• Treizième battement

    Nouphilo n’aimait pas l’odeur des gens. Eau de Cologne ou parfum, il trouvait ça désagréable. Cela n’était pas mieux avec ceux qui ne portait ni l’un ni l’autre. L’odeur naturelle était parfois tout aussi insupportable. Rester près d’une personne assez longtemps pour se retrouver avec son odeur en partant lui donné immanquablement envie de prendre une douche. Mais là, rien. Nouphilo ramena ses mains, recouvertes par les manches de la veste de Erlhas, sous son nez et inspira doucement. Rien, pas d'odeur. En fait elle était plutôt chouette cette veste. Il reporta son attention vers l'avant où Erlhas et Sebizan chahutaient. Tout le monde revenait vers les cabanes par deux ou trois, car le temps se rafraîchissait. Pourtant, une fois à destination, Sebizan s'éloigna vers un autre groupe dont il connaissait apparemment les membres, alors que Erlhas poursuivait seul, retournant dans les bois sur le chemin ramenant vers l'école.

    Nouphilo hésita. Il pouvait rentrer et retourner à son livre, mais comme déjà d’autres garçons retournaient à la cabane, il pouvait dire adieu à la tranquillité. L’autre option était d’aller avec Erlhas, à moins que cela ne le dérange. Le responsable avait peut-être envie d’être seul. Nouphilo opta pour un entre deux qui se résuma à aller se promener dans les bois. En fixant le dos de Erlhas qui s’éloignait, la discussion téléphonique lui revint en mémoire. Il s’était pris la tête un petit moment avant d'opter pour une solution simple. Attendre que Erlhas remette ça sur le tapis s’il le jugeait nécessaire. Comme il n'en avait pas reparlé, c'était que c'était sans importance. Nouphilo avait pensé que Erlhas ne s'était même pas rendu compte de ce qu'il avait dit.

    L'adolescent se souvenait que lorsqu’il avait été faire son inscription à l’école, il avait dû y retourner trois fois dans la même après-midi car l’administration avait chaque fois oublié de lui donner un document. Quand ils avaient appelé pour lui demander de revenir la troisième fois. Il avait ri et conclu par « d’accord, à plus » sans même y penser. Tard, rajoute tard, tu peux pas leur dire à plus. Le temps qu’il se décide à suivre sa pensée, il avait estimé qu’il avait trop attendu, alors même que son interlocuteur était encore en ligne, peut-être surpris par cette familiarité. Il n’avait donc rien ajouté et raccroché.

    C’était probablement ce qui était arrivé à Erlhas aussi. Il avait dû parler avec quelqu’un avant, à qui il avait dit ça et avait répété sans y faire attention. Cette pensée le ramena à une discussion qu’il avait surpris plus tôt. Un groupe de fille qui avait entendu dire que Erlhas et Sebizan était plus que des amis. Il ne s’était pas posé plus de question que cela mais peut-être qu’elles n’avaient pas tort.

    Alors qu’il marchait tête baissée, une ombre apparut dans son champ de vision, le faisant sursauter. Il avait rejoint Erlhas sans même s’en rendre compte et à présent, celui-ci avait cessé d’avancer pour le fixer en souriant. Merde, il va croire que je le suis, la honte. Erlhas se contenta de demander :

    -Tu vas où ?

    Il haussa les épaules pour répondre.

    -Tu veux venir avec moi ? Je cherche la vieille église.

    Nouphilo fronça les sourcils :

    -Quelle vieille église ?

    -Mon père m’a raconté qu’ils allaient à la messe tous les dimanches quand il était en pension ici. Puis, l’école a changeait de propriétaire et ils ont arrêté. Du coup, l’église a été fermé.

    -Et tu la cherches pourquoi ?

    -Parce que c’est cool une église hantée.

    Nouphilo n’était pas sûr qu’une église fermée devenait automatiquement hantée, mais il était plutôt curieux de la voir. Les bâtiments abandonnés étaient toujours amusant à visiter.

