• 7 - Monotonie

    Le résultat de son agitation fut qu’il dormit plus tard le matin, mais une fois réveillé, le prince bondit sur ses pieds pour commencer à remonter de l’eau au puits. Il lui fallait toujours un temps fou pour préparer un bain, si bien que pour lui-même, il se contentait d’une douche froide au puits. Ce matin-là, pourtant, Soliflane redoubla d’effort et quand le baquet fut plein d’eau tiède, il y plongea la jeune fille. Après cela, il s’installa à la table, écrivit un mot et se glissa dehors comme il le faisait toujours, mais le prince resta derrière la porte. Il sortit la note qu’il venait d’écrire pour la glisser sous la porte. La fée ne semblait pas désireuse de rester dans la même pièce que lui, car elle disparaissait chaque fois qu’il avait tenté d’entrer dans la chambre en sa présence. Le jeune homme espéra qu’elle trouverait la note et en même temps, qu’elle savait lire. Il attendit quelques instants puis la porte s’ouvrit d’elle-même. Comme auparavant, la princesse était lavée et il eut juste le temps d’apercevoir une silhouette qui s’évaporée en entrant. Le mot été toujours là, mais il espérait que la fée en avait pris connaissance.

    Impatient, Soliflane s’empressa de sécher et d’habiller la princesse, puis il prit un carnet qu’il coinça dans sa ceinture, avant d’emmener la jeune fille dans la cour comme la veille. Seulement, le prince s’approcha à nouveau des ronces priant pour que la fée accède à sa requête. Quand ils furent suffisamment proche, les gigantesques plantes s’écartèrent de leur chemin.

    -Prête, princesse ? Cette fois, on y va pour de vrai.

    Le prince passa entre les ronces en espérant que la fée ne changerait pas d’avis en cours de route et ne referme les plantes sur eux. Il se gronda à cette pensée. La fée ne ferait aucun mal à la princesse. Ils furent bientôt dans les bois. Soliflane avait promis qu’ils n’iraient pas loin, alors il déposa la princesse contre un tronc d’arbre à peine entré dans le bois.

    -Je vais vous laisser un instant, je reviens vite.

    Le jeune homme déposa le carnet près d’elle, retourna rapidement dans la cour pour récupérer un sac et revint dans les bois. Lors de ses dernières chasses, il avait observé les fruits dans les arbres qui murissaient jour après jour. A présent, certains étaient bons à cueillir et, laissant la princesse, il s’aventura vers un pommier qu’il avait repéré plusieurs jours auparavant. La journée était ensoleillée, alors le prince cueillit les fruits tranquillement, en sifflotant. Il s’était inquiété de laisser seule la jeune fille, mais son angoisse s’était apaisée en se disant que la fée ne la laisserait surement pas être blessé. D’une manière ou d’une autre, elle agirait. Il allait tenter de monter plus haut dans l’arbre quand il arrêta son geste. On ne pouvait pas dire que la fée était très efficace quand même. Soliflane fronça le nez et décida de rentrer.

    Quand la princesse fut en vue, il ralentit avant de s’arrêter complétement. Un renard s’était approché de la jeune fille et reniflé prudemment le carnet posait près d’elle. Soliflane se demanda si la princesse avait senti la présence de l’animal et aurait voulu trouver un moyen pour la lui signaler, mais il avait peur de le faire fuir. Le jeune homme se contenta donc d’observer la scène, un sourire aux lèvres. Cependant, le renard sembla sentir quelque chose et, après un bref instant d’immobilité, s’enfuit. Soliflane rejoignit alors la princesse :

    -Vous avez vu ? Je veux dire, sentit ? Il y avait un renard tout près. Vous avez déjà vu un renard ? Je doute qu’il y en ait déjà eu dans la cour du château.

    Il se laissa tomber à ses côtés et récupéra le carnet.

     

    Bientôt 16,

     

    Elea est restée un peu avec l’apprenti ce matin, Fabor et moi, on s’est amusé à imaginer leur parole depuis la fenêtre. Je faisais l’apprenti tandis qu’il faisait Elea, c’est bien plus drôle comme cela. Quand elle est montée, elle m’a demandé si j’avais écrit une lettre pour le prince qui viendrais me réveiller. J’ai ris en lui rappelant que ce n’était pas ce qui était prévu, mais elle a insisté. Après tout, si l’histoire se propagée, peut-être que certain viendrait. Je n’aime pas l’idée que des étrangers viennent me voir dormir, mais je n’ai rien dit.

