• XXX - Elférad

    Elférad Juéllit

    Rang : Or

    Héritier de la grande famille Juéllit

     

    … lui parcourut tout le corps. Il venait de se réveiller dans un lieu inconnu, humide et froid. Elférad observa un moment le ciel terne au-dessus de sa tête avant de baisser le regard sur Lorti G’as. Celui-ci grignoter tranquillement assis sur une pierre. Il ne réagit pas lorsque l’héritier d’or se leva, se contentant de demander :

    -Où tu vas ?

    -Je vais retrouver Neghttris. Il doit avoir besoin d’aide.

    Ce n’est que là qu’il se rendit compte qu’il n’avait plus sa tablette. Après une brève recherche, il lui vint à l’esprit que Lorti G’as pouvait la lui avoir pris après l’avoir assommé. L’adolescent le dévisagea se demandant s’il était vraiment utile qu’il demande à la récupérer où s’il valait mieux tenter sa chance sans. Comme il faisait quelques pas pour s’éloigner, Lorti G’as l’interpella :

    -Tu vas juste te perdre sans carte. Il vaut mieux que tu restes avec moi.

    Elférad fit remarquer :

    -Tu n’as pas pu me porter bien loin.

    -Je suis plus fort que j’en ai l’air et tu as été inconscient plus longtemps que tu ne le penses.

    Cette fois, il eut toute son attention :

    -Comment ça ?

    -Neghttris ne veut pas te voir. Il t’est clairement hostile à présent.

    -Pas du tout. C’est ce qu’il s’est passé dans les souterrains. Il a dût vivre des trucs horribles. Il n’était pas dans son état normal.

    Ce fut à Lorti G’as de le dévisager avec attention :

    -Tu ne sais vraiment rien, n’est-ce pas ?

    -Rien de quoi ?

    Lorti G’as se leva, retira les miettes de ses vêtements tout en disant :

    -Je n’ai pas tellement de détails. Ce genre de chose ne m’intéresse pas tellement. Mais il se passe des choses au niveau de ton clan qui inquiète tes parents.

    Elférad vit l’occasion d’éclaircir un doute :

    -Tu ne serais pas l’espion qui me tournait autour à l’école par hasard ?

    L’adolescent éclata franchement de rire :

    -Une espion ? Non, non, merci, non. Mais je gardais un œil sur toi, oui.

    Elférad espéra lui porter un coup en disant :

    -Tu sais que mon copain t’a remarqué de suite ?

    -Pas tellement non. Il m’a vu parce que je l’ai voulu. Je pensais que si tes héritiers d’argent savaient que l’on te gardait à l’oeil, ça les empêcherait d’agir. Au moins pour un moment.

    Ce fut donc Elférad qui accusa le coup, mais il se ressaisit vite :

    -Tu dis n’importe quoi.

    -Si tu veux. Mais, pour l’instant, on devrait se concentrer sur la sortie. Je te laisserai discuter avec eux tout ton soul dans l’enceinte de l’école. Les risques y sont quand même plus minimes.

    -Neghttris a besoin d’aide maintenant.

    -Dommage, il n’a qu’à enlever son bracelet. Soit tu viens avec moi et tu as une chance de rester en vie jusqu’à la sortie. Soit tu erres seul et sans but jusqu’au moment où il faudra que tu renonces à ton bracelet aussi. N’oublie pas que tu n’as plus de sac.

    Elférad ne réalisa qu’à cet instant que son sac était effectivement absent et avant d’accuser Lortu G’as de lui avoir pris, il se rappela l’avoir enlevé pour dormir en sortant des tunnels, mais pas de l’avoir remis. Et merde. L’option de retirer son bracelet le rebuter également car il espérait bien gagner assez de points privilèges pour que ses parents puissent demander une faveur au Roi, même petite. Son choix lui parut évident, tout comme à Lorti G’as qui se mettait en marche sans attendre sa réponse. Le paysage dans lequel ils progressaient était principalement constitué de roches et de rochers immenses. Le sol était dur mais des trous plein d’eau le parsemait, obligeant les garçons à prendre garde où ils m’étaient les pieds. C’est au détour d’une roche, alors qu’ils faisaient un détour pour éviter un trou d’eau, qu’ils tombèrent sur les Quatrième. Les duos se dévisagèrent un instant, étonnés de se trouver là. A l’allure des jumeaux, Elférad devina que le Grand Jeu n’avait pas été tendre avec eux non plus. Ils étaient couvert de boue et avaient de nombreuses blessures. Superficielles, sinon ils ne tiendraient pas debout… enfin, j’espère.

    Lorti G’as leur demanda de but en blanc :

    -Vous allez où ?

    -Potentiellement la sortie… mais c’est pas sûr.

    Tefpiro présenta son bras, montrant que sa tablette était fissurée et probablement inutilisable. Oru fit de même, montrant que la sienne avait simplement disparu avec sa main. Une large entaille était en revanche visible sur son bras. Elférad se dit qu’il pouvait laisser tomber son idée d’abandonner Lorti G’as pour les suivre.

    -Vous n’auriez pas des soins pas hasard.

    Lorti G’as fouilla son sac pour en sortir deux seringues. Mais il a combien de truc dans son sac exactement ? Il est grand comment en vrai ? Pendant que les jumeaux se soignaient, Lorti G’as proposa :

    -Vous pouvez venir avec nous si vous voulez. Il n’a pas de tablette non plus, mais moi si.

    Tefpiro ricana :

    -Tu es notre guide alors.

    -Pourquoi pas ?

    Oru tapa son frère qui gronda :

    -Ça va, c’était pour rire.

    L’affaire fut vite entendue et ils se remirent en route en suivant Lorti G’as, bien que Tefpiro teint absolument à garder un œil sur la carte du garçon, comme s’il craignait que celui n’ait un intérêt à les perdre.

    -Juste pour être au clair, on a qu’un sac pour quatre ?

    Elférad acquiesça.

