• Hiloy Plilaz

    Rang : Or

    Héritier.ère de la grande famille Plilaz

    Héritier.ère de la charge de gardien

     

    Hiloy sentit la chaise lae frôler tandis qu'iel poussait Indilk hors de la trajectoire. Quand ils se retrouvèrent tous les deux au sol, lae Cinquième se tourna vers Tahiya pour prévenir une nouvelle attaque, mais ce fut l'adolescent qui lae repoussa d'un coup de pied. Le souffle coupé, Hiloy tenta de s'éloigner alors qu'Indilk se redressait déjà.

    A ce moment, Citseko intervint à son tour, passant un bras autour du cou du garçon et bloquant son bras levé pour frapper. Ainsi paralysé, Indilk gronda de colère. De son côté, Tahiya s'avançait pour en finir. Hiloy retrouva son souffle, leva les mains pour les apaiser l'un et l'autre et dit :

    -Ça suffit. Ça suffit.

    Il n'y avait pas une once d'autorité dans sa voix, seulement une pure frayeur. Ils s'immobilisèrent, pendant qu'Hiloy passait son regard des uns aux autres, soulagé.e qu'ils n'aillent pas plus loin. Iel ne cherchait pas à cacher qu'iel avait peur de se retrouver dans la mêlée, en fait, Hiloy avait le sentiment qu'un ton plus autoritaire n'aurait qu'augmenté leur agressivité.

    Tahiya fut la première à retourner s’asseoir, croisant bras et jambes pour marquer son mécontentement. Sentant qu'Indilk se détendait, Citseko le libéra doucement. Chacun retrouva sa place et garda le silence durant le reste de leur Enfermement qui dura quelques heures.

    Lae Cinquième fut soulagé.e de voir la porte s'ouvrir et rejoignit sa chambre sitôt qu'iel vit que l'heure du dîner allait bientôt sonner. Si je me dépêche, je pourrais avoir fini mes devoirs avant. Bien que ce fut ce qu’iel avait en tête, Hiloy se doutait bien qu'iel ne finirait pas dans les temps et se préparait déjà à devoir se coucher tard.

    C'est avec soulagement qu’Hiloy retrouva sa chambre. Balançant son sac par terre, l’adolescent.e se jeta sur son lit immense et resta un instant immobile, laissant vagabonder ses pensées. Lae Cinquième espéra que la façon dont iel était intervenu.e, dans la lutte entre Indilk et Tahiya, n'allait pas lui apporter de problèmes quelconques. Iel avait vu comment la réputation de Xutik s'était faite après seulement un Enfermement. Maintenant, les héritiers d'argent lui jetaient des regards noirs et les héritiers d'or le méprisaient. Non pas que cela ait l'air de le déranger, il semblait se moquer complètement de ce que les autres pensaient de lui. En même temps, si on avait essayé de me tuer, je pense que mes priorités ne seraient pas non plus le regard des autres. Cela l’amena à repenser à la façon dont cette histoire s'était éteinte rapidement. Hiloy s'était imaginé.e qu'il y aurait une enquête, des recherches, que des tas de gens seraient interrogés, mais il ne s'était rien produit de tel. Même Xutik semblait être passé à autre chose. A croire qu'il n'y ait que moi qui continue à faire des cauchemars.Iel n'avait pas vu la chute de la fille, mais son corps inerte et brisé suffisait à la hanter.

    Il s'en était fallu de peu qu'iel ne voit pas le combat ce soir là. Hiloy bloquait sur un devoir et avait décidé de prendre l'air à la fenêtre. Iel n'avait pas avoué à Xutik qu'iel avait hésité. Pendant quelques secondes qui lui avaient paru des minutes, lae Cinquième avait hésité à aller l'aider. Hiloy avait craint qu'on ne s'en prenne à ellui ensuite et Xutik ne s'était pas vraiment montré amical envers sa personne. Trop amical, plutôt. Rien ne lui prouvait que le garçon n'était pas en tort dans cette histoire. Mais finalement, iel y était allé.e. Hiloy s'était précipité.e dans le couloir avant même de s'en rendre compte et avait assommé l'espion aisément.

    -Au boulot, maintenant. Ça suffit. Fénéant.e, va.

    L'adolescent.e se leva, optant d'abord pour l'abandon de son uniforme au profit d'un jean et d'une chemise. Iel rejoignit ensuite, son bureau, jeta un œil à la liste de ses devoirs, sortit un livre, ouvrit un cahier, puis sa porte s'ouvrit. Falibi se pencha, laissant sagement ses pieds hors de la chambre :

    -Je peux entrer ?

    Hiloy sourit :

    -Tu es bien avancée.

    La jeune fille fit un pas dans la pièce :

    -Je viens te proposer de nous rejoindre, Rafirin et moi, dans la pièce commune. On va faire nos devoirs ensemble.

    Hiloy hésita avant de répondre :

    -Bah, j'ai pas trop envie. J'en ai un peu marre de devoir amuser les secondes années.

    Un large sourire s'étendit sur le visage de l'adolescente :

    -Mais on ne va pas dans la pièce commune de l'école. On va dans celle réservée aux premières années.

    Hiloy lâcha son crayon en prenant un air ébahi :

    -Il y a... une salle... pour les premières années ?

    Falibi hocha solennellement la tête. Hiloy commença à ranger ses affaires, mais son amie l'arrêta :

    -Prends juste de quoi écrire, on a déjà ramené nos livres.

    Hiloy prit le nécessaire et ils quittèrent la chambre.

    -Comment s'est passé ton Enfermement ?

    Lae Cinquième eut un rire jaune :

    -Moins bien que le premier.

    Iel raconta ce qu'il s'était passé et Falibi se mit à rire :

    -Heureusement que vous n'y étiez que pour quelques heures.

    Hiloy rit aussi à l'idée d'un silence pesant qui aurait pu durer des jours. Arrivés au rez-de-chaussée, iel s'apprêtait à sortir, mais Falibi lui attrapa le bras :

    -Pas par là.

    Lae Cinquième se laissa guider vers une porte sous l'escalier menant aux dortoirs. Une autre volée de marche apparut, derrière celle-ci, qui descendait dans un sous-sol.

    -C'est en bas ?

    Falibi prit un air mystérieux :

    -C'est en bas.

    Ils dévalèrent les marches pour déboucher dans un tunnel. Après avoir avancé de quelques pas, une musique leur parvint. Falibi s'arrêta devant la seule porte du couloir, l’ouvrit d'un geste théâtral. Hiloy entra dans une vaste salle où les premières années, en uniforme ou tenue décontractée, s'étaient réunis autour de larges tables rondes. Iel vit des distributeurs, des bibliothèques, une télé et des consoles de jeux.

    -Ça fait pas mal de bordel tout ça.

    Rafirin, installé sur un canapé, leur fit de grand geste. Hiloy continua alors qu'ils allaient le rejoindre :

    -Tu ne crois pas que l'on va avoir du mal à se concentrer ?

    Falibi répondit à la question en s'adressant à ses deux interlocuteurs :

    -C'est vrai. Et puis, sur un canapé, ça ne va pas être pratique.

    Hiloy allait proposer qu'ils se rendent à la cafétéria et tant pis pour les secondes années, mais Falibi reprenait déjà :

    -On a qu'à aller dans l'autre pièce.

    Rafirin fit une grimace :

    -Tu ne crois pas que je vais faire tâche ?

    Hiloy était perdu.e :

    -Quelle autre pièce ? Il y en a combien ? De pièces ?

    Reprenant son air mystérieux, Falibi lui fit signe de lae suivre. Sous la grande mezzanine de la salle, six portes étaient alignées sur le mur arrondi. Hiloy aperçut une panthère sur l'une d'elle. Falibi expliqua avec une pointe de fierté :

    -Voici la pièce réservée à notre classe.

    Hiloy jeta un regard à Rafirin que Falibi surprit :

    -Et nos invités de marque, évidemment.

    Elle passa la clé de sa chambre dans la serrure électronique et la porte s'ouvrit. Elle allait entrer, mais Rafirin l'arrêta :

    -Je devrais passer devant pour vérifier qu'il n'y a pas de pièges

    Falibi eut un sourire qui tendait à être mauvais :

    -Bien sûr, Rafirin, mais tu as oublié de fouiller Hiloy. Tu te ramollis mon grand.

    Le garçon ne s'offusqua pas et se contenta de répliquer :

    -Elle est notre amie. Je ne vais quand même pas la fouiller.

    L'adolescente se pencha vers lui pour murmurer d'un ton conspirateur :

    -Mais, elle fait peut-être ça pour gagner notre confiance, avant de nous poignarder dans le dos.

    Rafirin chercha une réplique cinglante, n'en trouva pas et se contenta d'observer Hiloy comme s'il commençait à douter d'ellui. Cellui-ci passa entre eux, habitué.e à ce genre de discussion qu'ils avaient régulièrement, pour découvrir la nouvelle pièce. C'était une réplique de celle qu'iel venait de quitter excepté que l'espace en était plus restreint, qu'il n'y avait que vingt fauteuils et que les tables étaient plus petites. Un autre point en sa faveur, c'était qu'elle était vide.

