• Chapitre 34

    Noré sourit, le cœur battant d'excitation et se murmura comme pour se convaincre que c'était réel :

    -Me voilà dans le futur alors.

    Cela ne devait pas tellement l'étonner, après tout, les sorcières lui avait dit qu'elles connaissaient le futur. Voyager dedans était un moyen sûr de le connaître.

    -T'es perdu ?

    Les deux enfants de sept ans se tenaient devant elle. Noré allait répondre au garçon, quand une femme sortit de la maison. Même à cette distance, la jeune fille pouvait reconnaître Soria. Suivant son regard, les enfants se retournèrent vers leur mère et mirent leurs mains en porte-voix :

    -Maman ! On a une perdue !

    Soria s'avançait déjà vers eux. Au fur et à mesure qu'elle reconnaissait Noré, sa marche ralentit, son visage pâlit. Finalement, elle saisit le bras de chacun de ses enfants et les ramena à elle :

    -Qui es-tu ?

    -Noré. Bon, je pense que là je suis censé avoir vingt ans ou plus, mais ça peut s'expliquer.

    La Saldrian serrait toujours ses enfants contre elle et son visage était perplexe. Noré remarqua qu'elle ne portait pas ses bracelets. Elle poursuivit :

    -Je suis chez les sorcières en ce moment, du moins je l'étais. Puis, je suis tombée dans une mare bizarre.

    Soria tiqua :

    -Tu es tombée dans la mare ?

    -Heu...oui. Enfin, on m'a un peu poussé. J'ai dû te raconter tout cela dans le passé, non ?

    La femme relâcha les enfants et s'avança. Du bout des doigts, elle frôla les cheveux et la joue de la jeune fille. Puis, elle sourit :

    -Ma Noré nous avait parlé d'une mare, mais elle n'était pas tombée dedans.

    Soria resta silencieuse à fixer l’adolescente et demanda :

    -Tu veux manger quelques chose ? Je me souviens qu'à l'époque nous étions loin de manger à notre faim.

    Noré hocha la tête. Cette situation étrange la fascinait totalement. Elle pourrait lui demander ce qu'il s'était passé après les sorcières. Savoir comment ils étaient rentrés en Métane, car visiblement, ils n'étaient pas en Terres Sanglantes. Le ciel était bleu, des nuages cotonneux y glissaient paresseusement et l'air sentait le sel et la forêt. Le tout donnait une atmosphère apaisante et rassurante. Cela fit du bien à Noré qui ne s'était pas détendue depuis longtemps. Ils rentrèrent dans la maison. Celle-ci ne comportait que deux pièces. Une servant de chambre, l'autre possédait une table, un placard et une cheminée. Soria commença à s'activer mais elle stoppa une seconde lorsque Noré demanda :

    -Il n'est pas là Titian ?

    Elle avait hâte de voir à quoi il pouvait ressembler. La Saldrian répondit d'une voix faible :

    -Non.

    Noré était déçue. Elle allait demander où il était, quand une autre pensée déplaisante lui vint. Elle hésita avant de la questionner :

    -Est-ce qu'il t'a laissé seule avec les enfants ?

    Les jumeaux qui s'étaient installés à table, s'écrièrent d'une voix :

    -Il s'est envolé.

    -Envolé ?

    Noré regarda Soria d'un air interrogateur. C'est seulement alors que celle-ci levait vers elle des yeux aux bords des larmes, qu'elle vit à quel point la Saldrian avait vieilli. Elle avait les traits tirés par la fatigue, des cheveux blancs s'étaient glissés dans sa chevelure de jais et des rides s'étaient formées sur son front. A cet instant, il lui sembla comprendre. Pendant un temps, l'adolescente fixa la femme sans bouger, cherchant un détail qui rejetterait ce qu'elle était en train de penser. Mais tout ce qui lui vint fut le souvenir des tombes. Elle devait en avoir le cœur net.