    -C’est où ?

    Erlhas pointa un ancien sentier à peine visible qui se séparait du chemin principal.

    -Dans la jungle.

    Le garçon sourit et le suivit.

    Alors qu’ils marchaient en silence, tentant de suivre le vieux chemin qui disparaissait sous les broussailles, Nouphilo se demanda s’il ne devait pas dire quelque chose. La plupart des gens trouvait le silence gênant, bien que lui n’en soit pas plus dérangé que ça. Mais peut-être que Erlhas se sentait mal à l'aise d'avoir un compagnon si silencieux. En même temps, de quoi on pourrait parler ? De livre ? Erlhas risquait de ne pas être intéressé. De films ? Nouphilo ne connaissait rien à ses goûts, autant ne pas risquer de lancer une discussion barbante. Même chose pour la musique. Ils n'étaient pas dans les mêmes classes, pas de la même année, donc tous sujets scolaires étaient à exclure. En plus, Erlhas n'avait pas forcément envie de parler école pendant les vacances. Nouphilo abandonna, quitte à laisser le malaise de Erlhas se prolonger. C'est quand même pas croyable. De quoi parle les gens d'habitude ? Il se remémora la discussion de Sebizan et Erlhas, et d'autre discussion qu'il avait pu entendre. Mais rien qui aurait paru naturel venant de lui. Autant rester dans le silence.

    -Victoire, victoire !

    Les exclamations de Erlhas le tirèrent de ses pensées. En relevant la tête, il aperçut une vieille bâtisse entre les arbres, recouverte de lierre. Nouphilo lâcha :

    -Elle est plus petite que je ne l’imaginais.

    Erlhas fronça les sourcils :

    -C’est vrai, pas sûr qu’une centaine d’élève est un jour tenu dedans.

    Il s’attaqua aux ronces qui bloquaient le passage, suivit de Nouphilo :

    -L’école n’était peut-être pas si grande à l’époque.

    Il se dégagea des épines qui avaient agrippé son pantalon et déboucha devant la petite église aux côtés de Erlhas. Celui-ci s’approcha de la porte, puis se retourna pour informer :

    -Pas de poignée.

    Nouphilo se sentit déçu à l’idée de ne pas pouvoir explorer l’intérieur de la bâtisse. Déjà, Erlhas faisait le tour et il continua de le suivre. En sautant, le chef de dortoir réussit à s’agripper au rebord d’un des vitraux brisés.

    -Faudrait que j’appelle Sebizan. On pourrait passer par là en se faisant la courte échelle.

    Bah et moi alors ? Je suis pas complètement impotent. Mais Nouphilo se contenta de sourire. Il était normal que Erlhas pense à son ami pour faire ce genre de bêtise. Est-ce que c’était une bêtise ? L'adolescent n’était pas très fort avec ce genre de chose, les bêtises s’étaient pas son truc. Mais bon, là, il n’y avait stipulé nulle part qu'ils n'avaient pas le droit d'entrer dans l'église. Il retourna à la porte pour voir si le vieux bois pouvait céder sous une forte poussée. Il poussa d'abord doucement, puis de plus en plus fort en finissant par un coup d'épaule. Un rire lui fit tourner la tête. Erlhas plaisanta :

    -Que de violence.

    Propose-lui, allez. Nouphilo hésita et rit lorsque Erlhas tenta à son tour d’enfoncer la porte. Il inspira doucement et lâcha :

    -On tente la courte échelle si tu veux.

    Le jeune homme répondit sans manifester la moindre surprise :

    -Ouais, ok. On tente.

    Ils retournèrent sous le vitrail. Nouphilo se demanda s’il y arriverait. Erlhas s’appuya contre le mur et croisa les mains.

    -Allez, en route.

    Bon, faut pas avoir un QI de génie non plus. Reste calme, t’es pas débile. Il s’approcha, posa le pied dans le creux des mains de Erlhas qui se redressa. Se soutenant au mur, Nouphilo se retrouva face au vitrail. Il s’agrippa au rebord, se hissa dans l’étroite ouverture et jeta un coup d’œil à l’intérieur.

