• Le bruit s'approcha encore. Ce n'était pas des pas, plutôt comme une sorte de grincement. Noré sentit son cœur battre frénétiquement, plissant les yeux pour essayer de distinguer ce qui se cachait dans l'ombre des rayons. Finalement, elle put deviner une forme indistincte qui ne correspondait en rien à ce qu'elle connaissait. L'adolescente ne finit par comprendre ce dont il s'agissait que lorsque l'ombre sortit des rayonnages. Il s'agissait d'un homme énorme dans un étrange fauteuil à roue. Aucun d'eux ne bougea, la même surprise chez les uns et les autres. Les trois compagnons n'avaient jamais vu un fauteuil pareil et l'homme devait se demander ce qu'ils faisaient là. Son regard passa des uns aux autres, puis il dit sur un ton de reproche :

    -Dis donc, ce serait plutôt à moi de sortir mes armes, non ?

    Noré chercha quelque chose à dire mais comme rien ne lui venait elle rangea son poignard, imitée par Soria. Satisfaisait, l'homme reprit :

    -C'est mieux. Maintenant, si vous me disiez ce que vous faites dans mon atelier ?

    Noré montra la trappe du doigt :

    -C'est les femmes dans les parois qui nous ont mené ici.

    L'homme sourit :

    -Si les Dames Blanches vous ont laissé en vie, c'est que vous ne devez pas être bien méchant.

    -Les Dames Blanches ?

    -Des guides pour les voyageurs égarés.

    -Ah, donc c'était bien des guides.

    -Elles s'attaquent aussi aux hommes infidèles. Une chance qu'il n'y ait pas d'homme dans votre petit groupe.

    Il eut un air amusé en racontant ce détail, sans doute cela devait effrayer certaines personnes. Comme ils ne réagissaient pas, il fit faire demi-tour à son fauteuil :

    -Allez, suivez-moi.

    Noré devint méfiante :

    -Vous nous laissez partir ?

    Il ricana :

    -Pas si facilement. Je veux savoir comment vous vous êtes retrouvé dans les grottes de cristal et si je dois m'attendre à d'autre visite.

    Le fauteuil de l'homme se mit à rouler tout seul lorsqu'il appuya sur un bouton de l'accoudoir. Noré le regarda faire avec des yeux ronds. Il s'engagea dans une allée et le petit groupe suivit. La jeune fille vint marcher près de lui, du moins le plus qu'elle pouvait car il prenait largement l'espace entre deux étagères:

    -Un dragon nous a attaqué.

    Il grinça des dents :

    -Ah, ces saletés.

    -On s'est réfugié dans les grottes et là, les Dames Blanche sont apparues. Elles ont toujours étaient là ? Je veux dire dans les grottes de cristal ?

    -Non, autrefois, elles erraient sur les chemins et près des rivières. Puis, il a fallu qu'elles se cachent pour ne pas être envoyé en Terres Sanglantes.

    Noré relança :

    -Nous pouvons partir maintenant ?

    -Bien sûr, mais je me demandais si vous n'auriez pas faim ?

    Le garçon se mit à avancer en faisant des bonds, tirant frénétiquement sur la veste de Noré. Celle-ci leva les yeux aux ciel, car elle aurait bien aimé partir le plus tôt possible. Elle chercha un soutien vers Soria, mais celle-ci se contenta de hausser les épaules. A l'autre bout de la pièce, se trouvait une table ronde, sur laquelle était posée une lampe à huile. L'obscurité était presque totale, l'homme se cala devant et désigna des tabourets d'un geste :

    -Asseyez-vous, je vous en prie.

    Le bras de l'homme atteignit un sac attaché au dos de son fauteuil et en sortit d'étranges biscuits. Le garçon se jeta dessus sans poser de question. Un instant de silence pendant lequel ils se fixèrent à nouveau, puis l'enfant brisa la glace:

    -Pourquoi il fait noir ?

    Noré le regarda avec surprise :

    -Depuis quand tu parles, bébé ?

