• Chapitre 15

    Tremon ne trouva rien dans la pièce où ils se tenaient et se rendit dans celle d’à côté. Il s’arrêta un instant en apercevant les deux fillettes qui sursautèrent à son entrée. Il se détourna pour continuer sa recherche. Une cage était ouverte en face de lui et sur la droite une caisse l’était également. A l’intérieur, il trouva des fioles remplient du fameux liquide dont parlait Seih. Il ramassa une seringue près de la cage, regarda aux alentours s’il n’y en avait pas d’autre, mais la situation pressante le résolu à se contenter de cela. Il revint vers la caisse, pris une des fioles, planta l’aiguille dedans avant d’hésiter. Quelle dose je dois mettre ? Il revint en courant :

    -Seih ? Tu sais combien je dois en mettre ?

    La jeune fille secoua la tête :

    -Non, fais au pif, je m’en fous.

    Miral, qui tremblait tellement que Tremon se demandait s’il pourrait continuer à la recoudre, réussit à dire :

    -Surtout pas, et si ça te tue à forte dose ?

    C’est ce que Tremon craignait, mais Seih ajouta :

    -Je commence à pouvoir bouger, ce n’est pas bon du tout.

    Ces mots le firent tressaillir, alors il emplit à la moitié du dosage avant de s’approcher de la jeune fille. L’adolescent fixa le creux du coude, hésitant. Il fut tenté de demander à Miral de faire la piqûre à sa place, mais le malheureux était déjà bien traumatisé par le fait de recoudre son amie. Sans compter que c’était déjà lui qui lui avait demandé de le faire à la base. Tremon inspira profondément, tenta de contrôler le tremblement de ses mains en approchant l’aiguille de la peau de Seih. Il savait qu’il était censé viser une veine, mais y avait-il une veine en particulier ? Comment saurait-il s’il visait juste ? Et s’il allait trop loin ?

    -Tremon ?

    Il leva les yeux vers Seih :

    -Oui, je sais. J’essaie.

    Il sentit que le temps manqué et enfonça l’aiguille. Une fois le produit injecté, il soupira de soulagement :

    -C’est bon, c’est fait.

    Seih eut un léger sourire avant de fermer les yeux. Tremon eut un mauvais pressentiment :

    -Seih ?

    Miral suspendit son geste pour faire passer son regard de Tremon à la jeune fille.

    -Est-ce que… ?

    Tremon se retourna pour saisir un morceau de miroir qu’il avait aperçu en fouillant plus tôt et le plaça sous les narines de la jeune fille.

    -Elle respire.

    Ils poussèrent un soupir de soulagement.

    -Je prend la relève si tu veux.

    Miral avait dû repousser à l’intérieur, des boyaux qui sortaient légèrement et ses mains étaient rouge de sang. Ils l’avaient ouverte au-dessus de la ceinture de son pantalon et avaient relevé son haut sur sa poitrine pour s’arrêter au bas des côtes.

    -Non, c’est bon. J’ai quasiment fini.

    Au lieu de rester à le regarder terminer, Tremon recommença à fouiller à la recherche de bandage. Il retourna dans l’autre pièce, prit le temps de dire aux petites :

    -Ne vous inquiétez pas, on va vous sortir de là.

    Puis, il reprit sa fouille. Le garçon ne trouva rien qui ressemble un tant soit peu à des bandages. Le soin après l’opération n’était, de toute évidence, pas la priorité de ces hommes. À défaut de trouver ce qu’il cherchait, il se contenta d’un tissu qui traînait qui lui sembla à peu près propre. Quand il revint, Miral était assis près de la porte donnant sur l’extérieur, les coudes sur les genoux, la tête entre les bras. Tremon se précipita vers Seih. Miral avait laissé le fil pendre après avoir fait un nœud assez grossier. L’adolescent le coupa avec ses dents, avant de faire son possible pour enrouler le tissu autour du ventre de la jeune fille. Il garda les yeux fixés sur la blessure lorsqu’il dut la soulever, craignant que la plaie ne s’ouvre à nouveau. Le garçon fit tenir le tout comme il put avant de s’approcher de Miral :

    -Eh, ça va ?