    -Alors ? Tu vas te casser une jambe ?

    Il observa la hauteur avec réflexion :

    -Je crois que c’est possible.

    Nouphilo se hissa sur les bras pour passer une jambe à l’intérieur, puis la seconde. Il se laissa glisser doucement dans l’église avant de lâcher. Il atterri sur le sol froid en grimaçant de douleur lorsqu’une douleur lui traversa les chevilles. Il se redressa pour observer les alentours. Mis à part quelques bancs éparpillés et le socle de pierre qui servait d’autel, il n’y avait rien. C’est alors que la voix de Erlhas lui vint de l'extérieur :

    -Tu n’as rien ?

    -Non, ça va. Je vais essayer d’ouvrir la porte.

    Il se dirigea vers celle-ci et tourna la vieille poignée rouillée sans trop d’espoir. Il entendit Erlhas de l’autre côté :

    -A trois tu tires, je pousse.

    -Et si c’est fermé à clé ?

    -Je t’apporterais une couverture et à manger.

    Nouphilo éclata de rire :

    -Y a des bancs. Je pense qu’en grimpant dessus je pourrais atteindre le vitrail.

    -Ok. T’es prêt pour l’essai numéro un ?

    -Prêt.

    Ils s’activèrent un petit moment autour de la porte avant de réussir à la faire bouger. Finalement, ils parvinrent à l’ouvrir et Erlhas se glissa à l’intérieur. Il fit un tour sur lui-même pour observer tout l’espace :

    -Ce serait pas cool qu’on vienne tous ici, un de ces soirs ? Pour manger et se raconter des histoires qui font peur ?

    Si, ce serait cool. Ils firent ensemble le tour en longeant les murs sans rien trouvé d’exceptionnel, mais Erlhas resta enthousiaste concernant son idée.

     

    Quand ils retournèrent au camp, Erlhas s’échappa vers Sebizan pour lui parler de son projet. Nouphilo ne put s’empêcher de se sentir un peu laissé de côté en les regardant tous les deux s’agiter et se diriger vers les autres responsables. Il les observa s’éloigner avant de se diriger vers la cabane reprendre sa lecture.

    Nouphilo ouvrit les yeux sur le plafond. Je me suis endormi ? L’agitation venant de l’extérieur le fit se redresser. Guettant un instant pour voir si quelqu’un allait rentrer, il choisit de se lever. En sortant de la cabane, le garçon vit que la nuit était tombée. Tout le monde s’était regroupé en riant et un des responsables fit tomber un sac de son épaule :

    -Bon, on a pas assez de lampes de poche pour chacun, donc mettez-vous par groupe.

    Ah, ils le font ce soir ? Nouphilo ne s’attendait pas à ce que la soirée dans l’église soit prévue si vite. Il fit un pas vers les autres avant de s’arrêter, hésitant. Il ne pouvait pas dire qu’il avait été invité et très peu parmi eux aurait été ravi de le voir s’incruster. L'adolescent retourna sur le pas de la porte. Pour la première fois, l'idée de passer la soirée tout seul lui pinçait le cœur. Il guetta n'importe quel signe, n'importe quel geste qui l'inciterait à penser qu'il était le bienvenu. Cependant, les élèves se dispersaient pour aller chercher couvertures et pulls dans les cabanes. Les garçons passèrent devant lui sans le voir. Nouphilo les écouta plaisanter, rire en essayant de se faire peur et les observa avec attention de sous sa visière, en souriant, avec une envie qu'il n'avait jamais connu. Moi aussi je veux aller à l'église. Puis il se dit qu'il n'avait pas tellement besoin d'eux pour aller se faire peur dans les bois, mais il était aussi certain qu'on ne le laisserait pas prendre une lampe pour lui tout seul. Pas grave, je vais bouquiner. Si j'avance bien, je l'aurais fini ce soir. Ses yeux commençaient à piquer lorsque sa vision s'obscurcit soudain et qu'une douleur se fit sentir là où la visière avait cogné l'arête de son nez.