    Il lui sourit avec fierté comme si cela constitué une réponse suffisante. L'homme répondit :

    -Parce que ça m'aide à imaginer.

    Noré reprit :

    -Imaginer quoi ?

    -Ça.

    L'homme tapota sur les roues de son fauteuil.

    -C'est vous qui l'avez fait ?

    -En effet. Tel que vous me voyez, je suis inventeur. Je cré toutes sortes de machines.

    -Comme les sorcières ?

    Il s'empourpra :

    -Non, jeune fille, pas comme ces femmes.

    Elle préféra ne pas s'attarder sur la question, visiblement, c'était un sujet sensible. L'homme reprit calmement :

    -Je m'appelle Frent Kolia.

    -Je suis Noré Dint, voici Soria et bébé.

    Nouveau silence durant lequel il sembla les jauger. Soria s'aventura vers les biscuits et en englouti quelques uns.

    -Où espériez-vous aller avant que le dragon n'attaque ?

    La jeune fille haussa les épaules pour signifier son ignorance. Frent eut l'air abasourdi :

    -Vous ne savez pas où vous allez ?

    Elle ne répondit pas et se perdit dans la contemplation de la table.

    -Cela fait combien de temps que vous voyagez sans but ?

    Comme il se heurta de nouveau à un mur de silence, Frent proposa d'un air chaleureux :

    -Pourquoi ne pas rester ici ce soir ?

    Elle sourit avec ironie :

    -Ça ne porte pas vraiment bonheur de nous avoir dans le coin.

    -Et pourquoi cela ?

    -Les hommes qui sont après nous ne sont pas vraiment sympathiques.

    -Vous êtes en fuite ?

    Elle ne prit pas la peine de préciser qu'ils n'avaient pas revu les pirates depuis un sacré moment, pour elle, ils n'était jamais loin. L'adolescente s'évertua à garder les yeux sur la table et à se taire, alors Frent proposa :

    -Vous m'avez l'air d'avoir besoin d'un vrai repas et d'une bonne nuit de sommeil. Le petit surtout.

    Le garçon, le regard fixait sur la lampe, lança soudainement :

    -Je suis pas petit, je suis grand.

    Sur quoi, il se remit à mordiller le bord de la table. Noré lui dit d'arrêter et il se remit à sucer son pouce. Elle ne voulait pas rester, car alors, les pirates les retrouveraient sûrement. Mais la jeune fille pensa à Soria et à l'enfant qui, comme elle, devaient être affamé et fatigué. Elle rêvait souvent d'un lit douillet et la Saldrian était enceinte, elle ne devait pas l'oublier. Il serait sage de rester juste une nuit. Cependant, elle resta obstinément muette.

    -Ma fille habite près d'ici, elle saura prendre soin de vous.

    Noré le regarda avec méfiance et l'homme sourit avec indulgence :

    -Viens au moins faire sa connaissance.

    L'adolescente allait refuser mais Soria se leva et prit la main du garçon. Les deux amies échangèrent un regard. A force de s'occuper d'elle, Noré se rendit compte, avec une certaine honte, qu'elle avait oublié que Soria avait sa propre volonté. Alors, elle se leva et Frent les conduisit à l'extérieur. Le vent la glaça sur place. Ils semblaient être à une haute altitude, car il n'y avait que le ciel autour d'eux. Ils allèrent tout droit et stoppèrent au bord d'un précipice. En se penchant, Noré aperçut une route. Une maison isolée se trouvait au bord et plus loin, elle aperçut un village.

    -Montez !

    Noré observa la cage, accrochée aux branches d'un arbre qui surplombait le bord. Sans confiance, elle y entra avec Soria et l'enfant. Frent les rejoignit, actionna un mécanisme et la cage de bois se mit à descendre. La jeune fille s'accrocha aux barreaux, fixant les cordes qui la tenait, guettant l'instant où elles lâcheraient. Il lui sembla que Frent leur parlait durant la descente, mais ses craintes étaient trop fortes pour qu'elle puisse y prêter attention. Ils atteignirent le sol avec une secousse mais sans encombre et se dirigèrent vers la maison isolée.

