• Chapitre 19

    Tremon avait besoin d’air. Il marcha rapidement sans voir où il allait et finit par arriver au bord de l’eau, près d’un des grands saules pleureurs. Toutes les berges se ressemblaient et il se demanda pendant une fraction de seconde si c’était à cet endroit que le couple l’avait rejoint quelques instants plus tôt. Ils l’avaient observé en silence avant de se décider à lui dire qu’il valait mieux éviter de rester trop longtemps au bord de l’eau. A ce souvenir, il recula de quelques pas, juste au cas où.

    L’adolescent inspira profondément. Il avait honte d’avoir pleuré devant les autres. Je sais même pas pourquoi j’ai éclaté. En vérité, le sort de Seih l’angoissait fortement. Que feraient-ils si elle mourait, si le guérisseur ne pouvait pas la sauver ? Il se revit en train de coudre, de lui planter une aiguille dans le bras pour lui injecter un liquide inconnu. Que penseraient les autres si le guérisseur leur apprenait que c’était se produit qui l’avait achevé ? Que la dose avait été trop forte ?

    -Merde, concentre-toi.

    Il s’efforça à respirer profondément. Au moins, Ylios n’est pas loin si je fais une crise. Cette pensée le réconforta, mais ce ne fut pas suffisant pour l’apaiser complètement.

    -Tremon ?

    Il fit volte-face et ne fut pas surpris de découvrir Ylios qui semblait désireux de rester à une certaine distance :

    -Est-ce que t’es assez calme pour me parler ?

    Tremon hocha la tête et Ylios se rapprocha.

    -Il s’est passé des trucs bizarres dans la forêt.

    Le lion jeta un regard furtif vers la cabane que Tremon remarqua :

    -Qu’est-ce qu’il y a ?

    Ylios avoua :

    -Gialema et Miral aussi ont dit qu’ils avaient vu des trucs bizarres.

    Intrigué, Tremon demanda :

    -C’est vrai ? Comme quoi ?

    Ylios pointa la cicatrice qui apparaissait par la déchirure de sa tunique :

    -Moi aussi, regarde. A ce que Gialema m’a dit, c’était cicatrisé quand elle m’a trouvé. C’est un coup de poignard, autant dire que c’est quand même un peu rapide. Miral aussi à une blessure qui a guérit trop vite.

    Tremon se perdit dans ses réflexions et Ylios attendit patiemment qu’il revienne à lui en le fixant avec attention. Il ne décela rien qui puisse lui faire penser que Tremon en savait plus sur le sujet. D’ailleurs, lorsque Tremon reprit la parole, ce fut pour dire :

    -C’est pas un truc du genre qui m’est arrivé, mais… je ne me souviens pas comment j’ai pu rejoindre Miral.

    Ylios demanda :

    -C’est lié à ce qu’il s’est passé chez les nomades ?

    -Je sais pas, mais je suis pas bien depuis.

    Tremon jeta un regard aux alentours avant de baisser la voix :

    -J’ai perdu le contrôle à un moment….

    Le lion passa précipitamment la main sur sa nuque, mais Tremon lui fit baisser le bras en affirmant :

    -Elle est toujours là.

    -Mais si tu as perdu le contrôle…

    Tremon commença à s’agacer :

    -Justement, c’est le problème. Je ne me suis pas transformé, mais je ne sais pas ce qui est arrivé.

    Ylios se tourna de nouveau vers la cabane avant de revenir à Tremon :

    -C’est pour ça que tu criais ?

    Le Test secoua la tête, découragé :

    -J’ai pas crié.

    Ylios commença à sérieusement s’inquiéter :

    -Tu te souviens de ce que tu as dis dans la cabane ?

    -Je me souviens que Miral me disait que j’étais trop proche, puis qu’il s’est excusé et je suis sortie.

    Le Futur se rapprocha de son ami :

    -Pourtant, il n’y a eu aucun signe de crise.

    -Je sais. Dans la forêt, j’en ai eu une que Gialema a maîtrisé, mais l’autre fois où c’est arrivé… je sais pas comment ça a fini.