    Hiloy aurait pu sauter de joie :

    -C'est trop cool.

    Iel alla directement vers la bibliothèque pour y découvrir les bouquins qui s'y trouvaient. Falibi et Rafirin se turent quand iel passa entre eux, puis ils allèrent s'installer à une table.

    -On commence ?

    Hiloy s'arracha à la contemplation de la bibliothèque pour les rejoindre. Ils travaillèrent plus lentement que s'ils avaient travaillé chacun dans leur chambre, mais c'était toujours moins ennuyeux. Ils durent s'arrêter rapidement pour aller dîner, mais revinrent aussitôt après. Quand ils eurent terminé leur travail, ils restèrent à discuter.

    Le son de la serrure électronique leur fit tourner la tête. Matior et Lyert déboulèrent dans la pièce, se poussant l'un l'autre. Matior se rattrapa de justesse à la poignée alors que son ami s'étalait par-terre en geignant. Elférad l’enjamba en soupirant :

    -Vous êtes vraiment trop cons.

    Il se dirigea sans hésiter, comme quelqu'un qui a l'habitude, vers la télé et alluma la console. Il aperçut les trois occupants de la salle en se retournant :

    -Oh. Ça vous dérange si on joue ?

    Hiloy consulta ses amis du regard et Falibi répondit :

    -Non, c'est bon.

    Neghttris et Gzadien avaient déjà rapproché des fauteuils devant l'écran. Matior aida Lyert à se relever et ils s'installèrent. Les trois amis restaient silencieux, les regardant faire. Neghttris annonça :

    -On fait des équipes de deux. Le plus haut score l'emporte.

    -Hiloy ?

    Lae Cinquième, affalé.e sur la table, se tourna vers Falibi :

    -Mmh ?

    -Je me demandais si tu parlais encore avec les jumeaux.

    Hiloy chercha à se souvenir de la dernière fois qu'iel les avait vu :

    -Ça fait un moment. Pourquoi ?

    Rafirin et la jeune fille échangèrent un regard avant que Falibi ne dise :

    -On aurait voulu des informations sur les Grands Jeux.

    Hiloy se redressa :

    -Vos parents vous en ont pas parlé ?

    Pour une fois qu'il n'y a pas que moi. Rafirin expliqua :

    -En fait, les règles des Grands Jeux changent régulièrement. On pensait qu'en sachant ce qu'ils avaient eu l'année dernière, on aurait pu essayer de deviner ce qui nous attends.

    Ça tient debout.

    -Mais, ça peut-être quoi comme genre de jeu ?

    Falibi répondit :

    -Eh bien, ça peut être n'importe quoi. Une fois, les élèves ont été enfermés dans des avions et ils devaient décrypter des codes pour ouvrir les portes. Une autre fois, on leur a donné à chacun une arme et ils ont dû se battre contre des Bestioles pour partir.

    Rafirin compléta :

    -Ça peut être inoffensif ou entraîner la mort de dizaines d'entre nous.

    Hiloy déglutit avec difficulté :

    -Mais, le but de l'école n'est pas de nous tuer. Pourquoi ils créeraient des jeux qui peuvent nous tuer ?

    Falibi soupira :

    -C'est vrai, mais n'oublie pas que les adultes sont achetables aussi. Pour peut qu'une famille veuille se débarrasser d'un héritier, le Grand Jeu est l'occasion idéale. De plus, si un accident ou deux arrivent, ce ne seront que des dommages collatéraux.

    Hiloy était sous le choc :

    -Dommages collatéraux ? C'est ce qu'ils disent aux familles ?

    Rafirin ricana :

    -Le prix à payer pour être dans cette école. Ils disent aux familles qu'ils sont morts, ils n'ont pas à donner de raison. Après tout, les Grands Jeux sont énormes, allaient savoir qui meurt par qui ou quoi.

    L'humeur d'Hiloy s'était passablement assombrie. C'était une chose se faire tuer par un héritier adverse, c’en était une autre de se faire tuer par une mauvaise gestion des dirigeants de l'école. Des cris se firent entendre dans le coin vidéo et leur attention se reporta sur l'écran. Hiloy aperçut le jeu qui défilait et sourit. Falibi le remarqua :

    -Tu connais ?

    Son amie hocha la tête :

    -On y jouait avec ma mère quand j'étais petite.

    Le visage de Falibi s'illumina :

    -Alors, qu'est-ce qu'on attend ?

    Hiloy sursauta :

    -Comment ça ?

    Falibi était déjà debout et s'avançait vers les garçons. Hiloy se tourna vers Rafirin qui haussa les épaules :

    -Je vais rester là, histoire d'assurer ses arrières.

    Lae Cinquième eut un léger rire, se leva, lui saisit le bras et le traîna vers leur amie qui lançait :

    -On peut jouer avec vous ?

    Lyert et Matior étaient concentrés sur leur partie, mais Gzadien, les bras autour d'Elférad, se tourna vers eux :

    -Ouais, il faut quelqu'un pour jouer avec Neghttris.

    Celui-ci se leva de son fauteuil en entendant son nom :

    -En effet, parce que cet espèce de planqué préfère jouer avec Gzadien.

    Se reconnaissant, Elférad tenta de se défendre :

    -Mais, on a tiré au sort...

    Neghttris leva un doigt qui le fit taire :

    -N'essaie pas de justifier l'injustifiable.

    Un rire discret se propagea, alors que le garçon demandait :

    -Qui joue avec moi, alors ?

    Falibi poussa Hiloy en avant :

    -Iel connaît le jeu, si tu veux. Iel y jouait quand iel était petit.e.

    Les deux garçons, venant de finir leur partie, tendirent leur manettes. Neghttris en prit une :

    -T'es forte ?

    Hiloy se sentait intimidé.e comme si iel s'apprêtait à faire un exposé devant toute la classe. Que se passerait-il si iel ne se montrait pas à la hauteur ?

    -C'était il y a longtemps. Je ne suis pas sûre de m'en souvenir.

    Iel prit la manette et s'installa dans le siège que venait de quitter Matior. La partie débuta. Peu à peu, certaines astuces lui revinrent. Voyant Neghttris foncer tête baissée sur les ennemis, iel hésita à lui dire de ralentir, prendre le temps d’esquiver les balles. Lae Cinquième craignait qu'une suggestion de sa part ne soit mal prise. Quand l'adolescent dût ressusciter pour la troisième fois, il râla :

    -Raah, c'est pas vrai. Comment ça se fait que tu sois encore debout toi ?

    Hiloy eut un léger sourire :

    -J'attends que la voie soit libre.

    Il prit l'expression d'une personne qui vient de découvrir quelque chose :

    -Aaah, c'était donc ça.

    Lorsqu'il put revenir dans le jeu, il commença à coller son comportement à celui d'Hiloy. Ils avancèrent avec précaution jusqu'au boss final.

    -Silence tout le monde ! Concentration maximum.

    Hiloy n'aurait su dire si c'était Matior ou Lyert qui venait de parler, toute son attention se focalisait sur l'écran. Iel sentait Neghttris se crisper à côté d'ellui :

    -Fais gaffe à droite.

    -J'ai vu.

    Iel évita un tir, mais ils se multiplièrent. Ils ne tardèrent pas à se faire abattre. Les autres commençaient à s'agiter, quand Neghttris leva le bras pour intimer le silence :

    -Shhhhhhh ! Le score.

    Hiloy attendit avec angoisse et quand leur nom apparut en première place, Neghttris leva la main, paume vers ellui :

    -Yeaaaah ! Tape-là !

    Hiloy ne se fit pas prier. Falibi croisa les bras :

    -Ouais, ouais, ouais. Allez, Rafirin, assis-toi.

    L'adolescent prit la manette que lui tendait Hiloy :

    -Si on tient compte du fait que je n'ai jamais tenu une manette dans les mains...

    Falibi lui tira la manche pour le faire asseoir :

    -Concentre-toi.

    Neghttris ne tarda pas à faire remarquer :

    -Aaah, je vois. On pique la stratégie des gagnants.

    Falibi rit :

    -On va se gêner.

    Cependant, ils ne réussirent pas à vaincre le boss. Quand les scores s'affichèrent et qu'il s'avéra qu'ils étaient en seconde place, Neghttris s'exclama :

    -Hiloy !

    Iel tapa la paume de la main tendue, tandis qu'Elférad se dégageait de l'étreinte de Gzadien pour prendre la place de Falibi :

    -OK, OK, on va voir si vous allez jubiler encore longtemps. Deuxième manche.

    Gzadien prit la place à ses côtés et la partie débuta. Focalisé.e sur l'écran, Hiloy n'entendit pas la porte s'ouvrir et ne prit conscience de la présence de Laxo que lorsque celle-ci demanda :

    -Vous jouez à quoi ?

    Matior répondit :

    -On joue à rabaisser l’ego de Neghttris.

    Celui-ci ricana montrant clairement qu'il ne pensait pas cela possible. Hiloy expliqua la situation à Laxo qui demanda :

    -Je peux jouer aussi ?

    Lyert précisa :

    -Ouais, il faut qu'on trouve quelqu'un qui jouera deux fois.

    Laxo sourit :

    -Je veux bien jouer avec Hiloy.