    -Ma fille vit toute seule dans cette maison. Il n'y a pas beaucoup de place, mais c'est une excellente cuisinière.

    Noré ne s'était toujours pas décidée à rester, mais si Soria le souhaitait, que pouvait-elle y faire ? Après tout, cela pouvait être la séparation attendue. Peut-être était-ce ici qu'elles s'étaient quittées ? L'adolescente ne pouvait partir sans elle au risque de voir l'avenir s'écoulait comme c'était prévu. Cependant, rester c'était aussi donner de l'avance aux pirates. La jeune fille ne savait toujours pas quoi faire lorsque Frent frappa à la porte et qu'une femme imposante ouvrit. Elle sourit en le voyant et se pencha pour le prendre dans ses bras :

    -Eh bien, papa, c'est pas tous les jours que tu descends de ton perchoir.

    En se redressant, elle aperçut les trois intrus :

    -Qui sont tes amis ?

    Frent les désigna de la main, les uns après les autres :

    -Voici Soria, bébé et Noré Dint. Ma fille Téline.

    Ils se saluèrent mutuellement.

    -Comment avez-vous rencontré le vieux fou ?

    -Ils sont passés par les grottes de cristal. Les Dames Blanches les ont guidés.

    Téline eut l'air surprise :

    -Et elles ne les ont pas tué ?

    Noré intervint :

    -A vous entendre, on dirait qu'on l'a échappé belle. Elles ne m'ont pas paru bien agressive pourtant.

    -C'est qu'elles ont leurs humeurs.

    Son père reprit la parole :

    -Je me suis dit qu'ils pourraient passer la nuit ici. Ils ont fais un long voyage.

    Noré se retint de lui demander ce qu'il pouvait bien en savoir et ce que, au fond, ça pouvait lui faire. De toute évidence, son indécision la mettait de mauvaise humeur.

    -Je veux bien, mais on va être serré.

    Noré regarda successivement Soria et l'enfant, puis le village au bout du chemin terreux.

    -Il y a une auberge là-bas ?

    -Oui, pourquoi ?

    Elle répliqua comme si c'était évident :

    -J'irais dormir là-bas. Cela fera plus de place.

    Frent s'opposa :

    -Une jeune fille toute seule dans ce lieu misérable, hors de question !

    Téline, les bras croisaient sous sa lourde poitrine, dit en riant :

    -Il n'est pas très sociable comme vous pouvez le voir.

    Cela n'amusa pas Noré qui se tourna vers Soria :

    -On a qu'à faire ça et on se retrouve demain matin. Je viendrais vous chercher ici.

    Soria jeta un regard interrogateur vers Frent et sa fille. Téline approuva :

    -Ce sera plus simple, je dois l'avouer. Si cela ne te pose pas de problème.

    Noré secoua la tête négativement et attendit la réaction de Frent. Sous le poids de tous les regards, celui-ci grommela avant de se remettre à fouiller dans le sac de son fauteuil. Il en sortit quelques pièces :

    -Tiens, que tu es au moins de quoi te payer une chambre décente.

    Elle prit les pièces sans hésitation, mais, malgré tout, l'adolescente se retint de compter la somme devant eux. Elle fit face à son amie :

    -Bon, on se dit à demain alors ?

    La jeune femme lui sourit en réponse. Noré remercia Frent et sa fille de prendre soin d'eux et reprit le chemin. Elle commençait à s'éloigner lorsque le jeune garçon se mit à hurler. Se retournant, elle vit Soria qui tentait de le retenir, mais l'enfant se dégagea et courut vers elle. Il la prit dans ses bras et tandis que l'adolescente lui tapotait la tête en essayant de le réconforter, elle dit :

    -Sois gentil, bébé. Reste avec Soria.

    Le garçon leva vers elle de grands yeux brillant de larmes :

    -Mais je veux rester avec maman Noré.