    -Et niveau réserve, du coup…

    Lorti G’as les informa :

    -Il faut qu’on trouve un refuge ou une planque.

    Ils n’échangèrent pas d’autres mots de la journée, excepté quand ils arrivèrent près d’une rivière. Les puits s’étaient peu à peu raccordés pour former ce cours d’eau. Oru tapota l’épaule de son frère qui râla :

    -Franchement, avec la chance qu’on a, la probabilité qu’elle soit potable est quasiment nulle.

    Elférad ne put qu’approuver en silence. Cependant, comme un accord tacite, ils restèrent près de la rivière tant que la direction leur convenait.

    La nuit fut courte à cause des moustiques qui ne cessèrent de leur vrombir dans les oreilles. Le cours d’eau commença à s’étrécir au fur et à mesure de leur avancée. Dans l’après-midi du deuxième jour, ce ne fut plus qu’un mince filet d’eau et au crépuscule, il disparut entre deux rochers. Ils restèrent plantés là, à fixer l’eau qui disparaissait en se demandant quelles étaient leur chance de retrouver de l’eau avant qu’ils n’en manquent complètement. Tefpiro finit par soupirer en disant :

    -Bon restez-là ne la fera pas revenir.

    Il avait à peine terminé sa phrase que Lorti G’as pointa le talus dont les rochers formaient la base, les forçant à lever la tête pour en voir le sommet. Une colline plutôt qu’un talus.

    -On a qu’à couper par là.

    Le groupe n’argumenta pas et commença à grimper. La pente était si abrupte qu’Elférad l’attaqua à quatre pattes, peu désireux de dégringoler et de se casser une jambe en plus de tout le reste.

    Arrivé au sommet, Elférad avait espéré qu’ils auraient une vue assez dégagée qui lui permettrait de repérer un refuge quelconque. Il ne fut pas déçu. Une fois en haut, il put distinguer un toit en contrebas. Oh pitié, faites qu’il y ait au moins à manger. Juste des miettes, ça m’irait bien aussi. Malgré son impatience, l’adolescent attendit de savoir ce que voulez faire les autres. Sans discuter, les trois autres descendirent avec précaution. Elférad les imita, suivant Lorti G’as qui lui semblait trouver le chemin le plus sûr.

    A la nuit tombée, ils arrivèrent à destination. Entrant dans le refuge, ils virent que le passage avait été dégagé et ce fut donc, sans surprise, qu’ils trouvèrent les planques vides. Au moins, on dormira dans des lits. A l’aspect des couvertures et oreillers, il était clair que d’autres avaient dormi ici. Les adolescents s’allongèrent et s’endormirent aussitôt. Le lendemain, ce fut toujours en silence qu’ils remontèrent à la surface.

    Une fois à l’extérieur, Lorti G’as prit quelques minutes pour s’assurer qu’ils s’orientaient dans la bonne direction, puis ils se mirent en marche. Ignorant à quelle distance se trouvait la sortie, les héritiers devaient se résoudre à ne rien manger ni boire le plus longtemps possible pour faire durer les réserves que Lorti G’as portait.

    Bien qu’Elférad n’avait aucun moyen de savoir l’heure exacte, peu désireux de briser le silence pour une question sans importance, il lui semblait bien qu’il n’était pas encore midi lorsqu’ils s’arrêtèrent. La pause n’était pas prévue, mais elle s’imposa d’elle-même lorsqu’ils tombèrent sur un héritier immobile au milieu de nulle part. Peu désireux de faire face à de nouveaux problèmes, le petit groupe s’était sagement arrêté à bonne distance. De plus, Elférad ne pouvait pas s’enlever de la tête que ce garçon lui disait quelque chose. Après une bonne minute de réflexion, cela lui était revenu. Ah, Mechem, le fiancé de Laxo. L’adolescent fit un pas en avant pour le saluer, mais l’héritier d’or restait parfaitement immobile, fixant le sol. Il ne m’a même pas vu si ça se trouve. Il voulut s’avancer encore, mais les jumeaux le retinrent. A l’expression tendue de leurs visages, Elférad comprit qu’il se passait vraiment quelque chose de bizarre. Il reporta son regard sur Mechem. Celui-ci n’avait toujours pas bougé.

    Quand le sol trembla, Elférad manqua de perdre l’équilibre.

    -C’est quoi ce…

    Soudain, Mechem fut sur eux, agrippant les vestons à sa portée, cherchant à les tirer vers lui :

    -Venez, grouillez.

    Le cœur battant, Elférad lutta pour se mettre en mouvement, tandis que Tefpiro s’exclamait :

    -Quoi ? Non, pourquoi ?

    Un autre tremblement et Mechem se figea de nouveau. Angoissée par l’attitude de l’adolescent, Oru essaya doucement de détacher les doigts accrochés à sa veste. Doucement, Mechem secoua la tête de droite à gauche pour la dissuader. Comprenant que le silence semblait important, le petit groupe observait les alentours, avec des airs interrogateurs à la recherche d’une explication quelconque. Le sol trembla à nouveau, mais, cette fois, ils entendirent comme une explosion au loin. Aussitôt, Mechem chercha de nouveau à les tirer à sa suite :

    -Bougez, putain ! Vite !

    Ils finirent par se laisser faire, poussés autant par les gestes que par le ton pressant de l’héritier d’or. Ils ne tardèrent pas à se mettre à son rythme. Mechem ne courrait pas de toutes ses forces, mais plutôt d’une allure maîtrisée comme s’il les économisait. Quand la terre trembla encore, Mechem saisit Elférad et Lorti G’as qui étaient à sa portée, pour les arrêter. Les jumeaux suivirent le mouvement et restèrent immobile et silencieux jusqu’au nouveau tremblement où ils reprirent leur course. Elférad ne tarda pas à voir apparaître le refuge qu’ils avaient quitté quelque temps plus tôt. C’est pas vrai.