    -Bouge, il faut des pulls, tu vas pas y aller comme ça.

    Nouphilo éclata de rire en relevant la casquette à temps pour voir Erlhas s’engouffrer dans la cabane, suivit d’un Sebizan qui répétait d’une voix de fausset :

    -Pull, pull, plein de pull.

    Nouphilo les suivit, le cœur bondissant, et fouilla son sac. Il prit un pull, réfléchit, en prit un deuxième. Juste pour être sûr. Il se souvint qu’il avait toujours la veste de Erlhas et la déposa délicatement sur le lit d’en-dessous pendant que le garçon avait le dos tourné. Il aperçut son livre et se demanda s’il ne ferait pas mieux de l’emporter en cas d’ennui. Bof, j'aurais qu'à revenir. Il se laissa retomber au sol et courut rejoindre les deux amis qui l'attendaient près de la porte. Sebizan trépignait en chantonnant :

    -On va se foutre la trouille, trouille, trouille.

    Une fois dehors, Erlhas rejoignit les responsables en tête de groupe pour guider, tandis que Sebizan était appelé par des amis. Nouphilo attendit que les groupes se mettent en marche avant de se glisser derrière. L'adolescent écoutait les plaisanteries des autres en souriant, observa la forêt plongée dans l’obscurité et soupira. Il était drôlement content d’être là. Il s’ennuierait peut-être dans dix minutes, mais il lui suffirait de rentrer. Nouphilo doutait qu’il manquerait à qui que ce soit.

    Arrivés à l’église, les élèves alignèrent les bancs le long des murs et s’assirent face à face. Le garçon se mit par terre voyant bien qu’il n’y aurait pas assez de place. Au moins de cette manière, il n’aurait pas à se coller à qui que ce soit. Il ne cacha pas sa surprise lorsque Erlhas et Sebizan finirent par le rejoindre.

    -Tu veux manger un bout ?

    Nouphilo se rendit compte que les responsables passaient pour distribuer des sandwichs. Erlhas lui en donna un avant de s’asseoir à ses côtés. Un garçon ferma la porte et Diaralie se plaça au centre pour annoncer :

    -On peut commencer ? Qui se lance pour une première histoire ?

    Ce fut sans surprise que Sebizan bondit sur ses pieds pour la rejoindre. Les applaudissements l’accueillir alors qu’il commençait son histoire. Celle-ci était plus amusante qu'effrayante, mais plu tout de même à son public. Après lui, un autre garçon vint prendre sa place. Nouphilo admirait leur courage de venir parler ainsi devant tout le monde. Il écouta avec amusement les différentes histoires avant de se rendre compte qu'ils passaient chacun leur tour. Ça veux dire que je vais devoir le faire aussi ? Il jeta un regard désespéré à Erlhas. Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Lui, plus que quiconque aurait dû savoir qu'il était hors de question pour lui de parler devant les autres. Nouphilo revint à la personne qui était en train de raconter, mais n'écouta pas un mot. Son cœur s'était déjà lancé dans une course effrénée, alors qu'il réfléchissait à toute allure. Il compta les personnes qui n'étaient pas encore passées, essaya d'évaluer le temps qu'il lui restait pour trouver une solution. Il fouilla dans sa mémoire pour une histoire intéressante, bien qu'il ignorât ce que les autres pouvaient aimer. Une fille se leva pour prendre la place centrale. Nouphilo avait la gorge serrée, il s'efforça de respirer profondément. Peut-être qu'ils passeront mon tour. C'est pas comme s'ils avaient remarqué ma présence. Sebizan ne tarda pas à briser ses illusions en lui murmurant :

    -C’est bientôt ton tour.