    Elle s'apprêtait à répondre quand un souvenir s'éveilla en elle. Posant son regard sur le garçon, Noré se l'imagina plus vieux. Les même cheveux noir comme son œil droit, et le gauche bleu. Bien sûr il n'était pas habillé de la même manière et il n'y avait pas de lion, mais ce ne pouvait être que lui. Elle se demanda comment elle avait pu ne pas le remarquer plus tôt. L'Invisible qui l'avait ramené dans son temps. L'adolescente fit un effort de mémoire pour se rappeler ce que les sorcières lui avaient dit sur les Invisibles. Ils apparaissaient sans que l'on sache comment et étaient chargé de faire en sorte que les histoires suivent leur cour. Ses informations ne lui étaient pas très utiles, mais une chose était plus importante encore. Il avait promis de l'aider une fois et même si elle ignorait s'il savait ce qu'il était, Noré était décidé à ce qu'il ne l'oublit pas. Alors, l'adolescente s'accroupit et détacha la plume que lui avait offerte Luse. Tout en l'accrochant derrière l'oreille droite du garçon, elle lui dit :

    -Je te donne ça, d'accord ? Comme ça je suis un peu avec toi aussi. Pour que tu saches qu'un jour tu me feras une promesse et que tu devras la tenir. Tu as compris ?

    Le garçon s'essuya les yeux en acquiesçant et caressa la plume entre ses doigts. Noré prit son visage entre ses mains pour l'obliger à la regarder :

    -C'est important. Tu me promettras un jour de m'aider une fois. Il faut que tu t'en souviennes. Tu comprends ce que je dis.

    Il n'y avait ni surprise, ni perplexité chez l'enfant quand il approuva. Noré finit par penser qu'il devait déjà savoir ce qu'il était destiné à devenir.

    -Mais tu reviens, maman Noré.

    -Je ne suis pas ta mère. Je suis Noré tout court.

    Le garçon sourit de toutes ses dents et la reprit dans ses bras. La jeune fille lui tapota le dos :

    -Allez, va rejoindre Soria. Ah, attend, puisque tu parles tu peux me dire comment tu t'appelles.

    Il lui murmura comme pour lui dire un secret :

    -Je ne sais pas encore.

    Puis, il rejoignit Soria, la laissant perplexe. Noré reprit sa route. Elle pourrait toujours lui demander demain, de la même façon qu'elle lui parlerait à nouveau de la promesse. La jeune fille jeta un dernier regard par-dessus son épaule pour voir la Saldrian et le garçon dans ses bras. Puis, au prix d'un grand effort, elle leur tourna le dos et se rendit au village.

    Noré marchait avec lenteur se disant qu'elle avait prit la bonne décision. Ils auraient un bon repos et, avec un peu de chance, les pirates la trouveraient en premier. La jeune fille continua de réfléchir, jouant avec la pierre de Xilanos, rêveusement. Ses pensées s'égarèrent vers le jeune homme. Plusieurs fois, elle avait songé à l'appeler, mais y avait renoncé. Elle craignait la réaction du garçon par rapport à ses découvertes récentes et la mort de Titian. Noré repensa alors au bracelet relégué au fond de sa besace. Elle l'avait retiré après la mort du pirate et était bien décidée à ne plus le remettre. Malgré les avertissements, malgré le ressentiment qu'elle éprouvait pour le bijoux, l'adolescente n'avait pu se décider à le jeter car c'était tout de même tout ce qui lui restait de sa mère. Finalement, Noré devait se rendre compte qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle devait faire. Pour l'instant, elle était suffisamment démoralisée pour vivre avec l'idée de ne rien tenter pour empêcher une guerre. Rien ne disait que cela serait toujours le cas. Pourrait-elle toujours se regarder dans le miroir quand les combats débuteraient ? Alors quoi, elle devait accepter son destin et allait mourir au siège ? Noré ricana :

    -Mais oui, c'est cela.

    De toute façon, c'était soit cela, soit être poursuivit par les pirates toute sa vie. Cette fois, l'adolescente éclata franchement de rire. A croire que sa vie laissait à désirer en ce moment.