    -La seule explication, c’est que les runes nomades ont déclenché quelque chose.

    Tremon hocha la tête :

    -Je crois aussi.

    Ylios comprit enfin :

    -Tu te souviens que tu as dis vouloir repartir demain ? Tu veux retourner chez les nomades, savoir ce qu’il t’arrive ?

    Le Test hocha à nouveau la tête. Ylios passa un bras autour de ses épaules :

    -Je t’accompagnerais. Mais je veux d’abord attendre que Seih aille mieux.

    Tremon le dévisagea d’un regard sans vie :

    -Et si elle meurt ?

    Il vit bien à l’expression de son ami qu’il n’avait pas envisagé cette éventualité :

    -Qui ça ?

    Tremon fixait le sol sans le voir :

    -Seih, si elle meurt, qu’est-ce qu’on va faire ?

    Ylios eu un rire froid :

    -Elle ne va pas mourir.

    Le Test releva la tête pour le fixer intensément :

    -C’est une éventualité. Elle était éventrée, merde. Et si on découvre qu’en fait c’est parce que je lui ai donné une trop forte dose de produit, hein ? Qu’est-ce que je vais faire si je l’ai tué, hein ?

    Il sentit les larmes lui piquaient les yeux mais ne les laissa pas couler. Pleurer ne servirait à rien. Par contre, Ylios semblait d’un calme olympien. Il n’a pas entendu ce que j’ai dit. Tremon dut faire un effort pour répéter :

    -Ylios, tu te rends compte qu’elle pourrait mourir par ma faute ?

    Le garçon resta immobile à le dévisager. Tremon sentit la colère remonter :

    -Bordel, tu comprends ce que je dis ? Si…

    Ylios le coupa d’une voix calme et posée :

    -Oui, oui, j’ai compris. Toi, par contre, t’as l’air à côté de la plaque.

    Tremon ouvrit la bouche pour parler, mais Ylios continua :

    -Seih ne va pas mourir.

    Tremon ricana :

    -Bien sûr et parce que tu le dis, cela va forcément devenir réalité.

    La voix de Miral qui s’était glissé dans leur dos, les fit se retourner :

    -Non, simplement parce que vu le boulot dégueu qu’on lui a infligé, elle va sûrement se relever pour nous foutre un coup de pied au cul.

    Il n’avait pas souri, n’avait pas pris le ton de la plaisanterie. De plus, Ylios hocha la tête d’un air grave :

    -Elle le fera.

    Leur attitude finit par amuser Tremon. Cela semblait une telle évidence pour lui que toute autre éventualité était clairement bannie de son esprit. Préférant abandonner, Tremon dit en souriant :

    -D’accord. Vous la connaissez mieux que moi après tout.

    Miral hocha la tête, toujours sérieux :

    -Exact.

    Ylios fit soudain un tour sur lui-même avant de demander :

    -T’as laissé Gialema toute seule ?

    -Non, je suis là.

    L’adolescent fit un bond exagéré :

    -Mais depuis quand ?!

    Gialema échangea un regard gêné avec Miral, ce qui permit à Tremon d’affirmer :

    -Elle nous espionnait.

    Miral leva un bras :

    -Alors, non ! On n’espionne pas. C’est votre faute à toujours faire des messes basses. Comment vous voulez qu’on aide si vous nous tenez toujours à l’écart.

    Tremon avait retrouvé son regard sombre, mais Ylios se plia volontiers à l’argument :

    -T’as entendu quoi Gialema ?

    La jeune fille se tordit les mains en répondant d’une petite voix :

    -A peu près tout. Que vous voulez retourner chez les nomades parce que quelque chose ne va pas avec Tremon.

    Miral fronça les sourcils :

    -M’enfin ça, c’est de naissance.

    Le regard que lui lança Tremon le força à s’excuser dans la seconde. Ylios continuait d’interroger Gialema :

    -Tu as entendu des détails ? Sur ce qui lui arrive ?