    Elle se tourna vers lae Cinquième qui acquiesça :

    -OK.

    Neghttris ouvrit des yeux ronds :

    -Quoi ? Je croyais qu'on était une équipe et tu me quittes comme ça ? Pour une fille que tu connais à peine ?

    Hiloy éclata de rire quand Bélera les rejoignit :

    -Laxo, je croyais que tu m'attendais dans la pièce commune.

    L'interpellée se tourna vers son amie :

    -Tu veux jouer dans mon équipe à ce jeu ?

    Bélera dut se mettre sur la pointe des pieds pour voir l'écran :

    -C'est quoi ?

    -C'est pour rabaisser Neghttris.

    Le garçon répliqua :

    -Arrêtez, il n'y en a pas un qui nous arrive à la cheville. Même si Hiloy ne prend pas la chose au sérieux.

    Hiloy ne sut que répondre, mais lui lança un regard amusé. Elférad mit le jeu sur pause pour se tourner vers lui :

    -Donc, tu n'es pas capable de battre qui que ce soit sans Hiloy, c'est ça ?

    Neghttris se mit à rire :

    -Je n'ai pas dit ça. Je peux vous battre en solo, mais en équipe, c'est avec Hiloy... même si iel a l’air de pouvoir me lâcher n'importe quand pour des inconnus.

    Elférad se leva, fouilla l'étagère où se trouvait les jeux et en sortit un :

    -D'accord. On se fait un tournoi là-dessus ?

    Neghttris le regarda avec pitié :

    -Oh, Elférad, franchement. T’essaies même pas.

    Son héritier d'or eut un sourire mauvais, tandis que Gzadien lui prenait la boîte des mains pour voir de quel jeu il s'agissait :

    -Des combats, cool. Qui joue ?

    Il posa la question à la ronde et toutes les personnes présentent levèrent le bras. Falibi proposa :

    -On fait des deux contre deux et le vainqueur passe le stade au-dessus ?

    Ils approuvèrent. Falibi leva soudainement la main :

    -Je suis contre Hiloy au premier tour.

    Cellui-ci rit :

    -Pourquoi tu montres le même entrain que si tu demandais à être dans mon équipe.

    La jeune fille sourit :

    -Parce qu'on joue ensemble quand même.

    Elférad se tourna vers Neghttris. Il n'eut pas besoin de dire quoique ce soit. Son ami prit le jeu, le mit dans la console, puis ils s'installèrent. La première question qu'Hiloy posa fut :

    -C'est quoi les touches ?

    Elférad répondit sans quitter l'écran des yeux :

    -Fais au pif, ça marche mieux.

    Iel se tourna vers les autres garçons de son groupe qui hochèrent la tête avec le plus grand sérieux. Au pif ? Ça me va. Neghttris fut battu et la nouvelle cible à abattre devint Elférad. Hiloy s'installa avec Falibi et ne tarda pas à se retrouver en difficulté. Neghttris, debout près de lae Cinquième, l'encouragea :

    -Vas-y, frappe la, maintenant ! Elle a foiré son attaque.

    Quittant sa défense, Hiloy lança un coup. Hors, il s'avéra que Falibi préparait une attaque chargée qui lae toucha de plein fouet, lae mettant KO. Lae Cinquième leva la tête vers l'adolescent qui dit d'un ton innocent :

    -Ne va pas croire que cela ait à voir avec un quelconque ressentiment parce que tu as failli me laisser tomber.

    Hiloy joua le jeu :

    -Oh, non, ça ne me viendrait pas à l'esprit. Un garçon si intègre.

    -Mais, tout à fait.

    Hiloy abandonna son siège au profit de Bélera. A ce moment, Lyert qui discutait avec Matior et Elférad se détacha de ses amis pour venir du côté d'Hiloy :

    -J'ai une question.

    Matior lui lança d'un air qui montrait clairement combien il le trouvait désespérant :

    -Non, mais Lyert...

    Le garçon répliqua :

    -Je suis désolé, je profite du monde pour me faire une opinion plus vaste.

    Elférad ne dit rien, visiblement impatient de voir la suite. Laxo qui se tenait à côté entendit ce qui se disait et prêta une oreille attentive. Lyert revint à Hiloy :

    -Bon, c'est juste une demande d'information objective, d'accord ?

    L’adolescent.e, gêné.e, eut un léger sourire en regardant les autres en se demandant si ce n'était pas une blague :

    -OK.

    Lyert posa sa question :

    -OK. Alors, est-ce que c'est vrai que les filles auraient tendance à être intéressées par les garçons plus vieux ?

    Hiloy laissa passer la surprise avant de répondre :

    -Je ne crois pas. Pas forcément.

    Laxo vint à son secours, amusée :

    -C'est quoi cette question ?

    Elférad et Matior se rapprochaient et entendant l'interrogation de la jeune fille, Matior répondit :

    -Il se crée des angoisses à cause de sa copine.

    Lyert leva les yeux au ciel :

    -C'est pas ma copine.

    Elférad prit un air agacé :

    -Roh, t'as quel âge ?

    Laxo s'intégra définitivement dans la conversation, ce qui soulagea Hiloy qui sentait que cela allait virer dans un domaine qui ne l'intéressait nullement :

    -Elle fait quoi ?

    Matior précisa en passant :

    -C'est Qegh.

    Hiloy voyait de qui il s'agissait, bien que pour ellui, ça restait la fille qui était arrivée pieds nus en classe sans que cela n'ait l'air de lui apporter le moindre problème. Lae Cinquième ne se cachait pas qu'iel avait une certaine admiration pour l’héritière d’argent. Hiloyignorait ce qu'iel aurait fait si cela avait été ellui.

    Lyert reprenait :

    -Non, alors, oui. Il se peut que je fasse allusion à Qegh...

    Laxo l'interrompit sur le point d’éclater de rire :

    -Celle qui t'a balancé un seau d'eau sur la tête ?

    Elférad et Matior ne firent pas preuve de retenue, eux, et se mirent à rire à l’évocation de ce souvenir. Lyert ne se montra pas aussi réjoui :

    -Vous êtes de vrais potes. Donc, oui. C'était pour les chaussures, mais revenons à nos moutons.

    Elférad résuma :

    -Il s'inquiète parce qu'il a vu Qegh avec des secondes années.

    Lyert ouvrit la bouche pour protester, mais Matior ajoutait :

    -Il faut préciser que c'est arrivé une fois, quelques jours après la rentrée.

    -Ce n'était pas quelques jours après la rentrée, réussit à glisser son ami.

    Elférad conclut :

    -Depuis, il nous emmerde. Qu'est-ce qu'ils ont de plus que moi ? Bla bla bla.

    Laxo se risqua à dire :

    -Eh bien, je suppose qu'ils ne lui piquent pas ses chaussures.

    Elférad dût acquiescer :

    -C'est un point important.

    Lyert, agacé, secoua la tête :

    -Mais non, on se fait des coups comme ça depuis l’école commune, je ne vois pas pourquoi, maintenant, ça l'agacerait.

    Laxo ouvrait la bouche pour répondre, mais Elférad lui fit comprendre d'une mimique que c'était une lutte perdue d'avance.

    -C'est à qui ?

    Bélera avait été vaincu par Gzadien et le prochain duo prit leur place. Lyert fit une remontée foudroyante sur la fin et finit par remporter le tournoi. Hiloy soupçonna que la discussion concernant Qegh avait motivé le garçon à donner une leçon à ses amis. Neghttris lança alors :

    -Je crois qu'arriver à un moment comme ça, il est temps d'aller se coucher.

    Tous approuvèrent, ne laissant pas Lyert profiter de sa victoire :

    -Vous n'êtes tous que des sales jaloux !

    Laxo saisit le bras de Bélera :

    -Ça te dit pas qu'on se refasse une partie ?

    Son amie la regarda avec douceur :

    -Laxo, on a école demain.

    L'héritière d'or fit la grimace :

    -C'est vrai.

    Ne se décourageant pas pour autant, elle demanda à Falibi :

    -Vous faites quoi vous ?

    La jeune fille haussa les épaules en échangeant un regard avec Hiloy qui était allé.e chercher son sac :

    -Je pense qu'on va se coucher.

    Laxo ne cacha pas sa déception, mais finit par proposer :

    -Vous revenez demain soir ?

    Hiloy sourit alors que Falibi acquiesçait déjà :

    -On va voir, pourquoi pas.

    Rafirin lui apporta son sac et ils se dirigèrent vers la sortie.

    -Laxo !

    Un garçon venait soudainement de quitter l'une des tables et, l'apercevant, la jeune fille cria à son tour :

    -Mechem !

    Elle lui sauta au cou et il l'a fit tourner un moment avant de la reposer. Falibi murmura à Hiloy :

    -Je crois qu'ils se connaissent.

    Hiloy prit un air choqué :

    -Non, c’est vrai ?

    Laxo traîna le garçon vers le groupe :

    -Mechem, je te présente Falibi, Hiloy et Rafirin. Voici, Mechem, mon fiancé.

    Elférad et son groupe se pointèrent du doigt d'un air malheureux :

    -Bah et nous alors ?

    Laxo leva les yeux au ciel :

    -Raah, mais vous êtes trop nombreux, aussi.