    Se faisant, Noré avait traversé le village qui s'avérait assez peu étendu. Par delà les toits, elle aperçut les pointes des mâts des navires qui devaient se trouver à proximité. Elle se dirigea droit dessus et déboucha sur un port suffisamment étendu pour accueillir de gros navires. L'adolescente en fut surprise car le village était loin de ressembler à un port d'attache. C'était une assez bonne nouvelle, ils pourraient s'embarquer clandestinement et quitter l'île le lendemain. Pour l'instant, le jour s'éteignait et elle avait vraiment sommeil. Noré se tourna vers les maisons. Il devait y avoir une auberge pas très loin qui abritait les marins. Elle longea le port tranquillement, pensant à la bonne nuit de sommeil qui l'attendait.

    Pourtant, Noré s'arrêta soudain. Durant un temps qui lui parut interminable, la jeune fille ne réussit pas à formuler une pensée cohérente. Elle gardait les yeux fixés sur le bâtiment du pirate aux cheveux océans. Elle s'y attendait, tous les jours, la jeune fille s'attendait à voir les pirates surgir. Pourtant, elle avait le souffle coupé. Comment faisait-il pour la retrouver à chaque fois ? La voix de Titian résonna à son oreille, disant que le capitaine avait des ressources inimaginables. Aussitôt, l'adolescente ferma les yeux et secoua la tête comme si cela pouvait l'aider à oublier. Rien ne prouvait qu'ils étaient là pour elle, ils pouvaient très bien juste faire un ravitaillement. Mais qu'elle se retrouve juste à cet endroit à ce moment là était une coïncidence à laquelle Noré avait du mal à croire.

    Toujours était-il que ce n'était pas en restant sur place que les choses allaient s'arranger. La jeune fille réussit à se remettre en mouvement. Son premier réflexe fut de faire demi-tour, mais elle s'arrêta. Les pirates avaient commencé à descendre du navire, s'ils l'apercevaient, elle risquait de les mener tout droit chez Téline. Bien qu'il était peu possible qu'ils la reconnaissent vu la distance, mais il n'y avait quasiment personne sur le port et elle ne voulait pas prendre de risque. Mieux valait trouver l'auberge et si planquer. L'adolescente rabattit sa capuche sur sa tête et se rapprocha des bâtiments, cherchant l'enseigne désignant l'auberge avec plus de frénésie. Enfin, elle l'aperçut et se glissa dedans sans jeter un regard vers le navire.

    L'intérieur était bondé. Tous les marins des navires du port devaient s'être retrouvé ici. La chaleur et la puanteur la firent reculer. Gardant la tête baissée, elle circula à grand peine jusqu'au coin le plus reculé. Le comptoir était désert, ce qui signifiait que l'aubergiste devait circuler dans la salle. Noré l'avait enfin repéré, quand soudain, des hommes entrèrent en ouvrant la porte avec grand fracas :

    -Tout le monde dehors ! Dépêchez-vous !

    Noré fit volte face d'un bond. Les pirates, les pirates étaient dans l'auberge, pourquoi ? C'est tout ce à quoi elle put penser avant de réagir. La jeune fille s'aventura encore plus loin dans la salle et s'assit à même le sol, derrière un tonneau renversé. Les clients protestèrent et se levèrent, la plupart en titubant, pour se battre. Mais les nouveaux venus en abattirent quatre à coup de pistolet et aussitôt, tous se montrèrent plus coopérant. Noré glissa la main dans sa besace et serra le bracelet. Elle n'avait pas prévu ça. Et si une fois tous sortis, ils fouillaient l'auberge à la recherche de butin ? Ils la trouveraient sans faute. La jeune fille se mordit la lèvre, hésitante. Qu'elle reste ou tente de sortir, elle risquait de se faire prendre. Finalement, Noré choisit de se relever et de se fondre dans la foule. Tirant sur les bords de son capuchon pour que son visage soit bien dissimulé. Elle réussit à se glisser parmi les derniers hommes et passa entre les pirates en retenant sa respiration. Une fois à l'extérieur, elle s'éclipserait calmement avec la foule.