    Miral s’approcha doucement du lion :

    -Tu ne vas pas nous le dire ?

    Ylios secoua la tête :

    -C’est Tremon qui choisit ce qu’il veut vous dire… si Gialema n’a rien entendu de précis.

    La jeune fille hésita avant d’avouer en observant Tremon du coin de l’œil :

    -Je crois avoir compris qu’il y avait des pertes de mémoire… quelque chose comme ça.

    Tremon passa son regard des uns aux autres avant de dire :

    -C’est ça. C’est comme si j’allais faire une crise, mais au lieu de me transformer, je me retrouve ailleurs sans souvenir de ce qu’il s’est passé.

    Miral demanda :

    -Donc tu n’as rien à voir avec nos guérisons miraculeuses ?

    Tremon ne put s’empêcher de lâcher un petit rire :

    -Comment j’aurai fait ça ?

    Gialema fit remarquer :

    -Miral, il vient de dire qu’il ne se souvient pas de tout. Même s’il avait quelque chose à voir là-dedans, il ne le saurait pas.

    Miral prit l’air de quelqu’un qui s’apprêtait à faire une grande révélation :

    -Sauf… si Tremon ment et se souvient de tout.

    Tremon s’avança rapidement vers lui, mais le python recula tout aussi rapidement en levanbt les bras :

    -Je rigolais, je rigolais….

    Ylios lui jeta un regard sévère :

    -C’est pas drôle et on n’a pas le temps pour ça.

    Miral se redressa, l’air surpris :

    -Ah bon ? Qu’est-ce qu’on doit faire ?

    Le lion saisit le bras de Tremon :

    -Vous, je ne sais pas, mais nous, on doit trouver un moyen de retourner chez les nomades.

    Il traînait son ami vers leur cabane lorsque Miral, comme prit d’une impulsion soudaine, se mit à courir pour bondir sur le dos de Ylios. Celui-ci poussa un cri surpris avant d’envoyer un coup de coude à son ami en riant. Celui-ci l’évita et se mit à courir avant de se changer en python que Ylios poursuivit en lion. Tremon les regarda s’éloigner, dubitatif. Ils sont sérieux, là ?

    -Est-ce que tu veux raconter ce qu’il t’est arrivé exactement ?

    Tremon se souvint que Gialema se tenait près de lui et se tourna vers elle avec une expression d’incompréhension sur le visage. Elle expliqua :

    -Ylios et Miral ont été soigné, tu as vu leur cicatrises ? C’est comme s’ils avaient guéri instantanément. Et moi, eh bien, il y a eu quelque chose de bizarre, comme une présence écrasante.

    Tremon la dévisagea avec soin. Il y avait quelque chose dans sa façon de parler qui l’inquiétait. Il répondit l’air de rien :

    -Ylios m’a raconté. J’ai rien à part les perte de mémoire.

    Gialema se contenta de hocher la tête, mais Tremon se doutait qu’elle le soupçonnait de quelque chose. Il planta ses yeux dans les siens en commençant à se dire que des trois qu’il était forcé de se traîner, c’était peut-être bien d’elle dont il avait le plus intérêt à se méfier.

    -Vous êtes tous parti, je vous ai suivi comme j’ai pu. J’ai retrouvé Miral, puis on est allé chercher Seih. Après, j’ai senti Ylios et je suis allé le chercher.

    Gialema hocha la tête :

    -Ah, d’accord.

    Elle se détourna comme s’il avait réussi à la convaincre, mais il n’était pas dupe. Tremon posa son regard sur les dos de Ylios et Miral qui continuaient à se chahuter plus loin. Que ferait-il si Gialema exprimé des doutes vis à vis de lui ? Il se réconforta vite en se disant que Ylios ne l’écouterait pas plus que Miral. De plus, le sujet était clos. Si Gialema voulait l’accuser de quelque chose, c’était trop tard. C’est Miral qui lui aura mit dans la tête que je mentais. Tremon fit un effort pour retrouver son calme. Ylios me laissera toujours le bénéfice du doute de toute façon.

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