    Le garçon releva la tête, les joues inondées de larmes :

    -Quoi ?

    Tremon ne s’attendait pas à le trouver dans cet état et ne sut quoi dire. Alors, il se contenta de faire ce qu’il faisait le mieux, donner des ordres :

    -Je vais faire sortir les petites qui sont derrière. Tu vas prendre Seih, d’accord ? Il faut qu’on parte, qu’on les planque et qu’on retrouve Gialema et Ylios.

    Miral hocha la tête mais le retint alors qu’il se levait :

    -Attend, je vais la tâcher, j’ai plein de sang sur les mains.

    Le contrecoup avait dû assommer le garçon, alors Tremon lui dit doucement :

    -Je ne crois pas qu’elle s’en préoccupe tu sais.

    Miral hocha à nouveau la tête en se levant. Il était si pâle que Tremon craint un instant qu’il ne retombe, mais il s’avança lentement vers la table. À moitié rassuré, Tremon retourna derrière pour voir l’espèce de bocal qui contenait les petites. Il dut approcher une caisse et monter dessus pour passer les bras à l’intérieur :

    -Allez, venez.

    La plus grande entoura la taille de la petite pour la soulever et l’aider à attraper la main de Tremon. Celui-ci la tira sans peine et la posa près de lui avant d’attraper la deuxième.

    -On y va.

    Elles le suivirent docilement quand il revint dans la première pièce où Miral tenait déjà Seih dans ses bras.

    -On va s’éloigner pour chercher un endroit où se cacher, d’accord ? Si vous voyez quelque chose…

    La plus grande des fillettes qui devait avoir sept ans, tira sur sa tunique.

    -Oui ?

    Elle se pointa du doigt, avant d'enchaîner avec un geste des mains qui lui fit penser à l’entrée de quelque chose.

    -Tu connais une planque ?

    Elle hocha la tête, prit la main de l’autre fillette et se dirigea vers la sortie. Tremon échangea un regard avec Miral avant qu’ils ne les suivent.

     

    Gialema était en sueur. Ses épaules et son dos étaient douloureux, mais elle tira encore Ylios une dernière fois avant que ses jambes ne flanchent et qu’elle ne s’écroule. Elle resta assise, respirant profondément pour récupérer au plus vite. Elle fit tourner ses bras en espérant détendre ses épaules. Son regard dévisagea Ylios qui ne semblait pas près de s’éveiller.

    Des voix lui parvinrent de la petite clairière qu’ils avaient quitté. Gialema sentit son cœur s’accélérer. Non, reste calme. Elle observa les alentours, cherchant un endroit où se cacher, mais il n’y avait que des arbres à perte de vue. La jeune fille se figea quand elle entendit les voix approcher. Retenant son souffle, elle guetta quelques instants. Ils venaient ? Non, ce n’était pas par là. Si, ils venaient. Gialema bondit sur ses pieds, recommença à tourner sur elle-même pour trouver une issu quelconque. Si seulement elle avait l’ouïe aussi fine que Seih ou le courage de Miral. Tremon saurait quoi faire, Ylios aurait agi sans réfléchir, mais il aurait agi. Elle, elle ne s’était jamais fait d’illusion. Elle ne servait à rien.

    Gialema lâcha un gémissement d’angoisse en écoutant avec désespoir les voix qui approchaient. Son regard tomba sur le sol aux pieds de Ylios. Son cœur rata un battement. Des traces profondes avaient été faite sur toute la distance où elle avait traîné son ami. Était-ce ces traces que les hommes suivaient ? La panique lui coupa le souffle, les larmes lui montèrent aux yeux. Je fais quoi ? Je fais quoi ? Je fais quoi ? Partir ? Bien sûr et laisser Ylios sur place ? Elle fixa les bois alentours. L’adolescente pouvait se cacher en souris et voir ensuite. Retrouver Tremon, Miral et Seih. Eux, ils sauraient comment sauver Ylios s’il était capturé.