    Ils entrèrent dans le bâtiment, pénétrèrent dans le sous-terrain où Tefpiro s’arrêta :

    -C’est bon. Tu peux nous dire ce qu’il se passe ?

    Mechem avait continué à courir et revint vers eux précipitamment pour plaquer sa main sur sa bouche. Dans un souffle à peine audible, il murmura :

    -Il est sous terre.

    Et alors ? Un tremblement. Un son inquiétant leur parvint du mur sur la gauche. Un son qui se rapprochait, comme si quelque chose d’énorme se creusait un passage. Oh putain, c’est pas vrai. Les yeux agrandis d’horreur, Elférad attendit de voir le mur s’effondrer quand le tremblement familier se fit ressentir. Mechem se remit à courir, le quatuor sur les talons.

    Ils passèrent par le tunnel, s’arrêtèrent quand arriva un autre tremblement, puis reprirent au suivant. Elférad se fit au rythme bien qu’il ne comprit pas exactement la situation. Ce n’est que lorsqu’il se sentit assommé de fatigue qu’il chercha à discuter, attendant tout de même une période d’immobilité :

    -Il faut que je dorme.

    Ses paroles n’étaient guère plus qu’un souffle, mais dans le silence qui les enveloppait, il crut bien que ses mots résonnaient. Mechem murmura à son tour :

    -Il faut qu’on sorte d’abord. S’il…

    Le sol trembla, ils se remirent à courir. Ils débouchèrent dans un nouveau dortoir dont, au vue de l’état, avait déjà était visité également. Elférad espéra qu’ils auraient un temps de pause dans les immenses escaliers. Je pourrai pas tout monter d’un coup vu mon état. Cependant, les autres, bien qu’en sueur, ne semblaient pas aussi épuisé que lui. Mais, pour une fois, il lui sembla qu’il avait un peu de chance car le tremblement se fit ressentir dès les premières marches. Figés en pleine course, Elférad respira profondément, reprenant calmement son souffle. Les temps d’arrêt et de courses étaient variés, ce qui ne leur permettait pas vraiment de se détendre. Cela n’empêchait pas Oru de fouiller sa tablette à chaque pause pour tenter d’en savoir plus sur ce qui les poursuivait. Tremblement, course, tremblement, arrêt, tremblement, course, tremblement, arrêt, puis la surface. Ils s’élancèrent dehors, mais quand le tremblement suivant les obligea à s’arrêter, Mechem se tourna vers eux, montrant le sol du doigt. Elférad comprit lorsqu’il vit les jumeaux s’allonger sur place . Il les imita et s’endormit aussitôt. Il ne suffit que d’une faible secousse pour le réveiller. Le temps qu’il se lève, le groupe était déjà au pas de course. Elférad le rattrapa sans difficulté et ils coururent tranquillement en attendant le prochain tremblement. L’héritier d’or ignorait combien de temps il avait dormi, mais il se sentait mieux. A la pause suivante, ce furent Mechem et Lorti G’as qui se préparèrent à dormir. L’héritier d’or confia sa tablette à Elférad et s’allongea sur place. L’adolescent put voir que le menu était ouvert à la page des Bestioles. Une en particulier. Elférad montra la tablette aux jumeaux et ils lurent avec attention, les informations qu’on leur présentait.

    Ce qui semblait les poursuivre était une espèce d’immense ver de terre aux pattes d’insecte. Sur le dos, il avait un évent comme les dauphins. Il retient son souffle pour aller sous terre où sa perception est décuplé. Mais il doit remonter pour respirer. A la surface, il a plus de difficulté à se repérer. Voilà qui éclaircissait le comportement de Mechem. Le tremblement qui secouait le sol marquait le moment où la Bestiole en sortait ou entrait. Lorsqu’elle était sous terre, silence et immobilité. A la surface, ils pouvaient tenter d’avancer, bien que la Bestiole reste à l’affût.

    Le sol trembla. Elférad eut à peine le temps de s’approcher des deux endormis qu’ils se mettaient déjà en route. Un regard à son bras rappela à Mechem qu’il n’avait plus sa tablette et il chercha l’héritier d’or du regard tout en courant. Elférad lui tendait déjà la machine et, maintenant certain qu’il risquait moins à parler en course qu’à l’arrêt, il demanda :

    -Qu’est-ce qui est arrivé à ceux qui étaient avec toi ?

    Ils avaient trouvé leur rythme de croisière pour la course et le petit groupe restait autour de Mechem pour entendre ce qu’il répondrait :

    -Ils se sont fait chopper.

    Ils veillaient à toujours parler bas malgré tout.

    -Par cette Bestiole ?

    -Oui. Il finit toujours par y avoir des ratés.

    Elférad se concentra sur son souffle un temps. Quel genre de raté ? A présent qu’il savait à quoi s’en tenir, l’organisation lui paraissait plus claire. Profiter de chaque pauses pour manger, boire, dormir chacun leur tour. C’est ce qui se déroula pour le reste de la journée. Cela permit à Elférad de mieux réaliser qu’en effet, à la longue, le rythme serait dur à tenir. Lors d’une nouvelle course, il jugea nécessaire de demander :

    -Niveau nourriture…

    -C’est la merde. Sauf si vous avez…

    Tefpiro lâcha :

    -C’est la merde.

    -OK.

    Lorti G’as compléta :

    -Un sandwich. Une bouteille d’eau.

    -En effet.

    Lorsqu’ils purent s’arrêter, ils partagèrent leur ration, Mechem n’ayant que deux bouteilles d’eau. Ils burent, le sol trembla, ils repartirent. Mechem les mena vers un large bâtiment. Il espère encore trouver à manger ? Je suppose qu’il vaut mieux vérifier de toute façon. En plus, il est plus grand que les refuges habituels. A peine à l’entrée, ils se figèrent en apercevant les corps qui jonchaient le sol. Les jumeaux haussèrent les sourcils :

    -Ah, les Cinq seraient passés par là que je ne serais pas étonné.