    Nouphilo grimaça un sourire en recherchant un peu d’air. Il choisit une histoire qu’il avait lu, se la repassa rapidement pour vérifier qu’il se souvenait des détails importants. La fille retourna s’asseoir et avant que quiconque n’est pu faire le moindre mouvement, il se leva. Autant en finir maintenant. Il s’attendait à avoir les jambes flageolantes, à être tout tremblant. Il faut que je me concentre sur quelque chose qui ne me distraira pas. Il avait entendu une fois qu'il fallait fixer le front des gens en cas de stress. Tout en avançant, il releva sa casquette et tenta de le faire, mais il redescendait sans cesse sur les yeux des personnes qui lui faisaient face. Il fallait trouver autre chose. L'adolescent savait qu'il serait angoissé à voir les autres chuchoter ou rire pendant qu'il parlait. Il se rendit compte, alors, qu'il avait retrouvé son calme. C'est assez sereinement qu'il commença à parler tout en cherchant un endroit où fixer son regard. Ce fut Erlhas. Nouphilo était intimement persuadé que lui ne ferait rien pour le distraire. Au bout d'un certain temps, se rendant compte qu'il devait donner l'impression de raconter l'histoire qu'à lui seul, il fit le tour de la salle sans s'arrêter sur aucun visage. Pourtant, Nouphilo revint à nouveau sur Erlhas. A vrai dire, c'était le seul qui semblait vraiment intéressé par ce qu'il racontait. Au fond de lui, Nouphilo espérait que son histoire lui plaisait. Lorsqu'il eut terminé, il s'empressa de retourner à sa place. Tandis qu'il s’asseyait à côté de Erlhas, celui-ci lui dit :

    -Elle était cool ton histoire.

    -C’est vrai ? Tu trouves ? Je te passerais le livre si tu veux.

    Sebizan retint un ricanement, alors que Erlhas faisait la grimace

    -Je préfère qu’on me raconte les histoires.

    Nouphilo rit :

    -À ce point-là.

    Deux autres élèves parlèrent à leur tour, puis Diaralie revint au centre :

    -Un vote rapide pour les trois meilleures histoires.

    Sebizan bondit sur ses pieds :

    -Pas besoin de perdre de temps et vive moi !

    Une fille lança en ricanant :

    -C’était quoi ton histoire déjà ?

    Tous éclatèrent de rire, ce à quoi Sebizan répliqua par un geste dramatique :

    -Je suis trop merveilleux pour ce public.

    Il retourna s’asseoir tandis que Diaralie rétablissait le calme :

    -Alors ?

    Une fille leva la main :

    -Je vote pour l’histoire de Fari, celle avec le fantôme sanglant.

    Les mains se dressèrent et Nouphilo les rejoignit. À vrai dire, il avait adoré cette histoire même s’il n’avait plus aucun souvenir du visage de la conteuse. Diaralie compta rapidement :

    -Je crois que c’est une grande victoire pour Fari.

    La jeune fille se leva, poussait par le garçon à ses côtés et tous applaudirent. Elle salua timidement avant de retourner s’asseoir.

    -Un numéro deux ?

    Un garçon proposa un nom, des mains se levèrent, mais un autre nom jaillit qui recueillit plus de voix. L’élu salua la foule à son tour et Diaralie reprit :

    -Et en troisième place ?

    Sebizan leva la main :

    -Je vote pour Nouphilo et ses cannibales.

    L’intéressé eut un sursaut en se tournant vers Sebizan et lâcha dans un murmure :

    -Quoi ? Qu’est-ce que tu fais ?

    Erlhas leva la main et plusieurs autre également. Finalement, ce fut un autre garçon qui remporta la troisième place, mais Nouphilo était heureux de voir que son histoire avait plu à quelques-uns.