    Gialema sentit un hurlement lui grimper dans la gorge. Les larmes ne tarderaient pas à couler et pendant ce temps-là, les hommes approchaient. Elle leva sa main droite et l’abattit violemment sur sa joue. Une douleur cuisante se propagea, mais la jeune fille n’y prêta pas attention. Les larmes étaient chassées, la panique maîtrisée. Les poings serrés, les mâchoires crispées elle cracha pour elle-même :

    -Maintenant, tu te bouges.

    Elle saisit les bras de Ylios, banda ses muscles et le traîna derrière l‘arbre le plus proche. Le tronc n’était pas assez large pour cacher entièrement le garçon et elle tenta de le dissimuler davantage en le couvrant de feuilles mortes et de tout ce qui lui tombait sous la main. Gialema espéra que cet amas étrange n’avait pas l’air trop louche, mais elle n’avait plus le temps de peaufiner. Revenant aux traces qu’elle avait laissé, la jeune fille recula tout en faisant de son mieux pour les dissimuler au fur et à mesure. Gialema leva régulièrement la tête pour regarder la distance grandir entre elle et son ami. Le dos en compote, elle finit par se redresser en grimaçant. Un craquement sur sa droite attira son attention. L’adolescente tourna la tête pour apercevoir un homme qui se tenait à quelques mètres d’elle. Il s’était figé en l’apercevant. De toute évidence, il ne s’était pas attendu à lui tomber dessus. Gialema le dévisagea en silence, sans même réaliser le danger dans lequel elle se trouvait. Elle ne sentait pas d’agressivité chez l’homme, du moins tant que la surprise le gardait sur place. Puis, elle le vit épauler son fusil avec une rapidité inattendu. Cependant, la souris fut plus rapide encore. Transformée, elle s’éclipsa rapidement, poursuivit par les cris de l’homme qui appelait ses compagnons.

     

    Ylios se demandait comment la douleur était parti. Il ne s’en plaignait pas, mais il y avait quelque chose de bizarre. Seih se mit à rire à gorge déployée. Ce n’était pas la Seih longue et fine de seize ans, mais la fillette aux cheveux courts. La première fois qu’il les avait rencontré. Voilà ce qui se déroulait sous ses paupières fermées. Il avait entendu dire que l’on voyait sa vie défiler devant ses yeux au moment de mourir. Si c’était ça, c’était quand même sacrément restreint.

    Ylios avait était un enfant solitaire. Grandissant seul au milieu de ses livres et de ses jouets. Jouant dans le parc, poursuivit par des ennemis invisibles. Il aurait pu avoir des amis, après tout, leur maison n’était pas si isolée des autres, mais il trouvait les autres enfants plutôt ennuyeux. Il préférait jouer à ses propres jeux. Un jour pourtant, il eut six ans et il fallut bien allait à l’école et se retrouver au milieu des autres enfants des environs. Sa mère l’avait laissé à contre cœur, après l’avoir couvert de baisers. Ylios s’était retrouvé seul, perdu. Il était resté sur place, se tordant les mains, sans savoir ce qu’il était censé faire.