    Leur hésitation ne dura qu’une seconde avant que Lorti G’as annonce :

    -On se tire.

    Tefpiro fit remarquer :

    -Si les autres ne sont pas loin, on ferait aussi bien de les chercher.

    Elférad n’était pas vraiment pour cette idée. Peu importe la raison du massacre, il ne tenait pas à se lier à ceux qui l’avait causé. Même si avec les jumeaux, ça devrait aller...

    Le souffle d’une explosion les balaya. Elférad vit le sol défiler sous lui, réalisant à peine qu’il était en train de voler. Il atterrit durement aux abords d’un ruisseau, à moitié assommé sur les galets. L’héritier d’or se releva, tremblant. Putain de merde, putain de merde, putain de merde.

    -Les gars ?

    Les sons lui parurent lointain. Il lui fallait faire un effort pour se concentrer sur quoi que ce soit. Titubant, l’adolescent essaya de revenir sur ses pas. Le problème étant qu’il n’avait aucune idée de l’endroit d’où il venait. Il trébucha et choisit de se laisser tomber au sol pour réfléchir. Comme ses yeux ne semblaient toujours pas décidés à se focaliser sur ce qui l’entourait, il décida de les fermer. Allez, reprends-toi. Des mains le saisirent soudain. Elférad eut d’abord le réflexe d’essayer de se dégager, mais il reconnut Mechem en ouvrant les paupières :

    -...blement…. Dehors… pas ?

    La voix assourdie du garçon formait difficilement des mots dans son esprit.

    -Attends, je ne…

    Le corps de Mechem s’écroula soudain sur le côté alors qu’un jet de liquide chaud éclaboussait le visage d’Elférad. Celui-ci n’eut aucune réaction. La seule question qui lui traversa l’esprit fut de savoir comment de l’eau avait pu lui tomber dessus. C’est du ruisseau. Ça vient du ruisseau. La remise en marche de ses capacités de réflexion lui fit réaliser ce qui venait d’arriver petit à petit. L’eau est trop loin. C’est de l’eau froide dans le ruisseau. C’est pas de l’eau. Pourquoi Mechem ne bouge plus ? Une goutte passa ses lèvres laissant un goût métallique. Du sang. C’est du sang.

    Un bras se referma sur sa gorge. Étouffé, Elférad s’empara d’un galet pour le frapper. Une fois libéré, l’adolescent eut à peine le temps de se mettre sur ses pieds qu’il se retrouva écrasé au sol. Se retournant, un nouveau caillou en main, il tenta d’atteindre le visage défiguré de fureur de son assaillant. Le Troisième ? Un temps d’hésitation et il se retrouva de nouveau étranglé. Elférad eut un instant l’impression de se retrouver dans sa chambre dans la même situation. Sauf que cette fois, il n’avait personne à appeler à l’aide. Raffermissant sa prise sur le galet, il essaya de nouveau d’atteindre la tempe d’Onfionne. Cela ne produisit aucune réaction chez le garçon. Des points noirs dansaient déjà devant ses yeux.

    Quand on le relâcha, l’héritier d’or était au bord de l’évanouissement. Retrouvant son souffle tout en se redressant, Elférad chercha à comprendre la situation. Onfionne s’était finalement écarté pour rejoindre un adolescent affreusement défiguré. Sa face droite était brûlée de la joue à la nuque ne laissant plus un seul cheveux pousser de ce côté. L'oreille fondue faisait symétrie avec le moignon d'oreille de l'autre côté. La joue gauche était crevée d'une large cicatrice boursouflée. L’œil droit était une bille blanche, le gauche avait la pupille jaune et l'iris orange. Ses rares cheveux qui ne poussaient que du côté gauche avait une teinte terreuse. Sa main gauche était secouée de léger tressautement et Elférad devina le bras mécanique sous la peau artificielle. Il les entendit clairement discuter, mais l’héritier d’or était trop choqué pour chercher à donner sens à ce qu’il entendait. Il reconnut le Second et derrière lae Cinquième.

    C’est vers ellui qu’il se dirigea instinctivement, sous le choc, d’un pas titubant. Voyant son état, Hiloy s’avança pour le soutenir. Dans le tourbillon de pensées floues qui n’arrêtaient pas d’assaillir son crâne, Elférad réussit à en formuler une d’une voix blanche :

    -Il a tué Mechem.

    Hiloy fronça les sourcils pour marquer son incompréhension. L’héritier d’or tourna le regard vers le corps étendu près du ruisseau :

    -Il a tué Mechem.

    Lae Cinquième courut rejoindre l’adolescent au sol. Onfionne remarqua :

    -Mais iel connaît tout le monde en fait.

    Il se tourna avec un soupçon de déception vers le Second :

    -Quoi ? Je les connais aussi, je te signale.

    -Mouais.

    -On ne peut pas dire que Mechem et Elférad soient des noms courants.

    Hiloy, agenouillé.e près du corps, se tourna vers eux pour demander :

    -Il vous reste des Soins ?

    Weikom commença à protester :

    -On ne va pas distribuer…

    Le garçon qu’au vu des protagonistes présents, Elférad soupçonnait d’être le Premier, fit un pas pour s’approcher à son tour de Mechem, ce qui fit aussitôt taire le Second. Dans son esprit qui avait enfin le temps de se clarifier peu à peu, Elférad réalisa ce qu’il se passait. Il n’est pas mort. Il n’est pas mort. A son tour, il rejoignit Hiloy. La pierre qu’Onfionne avait envoyé avait déchiré la joue du garçon, révélant la mâchoire au grand jour. Le Premier injecta une seringue de soin qu’il avait sorti de son sac. Un soupir de soulagement s’échappa des lèvres d’Elférad. Ça aurait été con de mourir comme ça. Après avoir survécu si longtemps à…

    -Putain, la Bestiole !