    L'adolescente retrouva l'air marin en mettant les pied dehors, mais c'est là qu'elle vit que femmes et filles étaient réunis devant le bateau pirate. En jetant un regard par-dessus son épaule, Noré vit les pirates monter à l'étage de l'auberge, sans doute pour vider les chambres. Il n'y avait plus de doute possible à ses yeux, c'est elle qu'ils cherchaient. La jeune fille continua de marcher calmement, au côté d'un homme de forte corpulence. Mais soudain, elle sentit une main s'abattre sur son épaule :

    -Hé, où tu vas toi ?

    Sans lui laisser le temps de répondre, il la traîna vers le groupe de femmes et d'enfants qui attendaient inquiets et effrayés. Elle fut lâchée parmi eux et l'homme repartit à la recherche d'autres captifs. Noré en profita pour circuler afin de chercher une échappatoire. Veillant toujours à ce que son visage reste caché, elle observa les alentours. Quelques hommes gardaient le groupe, mais suffisamment espacés pour qu'elle puisse passer entre eux en courant assez vite. Elle s'approcha et, à cet instant, vit revenir les pirates, certains les mains vides, d'autres ajoutèrent des captifs au groupe. S'efforçant à garder son calme, Noré attendit de les voir s'éloigner à nouveau. Pourtant, ils se mirent à parler entre eux, alors qu'un de leur compagnon remontait à bord du navire. Quelques minutes plus tard, le capitaine apparut à la proue. L'adolescente commença à paniquer, mais se contrôla. Elle ne pouvait plus fuir car les pirates entouraient le groupe de manière plus serrée, mais avec un peu de chance, il ne la remarquerait pas. Et même si c'était le cas, il y avait des chances qu'il ne la reconnaisse pas. Après tout, il ne l'avait vu qu'une fois. Deux si on comptait le soir de tempête, mais la visibilité avait été très basse, alors il était possible qu'il ne l'ai pas vu clairement. Le capitaine fixa la foule et eut un sourire mauvais. Elle resta immobile, copiant son comportement sur ceux qui l'entourait. Le capitaine prit la parole :

    -Cherchons d'abord, le plus intéressant. Une jeune fille aux cheveux châtains, courts, bien qu'ils peuvent avoir repoussé...

    Au fur et à mesure, les jeunes filles, qui correspondaient aux caractéristiques qu'il donnait, furent placés devant. Ils vérifièrent avec attention les jeunes garçons pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas de fille. Petit à petit, le choix s'épura et Noré vit les pirates se rapprocher d'elle. Brusquement, sa capuche fut retirée et l'homme la fixa un temps. Quand il fut à peu près sûr qu'il s'agissait d'une fille, il la ramena devant. L'adolescente songea que si elle résistait, cela ne ferait qu'attirer l'attention, alors qu'une fois devant, elle pourrait tenter de se jeter à l'eau et nager. Après tout, la jeune fille n'avait pas tellement le choix, le temps lui manquait pour trouver d'autres idées. L'homme la mit en ligne avec les autres. Tout s'était déroulé dans un silence pesant, les femmes relâchées s'étaient éloignées sans demander leur reste. Certaines attendez encore que leur filles ou soeur soient libérés. Noré se demanda si celles qui étaient parties iraient chercher des secours. Mais qui oseraient faire face au pirate aux cheveux océans. L'adolescente avait toute les peines du monde à garder son calme. Son cœur battait à tout rompre et sa respiration était difficile. Elle gardait les yeux sur l'eau, à quelques pas d'elle. Il ne se passait rien. Les pirates se tenaient immobiles, le capitaine restait silencieux. Il devait se passer quelque chose et lorsqu'elle osa lever les yeux, le capitaine la fixait en souriant. Il l'avait reconnu :

    -Et si vous nous rejoignez à bord ?

     


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