    Ils l'observèrent avec des airs de chiens battus qui l'obligea à se tourner vers Mechem pour dire :

    -T'es prêt ?

    L'adolescent se concentra :

    -Vas-y.

    Laxo inspira pour dire d'une traite en les pointant chacun leur tour :

    -Elférad, Neghttris, Lyert, Matior, Gzadien. Finalement, c'était facile. T'as retenu ?

    Mechem hocha la tête :

    -Ouais, les mignons de la classe, quoi.

    Lyert eut un large sourire et Neghttris lui dit avec une pointe d'amusement :

    -Heureux ?

    Gzadien fit un pas en avant :

    -En fait, je ne suis pas dans leur classe.

    Mechem regarda de nouveau la panthère sur la porte :

    -Mais, tu étais dans leur salle.

    Rafirin intervint :

    -T'es en seconde année, pourtant tu es dans la salle commune des premières années.

    Ils se tournèrent tous vers lui et il précisa :

    -Il m'a formulé un souhait, il y a deux jours.

    Mechem sourit :

    -Mais oui, le poème à l'envers.

    Rafirin acquiesça :

    -T'aurais pu trouver plus facile.

    L'autre répliqua :

    -J'aurais aussi pu trouver plus dur.

    Le groupe de première année prit un air vague en se remémorant les souhaits qui avaient été pires que de réciter un poème à l'envers.

    -Comment t'es entré ?

    La question de Laxo ramena toute le monde dans le présent. La porte de la salle commune s'ouvrait avec la clé de chambre de première année. Mechem prit un air malin :

    -Je me suis glissé avec des petits camarades à vous.

    Il se tourna vers la table qu'il occupait avant de les voir sortir. Un groupe de filles y discutait tranquillement. Laxo sourit :

    -Et pourquoi tu es là ?

    Mechem la serra fortement dans ses bras :

    -Parce que je n'arrive pas à t’attraper et que j'ai des tas d'idées de souhaits à formuler.

    La jeune fille éclata de rire, alors qu'Hiloy s'inquiétait déjà de voir cette salle envahie de seconde années en recherche de chaire fraîche à torturer. Laxo se dégagea :

    -Le problème, c'est que tu n'as aucun droit ici. Tu es sur notre territoire.

    Mechem fit la moue :

    -Maieuh.

    Bélera ajouta :

    -Imagine si tous tes amis faisaient comme toi, on ne s'en sortirait plus.

    L'adolescent finit par se rendre en soupirant :

    -Je m'en vais alors.

    Laxo demanda :

    -Tu veux qu'on se retrouve à la cafét’ demain ? Pour la pause ?

    Mechem acquiesça :

    -OK, à demain.

    Ils se saluèrent de la main et il quitta la salle. Falibi prit soudainement Hiloy par le bras pour l'entraîner à la suite du garçon :

    -A demain tout le monde !

    Hiloy entendit de vagues réponses, trop surpris.e pour vraiment y faire attention :

    -Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

    Rafirin les doubla en appelant :

    -Hey, Mechem ! Attends !

    L'adolescent se retourna :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    Les filles les rejoignirent au moment où Rafirin demandait :

    -On voulait juste savoir, pour les Grands Jeux.

    Ah, c'était ça. L’intérêt d'Hiloy revint. De son côté, Mechem s'était assombri :

    -Qu'est-ce que vous voulez savoir ?

    Falibi tenta :

    -Le maximum, si possible. On sait les truc généraux, mais, le reste...

    Mechem leur fit face :

    -En fait, il n'y a pas grand chose à dire. Vous êtes au courant pour les guides, les codes argent, la multitude de scénarios possibles ?

    Rafirin et Falibi hochèrent la tête et Hiloy les imita, même si iel ne voyait pas de quoi il parlait. Je leur demanderais après. Mechem continuait :

    -Le problème est là. Il n'y a pas grand chose à dire, car ça change sans cesse.

    Rafirin insista :

    -Mais, l'année dernière, par exemple, vous avez eu quoi ?

    Mechem avait définitivement perdu sa bonne humeur et une pointe de souffrance se lut sur son visage :

    -On a eu deux Grands Jeux l'année dernière. On était, je crois, deux cents premières années. On était cent-cinquante à la fin de l'année.

    Hiloy laissa échapper, horrifiée. :

    -Comment c'est possible ? Même si des comptes se règlent pendant les Grands Jeux, comment il peut y avoir autant de mort ?

    Mechem lui répondit :

    -Cela dépend des grands jeux. De l'espace dont ils ont besoin, des règles imposées et des buts à atteindre. Même avec la meilleure volonté du monde, tu ne peux pas prévoir les réactions de deux cent personnes et des accidents arrivent. De vrais accidents, je veux dire. La perte de contrôle d'une Bestiole, un matériel défectueux, un dérèglement, des tas de trucs.

    Lorsque Falibi parla, Hiloy fut surpris.e du manque d'assurance dans sa voix. C'était bien la première fois qu'iel la voyait comme cela :

    -C'était quoi vos jeux. L'environnement, le but...

    Le regard de Mechem se perdit dans le vague :

    -Le premier, c'était dans un sous-marin. Plusieurs sous-marin, évidemment. On était dix dans un truc minuscule. Enfin, peut-être pas si petit que ça, mais je suis claustrophobe, alors je ne me souviens pas de tout. J'ai paniqué et j'ai retiré mon bracelet.

    A nouveau, Hiloy ne comprit pas à quoi il faisait référence et le nota dans sa liste des choses à demander plus tard.

    -Le deuxième, c'était dans les montagnes. C'était au premier qui atteindrait le sommet. Ils avaient planqué des armes un peu partout. C'est là qu'est arrivé le plus gros du massacre.

    Lae Cinquième resta bouche-bée, alors que Mechem concluait :

    -Quand ça commencera, gardez bien à l'esprit, à tout instant, que c'est tout sauf un jeu.

    Il leur tourna le dos en ajoutant :

    -Si vous avez d'autres questions, Laxo sait où me trouver.... quand elle le veut bien.

    Ils le remercièrent et prirent la route de leur chambres.

    -C'est quoi le guide dont il parlait ?

    Falibi lui répondit, comme une personne qui accepte complètement que d'autres n'ait pas ses connaissances :

    -Avant les Grands Jeux, on nous distribuera un guide. Ne t'inquiète pas, ils nous expliquerons tout ça avant.

    Rafirin compléta l'information :

    -C'est une tablette que l'on fixe à nos poignets. Dessus, tu trouveras des cartes, les objectifs, les refuges, les cours d'eau....

    Hiloy trouva cela rassurant de ne pas se retrouver complètement perdue dans un endroit inconnu. Falibi enchaîna :

    -Tu vois ce que ce sont les codes argent ?

    Lae Cinquième secoua la tête.

    -Je ne sais pas comment ça va se passer pour toi. Je ne suis pas sûre que tu en auras besoin...

    Hiloy la coupa :

    -Pourquoi ?

    -Parce que ça concerne les héritiers d'argent. Je ne crois pas que l'un des Cinq aient déjà eu un héritier d'argent.

    Hiloy confirma :

    -Non, je ne crois pas.

    Falibi reprit :

    -Toujours est-il qu'à un moment, les héritiers d'or sont contactés. Pour le grand jeu, on aura chacun un numéro qui nous permettra d'allumer notre guide. Les héritiers d'or ont la possibilité de transmettre ce numéro à qui ils veulent. Leur héritiers d'argent en général, c'est pour cela que l'on a appelé cette procédure les codes argent. Au début du jeu, quand les guides sont allumés, les héritiers d'argent entrent le code qui leur a été confié ce qui leur permet de savoir où se trouve leur héritier d'or. Celui-ci peut également voir leur position dès qu'ils entrent son code.

    Hiloy analysait l'information quand Rafirin les quitta sur le palier de l'étage pour rejoindre sa chambre. Ils étaient presque arrivés devant la chambre de Falibi, quand Hiloy se souvint d'une dernière question :

    -Mechem a parlé d'un bracelet qu'il a enlevé, c'est important ?

    Falibi hocha la tête :

    -C'est une sécurité. Tu verras, quand le jeu commencera, tu auras un bracelet à ton poignet. Si tu veux abandonner le jeu, tu le retires et une équipe vient te récupérer.

    Hiloy s'arrêta :

    -Mais... si c'est possible d'abandonner, pourquoi ils le font pas avant le massacre ? Si c'est si dangereux, pourquoi qui que ce soit participe ?

    Son amie soupira :

    -Parce qu'il n'y a pas le choix. Chaque Grand Jeu apporte des points à l'héritier qui tient jusqu'au bout et à la fin de l'année, la somme de ces points apportent des privilèges au clan. L'abandon n'apporte pas de points ou fait perdre ceux déjà gagnés. A moins d'être certain d'être en danger de mort, en général personne ne tente l'abandon.

    Hiloy soupira également. N'ayant pas d'autre question, iel se dirigea vers sa chambre, l'air sombre.

    -Hey, Hiloy.

    Iel se tourna vers Falibi. Celle-ci lui sourit :

    -Te prends pas la tête. Ils expliquent tout avant le Grand Jeu.