    Hiloy et le Premier levèrent les yeux tandis que l’héritier d’or demandait précipitamment :

    -Où sont les autres ? Est-ce que le sol a tremblé ?

    Lae Cinquième bafouilla devant l’expression horrifiée d’Elférad :

    -Heu… il y a eu l’explosion…

    -Non, non. Un tremblement de terre, comme un tremblement de terre. Il y avait les Quatrième et Lorti G’as. On sortait du refuge...

    Tout en parlant, Elférad essaya de se souvenir de la dernière fois qu’il avait sentit le sol trembler. Avant le bâtiment, on courrait, mais est-ce que ça a tremblé depuis ? C’était, bien sûr, ce que Mechem avait tenté de lui demander. Cependant, il ne lui aurait été d’aucune aide, car, même à présent, il n’arrivait pas à se souvenir de ce détail. Pendant que l’adolescent réfléchissait, le Premier passa un doigt derrière son oreille. Son expression changea soudain et il se tourna brusquement vers Weikom et Onfionne pour leur hurler :

    -Bougez de là !

    Les deux adolescents coururent vers eux aussitôt. Une seconde plus tard, la terre se souleva lorsque la Bestiole perça le sol. Les héritiers se protégèrent des pierres et débris qui leur tombaient dessus en se recroquevillant, les bras autour de la tête. Quand Elférad put relever la tête, il aperçut l’immense ver de terre aux pattes d’insecte qui se dressait vers le ciel.

    Un sifflement résonna dans l’air, un claquement tonna, puis trois pattes tombèrent au sol, coupées net. Elférad resta bouche-bée en se demandant ce qu’il venait de se passer. Là, il remarqua que Weikom faisait un geste large du bras. Au bout de ses deux doigts métalliques, des câbles aussi fin que des fils de pêche étaient apparus. Ils s’enroulèrent autour du corps de la Bestiole, mais celle-ci se secouait, dû à la douleur de ses pattes coupées. Emporté, Weikom décolla. Le voyant partir, Onfionne bondit pour s’accrocher au Second. Cela permit à celui-ci de ne pas partir trop haut le temps qu’il décroche ses câbles. De retour au sol, Onfionne gronda :

    -Qu’est-ce que tu fous ?

    -Je voulais tenter de le couper en deux.

    -T’as vu la grosseur du truc ? T’es con ou quoi ?

    Weikom lui envoya une baffe sur l’oreille :

    -Petit comique, va.

    Pendant ce temps, le Premier avait tout naturellement relevait sa manche, ouvert son bras mécanique et en avait sorti deux scalpels qu’il avait tendu à Hiloy :

    -Tiens, c’est mieux que ta corne.

    En réponse aux actions de Weikom, la Bestiole balaya de sol de son corps frôlant le groupe près de Mechem, mais forçant le Second et le Troisième à courir se réfugier de l’autre côté du ruisseau. En se levant, le Premier leur demanda :

    -Des points faibles ?

    Les deux adolescents répondirent en chœur :

    -Pas marqué !

    Elférad tenta de se remémorer l’écran qu’il avait lu sur la tablette de Mechem. Il n’y avait pas de ligne point faible. Il s’étonna tout de même que les deux garçons aient été capables de répondre si vite et sans hésiter comme s’ils avaient la fiche de toutes les Bestioles en tête. Le Premier se leva pour se diriger au coin opposé où se tenait Weikom et Onfionne, s’éloignant de quelques pas d’Hiloy et Elférad. Tout en s’isolant, il demanda :

    -Énoncez !

    Weikom et Onfionne, toujours en chœur, récitèrent sans jeter un œil à leurs tablettes :

    -Perçoit mieux sous terre, mais ne peut pas y respirer. Il revient à la surface pour cela.

    La Bestiole se dressa vers le ciel pour s’abattre sur le Second et le Troisième. Onfionne saisit l’épaule de Weikom pour le dégager de la trajectoire.

    -Ne faites pas de bruit !

    Elférad avait crié avant même de le réaliser. La Bestiole se tourna vers lui. Merde. Weikom fit claquer ses câbles, ramenant le ver à lui. Onfionne lui envoya une baffe à l’arrière de la tête :

    -Qu’est-ce que tu fous, bordel ?

    Le Premier lança à Elférad :

    -Qu’est-ce que tu sais ?

    Intimidé, d’une voix plus basse, en cherchant tout de même à être entendu, il expliqua :

    -Il perçoit moins bien les choses à l’air libre, mais on est proche, alors il peut nous repérer. Si on se tait et qu’on ne bouge plus, il s’éloignera peut-être.

    L’adolescent avait parlé très vite en voyant la Bestiole revenir, mais elle se tourna vers le Premier quand celui-ci prit la parole :

    -Mmmh, cela ne me paraît pas assez définitif comme solution.

    C’est vrai, mais qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ? La Bestiole chercha à écraser le Premier, alors Weikom fit de nouveau claquer ses câbles, la créature se tourna donc, à nouveau, vers le duo, obligeant, à nouveau, Onfionne d’envoyer une baffe au Second pour marquer sa désapprobation. C’est moi, où ils ont l’air d’en avoir rien à foutre ? Hiloy qui lui tendait un scalpel retint un instant son attention :

    -Mais… c’est pour toi…

    Lae Cinquième montra la corne, ressemblant à celle d’un jeune cerf, qu’iel avait en main. Elférad ne se fit donc pas prier plus longtemps pour saisir la petite lame. La dissimulant dans sa manche, il sursauta quand le sol trembla du côté du Premier. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Même de là où il était, il pouvait voir que le sol autour du pied droit du Premier s’était crevassé.

    Comme Elférad réfléchissait encore à ce qui avait pu arriver, la Bestiole revenait à l’adolescent. Elle fut coupée dans son élan par Weikom qui n’hésita pas à la fouetter cette fois. Comme la créature se tournait vers lui, Onfionne qui s’était écarté frappa le sol de son poing. Elférad ouvrit des yeux ronds en voyant la terre se fissurer sous l’impact. Avant que le ver n’ait pu s’abattre sur le Troisième, le Premier tapa de nouveau du pied ce qui fragilisa encore le sol. Mais c’est quoi ces mecs ?!