    Peu à peu, les discussions reprirent. Nouphilo écoutait les plaisanteries que Sebizan et Erlhas s’envoyaient sans vraiment y prêter attention. Il laissa courir son regard sur les autres groupes et commença à penser à la rentrée. Les cours qu’il aurait le premier jour, vérifia mentalement s’il n’avait rien oublié pour ses devoirs. Lorsque ses yeux commencèrent à se fermer tout seul, il guetta pour voir si d’autres prévoyaient de partir. Pourtant, tous continuaient à rire, les groupes se mélangeait, mais personne n’avait l’air pressé de rentrer. Nouphilo hésita quelques instants, observant la lampe torche posait près de Erlhas. Celui-ci étant encore en pleine discussion avec Sebizan, le garçon n'osa pas les interrompre pour demander la lampe, après tout, il pourrait peut-être rentré dans le noir. Il se leva, attendit un peu pour voir si quelqu'un allait lui demander ce qu'il faisait, mais ce fut s'en surprise que tout le monde l'ignora. L'adolescent se glissa dehors, frissonna et leva les yeux au ciel. Aucun nuage, avec un peu de chance, il y verrait assez clair pour rentrer. Lorsqu'il se dirigea vers les arbres, Nouphilo ne fut plus si sûr. Il attendit un peu que ses yeux s'habituent et partit à la recherche du petit sentier. Finalement, il lui sembla le distinguer, mais il hésita. De toute façon si tu te plantes, t'es pas non plus au milieu de la forêt Noire. Normalement, tu devrais finir par tomber sur l'école ou un mur, c'est quand même limité. Il sourit tout seul avant de s'avancer sous les arbres, marchant doucement pour ne pas trébucher et finit par retrouver le sentier. Il continua sa route tranquillement. Réchauffé par la marche, l'air frais n'était plus aussi désagréable.

    Soudain, Nouphilo sentit une présence juste derrière lui. Il n’eut pas le temps de faire un geste qu’une voix lui glissa à l’oreille :

    -Bouh.

    Aussitôt, il envoya son coude en arrière tout en faisant volte-face. Un cri de douleur retentit, mélangé d’un grand éclat de rire. Le cœur battant, Nouphilo distingua Sebizan qui se tenait le bras en grimaçant, pendant que Erlhas était plié en deux :

    -Ce serial-killer de fou !

    Nouphilo les regarda l’un l’autre un instant sans comprendre, puis finit par rire à son tour. Sebizan les observa d’un air boudeur :

    -Ne riez pas de ma souffrance, c’est très impoli.

    Erlhas se contenta de lui envoyer la lumière de sa lampe torche dans la figure. Ce à quoi son ami répondit par un strident :

    -Je suis aveugle ! Non !

    Nouphilo rit de leur manège avant de demander :

    -Qu’est-ce que vous faites là ?

    Erlhas redirigea sa lampe vers le sol, pour répondre :

    -Tu t’es éclipsé fantomatiquement. On s’en serait voulu que tu te prennes un arbre.

    Sebizan ne put s’empêcher de préciser :

    -Non fantomatique, l’arbre.

    -Donc, on s’est dit qu’on allait te rejoindre. En plus, il commençait à faire froid.

    -En route, mauvaise troupe.

    Sebizan partit en avant par petits bonds, suivit par Erlhas et Nouphilo qui échangèrent un regard amusé.

    -T’as une autre histoire à raconter ?

    Nouphilo l’observa avec surprise. C’est vrai ? Il veut vraiment ?

    -Heu… bah, j’ai le livre que je suis en train de lire.

    -Raconte.

    Il obéit et l’intérêt évident que Erlhas montrait à ce qu’il disait, lui fit oublier sa timidité. Il raconta l’histoire en détail, décrivit les personnages, agrémenta le récit de quelques commentaires qui lui étaient propres. Il fut étonné de voir qu’il était capable de faire rire quelqu’un volontairement. Ce n’est que plus tard que l'adolescent se rendit compte que Sebizan écoutait également et qu'ils étaient bientôt arrivés aux cabanes. Il ne put s'empêcher d'être un peu déçu à l'idée de devoir arrêter son histoire en plein milieu pour aller dormir. En fait, Nouphilo réalisait qu'il n'avait plus sommeil. Aussi, il fut heureux d'entendre Sebizan proposer :

    -On continue non ? On peut aller au lac.