    Ces quelques mots suffirent à rassurer son ami.e, qui la remercia en souriant, avant d'entrer dans sa chambre.

     

    Dans son rêve, Hiloy s'approcha de la fille qui avait sauté. Non, pas sauté, on l'a poussée. Cette correction lae rendit réticent.e à s'avancer encore. C'est pour détourner mon attention. Il y a quelqu'un qui attend de me sauter dessus. Iel en était sûre, même si iel ne savait plus trop comment. Son corps refusa de regarder autour d'ellui et ses jambes se remirent en mouvement vers le corps, alors même qu'iel voulait faire demi-tour. Cependant, tandis qu'il ne lui restait qu'un pas à faire pour être à la hauteur de la jeune fille, celle-ci se redressa en souriant. Hiloy laissa échapper un soupir de soulagement. Elle n'est pas morte. Évidemment, je suis bête, on ne meurt pas comme ça. Comme si elle avait lu dans ses pensées, la fille dit soudainement :

    -Ce n'est pas comme si quelqu'un en avait quelque chose à foutre que je meure.

    Hiloy se réveilla, le cœur dans la gorge, au bord des larmes. Pourquoi personne ne cherchait à savoir qui l'avait poussé ou pourquoi ? Fixant un point dans l'obscurité, iel resta parfaitement immobile, écoutant sa respiration. Tu n'en sais rien, peut-être que ses amis et ses parents font des recherches. Lae Cinquième se demanda si Xutik ne se posait pas également ces questions. Après tout, il l'avait vu tomber lui. Il n'était pas possible qu'il soit passé à autre chose avec tant de facilité. Iel resta un long moment sans sommeil, à suivre le cours de ses pensées. Quand Hiloy se rendormit, se fut avec la ferme intention de découvrir qui avait tué la jeune fille. Avec un peu de chance, cela arrêterait les cauchemars.

     

    Quand iel arriva en classe, le lendemain, Hiloy découvrit une rose sur sa table. Iel observa la fleur avec perplexité. Je suis censée en faire quoi ? En s'asseyant, Falibi ouvrit de grands yeux émerveillés :

    -Woah, on t'a offert une rose !

    Hiloy rit de la réaction de son amie et s'assit en disant :

    -T'as vu ça. J'en fais quoi à ton avis.

    Falibi se mit à rire :

    -Bah, tu la mets dans un vase, cette question.

    Hiloy grimaça :

    -Pour faire quoi. Ça sert à rien. Si je veux voir des fleurs, je vais dans le parc.

    Son amie leva les yeux au ciel :

    -Ah là là, ces gens qui ne savent pas apprécier les cadeaux. Tu vois, moi, si on m'offrait une rose. Je serais très contente.

    Hiloy observa l’adolescente avec attention, un sourire en coin, tandis qu'elle continuait de parler en bougeant ses affaires sans raison :

    -Si on m'offrait une rose, je serais très contente. Je pourrais la mettre sur le bureau de ma chambre. C'est tellement jolie les roses. Je t'ai dit que c'était ma fleur préférée ? Bon, peut-être pas ma préférée. J'ai un faible pour les œillets, mais elle arrive au moins seconde. On ne m'a jamais offert de fleurs à moi. Même pas Rafirin. Je devrais peut-être lui en parler d'ailleurs.

    -Falibi ?

    Elle se tourna vers Hiloy d'un air ingénu :

    -Oui ?

    -Je viens de trouver cette rose qui a dû chuter par inadvertance sur mon bureau. Elle m'a, bien sur, de suite fait penser à toi. Alors, je te l'offre.

    Falibi joua la surprise :

    -Pour moi ? Oh, comment tu as su ?

    Elle s'empara de la fleur qu'Hiloy lui tendait et ils se rendirent compte au même moment que la classe les observait. Voyant qu'ils se taisaient, le professeur Irdrour leur demanda :

    -Nous pouvons commencer ?

    Sans se départir de son lumineux sourire, Falibi répondit :

    -Je vous en prie. Merci de votre patience.

    Irdrour laissa échapper un sourire avant de commencer le cours. Hiloy réfléchit, une bonne partie de la leçon, à se demander comment iel pourrait aborder Xutik, sans que celui-ci se fasse de fausses idées. Lae Cinquième voulait savoir s'il faisait des recherches sur la personne qui avait tenté de le tuer. Si c'était le cas, il y avait des chances pour qu'il se soit renseigné sur ce qui était arrivée à la fille. Ouais, mais si je commence à lui parler, il va nous croire mariés. Iel soupira, découragé.e.

    La sonnerie retentit, annonçant la pause. Hiloy s'étira avant de s'affaler sur son bureau :

    -Tu manges avec Theaon ce midi ?

    Falibi se figea :

    -C'est ce que j'avais prévu, mais si tu veux...

    Hiloy l'arrêta :

    -Non, y a pas de problème. C'est juste pour savoir. Si Rafirin mange avec ses amis, je prendrais peut-être juste un truc à la cafét’.

    Falibi posa sa tête sur le bureau pour être face à Hiloy :

    -T'es sûre ?

    Lae Cinquième leva un pouce en l'air :

    -Certain.

    Iel resta là en espérant rattraper un peu du sommeil qu'iel n'avait pas eu durant la nuit. Les cours lui semblèrent deux fois plus longs avant le déjeuner. Mais, la sonnerie finit par se faire entendre.

    Hiloy laissa ses affaires dans le sac et se dirigea vers la sortie. Falibi lui lança :

    -Tu peux venir manger avec nous, si tu veux.

    L’adolescent.e lui sourit :

    -T'inquiètes. Je vais pas en mourir.

    Iel sortit dans le couloir à la recherche de Xutik et finit par le retrouver sur le chemin du réfectoire. Bon, allez. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer.

    -Xutik ?

    Le garçon se retourna à son nom et ne sembla pas surpris de lae voir :

    -Hiloy. La rose t'a plu ? Tu manges avec nous ?

    Gec-Nüj fronça le nez en entendant la proposition. Lae Cinquième continua, ignorant ses questions :

    -Je voulais te parler de la fille qui est morte.

    Xutik s'assombrit :

    -Pourquoi ?

    Hiloy fut surprise de sa réaction :

    -Eh bien, parce que c'est sans doute lié à la personne qui a essayé de te tuer. Je voulais savoir si tu avais des informations.

    Iel vit le soupçon passer sur le visage de Gec-Nüj. De son côté, Xutik haussa les épaules :

    -J'ai rien. J'ai pas cherché.

    Hiloy n'en crut pas un mot :

    -On essaie de te tuer et tu ne cherches pas qui est derrière ça ?

    Il eut un large sourire qui n'atteignit pas ses yeux gris :

    -Que veux-tu, c'est le prix à payer pour s'élever.

    Il s'éloigna avant qu'iel ne puisse ajouter quoique ce soit. Cependant, Hiloy ne se laissa pas abattre. Iel avait d'autres personnes à interroger. Mais pour l'instant, on va manger où on ne tiendra pas l'après-midi. La cafétéria était plus peuplée qu'iel ne l'avait imaginé. Principalement par des élèves venus travailler en mangeant.

    -Hiloy ?

    Lae Cinquième sursauta, ne s'attendant pas à entendre la voix de Rafirin. Il lae rejoignit :

    -J'ai croisé Falibi qui m'a dit que tu irais probablement ici. On mange ensemble ?

    Hiloy hocha la tête et demanda avec une pointe de moquerie :

    -Tu n'angoisses pas de laisser Falibi seule avec Theaon ?

    Rafirin fit la moue :

    -Elle m'a encore rembarré.

    Hiloy lui sourit avec douceur :

    -En même temps, qu'est-ce que tu veux qui arrive ? Qu'elle lui plante une épingle à cheveux empoisonnée dans le bras ?

    Iel se reprit :

    -Elle pourrait directement empoisonner le plat, ce serait plus discret.

    Rafirin pâlit :

    -Je vais allé manger là-bas. Juste pour être sûr. Histoire de l'avoir à l’œil.

    Hiloy lui agrippa le bras :

    -Non, non, laisse la. Je plaisante.

    Le garçon n'était pas convaincu :

    -On ne sait jamais...

    Iel le tira jusqu'à une table :

    -Si, on sait. Allez, laisse-la donc un peu tranquille. Si tu l'empêches de réaliser son rêve, elle risque fort de t'arracher la tête.

    Rafirin ne trouva rien à redire là-dessus et accepta de s'asseoir pour manger.

    De retour en classe, Hiloy aperçut Falibi à la table de Theaon. Son amie lae rejoignit avec un air contrit :

    -Ça te dérange si je change de place ?

    Hiloy lui sourit :

    -Non, pas de problème.

    Iel alla s’asseoir à sa place et salua l'adolescente qui venait s'installer. Celle-ci lui lança :

    -Salut, Hiloy. Je m'appelle Ora.

    Un coup de règle sur le bureau les empêcha de faire plus amples connaissances. Hiloy n'eut pas à se plaindre de ce changement de voisine. Contrairement à Falibi qui avait des tendances à discuter, Ora restait silencieuse. Elle se penchait régulièrement sur les notes d'Hiloy, mais restait le reste du temps dans son coin.