    Pendant un petit moment, ils firent tourner en rond la Bestiole qui finit par rentrer sous terre de frustration. Elférad retint son souffle. Onfionne fit un pas dans le ruisseau. L’héritier d’or se tourna vers lui comme s’il venait de provoquer un coup de tonnerre. Le sol trembla et la Bestiole jaillit juste sous le Troisième. L’adolescent dégringola le long du corps de la bête, se stabilisa au sol, courut vers Elférad lui frappant l’épaule au passage. L’héritier d’or se redressa tandis qu’Onfionne lui montrait le bras de Mechem. Elférad le saisit, alors qu’Hiloy avait déjà saisi l’autre bras. Le Troisième prit les pieds et tous les trois éloignèrent Mechem de la zone de danger.

    Weikom avait fouetté la Bestiole l’attirant à lui. Lorsque la bête se prépara à frapper, un javelot la traversa soudain. Du moins, c’est ce dont cela avait l’air aux yeux d’Elférad. La Bestiole se tortilla de douleur, tenta de se réfugier sous terre malgré le pic qui la bloquait contre le sol. En forçant, la créature ne réussit qu’à agrandir les points d’entrés, faisant jaillir un sang bouillonnant dans l’eau du ruisseau. Le pic finit par se briser, lui permettant de fuir.

    Les Quatrièmes débouchèrent dans le vallon une fois assurés que la Bestiole ne reviendrait pas. Tefpiro s’écria :

    -Les gars, ça va ?

    Weikom rangea ses câbles :

    -Nous oui, mais qu’est-ce que vous avez foutu ?

    -T’as une idée du temps qu’il faut pour trouver un bâton solide dans le coin ?

    -Je parle du rendez-vous.

    -Ah ça. C’est une longue histoire.

    Onfionne rejoignait le Premier qui semblait trifouiller quelque chose au niveau de sa cheville. Même en plissant les yeux, Elférad ne put distinguer de quoi il s’agissait. Le Premier se redressa :

    -Allez, on y va.

    Tefpiro passa son regard sur Mechem  :

    -Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? Il est où l’autre ?

    Elférad lui répondit :

    -Mechem a été blessé. Par contre, je ne sais pas où est Lorti G’as...

    Onfionne le coupa pour aller au plus pressé et pointa l’adolescent inconscient :

    -Qu’est-ce qu’on fait de lui ?

    Le Premier posa les yeux sur Mechem :

    -Tu le portes, c’est ta responsabilité.

    Onfionne ne protesta pas et Hiloy et Elférad aidèrent à le mettre sur le dos du Troisième, pendant que Weikom faisait remarquer :

    -Il va avoir des lésions, c’est sûr. Quand il s’agit de la tête, même les Soins rapides ne peuvent pas tout réparer.

    Onfionne lui jeta un regard noir :

    -On peut savoir pourquoi tu éprouves le besoin de sortir ça maintenant ?

    Le Second eut un sourire mystérieux :

    -Juste une info, comme ça.

    Tefpiro en profita pour demander :

    -C’est vous le massacre dans le refuge ?

    Weikom croisa les bras :

    -Vous n’êtes as tombé sur le groupe spécial, vous ?

    Les jumeaux secouèrent la tête et Hiloy les informa :

    -Des héritiers se sont alliés pour nous provoquer en duel et prendre nos places.

    -Des duels ?.. et ça a fini en carnage ?

    Onfionne précisa :

    -C’est ellui qui dit qu’ils veulent faire des duels, nous, on a frappé avant de parler.

    Le Premier s’impatienta :

    -En route.

    Hiloy prit son courage à deux mains pour demander :

    -Et Citseko… et les autres ?

    Elférad dressa l’oreille.

    -On n’a pas le temps de retourner les chercher. La sortie n’est pas loin. On doit y aller avant que leurs renforts n’arrivent.

    Elférad sentit son cœur battre plus fort aux paroles du Premier. La sortie ? Pas loin ? L’héritier d’or s’étonna que Mechem ou Lorti G’as ne leur en ait rien dit. Il vit lae Cinquième jeter un regard inquiet vers un endroit particulier. Citseko est là ?

    -Trop tard.

    Elférad fronça les sourcils sans comprendre la raison des paroles du Premier. Celui-ci leva brusquement les yeux vers le surplomb rocheux qui étendait son ombre sur le ruisseau :

    -Fusil !

    Tous allèrent aussitôt chercher refuge sous les arbres et derrière les rochers. Elférad vit Onfionne déposer Mechem au sol, une fois à l’abri. Sur sa droite, il aperçut Hiloy qui en profitait pour s’éclipser. Peu désireux de se retrouver seul avec les cinq autres qu’il ne connaissait pas, l’adolescent lae suivit.

    Lae Cinquième revenait vers un bâtiment détruit. Lorsqu’iel ralentit en apercevant le petit groupe poussiéreux qui se trouvait devant, Elférad devina qu’iel ne s’était pas attendu à les trouver là. Citseko se tenait agenouillé près d’un adolescent inconscient que l’héritier d’or ne connaissait pas. En revanche, il nota la présence de Tahiya, Xutik et d’un garçon qui se trouvait dans son club. Cyrastès du clan Pairenna. Hiloy lança avant même de les avoir rejoints :

    -L’autre groupe est là !

    Citseko bondit aussitôt sur ses pieds, mais Cyrastès le retint :

    -Calme-toi.

    Elférad vit l’héritier d’argent se rassoir en s’excusant de sa réaction trop vive. Hiloy continua en se trouvant à leur hauteur :

    -Ils vont à la sortie.

    -C’est eux qui ont fait exploser ça ?