    Erlhas approuva :

    -Plutôt, je veux la fin de l’histoire moi.

    Nouphilo sourit, se sentant flatté d’un tel intérêt et rappela :

    -J’ai pas encore fini le livre, donc il n’y aura pas la fin.

    -Continue quand même.

    -Ouais, on inventera la fin.

    Il poursuivit donc, alors qu’ils prenaient le chemin du lac. Lorsqu’ils y parvinrent, son histoire était terminée depuis un moment et Sebizan avait recommencé ses âneries. Il bondit sur les galets en hurlant :

    -À la recherche du lac perdu !

    Erlhas le calma en lui lançant :

    -Fais gaffe à pas tomber dedans. On voit pas le bord.

    Il prit les devants, braquant sa torche vers l’eau :

    -Ç a…

    Erlhas n’eut pas le temps de finir sa phrase que Sebizan le poussait en hurlant :

    -Mais qu’est-ce que c’est que ça !

    Voyant le responsable chuter, Nouphilo se précipita et le garçon, en se retournant, se rattrapa à son bras. Sebizan était plié en deux, alors que Erlhas fixait ses pieds submergeaient dans l’eau :

    -Ça y est, j’ai retrouvé ton lac perdu.

    Il me tient le bras. Nouphilo s’en rendit compte soudain, sans que cela ne provoque chez lui la moindre réaction. Cependant, il observa Erlhas qui lui, ne semblait pas s’en être rendu compte, trop tétanisé par ses pieds mouillés. Finalement, le responsable releva les yeux sur son ami, les mâchoires crispées :

    -Putain, qu’est-ce qu’il fait froid.

    Sebizan répliqua en reculant prudemment :

    -C’est parce que tu t’es arrêté de marcher. Tu t’es refroidi.

    -Ouais, bah, je vais me mettre à la course.

    Brusquement, il se précipita hors du lac, si bien que Sebizan n’eut pas le temps de fuir avant qu’il ne lui tombe dessus. Erlhas le traîna tant bien que mal, malgré les hurlements et réussit à le mettre à l’eau. Nouphilo s’éloigna à temps pour éviter d’éventuelles éclaboussures et les regarda se débattre dans l’eau en riant. Finalement, Erlhas eut le dessus et Sebizan se retrouva complètement trempé. Le chef s'empressa de sortir avant que son ami ne puisse se remettre debout. Mais quand celui-ci y parvint, il était trop frigorifié pour songer à une quelconque revanche. Il se contenta de dire en claquant des dents :

    -Là, j’avouerais que j’irais bien faire un tour sous mes draps.

    Erlhas avoua :

    -Moi aussi.

    Nouphilo se contenta d’approuver d’un signe de tête. Ils retournèrent aux cabanes, croisant quelques autres qui allait se coucher également. Chacun rejoignit sa couchette sans faire de bruit. Glissé sous sa couverture, Nouphilo ferma les yeux en repensant à la soirée. Leur visite au lac le fit sourire et il se tourna pour s’endormir. Sous lui, Sebizan et Erlhas murmuraient. Il entendit le premier demander :

    -Nouphilo, tu dors ? Hé, tu dors ? Dors-tu ? Chapeau pointu ?

    Il ne répondit pas, le sommeil avait repris le dessus et il voulait simplement y succomber. Erlhas grommela :

    -Fous-lui la paix et dors.

    Nouphilo éprouva un élan de gratitude envers lui. Avant de sombrer, il repensa au moment où il s’était agrippé à son bras. Il n’avait pas bloqué sur l’événement autant que d’habitude et puis, il n’avait frappé personne. On peut dire qu’il y a un progrès.

     

    « Chapitre 14Livre : Océola, le grand chef des Séminoles »

    Tags Tags : , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :