porter plainte pour inceste.

    La jeune femme leva vaguement les yeux et il lui sourit. Sans lui prêter plus d’attention, elle décrocha le téléphone :

    -Je vais appeler ma collègue.

    Elle nota quelque chose sur un papier, raccrocha et lui tendit en disant :

    -Vous avez rendez-vous samedi à 14h30.

    Ah, j’avais espéré me débarrasser de ça aujourd’hui, mais bon.

    -D’accord, merci. Au revoir.

    La jeune femme était déjà revenu à son dossier et ignora ses paroles. Cela l’amusa et il sortit en rangeant son papier dans son sac. Une fois dehors, il respira profondément, car il avait l’impression d’avoir cessé de respirer à la minute où il était entré dans le bâtiment. Tu vois, le ciel est toujours bleu. Il sourit, soupira de soulagement et se mit en route pour l’hôpital.

     

    En entendant les éclats de voix provenant de la chambre de Erlhas, il choisit de patienter à l’écart en attendant que sa mère s’en aille. Il avait la trouille de la rencontrer, tout comme il avait la trouille d’approcher n’importe quelle personne qui lui était inconnu. Lorsqu’il vit passé une femme aux longs cheveux noirs, il se glissa dans la chambre. Erlhas était allongé sur son lit à fixer le plafond.

    -Erlhas ?

    L’interpellé sourit :

    -Salut.

    Il alla s’asseoir sur le lit et Erlhas ouvrit la main. Il y glissa la sienne.

    -Alors ? Ça c’est passé comment ?

    -J’ai rendez-vous. Du coup, faut que j’y retourne.

    -ça va ?

    Il hocha la tête :

    -Et de ton côté ?

    -La plainte est en cours de traitement.

    Nouphilo sourit. Son père avait été arrêté et Erlhas avait porté plainte pour coup et blessures. De nombreux élèves ayant filmé la scène avec leur portable, il n’avait pas été difficile de montrer que Erlhas n’avait pas rendu les coups et que son père s’était acharné sans raison visible. De ce que Sebizan lui avait expliqué, le plan qu’ils avaient imaginé été de faire en sorte que son père attaque Erlhas devant un maximum de témoin. Sans doute inspiré de leur expérience avec leur père après l’école.

    Nouphilo vit le jeune homme bailler en demandant :

    -Câlin ?

    Il s’allongea, mais ramena bras et jambes contre lui. Erlhas se contenta de garder la main dans la sienne :

    -Tu ne m’en veux pas ? Pour ton père ?

    Nouphilo regarda ses yeux se fermer progressivement :

    -Non, mon père est un cauchemar mourant, toi, un rêve bien vivant.

    -Mmm.

    -Tu dors ?

    Il observa un instant le visage endormi. Dans les livres, il paraît qu’on entend le cœur de l’autre battre si on s’approche. Il rit tout seul à cette pensée, avant de se demander ce que cela faisait. Il patienta pour vérifier que Erlhas ne se réveillerait pas, puis approcha la tête de son torse pour voir s’il entendait quelque chose. Le jeune homme bougea dans son sommeil et prit Nouphilo dans ses bras. Aussitôt, il se recroquevilla en riant :

    -Tu dors ou pas ?

    Comme son compagnon ne répondait pas, il resta sans bouger de peur de le réveiller. Ce n’est qu’une question d’habitude. Là, tu as été surpris, mais une fois que tu auras l’habitude, ça ira. Il finit par s’endormir.

     

    Il observa la petite maison. Tout va bien. Tu passes le portail et tu sonnes, facile. Il ricana et ne bougea pas. Certains portails avaient tendance à être plus compliqué à ouvrir qu’il n’y paraissait et s’il laissait s’échapper un chien ou un chat. Non pas que Erlhas lui ai déjà parlé d’un animal de compagnie. Le jeune homme lui avait proposé de venir chez lui pour les vacances, ce que Nouphilo avait jugé préférable que de rentrer pour passer des journées entières à se faire invectivé par sa mère.

    Son cœur battait à tout rompre depuis qu’il était descendu du bus et à présent il bloquait devant un portail qui lui atteignait à peine la taille. Allez, tu vas pas coucher là. Prends la situation calmement, le portail d’abord. Il retint un rire lorsqu’il retira le loquet avec une grande simplicité. Apparemment, aucuns chiens ne surgit pour lui sauter dessus et il put se rendre sans encombre jusqu’à la porte. OK, si c’est une de leurs mères qui répond, tu paniques pas. Elles ne vont pas te manger… normalement. Il sonna et après quelques instants, Erlhas ouvrit la porte :

    -Salut.