    Se précipitant dehors, Noré traversa le champ, plongea dans le bois. Ne freinant sa course que lorsqu'elle trouva la clairière aux pierres tombales. Elle stoppa à quelques pas de la seconde tombe. La jeune fille s'avança doucement craignant ce qu'elle y lirait. Un espoir s'était logé dans sa tête. Son cerveau tournait à vive allure murmurant mille théories qui démontraient que ce qu'elle supposait été faux.

    Tout s'arrêta lorsque, penchait en avant, elle lut le nom de « Titian » gravé dans la pierre. Noré eut le souffle coupé, ses larmes se déversèrent sur ses joues en rivière incontrôlable. Elle se plia en deux, suffocante, incapable de prononcer un son. Ses yeux sur la pierre, tout son corps était secoué de sanglot. La jeune fille finit par croiser ses bras sur ses genoux et y logea sa tête. Les larmes imprégnèrent son pantalon. Soria l'avait rejoint, elle attendit que sa crise passe. Quand enfin, Noré réussit à reprendre le dessus, les yeux rougis et tremblante, elle demanda d'une voix encore incontrôlée :

    -Mais comment...pourquoi...

    Soria répondit, hésitante :

    -Je ne suis pas sûr que tu doives le savoir. Si tu viens du passé, rien que le fait de savoir que Titian va mourir peut changer des choses.

    -Quand ? Quand va-t-il mourir ?

    -Je ne peux pas te le dire.

    -Combien de temps depuis l'époque où je viens ? Tes enfants l'ont connu ou il est mort avant ? S'il est mort au cours de notre voyage, je pourrais l'empêcher.

    La femme ne répondit pas et laissa glisser son regard vers la tombe. Noré fixa le sol :

    -Et moi ? Où je suis maintenant ?

    Soria eut un sourire attendrit :

    -Tu m'a écrit pendant un moment.

    -Un moment ? Je ne le fais plus ?

    La Saldrian fixait rêveusement la tombe et ne semblait pas l'avoir entendu. Noré se décida à rentrer et se mit en marche lentement, laissant son amie seule. Il devait y avoir des choses dans la maison qui lui feraient comprendre comment c'était arrivé. Il lui fallait les lettres qu'elle avait envoyé. Elles contenaient certainement des détails, des réponses à ses questions. Elle accéléra l'allure et finit par courir. La jeune fille passa près des enfants qui étaient ressortis jouer. Une fois dans la maison, elle referma la porte, la bloquant avec une chaise. Il n'y avait pas beaucoup d'endroit où chercher et Noré se jeta dans la chambre. La petite pièce ne contenait que deux lits et un bureau avec deux tiroirs. Elle s'avança vers celui-ci et ouvrit le premier tiroir. Les bracelets de la Saldrian avait été abandonné là. La jeune fille le referma et ouvrit le second. Des lettres jaunies y étaient éparpillées.

    Dehors, elle entendit Soria frapper la porte en lui criant d'ouvrir. Noré l'ignora et saisit les lettres. Les dates avaient été marqué et elle commença par la plus vieille :

     

    « Ma chère Soria,

    Me voilà enfin au siège de la Métane. J'y ai rencontré le fameux Lyan. Je dois avouer qu'il n'est pas exactement comme je l'imaginais. J'ai beaucoup parlé avec lui et il m'a révélé le rôle du bracelet et bien d'autres choses qui te surprendront. Je comprends, à présent, pourquoi ma mère m'a envoyé vers lui. Je lui ai aussi parlé de toi et de ta situation. Il aimerait t'aider. Je dois y aller maintenant, nous devons nous préparer pour la guerre qui arrive. Avec toute mon affection, Noré

    P.S: Je regrette de t'avoir laissé partir, je viens de rencontrer un homme qui te plairait. J'espère pouvoir te le présenter bientôt. »

     

    Noré avait reconnu son écriture. Le contenu de la lettre lui laissa une impression étrange. Ignorant Soria qui frappait à la fenêtre à présent, elle relut la missive rapidement. Se préparer à la guerre ? Cela voulait-il dire que le bracelet n'avait pas pu l'empêcher? Et de quel homme parlait-elle ? La jeune fille rechercha fébrilement des lettres qui pourrait lui apporter des précisions. Elle en repéra deux qui suivaient celle qu'elle venait de lire. Les deux étaient chiffonnées montrant qu'elles avaient été beaucoup lues et manipulées. Noré lut la première. C'était aussi son écriture :