    A la fin des cours, Hiloy sortit sans prendre le temps d'avertir Falibi qui était, de toute façon, en grande discussion avec Theaon. Pour la première fois de l'année, iel se rendit au dortoir des secondes années. Lae Cinquième ne savait pourquoi iel avait été persuadé.e que les dortoirs étaient strictement réservés aux personnes qui y vivaient, mais si Mechem avait pu venir la veille sans que cela ne fasse scandale, iel pouvait en faire autant. Hiloy passa par sa chambre pour retirer son uniforme et enfiler des vêtements civils. Au moins comme ça, j'échapperais à ces foutus souhaits. Cela n'empêcha pas son cœur de battre à cent à l'heure quand iel se trouva devant la porte du bâtiment.

    Lae Cinquième hésita un bon moment avant de se décider à franchir le pas. L'adolescent.e marcha dans les couloirs, tête baissée comme si cela pouvait la rendre invisible. Le bâtiment était identique à celui des premières années et iel se retrouva sans difficulté.

    Hiloy monta les marches en se demandant à quel étage se trouvait les chambres des jumeaux et s'arrêta au premier palier lorsqu'iel tomba face à une porte portant le chêne des Jyu. Iel frappa. Personne ne répondit. Hiloy sentit des regards peser sur ellui tandis qu'iel toquait à nouveau à la porte des Quatrièmes. Pour le peu qu'iel connaissait les jumeaux, iel se doutait qu'ils ne devaient pas avoir beaucoup de visites. Toujours aucune réponse. Hiloy commença à se demander si iel devrait repasser. Dommage, j'étais prête psychologiquement, là. L'adolescent.e laissa échapper un soupir et fit volte-face. Son regard s'arrêta sur un jeune homme au bas de l'escalier.

    Lae Cinquième ne se serait sans doute pas attardé.e si celui-ci ne l'avait pas fixé intensément. Qu'est-ce qu'il me veut ? Il ne fit pas un geste, ne dit rien, se contentant de rester les mains dans les poches. Hiloy se décida à descendre, détournant le regard en espérant au fond d'ellui qu'il lae prenait pour quelqu'un d'autre.

    -Puîné.e.

    Hiloy grimaça. Iel ne voyait pas à qui cela pouvait faire référence à part ellui. Faisant face au garçon deux fois plus grand qu'ellui, iel aperçut l'hydre d'or aux cous de diamant en blason. Tgeork, le Troisième. L'adolescent.e observa avec plus d'attention le jeune homme. Il avait des cheveux en brosse, mêlant orange pâle et blanc. Des sourcils broussailleux au-dessus de deux grands yeux d'un bleu glacé. Une mâchoire carrée qui lui donnait un air autoritaire. De manière générale, il ne ressemblait pas à quelqu'un qui s'amusait beaucoup. En fait, iel lui trouvait une ressemblance avec Indilk et ce n'était pas pour la rassurer.

    -Les jumeaux ont dit que tu voulais faire des duels.

    Hiloy s'empressa de dire :

    -C'est vrai, mais ils m'ont expliqué pour l'Union. J'ai signé aussi.

    Il tourna les talons en lui lançant :

    -Rien à foutre, ramène-toi.

    Hiloy hésita avant de le suivre :

    -On va où ?

    Le troisième lae mena dans la cour intérieure du dortoir. Il se plaça au centre :

    -Mets-toi en garde.

    Iel le fixa avec des yeux ronds :

    -Mais... je croyais qu'on ne pouvait pas à cause de l'Union.

    Il serra les mâchoires :

    -Si tu veux te battre et moi aussi, ça ne vas pas à l'encontre de l'Union.

    Hiloy fronça le nez :

    -Je ne suis pas sûre.

    -Tu vas laisser passer ta chance ?

    Lae Cinquième se frotta le cou avec embarras. Si iel se battait, au moins, son père ne pourrait pas dire qu'iel n'avait pas essayé. Hiloy s'avança et se mit en garde.

    Parler de duel aurait sans doute était un peu exagéré. Quand il chargea, iel ne put que se maintenir en défense. Iel évitait un coup de poing pour mieux recevoir un genoux dans le ventre. Iel se baissait pour éviter un coup de coude et se retrouvait au sol, fauché.e par une jambe. Iel se relevait pourtant. Le goût du sang dans la bouche, la sueur lui piquant les yeux, lae Cinquième s'efforçait de rester concentré.e. Au début, iel avait espéré jouer de vitesse, mais malgré sa masse, l’adolescent restait vif. Hiloy avait ensuite opté sur la longueur, espérant qu'il finirait par se fatiguer, mais il ne semblait pas flancher. Iel n'avait aucune ouverture qui aurait pu lui donner l'espoir de porter un coup. Iel aurait pu abandonner, mais iel entendait déjà son père hurler d'humiliation.

    Hiloy finit par tenter le tout pour le tout. Iel vit le poing arriver et baissa sa garde. Le garçon sentit le danger, mais ne retira pas son bras assez vite. Lae Cinquième enroula son bras autour du sien, saisissant son col de sa main libre. Iel ne put achever son attaque. Le Troisième saisit son poignet, tira sur son bras pour lae ramener vers lui alors qu'il lui envoyait son front dans le nez. Iel n'eut pas le temps de crier qu'un deuxième coup l'atteint au visage. Hiloy chercha à s'écarter pour reprendre sa garde, mais il ne lae laissa pas faire et enchaîna les coups jusqu'à ce qu'iel se retrouve au sol.

    Incapable de se relever, Lae Cinquième vit l'adolescent s'éloigner tranquillement. Iel rassembla ses dernières forces pour cracher une dent avant de se laisser retomber et de fermer les yeux.

     

    Hiloy se sentait bien. Avant même d'ouvrir les yeux, iel réalisa qu'iel se trouvait dans un lit, probablement à l'hôpital. L’adolescent.e prit le temps de profiter un peu du calme qui l'entourait avant de soulever les paupières. Les jumeaux étaient penchés sur ellui, de part et d'autre du lit. Tefpiro eut un sourire mauvais :

    -Je t'avais dit qu'iel était en train de se réveiller. Tu peux parler ?

    Hiloy ouvrit la bouche pour essayer et croassa :

    -Je crois.

    Son sourire s’élargit :

    -C'est suffisant. J'ai une question urgente. T'en as vraiment rien à foutre de ce que je te dis ?

    Iel répondit :

    -C'est lui qui a proposé.

    Avant que son frère ne puisse répliquer, Oru lui envoya un coup dans le bras. Il grogna avec mauvaise humeur :

    -Aïeuh, je sais.

    Il expliqua à Hiloy :

    -Onfionne est un garçon qui ne vit que pour les duels. Il aime avoir l'occasion de taper des gens. C'est un jeune homme très en colère que veux-tu. Donc, la prochaine fois qu'il te propose un duel, tu refuses.

    Oru pinça les lèvres et son frère interpréta :

    -C'est vrai que vu qu'il t'a battu, il y a peu de chance pour qu'il te le redemande.

    Hiloy articula :

    -Il n'y a pas de témoin.

    Le garçon l'observa :

    -Comment ça ?

    Iel eut un demi-sourire. Lae Cinquième ne ressentait aucune douleur, mais son corps semblait peser deux tonnes :

    -Rien ne prouve que j'ai perdu, puisqu'il n'y avait aucun témoin.

    Tefpiro se tourna vers sa sœur :

    -Iel est sérieuse là ?

    Revenant à lae Cinquième, il dit :

    -La flaque de sang dans laquelle on t'a trouvé en est la preuve.

    Une flaque, il exagère.

    -Rien ne prouve que c'est mon sang.

    Il répliqua du tac au tac :

    -Le fait qu'il soit le seul à avoir quitter les lieux sur ces deux jambes en est une.

    Hiloy secoua doucement la tête :

    -Non, je ne crois pas que l'on puisse dire que j'ai perdu avec si peu de preuve.

    Oru semblait très amusée, alors que son frère était très énervé. Il abandonna en faisant un signe de la main :

    -Laisse tomber. Tu nous cherchais ?

    Iel réfléchit quelques secondes avant que cela ne lui revienne :

    -Ah oui. Je voulais vous demander si vous saviez quelque chose concernant la seconde année qui est morte.

    Tefpiro leva les mains en s’écartant du lit :

    -Ah non, non. Là, c'est pas possible.

    Hiloy tenta de se redresser pour l'avoir de nouveau dans son champ de vision :

    -Qu'est-ce qui est pas possible ?

    L'adolescent lae pointa du doigt :

    -Toi. T'as pas suffisamment à faire qu'il faut que tu te mêles des affaires des autres.

    Lae Cinquième se défendit :

    -Je ne trouve pas normal qu'une fille meurt et que personne ne cherche à savoir pourquoi. Qui ne vous dit pas que celui qui l'a tué ne va pas en tuer un autre.

    Oru battit un rythme sur la table de chevet. Hiloy écouta avec attention bien qu'iel ne saisissait rien. Il y avait des temps courts ou longs entre chaque battements, ça, iel commençait à s'en rendre compte. LaeCinquième aurait aimé comprendre comment marchait ce code. Tefpiro parlait déjà :

    -Excuse-moi de te couper, Oru, mais ça ne sert à rien.

