• Malys ne pouvait pas rêver, pas tout le temps. Cela avait été si long. Parfois, elle appelait la fée et sentait sa présence pendant quelque temps. Ce n’était pas assez. Il y avait les hommes aussi et à défaut de pouvoir hurler, la princesse tentait de rêver.

    La voix avait pleuré, crié à sa place. Elle avait suffi à survivre dans l’obscurité. Malys avait ri de ses plaisanteries douteuses, mais il n’avait pas pu l’entendre. La princesse l’avait imaginé lisant ses carnets, assis à la petite table. Elle le savait, car elle avait à chaque fois entendu la chaise racler le sol. Etait-il grand ? Elle s’amusait à changer son visage au fur et à mesure que les jours s’étaient écoulés. Parfois, la jeune fille essayait de se souvenir à quel moment elle avait cessé d’avoir peur de lui.

    Au début, sans aucun doute. Quand il lui avait mis des vêtements propres et changer les draps. Malys avait adoré se retrouver dans l’eau chaude, enfin, une fois qu’il eut quitté la pièce. Alors, elle avait demandé à la fée de venir l’aider, de la laver. La fée avait obéi. Elle ne pouvait faire que peu de chose mais cela au moins était dans ses cordes.

    La princesse avait écouté Soliflane lui parler de sa mère, de son cousin. Elle avait pleuré de joie quand il lui avait avoué que ses parents seraient là à son réveil, que tous dormaient avec elle, mais il n’avait pu le voir. Son cœur avait battu à tout rompre quand il l’avait emmené dehors pour la première fois. Malys se demandait souvent s’il se rendait compte qu’il portait l’odeur des bois, du moins, ce qu’elle en imaginait. Elle avait rougi quand il lui avait embrassé le front.

    La jeune fille aimait l’entendre le soir quand, ayant fini un carnet, il racontait à son tour une histoire. Elle aimait le fait qu’il rit tout seul et lui demande sans cesse son avis, sachant pertinemment qu’elle ne pourrait répondre. Pourtant, la princesse essayait quand même, formulant les réponses dans sa tête, mais rien n’avait jamais transparu.

    Pour ce qui est des enfants, Malys avait été terrorisé. Elle ignorait complétement comment les mettre au monde. Pourtant, la princesse avait senti une inquiétude similaire chez Soliflane et cela l’avait aidé a le supporter. La nuit où elle avait accouché, la fée était apparue et la jeune fille n’avait rien sentit. Quand le premier s’était mis à pleurer, elle avait su ce qu’il se passait et la terreur l’avait saisi. Malys avait appelé la voix de Soliflane, elle avait pleuré, puis, soudain, elle l’avait entendu arriver. Entre rire et larme, qu’il n’avait ni vu ni entendu, la princesse l’avait suivi par l’esprit, s’agitant autour des enfants.

    Malys avait décidé de le laisser partir au moment où il lui avait parlé de son anniversaire. Elle l’avait imaginé une nuit, vieillard toujours à ses côtés et refusait qu'il finisse ainsi. Pourtant, la princesse avait eu des craintes à le voir partir. A l’idée de retrouver la solitude dans l’obscurité, elle sentait son cœur se serrer.

    Quand il avait ramené Elea et Fabor, que ses enfants reposés près d’elle, la jeune fille avait appelé la fée pour qu’elle le ramène auprès de son père.

    Au cours de la nuit, un des enfants qui s’agitait, commença à glisser. Malys appela la fée en espérant qu’elle puisse le remettre correctement. La fée y était parvenu, mais l’enfant avait accroché son doigt au passage et l’avait mis dans sa bouche. L’épine minuscule qui y était resté planté depuis que la mauvaise fée l'avait ensorcelé, était alors partie et ses yeux s’étaient soudain allégés.

    La princesse n’avait d’abord pas pu bouger ses bras ankylosés. Son corps entier la fit soudain souffrir. Lentement, elle était parvenue à se mouvoir, refermant ses bras sur ses enfants. Le château s’emplissait peu à peu. Pas de voix, pas de cri, de mouvement seulement. Des mouvements qui s’amplifiaient peu à peu et brisait le silence trop longtemps présent.

    -Malys ?

    La princesse tourna la tête doucement. Elea la fixa avec des yeux ronds :

    -Il me semblait bien avoir entendu des bébés.

    Sa voix était pâteuse, lente et elle tangua quand elle essaya de se lever.

    -Elea, fait moins de bruit, tu veux ?

    Fabor grimaça en se redressant :

    -Il faut admettre qu’il avait raison, avec des coussins, c’est quand même mieux.