     

    « Ma chère Soria,

    Voilà bien longtemps que je ne t'ai pas écris. Nous avions beaucoup à faire. Si je t'envoie cette lettre, c'est pour te faire part des récents événements. Un de nos vieux amis vient de nous trahir. Tu sais qui c'est, puisque je t'ai parlé de lui dans une lettre précédente. Lyan a envoyé des hommes à sa poursuite. Le combat s'annonce plus rude que prévu avec cette trahison, mais nous avons de nouveaux alliés. J'espère que ces renforts nous aideront à remporter la victoire.

    Avec toute mon affection, Noré. »

     

    La jeune fille porta aussitôt son attention sur la seconde lettre. Pas de son écriture celle-là. Il y avait aussi des tâches plus sombres, comme des larmes séchées :

     

    « Chère Soria,

    J'écris ces mots la peur au ventre et le cœur détruit. Je suis Lyan. Noré vous a sans doute parlé de moi. Si ce n'est pas elle mais moi qui vous écrit cette lettre, c'est que Noré est morte. Je sais qu'il vous est aussi pénible de lire ces mots que moi de les écrire. Si vous avez reçu cette lettre, c'est que la bataille est perdue, sinon je l'aurais détruite. Le traître est réapparu avec des alliés puissants. Ils réussirent à détruire le peu de guerriers encore fidèles à Noré. Ils exposèrent les Vemepyres au soleil. Les forêts du Nord furent détruites et le courageux Xilanos pendu. Azaque, Cil et de nombreux Tiarks furent brûlés vifs. Vino, Eliana, Awoni et beaucoup d'autres les ont suivis. Moi-même, je suis en prison et serai exécuté après-demain, si je n'arrive pas à déjouer les plans de nos ennemis lors de mon procès. Si je devais échouer, je me suis arrangé pour que cette lettre vous parvienne. Je vous demande de ne rien tenter, quoiqu'il arrive par la suite. Trouvez un moyen de vivre dans ce nouveau monde et regardez l'avenir de vos enfants en mémoire de ceux qui sont morts. Je prie pour que cette lettre ne quitte jamais mes mains.

    Adieu, ma chère enfant. »

     

    Noré ne se donna pas la peine de ranger les lettres. Une fois qu'elles s'échappèrent de ses mains tremblantes, elle les laissa au sol. Puis, la jeune fille sortit sans vraiment s'en rendre compte. Elle retira la chaise de sous la poignée et ouvrit. Soria s'était assise contre le long du mur et pleurait à chaudes larmes. Ses enfants lui caressaient les cheveux en lui disant des mots de réconfort, sans comprendre la raison de ses pleurs. Noré s'avança vers la femme et pleura avec elle. D'une voix brisée, l'adolescente demanda :

    -Ce n'est pas vrai, hein ? On ne peut pas tous mourir.

    Soria leva la tête vers elle, sans répondre et la jeune fille poursuivit :

    -Titian n'est pas dans les lettres que j'ai lu...

    A cet instant, la Saldrian s'agrippa à ses poignets dans un geste désespéré :

    -Il faut que tu le retiennes, d'accord ?! De toutes tes forces, il ne doit pas lâcher prise. Le moment venu, retiens-le. Je t'en prie, ne le laisse pas mourir à nouveau.

    Noré acquiesça. Soria la prit dans ses bras et pleura. Les lettres qui devaient lui apporter des réponses n'avaient apporté que plus de question. L'homme de la première lettre était-il le traître qui causerait leur perte ? Comment allait-elle mourir ? Elles restèrent ainsi un temps indéfini. Les enfants ignorant comment agir étaient aussi au bord des larmes. Puis, Soria écarta doucement Noré et essuya ses larmes :

    -Il faut que je finisse le repas.

    Elle se leva, prit ses enfants par la main et rentra. Noré resta assise dans l'herbe, les yeux sur l'horizon sans vraiment le voir. Elle se sentait lasse, sans énergie. Ce voyage était-il vraiment nécessaire ? Qu'est-ce que cela lui avait apporté jusque là ? Sa volonté d'accomplir la dernière demande de sa mère s'était évanouie.

    -Noré ?

    Elle leva la tête vers la fillette.

    -Maman dit qu'il faut venir manger.

    La jeune fille se leva et marcha à pas lents vers la maisons. Elle alla s’asseoir sur une chaise et regarda l'assiette sans appétit. Les enfants chahutaient ayant retrouvé leur gaieté. Soria vint s'asseoir près d'elle.

    -Dis-moi, pourquoi nous nous sommes séparés ?

    -A la mort de Titian, j'ai perdu tout courage et avec les enfants qui allaient arriver, nous nous sommes mises d'accord. Tu continuas ta route seule pendant que je veillais à ce que mes enfants naissent sans dommage.

    Elle poursuivit rêveusement :

    -Parfois, je me dis que si nous étions restés ensemble...

    Elle ne finit pas sa phrase, mais Noré avait compris. Elle dévisagea les jumeaux. C'était de beaux enfants qui avaient hérité un peu de la grâce des Saldrians. Ils étaient aussi moqueur et turbulent, ce qui ne pouvait leur venir que de leur père. Noré se demanda si cela était douloureux pour Soria de retrouver ainsi Titian dans leurs enfants.

    -Comment ils s'appellent ?

    Le visage de la Saldrian s'illumina quand elle répondit :

    -Tilianne et Titoyo.

    Soria les regardait avec un tel émerveillement que Noré sut qu'il n'y avait aucune peine quand elle les voyait. Il y eut un silence et la Saldrian finit par dire :

    -Sais-tu comment tu vas retourner dans ton époque ?

    Noré sursauta, elle ne s'était pas encore posée la question :

    -Non. Je n'en sais rien. Peut-être en retournant dans la mare.

    Elle y réfléchit un moment avant de proposer :

    -Je pourrais rester ici. Si je ne reviens pas, la Soria et le Titian de mon époque sont sauvés par les sorcières et n'ont plus de raison de se mettre en danger. Ici, je pourrais t'aider.

    Soria lui prit la main :

    -Tu peux rester ce soir, mais il faudra repartir demain.

    Noré hocha la tête. Elle savait qu'elle ne pourrait pas rester, mais ça lui avait plu de l'imaginer. Après tout, qu'est ce qui l'attendait une fois de retour chez les sorcières ? Ils repartiraient, ils seraient poursuivis, tout recommencerait. Les enfants furent mis au lit et les deux amies allèrent s'asseoir au bord de la falaise. Les bras appuyés sur la barrière, Noré regarda le soleil se coucher sur la mer. Elles ne prononcèrent pas un seul mot, toutes deux perdues dans les souvenirs. Quand la nuit fut tombée et que les étoiles apparurent, elles allèrent dormir. Noré partagea le lit de Soria qui se situait sous une petite fenêtre donnant sur la mer. La jeune fille resta à fixer la pleine lune de Métane encore un moment avant de s'endormir.

    La nuit était déjà bien avancée lorsqu'elle fut réveillée par un bruit de vitre cassée. La jeune fille se redressa, en appui sur ses bras et regarda vers la fenêtre. La vitre était brisée. Une fraction de seconde, elle crut voir une ombre s'éclipser. Un liquide chaud entrant en contact avec ses doigts reporta son attention sur le lit. Ce qu'elle vit l'empêcha de penser une seconde, puis Noré hurla en se jetant hors du lit. Un carreau d'arbalète avait transpercé la joue de Soria et avait traversé le palais. La Saldrian était morte sans s'être réveillée. A présent, dans la tête de Noré une phrase tournait en boucle. On nous attaque. On nous attaque.

    Le hurlement de la jeune fille avait réveillé les enfants.