    Hiloy intervint avant qu'il ne change de sujet :

    -Qu'est-ce qu'elle a dit ?

    Tefpiro rechigna à répondre, alors sa sœur se remit à tapoter la table de manière frénétique. Il finit par céder :

    -C'est bon, c'est bon. Elle disait que la fille n'était pas dans notre classe. Chaque héritier des Cinq est dans une classe différente. Donc, si tu interroges les autres, il y a une chance pour que l'un d'eux la connaisse.

    Hiloy fut surpris.e :

    -Si c'était le cas, vous ne l'aideriez pas à chercher qui l'a tué ?

    Tefpiro eut un petit rire :

    -Ça va pas non. S'il veut chercher, il cherche tout seul.

    Oru aida Hiloy à s’asseoir :

    -Mais, on est une union. On n’est pas censé s'entre-aider ?

    L'adolescent rit de nouveau :

    -Non, on est censé se foutre la paix. Si l'un des autres a des problèmes, je peux te dire qu'il préférera se démerder que de venir nous demander quoique ce soit.

    Oru lui tapota l'épaule et se pointa du doigt. Hiloy fit signe qu'iel ne comprenait pas. Tefpiro croisa les bras :

    -Compte pas sur moi pour traduire ça.

    Sa sœur sourit en dressant le majeur dans sa direction. Il ne broncha pas. Hiloy reprit la parole :

    -Je pourrais partir quand ?

    -Demain. Ils ont activé les soins rapides pour toi. Apparemment, un héritier des Cinq à l’hôpital, ça fait mauvais genre.

    Hiloy avait en effet senti les picotements sous la peau, là où les machines injectées s'activaient à réparer. C'était une procédure coûteuse que les médecins n'utilisaient qu'en dernier recours. Ou pour quelqu'un d'important. Iel prêta attention aux picotements rêveusement.

    Falibi eut un mouvement de recul en entrant dans la chambre en apercevant les jumeaux. Mais n'étant pas du genre à se laisser prendre au dépourvu, elle retrouva vite son sourire et salua :

    -Bonjour.

    Rafirin la retint par son T-shirt pour l'empêcher d'aller plus avant. Il observait les jumeaux avec inquiétude :

    -On devrait peut-être repasser.

    Hiloy allait protester, mais Oru se leva d'un bond et fit signe à son frère de la suivre. Celui-ci se rebiffa :

    -On n'a pas fini de parler. C'est qui ceux-là ?

    Oru se mit derrière lui pour le pousser dehors, distribuant des sourires à la ronde alors que Tefpiro continuait :

    -Iel continue de faire n'importe quoi. Tu crois que ce sont des amis ? Iel écoute vraiment rien.

    Oru referma la porte derrière eux. Falibi vint s’asseoir près du lit :

    -Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Il paraît qu'un des Cinq t'a battu en duel.

    Hiloy leva le doigt :

    -Alors, non. Il n'y a pas eu de témoin, donc rien ne prouve que j'ai perdu.

    Falibi sembla réfléchir sérieusement à la tournure de la phrase avant de dire simplement :

    -D'accord.

    Rafirin fut plus inquiet :

    -Ça veux dire que tu vas réessayer ?

    Hiloy pinça les lèvres :

    -En fait, s’il me redemande, oui. Si j'arrive à le battre, mon clan ira directement deux niveaux plus haut quand même.

    Falibi ouvrit de grands yeux :

    -Eh ben, je ne pensais pas que tu voulais t'élever.

    Hiloy soupira :

    -Mon père.

    Rafirin demanda soudain :

    -C'était ton père l'héritier du Cinquième quand il était ici ?

    Falibi se tourna vers lui, choquée :

    -Rafirin.

    -Quoi ?

    Elle murmura presque :

    -Ça ne se demande pas.

    Hiloy sourit :

    -Non, c'est pas grave. Ma mère était l'héritière d'or. Mon père était l'héritier d'argent d'un autre clan. Il ne m'a jamais dit le nom.

    Falibi joignit les mains en battant des paupières :

    -Oh, ils sont tombés amoureux et il s'est élevé.

    Pas sûre pour la première partie, mais pas de doute pour la deuxième. Hiloy avait toujours considéré que son père avait épousé sa mère pour changer de rang. De la même façon qu'il la poussait à s'occuper des autres héritiers des Cinq, s'élever était tout ce qui comptait pour lui. Iel garda bien sûr ses réflexions pour ellui et se contenta de sourire. Rafirin s'assit au pied du lit :

    -En tout cas, le bruit court que tu as perdu. Désolé.

    Hiloy se rallongea :

    -Tant pis. Le plus important, maintenant, c'est que je sais quelle activité faire.

    Falibi montra aussitôt son intérêt :

    -C'est quoi ?

    Lae Cinquième s'étira. Il n'y avait pas à dire, les machines faisaient des merveilles :

    -Je n'ai pas assez utilisé mes jambes durant le combat. Je crois avoir vu qu'il y avait une activité combat, non ?

    Falibi hocha la tête :

    -Oui, combat à main nue, je crois. Mais, je pense que tu pourras demander spécifiquement à bosser les jambes.

    Rafirin ajouta :

    -Si vous voulez faire ça, il faut qu'on le dise maintenant parce que c'est le genre de club qui est vite rempli.

    Falibi fouilla son sac :

    -Je crois que j'ai la feuille ici. Voilà.

    Elle la sortit et la montra à Hiloy :

    -Il y a autre chose que tu veux faire ? Comme ça on s'inscrit de suite.

    Hiloy fronça les sourcils :

    -Vous pouvez m'inscrire ?

    Son amie secoua la tête :

    -Non, on peut envoyer les gars qui s'en occupent prendre ta signature.

    Je me disais aussi. Iel jeta un coup d’œil à la liste. Au milieu des clubs liés aux armes et aux combats, il y en avait qui proposaient des activités plus sereines comme la cuisine, le théâtre, la musique, le dessin... l'adolescent.e se demanda si certains choisissaient ce genre de club en premier choix.

    -J'aimerais bien tenter le club de musique.

    Ah bah, voilà. Iel sourit à Falibi en se rendant compte qu'iel n'était pas vraiment étonné.e. Rafirin fit la grimace :

    -Musique ?

    Falibi s'empressa d'argumenter :

    -Oui, ça nous ferait du bien. Un truc tranquille, quoi.

    Hiloy réfléchit :

    -Ça fait beaucoup, deux clubs ? Avec les devoirs et tout ?

    Falibi secoua la tête :

    -Ça ira. On est d'accord ? Musique et combat ?

    Rafirin soupira mais acquiesça. Hiloy l'imita. Falibi se leva aussitôt :

    -Génial. On repassera te voir avec les gars du club. Viens, Rafirin.

    Le garçon la suivit en traînant les pieds :

    -Repose-toi bien, Hiloy.

    -Merci !

    Iel se blottit sous les couvertures et ferma les yeux, pour les rouvrir une heure plus tard. Hiloy resta sagement au lit, à observer sa chambre et réfléchir. Alors qu'iel commençait à s'ennuyer ferme, Falibi et Rafirin revinrent avec un quatuor comprenant deux garçons et deux filles. Son amie lui présenta :

    -C'est eux qui s'occupent des clubs.

    L'un des garçons lui demanda :

    -Tu as choisi ton club ?

    Hiloy se redressa en hochant la tête et pointant Falibi et Rafirin du doigt :

    -Les même qu'eux.

    Le garçon souleva les feuilles de son bloc-note, alors qu'une des filles faisaient de même :

    -Combat à mains nues et musique, c'est ça ?

    Nouveau hochement de tête. Le garçon trouva la feuille qu'il cherchait et lui présenta en tendant un stylo. Hiloy vit qu'elle était déjà à moitié remplie et inscrivit son nom en dernière ligne. Quand iel eut fini, la fille s'avança pour lui présenter une autre liste qui contenait quatre nom. Celle-là, c'est pour la musique, je suppose. Iel apposa sa signature et rendit le stylo au garçon. Falibi les remercia et ils quittèrent la chambre. Hiloy demanda une fois la porte refermée :

    -Ce n'est pas risqué ? Si quelqu'un vole les listes, ils sauront qui est où.

    Rafirin répondit :

    -Il n'y a qu'eux quatre qui sont en charge des listes. On sait qui ils sont. Si on leur vole ou si une information fuite, ça leur retombe dessus. Ils n'ont pas intérêt à ce que ce genre de chose arrive.

    Hiloy fronça les sourcils :

    -Je ne sais pas qui ils sont moi.

    Falibi mit les mains sur les hanches :

    -Tu n'es pas allé.e voir le panneau d'information de l'accueil. Leurs noms et leurs clans sont inscrits dessus.

    Hiloy claqua des doigts :

    -C'était donc ça.

    Une infirmière passa pour les informer que les visites étaient terminées et Hiloy dû voir partir ses amis avec regret. La prochaine fois, je demande un bouquin.

     

    Une fois sortie de l'hôpital, Hiloy se concentra sur les cours. La fille morte continuait de la hanter, mais ne trouvant pas l'occasion d'aller à la recherche des autres héritiers des Cinq, iel se contenta de ses devoirs.