    Elférad observait les restes d’un bâtiment encore fumant. Cyrastès répondit d’un ton nonchalant :

    -Oui, mais ce n’est que le deuxième.

    Hiloy en profita pour demander en pointant le garçon inconscient :

    -Vous n’avez pu sortir que lui ?

    Tahiya acquiesça et Xutik finit par demander :

    -On fait quoi du coup ?

    Hiloy semblait embarrassé.e :

    -Je ne sais pas trop. Moi, j’y retourne. Ils sont encore en train de se faire attaquer. Je voulais vous prévenir. S’il y en a qui veulent venir donner un coup de mains.

    Citseko était de nouveau debout, mais Cyrastès tenta encore de le faire se rasseoir :

    -Qu’est-ce que tu fais ? On s’en fout d’eux. On a qu’à attendre que ça se finisse pour passer.

    L’héritier d’argent secoua la tête avec inquiétude :

    -On ne peut pas laisser les Cinq se battre seuls.

    -Tu sais, c’est pas parce que tu vas les aider qu’ils vont te récompenser.

    -Pourquoi ils devraient me récompenser ?

    Cyrastès le dévisagea avec incrédulité avant de se lever :

    -Il est pas croyable, je vous jure.

    Hiloy se tourna vers Tahiya qui hocha la tête :

    -Je viens.

    Elférad leva la main :

    -Moi aussi, mais... qu’est-ce qui t’es arrivé Xutik ?

    L’interpellé se contenta de lâcher :

    -Ça te regarde ?

    Toujours agréable. C’est que ça va. Hiloy tourna les talons suivit par Tahiya et Cyrastès, mais Citseko demanda à Xutik avant de partir :

    -Ça va aller ?

    L’adolescent lui fit signe de partir d’un geste de la main. De toute évidence, il n’est pas d’humeur.

    -Viens, Citseko. Il faut pas traîner.

    Cyrastès revenait déjà pour voir ce qu’ils faisaient.

    Les cinq adolescents s’arrêtèrent sur une colline leur permettant d’observer le vallon tout en restant à l’abri des arbres. Weikom maintenait en respect le groupe d’héritiers en faisant tourner ses câbles. Deux corps décapités étaient déjà au sol. Le Premier se tenait près de lui, tandis qu’Onfionne, Oru et Tefpiro étaient hors de vue.

    -Pourquoi ils ne tirent pas ?

    Elférad fixait également les héritiers possédant des armes à feu, les tenant en joue, mais sans appuyer sur la détente. Cyrastès demanda :

    -On fonce dans le tas ?

    Hiloy haussa les épaules et Tahiya fit remarquer :

    -Ils ont l’air de maîtriser la situation. On risque de tout gâcher en déboulant comme ça ?

    Elférad n’était pas sûr que l’on puisse parler de maîtrise. Sauf si Onfionne et les jumeaux sont encore dans le coin, cachés et qu’ils ont des armes. Hiloy tira la manche de Citseko :

    -On devrait contourner pour les surprendre par derrière.

    Elférad approuva :

    -On est de toute façon moins nombreux. Un effet de surprise ne serait pas de refus.

    Gardant un œil sur le ruisseau, ils remontèrent le groupe en restant discret. Au niveau du surplomb rocheux, ils trouvèrent Mechem appuyé contre un tronc d’arbre. Cyrastès le pointa de sa lame en demandant à voix basse :

    -On le tue lui ?

    Hiloy et Elférad secouèrent la tête. Surplombant le ruisseau, Onfionne se tenait debout, fusil en main. Il se tourna vers eux comme s’il les avait senti venir. Ne voyant personne d’autre, Elférad demanda, craignant une attaque surprise :

    -Il est où le propriétaire du fusil ?

    Onfionne pointa le vide. Au moins, ça explique qu’ils ne tirent pas. Ils savent que l’un des Cinq tient le fusil sur eux. Hiloy expliqua par geste qu’ils allaient contourner le groupe. Onfionne leva un pouce et remit en joue le fusil en visant les héritiers en contrebas.

    Quand ils atteignirent l’arrière du groupe, Elférad se dit qu’il serait bon de savoir si lae Cinquième avait un plan :

    -Hiloy…

    Cyrastès bondit, lame au clair sur les héritiers qui leur tournaient le dos, Tahiya sur les talons. Elférad referma son poing sur le scalpel :

    -Ah…. D’accord.

    Hiloy le tira par la manche pour l’accompagner :

    -C’est pas contre toi. Il n’en fait qu’à sa tête.

    Citseko confirma l’affirmation d’un signe de tête. Elférad lui sourit et courut vers le premier héritier à portée. L’attaque de Cyrastès n’avait pas manqué d’attirer l’attention. Un adolescent désarmé envoya son poing au visage d’Elférad. Celui-ci para avec son bras, plantant son scalpel dans l’épaule du garçon. Choqué, celui-ci recula avant de prendre ses jambes à son cou. Elférad remarqua que sous l’effet de leur arrivée soudaine, d’autres en profitait pour s’éclipser sans combattre. Bon, c’est déjà ça. Un cri de douleur lui fit tourner la tête. Un héritier d’or regardait en hurlant son poignet traversé d’une flèche. Ce n’est pas ce qui retint l’attention d’Elférad. L’arme à feu qui était en train de tomber fut tout ce sur quoi ses pensées étaient concentrées. Il plongea avant qu’un autre ne puisse la saisir.

    En se redressant, il tira aussitôt dans la jambe d’une fille qui lui fonçait dessus, couteau en main. Il désarma un second héritier qui cherchait à surprendre Hiloy dans le dos. Tira sur l’épaule d’un troisième, le pied d’une quatrième. Les blessés préférèrent s’enfuir, décourageant au passage certains de leurs camarades qui les suivirent. Hiloy, Cyrastès, Tahiya et Citseko tailladaient de droite et de gauche provoquant également la fuite d’autres héritiers. Ils ne sont clairement pas là par choix. Un déclic lui annonça qu’il n’avait plus de balle. Fait chier.