    -Qu'est-ce qui se passe ?

    La voix du garçon lui fit reprendre ses esprits. Noré retira leur couverture et ordonna :

    -Debout ! Il faut partir.

    -Partir où ? Où est maman ?

    Ils sortirent du lit et Noré les tourna vers la porte pour qu'ils ne voient pas leur mère. Mais, elle ne put les empêcher de remarquer le corps. Elle les retint, alors qu'ils tentaient de s'approcher de leur mère, inquiets, pleurant déjà :

    -Qu'est ce qui se passe ? Qu'est ce qu'elle a maman ?

    Il fallait qu'elle réagisse, qu'elle sauve les enfants. L'adolescente se rendit compte à quel point Titian lui manquait. Il avait toujours pris les décisions si facilement. A présent, elle devait agir en pensant à Tilianne et Titoyo. Elle devait trouver de quoi se défendre. Sans leur répondre, Noré leur demanda :

    -Vous avez des armes ? Écoutez-moi !

    Les enfants se décidèrent à détourner leur regard de leur mère :

    -Vous avez des armes ?

    -Sous le lit de maman.

    Noré s'accroupit près du lit, prenant soin de ne pas poser les yeux sur Soria et regarda où ils avaient indiqué. Un vieux coffre sans serrure, ne contenait que deux revolvers. Sans hésiter, elle en donna un à chacun des enfants :

    -Bon, écoutez-moi, vous allez sortir d'ici et courir aussi vite que possible. Il y a probablement des gens dehors, tirez sans réfléchir, d'accord ? On va essayez de se cacher dans les bois.

    Tilianne pleurait et Titoyo insista :

    -Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ?

    -On est attaqué, d'accord. Alors vous faites ce que je viens de dire, compris ?

    Les enfants acquiescèrent.

    -Alors, en route.

    Ils ne bougèrent pas, les yeux sur leur mère, espérant encore qu'elle se lèverait. Noré revint, saisit le bras de chacun et les obligea à sortir.

    -Allez, courez.

    Les enfants obéirent finalement et s'élancèrent hors de la maison. Noré fut tentée de jeter un dernier regard à Soria, mais s'en défendit. Elle s'empressa de rejoindre les jumeaux. Sur le pas de la porte, elle s'arrêta stupéfaite. La pleine lune lui permettait d'y voir comme en plein jour. Un vent violent s'était levé et elle dut écarter ses cheveux châtains de devant ses yeux pour voir plus distinctement. L'adolescente ne s'était pas attendue à ce que les brigands soient si nombreux. Car, bien que son esprit soit bloqué sur des pirates, ce ne devait pas en être. Ici, cela faisait des années que les pirates ne la poursuivaient plus. Comme elle cherchait les enfants du regard, elle vit que Titoyo était cerné et que Tilianne courait vers la forêt poursuivie par cinq hommes. Noré voulut voler au secours du garçon mais quelqu'un vint derrière elle et la saisit à bras le corps, lui plaquant une main sur la bouche. Elle se débattit, tandis que l'homme l'emmenait vers la forêt. Le fils de Soria et Titian fut traversé par deux pics de bois et il poussa un hurlement suraigu avant de s'écrouler. Noré se débattit deux fois plus sauvagement, hurlant et pleurant. Mais l'homme ne la relâcha que lorsqu'ils furent près de la mare.

    A peine ses pieds touchèrent le sol qu'elle voulut s'enfuir. Son unique but, désormais, était de sauver la fille, mais un lion noir aux yeux dorés surgit devant elle en grondant. Noré se tourna vers l'homme et cria :

    -Laissez-moi partir !

    Le jeune homme ne dit rien, guettant les alentours comme s'il attendait quelque chose. Noré tenta à nouveau de partir, mais où qu'elle aille, le lion lui bloquait le passage. Grognant, montrant les crocs, il la dissuada de tenter de poursuivre. Cependant, la jeune fille pensa à Tilianne, seule et effrayée. D'un pas résolu, elle marcha droit sur le lion noir. L'inconnu la tira brusquement en arrière, alors que l'animal lançait un coup de patte puissant. Noré vit des griffes énormes lui frôler le visage. Son ravisseur laissa des mains fermes sur ses épaules, l'empêchant de se mouvoir.