    -Tu viens ?

    Hiloy leva les yeux de sa feuille pour observer Falibi, les coudes sur son bureau, le visage posé au creux de ses mains.

    -On a pas mal de devoirs à rendre.

    Falibi fit la moue :

    -Mais on bosse ensemble dans notre salle. Viens.

    Les jours qui étaient passés les avaient vu traîner dans la salle commune des premières années presque tous les soirs. Lae Cinquième n'avait rien contre, mais il fallait avouer qu'un devoir qui pouvait être fait en dix minutes avait tendance à en prendre trente. Cependant, Hiloy ne résista pas longtemps. Ça fait un moment que t'es pas allé.e voir les autres. Si tu veux diminuer le nombre d'ennemis potentiels, va t'amuser. C'est pas ta faute si c'est le seul moyen.

    -Tu as tes livres ?

    Falibi se mit à sautiller :

    -Évidemment. Allez, allez.

    Hiloy prit cahiers et crayons et suivit son amie. En entendant la musique dans le couloir souterrain, l'adolescent.e demanda :

    -On va dans la salle de notre classe, hein ? C'est plus calme.

    Falibi hocha la tête :

    -Si tu veux.

    Ils attrapèrent Rafirin au passage et allèrent se réfugier dans leur salle. Ils se concentrèrent sur les devoirs urgents, mais les discussions se firent plus fluides au fur et à mesure que la concentration s'évaporait. Mis à part le trio, Vish et Ze étaient les seules à occuper la salle. Hiloy écouta un moment l'héritière d'or déblatérer toute seule, tandis que son esclave restait inerte, les yeux dans le vague.

    -Est-ce qu'elle est muette ?

    Hiloy avait murmuré la question à ses amis pour ne pas attirer l'attention des deux filles. Falibi jeta un regard à Ze :

    -Je ne pense pas. C'est juste que Ça n'a pas le droit de parler sans permission.

    Lae Cinquième grimaça. Iel n'aimait pas tellement qu'ils parlent de Ze en disant « Ça », mais iel ne se sentait pas le droit de les reprendre. Des éclats de voix en approche les fit sourire. Falibi se tourna vers la porte :

    -Les mignons arrivent.

    Ce fut, en effet, Elférad et son groupe qui déboulèrent dans la salle, aussi bruyant que d'habitude. Laxo et Bélera les suivaient de près. La première demandait :

    -Mais on pourrait le faire, non ?

    Gzadien s'affala dans un fauteuil :

    -On pourrait, mais ça peut être vachement long.

    Neghttris le soutint :

    -Il a raison ou alors, il faut qu'on fixe une limite.

    Falibi ne put s'empêcher de se mêler de la discussion :

    -Vous parlez de quoi ?

    Pendant que Neghttris et Laxo continuaient à parler, Lyert prit le temps de répondre à la jeune fille :

    -On veut faire une partie de cache-cache dans le dortoir.

    -Cool. On peut jouer ?

    Elférad entoura les épaules de Gzadien de ses bras :

    -Si vous avez des idées pour les règles...

    Rafirin proposa :

    -Les chambres sont interdites.

    Matior approuva :

    -C'est sûr. Si on peut pas entrer, c'est de la triche.

    Gzadien ajouta :

    -Interdiction de sortir du bâtiment.

    Bélera leva timidement la main :

    -Si cela prend trop de temps, on dit que le début du compte à rebours des chambres sonne la fin de la partie.

    Matior eut un ricanement :

    -C'est sûr. Je tiens pas à dormir à l'hôpital.

    Vish se leva avec un large sourire :

    -Je peux jouer aussi ?

    Il y eut un acquiescement général. Voyant que l'esclave ne réagissait pas, Hiloy éleva la voix pour lui demander :

    -Tu veux jouer aussi ?

    Ze l'ignora. Hiloy se rendit compte du silence qui l'entourait et promena son regard sur l'assistance. Tous lae regardaient avec de grands yeux. Neghttris finit par dire :

    -Hiloy, qu'est-ce que tu fous ?

    Ils finirent par éclater de rire comme si iel venait de dire la chose la plus drôle du monde. Hiloy ne partagea pas l'hilarité général et se contenta d'observer l'esclave immobile avec tristesse.

    -Vous êtes prêts ? Rien à ajouter ?

    Ils s'entre-regardèrent sans rien trouver à dire, alors Elférad continua :

    -Qui compte ?

    Lyert lança :

    -Celui qui propose compte.

    Tous approuvèrent et Elférad ne put lutter :

    -OK. Je m'y colle.

    Gzadien lui pointa le coin de la pièce :

    -Va là-bas.

    Il obéit docilement :

    -Je compte jusqu'à combien.

    Neghttris lança :

    -Cent.

    Elférad râla :

    -Cent ? C'est hyper long.

    Lyert répliqua :

    -Ouais, mais le temps qu'on arrive à l'autre bout du bâtiment.

    Le petit groupe se dirigeait déjà vers la porte à reculons. Hiloy se mit en mouvement également. Elférad commença à compter à toute vitesse provoquant la panique générale. Neghttris prit le temps de lancer avant de se précipiter dehors :

    -T'as pas le droit de compter comme ça.

    Elférad fit une pause pour répliquer :

    -On ne l'a pas précisé.

    Il reprit son décompte. Hiloy courut dans le couloir en réfléchissant à un endroit sûr. Au bout du couloir, iel aperçut un placard. Sois ouvert. Les autres remontaient déjà dans les étages supérieurs. Lae Cinquième ouvrit la porte pour découvrir un espace où les gens chargés du ménage rangeaient leur matériel. Iel cherchait un moyen de se dissimuler quand la porte s'ouvrit de nouveau. Gzadien s'arrêta en l'apercevant :

    -Flûte alors.

    Il allait repartir, quand iel lui fit signe d'entrer :

    -Viens, y a de la place pour deux.

    Gzadien ne se fit pas prier :

    -Tu crois ? Cool.

    Ils farfouillèrent un moment avant de trouver des places qui leur convenaient. Hiloy trouva un rangement dans le mur et poussa les produits ménagers pour s'y glisser. Recroquevillé.e pour tenir dans l'espace restreint, iel eut des difficultés à refermer la petite porte. Iel la garda entrebâillée de peur de rester enfermée.

    Lorsqu'Elférad entra pour inspecter le placard, Hiloy retint sa respiration en espérant qu'il ne trouverait pas Gzadien. Iel n'avait pas pris le temps de voir où il se cachait. Finalement, l'adolescent ressortit après une fouille rapide. En entendant la porte se refermer, iel quitta sa planque pour soulager son dos douloureux. Lae Cinquième vit Gzadien descendre du haut d'une étagère et murmura avec émerveillement :

    -Comment t'as fait pour te caler là-haut ?

    Il se contenta de prendre un air mystérieux et se dirigea vers la porte avec précaution.

    -On a le droit de bouger ?

    Gzadien répondit avec un sourire :

    -On ne l'a pas précisé.

    Hiloy lui rendit son sourire sans trop savoir quoi faire. L'adolescent jeta un regard rapide dans le couloir pour voir si la voie était libre, puis se tourna vers lae Cinquième :

    -Tu viens ?

    Iel se décida à le suivre. Toujours avec prudence, ils montèrent les marches menant au hall du dortoir. Ils restèrent un instant à la porte, hésitant à se lancer dans ce vaste espace découvert.

    -Tu crois qu'il est allé où ?

    Gzadien pointa les escaliers du menton :

    -Je ne serais pas étonné s'il était monté dans les étages.

    Ils observèrent un temps les allées et venues des autres premières années qui menaient leur vie sans se douter de ce qu'ils pouvaient trafiquer.

    -On court jusqu'au bas de l'escalier à trois. T'es prête ?

    Iel acquiesça :

    -Prêt.

    -Un... deux... trois.

    Ils s'élancèrent et atteignirent leur objectif sans difficulté. Les passants leur jetèrent des regards curieux et amusés.

    -Bon, on reste sur nos gardes. On vérifie le premier étage d'abord.

    Hiloy hocha la tête. Ils gravirent les marches et s'arrêtèrent au premier palier. Dans le couloir où se trouvaient les chambres des garçons, ils aperçurent le dos d'Elférad qui se dirigeait vers la salle de bain. Lae Cinquième fit remarquer :

    -Le problème c'est que si on continue à le suivre, on n’a pas beaucoup de chance de se planquer à temps.

    Gzadien approuva :

    -T'as raison. Il faut qu'on trouve une planque dans le coin.

    Il se retourna brusquement, bousculant deux filles qui venaient d'atteindre le palier. Surprise, l'une d'elle poussa un cri et Hiloy se tourna aussitôt vers Elférad en espérant que cela n'attirerait pas son attention. Perdu.

    -Gzadien, il va se retourner.

    L’héritier d’or s'était arrêté, comme hésitant à porter de l’intérêt au cri qu'il venait d'entendre. Cependant, la fille commença à invectiver Gzadien qui avait manqué de lui faire dévaler les marches. L'adolescent se confondait en excuse et cette fois, Hiloy vit qu'Elférad commençait à se tourner. Iel poussa Gzadien et les deux filles sans ménagement quelques marches plus bas.


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