    Ouf.

    -Salut.

    -Tiens, donne ton sac.

    -Non, ça va, t’inquiètes.

    -Comme tu veux. Entrez donc, jeune homme.

    Nouphilo sourit en obéissant timidement. Après un petit couloir, ils pénétrèrent dans une vaste cuisine où deux femmes semblaient se préparer à sortir. Il reconnut la femme aux cheveux noirs comme la mère de Erlhas. Je crois que je peux affirmer sans risque que la blonde est celle de Sebizan. Celui-ci se tenait assis sur un tabouret avec un livre en main, il ouvrit grand les bras en apercevant Nouphilo :

    -Pitit, pitit, bienvenue ici.

    Les deux femmes lui firent aussitôt face, pour clamer d’une seule voix :

    -Bonjour.

    Erlhas échangea un regard avec Sebizan :

    -Alors ça, c’était pas du tout flippant.

    Leurs mères s’approchèrent pour faire la bise à Nouphilo, ignorant complètement le commentaire du garçon. Puis celle de Sebizan, lança :

    -Bon, on y va. Si on est pas là ce soir, vous vous faites à dîner ou vous commander un truc.

    Sebizan se leva :

    -Attendez, mesdames. Je comprends bien que vous alliez à un rendez-vous galant, cependant, une question me taraude. Vous êtes sûr que c’est pas le même gars cette fois ?

    Sa mère le fixa avec désespoir :

    -Mon Dieu, qui est donc la mère de ce pauvre garçon.

    Celle de Erlhas se contenta de rire en lui prenant le bras pour l’entraîner dehors :

    -À ce soir, peut-être, les garçons.

    Erlhas lui fit un signe de la main :

    -A plus, maman.

    Puis, se tournant vers Nouphilo :

    -Allez, viens, je te montre ta chambre.

    Sebizan lui se rassit :

    -Je veux pas dire, mais elles n’ont pas répondu à ma question.

    Nouphilo rit en suivant Erlhas dans les escaliers. La chambre d’ami était assez petite, avec un lit simple et une commode. Une lampe de chevet sur la table de nuit et quelques cadres aux murs où l’on voyait Erlhas et Sebizan avec leurs mères à différents âges.

    -Je te laisse t’installer, ma chambre est juste à côté, si tu me cherches après.

    -OK.

    Lorsqu’il fut parti, Nouphilo défit son sac, et rangea rapidement ses affaires dans la commode vide avant de rejoindre Erlhas dans sa chambre.

    Celui-ci était assis sur le rebord de sa fenêtre, un livre en main. En entrant, Nouphilo ne put s’empêcher de s’exclamer :

    -Mon Dieu, mais tu lis ?!

    Erlhas rit :

    -J’essaie, mais ça va pas être possible.

    Il posa le livre, alors que Nouphilo s’installer en face de lui. A l’hôpital, il s’était réveillé avant Erlhas et avait pu sortir discrètement du lit sans qu’il ne s’en rende compte. Erlhas avait commencé à lui expliquer ce qu’ils avaient prévu pour les vacances. Je me demande comment il réagirait si je l’embrassais. Il se retint pourtant, après tout, ça ne lui ressemblait pas d’embrasser les gens. Il ne voulait pas changer qui il était et puis s’il commençait à faire ce genre de chose, Erlhas risquait de se permettre plus de truc. Mais il serait heureux si je l'embrassais, il mérite bien ça. T'as raison, c'est pas comme si il s'était fait tabasser pour toi. Mais c'est pas toi, j'aime bien comment je suis, moi.

    -Dis, c’était mignon ce que tu as dit à l’hôpital.

    Nouphilo sursauta :

    -Quoi ?

    -Une envolée lyrique à propos de cauchemar et de rêve.

    Il papillonna des yeux et répliqua avec un sourire mauvais :

    -Oui, et quel dommage que tu te sois endormi quand je t’ai fait un câlin.

    Erlhas se redressa :

    -Quoi ? Ou ? Quand ? T’es sûr que c’était moi ?

    -Un grand brun, plein de bleu et de bandage ? Mince, j’espère que je me suis pas planté de chambre.

    -Parfois je te trouve extrêmement méchant.

    Nouphilo prit un air angélique qui amusa Erlhas :

    -Mais t’es mignon et je t’aime quand même. Tant pis pour moi.

    Nouphilo rit et se pencha pour l’embrasser. Juste pour voir.

     

    FIN


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