    C’était là qu’il l’avait entendu rire. La fillette aux cheveux courts qui courait à toute vitesse. Il n’avait jamais su pourquoi elle courrait, mais il s’était mis à rire aussi en l’entendant. Les joues rouges, Seih s’était finalement arrêtée au bord du puits où une autre fillette l’avait rejoint. Du doigt, elle lui avait montré ses lacets défaits et Seih s’était assise par terre pour y remédier. La petite Gialema l’avait aidé en renouant son autre lacet. Ylios avait commencé à se dire que finalement, il pourrait se plaire ici, quand soudain, un ballon lui avait atterri sur le crâne. Il n’avait pas eu mal, en vérité, mais quand le garçon se tourna pour voir qui lui avait envoyé le ballon, il sentit les larmes lui monter aux yeux. On ne l’avait jamais frappé et il se demandait ce qu’il avait pu faire pour se faire attaquer de la sorte. Le garçon à la peau foncée courait vers lui en s’excusant avant de s’arrêter à un mètre devant lui, l’air perdu. Ylios s’était mis à pleurer à gros sanglots en se demandant si le petit Miral avait l’intention de le frapper à nouveau. Il ne réussit qu’à geindre :

    -Je n’ai rien fait…

    Miral l’avait dévisagé quelques secondes avant de fondre en larme à son tour en hurlant qu’il était désolé. Il avait fallu l’intervention de Seih et Gialema qui se trouvaient à proximité pour les calmer et, au final, ils ne s’étaient pas quitté de la journée.

    Il passait ensuite au lendemain de la cérémonie de ses dix ans. Le garçon avait été angoissé suite à celle de Tremon, mais ses parents n’avaient cessé de lui répéter que c’était un cas à part, que pour lui, tout irait facilement. Ils n'avaient pas menti et le lendemain, il avait couru chez Miral, impatient de savoir ce qu’était devenu son ami. Ylios l’avait trouvé dans son jardin et peu de temps après, les filles étaient arrivées. Là, les choses avaient changé. Elles n’avaient pas passé le portail, qu’elles s’étaient figées. Soudain, elles avaient eu peur de leur ami, soudain, il avait oublié qui elles étaient. Il avait senti l’odeur du cygne et de la souris. Il avait vu Miral se crisper près de lui. Est-ce que lui aussi avait brusquement eut faim ? Les parents de Miral avaient surgi de la maison. Son père avait rejoint les filles qui avaient commencé à reculer, il leur avait dit de rentrer chez elles. Sa mère avait dit la même chose à Ylios qui s’était empressé d’obéir.

    Il était rentré en courant, en larme avant de se réfugier dans sa chambre. Son père était venu et l’enfant lui avait raconté ce qu'il s'était passé. Ylios pleurait parce qu’il avait eu peur de lui-même, il avait été prêt à attaquer ses amies et elles l’avaient senti. Son père lui avait expliqué qu’il n’y avait rien d’anormal. Herbivores et carnivores ne coexistaient qu’après de nombreux efforts. Il lui faudrait attendre de maîtriser le lion, de faire en sorte qu’il devienne une part intégrante de sa personnalité. Il avait fallu un an. Ylios n’avait vu que Miral et tous les deux s’étaient entraînés près de la grotte. Il avait demandé de l’aide à se parents, mais finalement, leurs efforts avaient payé. Ils avaient pu revoir les filles qui de leur côté s’étaient entraînées à revoir l’être humain avant les crocs.

    Il y eut un craquement, ce qui était étrange, car il n’y avait pas de branches autour de la grotte. Surtout que le son était bien trop proche de sa tête. C’était bizarre vu qu’il était debout… enfin, il l’était ? Ylios se sentit tomber en arrière, mais il ne s’inquiéta pas car il sentait une surface dure dans son dos. Comment cela était possible ? A moins… je suis allongé. Il ouvrit les yeux avec une certaine lenteur. La luminosité du ciel l’aveugla et l’adolescent referma les paupières. Une branche craqua à nouveau, pas loin de lui l’obligeant à s’éveiller. Il n’était pas sûr de pouvoir bouger, en fait, il n’était pas sûr d’en avoir envie. Le garçon ne savait même pas où il était. Il entendit des voix d’homme qui parlait à voix basses. Il ne reconnut aucun d’eux et préféra rester silencieux. Il valait mieux attendre que ses parents viennent le chercher. Ylios resta sans bouger.

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