     

    Soliflane s’endormit sans même s’en rendre compte. Quand il se réveilla, à peine une heure plus tard, il s’étonna d’avoir autant sommeil, après tout, il s’était également endormi près du puits la veille. Le prince se secoua. Cela ne voulait surement rien dire, il passait son temps à courir dans tous les sens depuis des jours, il était normal qu’il ressente de la fatigue au bout d’un moment. Soliflane se leva pour s’étirer et souleva la princesse pour la ramener dans sa chambre. Il revint récupérer ses pommes avant de retourner auprès de la jeune fille.

    Il s’installa sur le lit, croqua un fruit et repris sa lecture :

     

    Presque 16

     

    Mère m’a laissé aller dans la cour ce matin. Il ne faisait pas très beau, mais j’avais besoin de sortir. Père fait toujours évacuer la cour quand j’y suis. Il craint que la mauvaise fée ne se déguise en serviteur pour me tromper. D’habitude, Fabor et Elea viennent avec moi, mais ils ont du travaille aujourd’hui et je fais semblant de ne pas remarquer que leur visite se font plus courtes qu’avant.

    J’ai couru de toute mes forces et j’ai pleuré en même temps. Le jour approche et ma peur revient m’étouffer. J’ai peur de dormir. J’ai peur de la solitude qui me guette. J’ai couru encore et encore pour évacuer ma peur, jusqu’à ce que mes jambes ne me portent plus. Puis, soudain, je les ai vu, Fabor et Elea. Ils se sont mis à me courir après et j’ai éclaté de rire. Je me demande si c’est mère qui est allée les chercher. Quoiqu’il en soit, on a fini par faire des courses où j’ai remporté deux victoires, Elea aussi, mais Fabor est le plus rapide. Avec Elea, on s’est dit qu’il avait dû nous laisser gagner.

    Ils n’ont pas pu rester longtemps après ça et je devais retourner dans ma chambre, mais pour un instant au moins, je n’ai plus pensé au nombre de jour qu’il me restait.

     

    Les jours qu’il restait. Soliflane devait avouer qu’il commençait à s’inquiéter. Il n’avait pas ouvert de carnet depuis un bon bout de temps. Principalement parce qu’il approchait de la fin et qu’il n’était pas sûr de vouloir savoir quelles avaient été les dernières pensées conscientes de la princesse. Le jeune homme voyait les jours filer, maintenant, dans la monotonie. Cela ne le dérangeait pas vraiment, ce qui le préoccupait le plus c’était son anniversaire qui approché. Il devrait rentrer pour voir son père, ne pouvant pas le laisser seul. Ils avaient toujours fait son anniversaire ensemble. Soliflane quitta le ciel des yeux pour revenir vers la pièce. Le ventre de la jeune fille ne semblait pas vouloir s’arrêter de grossir. Il n’était pas expert, mais cela ne devrait plus tarder. Il ne pouvait pas la laisser seule, mais il ne pouvait pas non plus oublier son père.

    Soliflane s’assit au bord du lit et prit la main de la princesse. C’était devenu une habitude, quand il lui parlait. Il espérait que ce geste la réconfortait :

    -J’ai un problème. C’est bientôt mon anniversaire et je devrais rentrer pour voir mon père. Mais, je ne veux pas non plus vous laisser seule, avec le bébé qui arrive. A votre avis qu’est-ce que je devrais faire ?

    Le prince bailla, se frotta les yeux et reprit :

    -Il y a ça aussi. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais j’ai de plus en plus de mal à rester éveiller. Je crois que la malédiction finit par déteindre sur moi. C’est un point pour le retour à la maison, vous êtes d’accord ? Mais si le bébé arrive pendant que je ne suis pas là, comment allez-vous faire ? Un point pour rester.

    Il prit le temps de réfléchir quelque minute :

    -Je ne pense pas que la fée vous laisserez seule. Je veux dire, pour l’accouchement. Donc, je pourrais rentrer sans crainte.

    Soliflane soupira et serra un peu plus la main de la jeune fille. Il finit par sourire et dit sur le ton de la plaisanterie ;

    -Ça ne vous direz pas d’accoucher demain ou après-demain ? Mon anniversaire est dans quatre jours. Donc, vous avez au moins trois jours.

    Il se pencha à son oreille :

    -Je plaisante hein, ne vous inquiétez pas.

    Le prince se redressa et soupira à nouveau en laissant dériver son regard vers la fenêtre :

    -Mais, je ne suis pas plus avancé.

     

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