    -Une enfant va mourir.

    Le jeune homme lui jeta un regard triste et murmura :

    -Je sais.

    -Mais il faut l'empêcher !

    Elle tenta de se dégager, mais il assura sa prise et le lion poussa un rugissement dissuasif.

    -D'accord, d'accord. Je ne bouge plus.

    N'ayant plus d'autre choix, Noré en profita pour le dévisager. Il avait les cheveux plein d'épis, noir comme son œil droit, le gauche était bleu. Il portait une étrange veste noire à laquelle on avait cousu des morceau de tissu tombants, rectangulaires et longs, un peu partout. Cependant, ils ne semblaient d'aucune utilités. Sa veste couvrait la moitié de ses mains pleines d'anneaux diverses, parfois deux au même doigt. Sous sa veste un haut gris, entrait dans son pantalon d'un noir délavé et mangé aux mites. Il portait une ceinture dont semblait partir, devant et derrière, comme un pagne, deux pans de tissus gris. A ses pieds, des chaussures que Noré ne connaissait pas. Elle reporta son attention vers le haut ne s'attardant que brièvement sur les trois colliers à son cou. Un serre cou avec un pendentif en forme de lune. Une chaîne un peu plus longue en portait un en forme d'étoile. Le dernier, encore plus long, avait un soleil. Le regard de la jeune fille s'arrêta sur la plume accrochée dans ses cheveux, derrière son oreille droite. C'était une plume de harpie comme celle que lui avait donné Luse.

     

    Tilianne courait de toutes ses forces. Elle avait entendu le cri de son frère et il lui était devenu difficile de ne pas trébucher à cause des larmes qui troublaient sa vue. Finalement, sa course s'arrêta lorsqu'elle fut au pied de la falaise qui surplombait leur maison. Elle voulut la longer mais les hommes l'avaient rattrapé et l'encerclaient. La fillette leva son arme et les brigands éclatèrent de rire :

    -Combien d'entre nous penses-tu tuer avec ça ?

    L'enfant jeta des regards éperdus tout autour d'elle. Dans sa tête, elle appelait sa mère et son père. Elle imagina l'ombre d'un homme qu'elle n'avait jamais connu, surgir derrière les brigands et voler à son secours. Parce que c'est ce que font les parents. Mais rien n'apparut et bien que l'amie de sa mère lui ai dit de tirer, Tilianne n'y arrivait pas. Ses larmes redoublèrent en réalisant que personne ne viendrait la sauver, les hommes s'approchaient. L'un d'eux lança :

    -Ne t'inquiète pas. On ne vas pas te tuer, ils manquent de catins dans la ville d'à côté.

    Ses propos provoquèrent l'hilarité de ses compagnons. La fillette pensa à sa mère et à son frère. Qu'auraient-ils fait ? Elle était toute seule et terrorisée. Soudain, un homme se jeta sur elle. La raison lui revint une fraction de seconde et Tilianne fit un bond sur le côté. La fillette visa l'homme un instant, mais son bras tremblait trop. Désespérée et incapable de réfléchir, le cerveau paralysé par la peur, écrasée par le chagrin, elle jeta un dernier regard circulaire, espérant l'intervention d'âmes disparues. Mais toujours rien, personne ne viendrait plus et elle ne pouvait rien face à ces hommes. Il lui fallut peu de temps pour plaquer l'arme contre sa tempe et appuyer sur la détente.

    La détonation fit sursauter Noré et elle jeta un regard dans sa direction. A nouveau, elle voulut s'élancer mais le jeune homme ne la lâchait pas. Elle jeta un regard plein de fureur et de chagrin à l'étrange garçon. La jeune fille chercha les mots qui auraient pu les exprimer, mais il n'y en avait pas d'assez fort. Alors, elle finit par s'écrouler, pleurant la mort des enfants de Soria et Titian.

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