    L’un de leurs adversaires semblait attendre ce moment car il bondit aussitôt, refermant son bras sur le cou de l’héritier d’or. Ah non, pas encore ! Il lui planta son scalpel dans l’avant-bras ce qui lui permit se s’échapper pendant que l’autre criait. Elférad lui fit face, en garde. L’héritier lui lança d’abord un regard furieux avant que ses yeux ne dévient légèrement et qu’il sourit. Quelqu’un derrière moi. Elférad fit volte-face, évitant de justesse un couteau qui lui frôla le flanc. Emportée par son élan, la jeune fille revint à la charge en envoyant son bras en arrière. Elférad évita la première puis la seconde attaque. Les choses se compliquèrent quand l’autre héritier, s’étant remis de sa douleur, passa également à l’attaque. Cela ne déstabilisa pas vraiment Elférad, Combattre ses trois héritiers d’argent en même temps avait fait parti de son entraînement. Un autre garçon surgit soudain, se joignant aux deux premiers. Elférad s’efforçait d’esquiver la plupart des coups, économisant pas et gestes pour conserver ses forces. Vise l’essentiel. Il nota un arrêt, une hésitation chez ses trois adversaires. Y en a un autre. Il se baissa, tournant sur un pied pour faire passer l’héritier dans son dos devant lui. Le jeune homme en profita pour planter son scalpel dans le poignet du nouvel attaquant, lui faisant lâcher son matreau. Elférad fut tenté de le ramasser, mais il sentit un coup lui frôler le front alors qu’il se penchait. Fais pas le con, merde ! Garde ce qui marche. Il se ressaisit, abandonnant le marteau, il fit face aux quatre adolescents. Il ne s’inquiéta pas de leur nombre. Elférad avait veillé à s’enfoncer au milieu du groupe. Avec la foule qui les entourait, leurs mouvements étaient maintenant gênés. Ils ne pouvaient attaquer en même temps qu’en prenant le risque de se blesser entre eux. C’est donc en un contre un qu’il finit par se débarrasser de chacun d’eux. La sueur lui collait les cheveux au front et la fatigue commençait à se faire ressentir quand le dernier se retrouva au sol. Elférad n’eut pas le temps de profiter de sa victoire. Une douleur fulgurante lui traversa le genou, lui arrachant un hurlement de douleur. L’adolescent chercha à se retourner en traînant la jambe, le temps de voir la fille lever à nouveau le marteau qu’il avait renoncé à ramasser. Par réflexe, l’adolescent chercha à protéger son visage de son bras. Le marteau lui brisa la main. Aveuglé de douleur, il remarqua à peine l’héritière levant à nouveau le bras, mais par instinct ou réflexe, il se projeta de tout son poids contre elle. Celle-ci lâcha l’outil dont Elférad s’empara. Se relevant tant bien que mal, Elférad vit un héritier se diriger vers lui avec une hache. L’héritier d’or leva sa main gauche armée. Son nouvel adversaire hésita, mais un de ses compagnons en criant :

    -C’est bon, il est droitier…

    Elférad ajusta son coup et lui envoya le marteau en pleine tête/ Je suis ambidextre en fait. Il courut récupérer l’outil avant que l’autre ne le fasse, mais celui-ci resta sur place encore quelques secondes avant de décider de tourner les talons. Là, un autre héritier saisit Elférad à bras le corps, le souleva et le jeta au sol. D’un geste large, l’héritier d’or balaya l’air de son marteau, faucha l’adolescent au menton avant qu’il ne puisse se jeter sur lui. Elférad n’eut pas le temps de se lever qu’un pied se posa sur son bras armé, le tenant au sol, tandis qu’une faucille lui tranchait les doigts. L’héritier d’or hurla de douleur. Obnubilé par sa main mutilée, il ne vit pas son agresseur s’effondrer après avoir reçu une flèche dans le cou. Elférad peinait à se relever quand Citseko apparut à ses côté comme par magie, armé d’un arc :

    -Tiens prend ça.

    Rapidement, avant qu’Elférad ne le réalise, l’héritier d’argent attacha à son bras la lame de Cyrastès. Celui-ci faisait de son mieux pour maintenir les attaquants à distance pendant la manœuvre. Elférad pleurait :

    -Mes mains. J’ai plus de mains.

    Citseko essuya ses larmes avec un air malheureux pour la main brisée et l’autre, mutilée, mais conscient de l’urgence de la situation, il affirma :

    -Je sais, mais tu n’en as pas besoin avec ça.

    Elférad baissa les yeux sur la lame qui prolongeait son bras. Ça peut le faire, c’est vrai. L’héritier d’or renifla, inspira et se leva. Les attaques fusèrent que l’adolescent put prévenir avec sa nouvelle arme. Il n’était pas vraiment à l’aise, mais réussissait à contrer l’essentiel des coups sans trop de difficulté. Lorsqu’il remarqua que le hasard des passes l’avaient isolé, le garçon chercha à rejoindre un des membres de son groupe. Tu vas pas assez vite. Un mouvement de foule le fit encore ralentir. Commençant à se sentir oppressé, gêné dans son avancé, il finit par se demander ce qu’il se passait. Un regard vers l’avant lui fit deviner que les héritiers cherchaient à fuir devant Weikom et le Premier. Faut que je sorte de là. Elférad porta son regard vers les arbres. Un endroit éloigné de la foule et des combats qui lui permettrait de mieux anticiper la situation. A cet instant, dans la bousculade, on vint frapper son genou meurtri. Perdant l’équilibre, l’héritier d’or se retrouva au sol. On marcha sur sa main brisée. Pleurant de douleur, il se recroquevilla comme il pouvait pour tenter de se protéger des pieds qui le bousculaient, le piétinaient. Bientôt, un héritier finit par lui tomber dessus, puis un second. Elférad commença à être écrasé...

    « Chapitre 347 - Monotonie »

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