    Elea s’était déjà emparé d’un bébé pour lui faire des gazouillis :

    -Je sais que je risque de m’en prendre une mais… c’est qui le père ?

    Malys serra un peu plus son autre enfant contre elle avant de plonger son regard dans le sien :

    -C’est la voix dans le noir.

    Fabor fronça les sourcils :

    -Il est resté si longtemps que ça ?

    Elea s’installa sur le bord du lit :

    -Comment tu vas ?

    La princesse sourit :

    -J’ai mal mais ça va.

    Fabor allait les rejoindre quand la porte s’ouvrit. Ils se tournèrent tous vers le jeune homme qui entrait. Celui-ci se figea un instant avant de dire :

    -Heu… salutation.

    Malys grimaça. Ce n’était pas lui. Bien sûr que non, son anniversaire n’était pas encore arrivé, il n’avait pas de raison de revenir pour l’instant. Elle se redressa sur un coude :

    -Excusez-moi, vous ne connaîtriez pas un certain Soliflane ?

    Le jeune homme parut surpris, puis sourit.

     

    Malys leva les bras au ciel pour s’étirer. Ses parents étaient en train de gâter leurs nouveaux petits-enfants et elle était bien décidée à profiter du monde extérieur pendant un petit moment. Le jeune homme avait promis de faire venir Soliflane et elle attendait avec impatience de le rencontrer. Elle marchait dans la cours au milieu des gens qui fêtaient leur réveil depuis plusieurs jours déjà. C’est là qu’elle aperçut le jeune homme en compagnie d’un autre et son cœur se mit à battre la chamade. Avançant d’un pas résolu, la princesse se demandait ce qu’elle pourrait bien lui dire. Puis, ne serait-il pas déçu de ce qu’elle était en réalité ? Cela n’arrêta pas sa marche et dès qu’elle fut à portée, la jeune fille lança :

    -Soliflane ?

    Aussitôt, le prince se tourna vers elle en sursautant, rougissant jusqu’aux oreilles en l’apercevant. Elle rit et fit la révérence :

    -Je suis Malys.

    Le jeune homme fit un salut saccadé, visiblement embarrassé.

    -Mon cousin était en train de me raconter. Est-ce que cela veut dire que vous entendiez tout ?

    Elle fut transportée de bonheur en reconnaissant la voix et répondit :

    -Elea et Fabor vous sont reconnaissants pour les coussins.

    -Les coussins ? Oh, c’était rien.

    Ils se dévisagèrent un instant avant que Malys propose :

    -Vous voulez que l’on aille se promener ?

    Soliflane se contenta de hocher la tête en offrant son bras.

    Ils s’éloignèrent et parlèrent longtemps. Les festivités durèrent encore des jours et des jours. Le prince vint régulièrement rendre visite à la princesse et ses amis. Ce fut des mois plus tard que Soliflane fit sa déclaration et sa demande. L’année suivante, le mariage fut célébré et c’est au château de son père que Soliflane fit venir sa femme et ses enfants qu’il éleva comme les siens.

     

    Malys fixa l’horizon où les tours se découper en rêvant. Le portrait de la mère de son mari était accroché au-dessus de la cheminée et elle tentait souvent d’imaginer comment elle était enfant. La fillette qui avait fixait les ronces en songeant à la princesse endormie.

    -Tu rêves ?

    Elle sourit à Soliflane :

    -Je pensais à ta mère.

    Il l’enlaça et fixa le portrait :

    -Elle était belle, hein ?

    -Je l’aime bien.

    -Quelle coïncidence, moi aussi.

    -C’est fou, toute ces choses que nous avons en commun.

    -Mère, père ?

    Ils firent volteface pour découvrir Jour qui traînait sa sœur derrière lui.

    -Qu’y a-t-il ?

    -Aurore n’arrive pas à dormir.

    Soliflane haussa un sourcil en voyant la fillette bailler à s’en décrocher la mâchoire.

    -Tu es sûr que ce n’est pas toi qui l’a réveillé ?

    Jour haussa les épaules avant de demander :

    -Est-ce qu’elle peut écouter l’histoire de maman ?

    Malys ouvrit les bras et Jour vint s’y réfugier alors que Soliflane ramassait la petite qui était prête à se laisser tomber. Chacun prit un fauteuil, puis le prince demanda :

    -Quelle version ?

    Jour n’hésita pas :

    -Celle de maman.

    Malys se racla la gorge :

    -Très bien, alors, il était une fois…

     FIN


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