• Chapitre 8

    Des enfants entrèrent pour déposer des cruches d’eau et des plateaux de fruits, viandes séchées et de pain. Miral finit par briser le silence :

    -Quelqu’un commence ?

    Gialema fit remarquer :

    -Je ne pense pas que ce soit empoisonné.

    Sans rien dire, Ylios prit une des cruches d’eau et utilisa le bas de sa tunique pour humidifier le visage de Tremon qui finit par ouvrir les yeux. Seih s’approcha d’eux avec précaution comme si elle craignait qu’une nouvelle crise ne se déclenche :

    -Il s’est passé quoi exactement ?

    Ylios expliqua autant pour Seih que pour Tremon :

    -Si j’ai bien compris ce que le gars a dit, les nomades ont placé des runes qui déclenchent les crises des Tests pour repérer les Futurs.

    Miral supposa :

    -C’est pour cela qu’ils l’ont éloigné ? Tant que tu étais près des runes, la crise ne pouvait pas être maîtrisé.

    -C’est ce que je crois oui.

    Tremon demanda d’une voix enrouée :

    -On est prisonnier ?

    Les quatre adolescents échangèrent de regard montrant qu’ils se posaient tous la même question. Tremon essaya de se redresser, mais dû s’arrêter pour attendre que sa tête ne tourne plus :

    -Ils n’ont rien dit d’autre ?

    Ylios secoua la tête :

    -Non, qu’on doit rester ici.

    Gialema s’approcha pour qu’on l’entende :

    -Vous pensez que les parents se sont trompés ? Qu’on ne trouvera pas d’aide ici ?

    Ne sachant que répondre, Seih fit remarquer :

    -Ils ne s’intéressent aux Futurs qu’à cause de la prédiction, c’est sûr.

    Miral ajouta :

    -Oui, mais c’est bien ou mal ?

    Tremon répliqua :

    -S’ils nous voulaient du bien, ils ne déclencheraient pas les crises.

    Personne ne trouva à répondre à cela. Après plusieurs jours de marche, de minces repas et de nuits passées dehors, le groupe s’assoupit progressivement dans la chaleur rassurante de la tente. Tremon fut le premier à ouvrir les yeux. Pendant un temps, il resta à écouter dans la pénombre les souffles réguliers de ses compagnons endormis. Comme il se redressait pour aller se servir à manger. Il lui fallait toujours à peine quelques secondes pour y voir dans le noir comme en plein jour.

    -Tremon ?

    La voix fragile de Gialema lui venait de la gauche et il se tourna dans cette direction. Ses yeux distinguèrent la silhouette de la jeune fille qui s’était également redressée en l’entendant bouger.

    -Je peux te parler ?

    Elle parlait si bas que le garçon se dit que personne à part lui et Seih ne devaient être en capacité de l’entendre. La jeune fille jeta un regard vers ses amis endormis avant de se lever avec des gestes lents, tendant le bras pour essayer de se diriger vers Tremon. Celui-ci lui attrapa le poignet pour la guider jusqu’à ce qu’elle puisse s’asseoir à côté de lui.

    -Je voudrais te dire quelque chose.

    Elle gardait la voix basse et les yeux baissés. Ce genre d’attitude avait tendance à agacer Tremon, mais c’était une amie d’Ylios et il aurait été sans doute mal venu qu’il s’en prenne à elle. Il prit son mal en patience. Gialema ne se rendit pas compte de l’agacement qu’elle provoquait et continua sur le même ton :

    -Est-ce que ça te fais mal ? L’âme prisonnière, est-ce qu’elle te fait mal ? En -dehors des crises je veux dire.

    Tremon ne s’était pas attendu à ce que cette petite chose craintive aborde ce sujet. Il n’avait aucune envie de se confier, surtout pas à elle. Cependant, Gialema ne s’y attendait pas non plus. A la place, elle poursuivit :

    -La souris se cache souvent. Parfois, j’ai du mal à me transformer, parfois, quand ça lui prend l’envie, je sens comme un grattement dans mes entrailles. Je comprends qu’elle veut sortir.

    La jeune fille se tut, mais Tremon devina que ce n’était pas pour lui laisser le temps de faire une confession. Gialema essayait simplement d’empêcher sa voix de trembler. Être si proche du Test l’angoissée.

    -Je me suis dit que si je ressens cet espèce de grattement, ton âme animale doit faire bien pire pour te faire comprendre qu’il veut sortir. Je me demandais s’il te faisait souvent mal.

    -Qu’est-ce que tu peux y faire ?

    Elle se recroquevilla sous le ton cassant du garçon :

    -Rien, c’est sûr. J’essaie juste de mieux comprendre. Je me suis dit que ce serait bien que l’on commence à se connaître. Ylios pourrait ne pas être toujours dans le coin.

    -Il restera dans le coin.

    Gialema se pinça les lèvres, effrayée à l’idée de continuer. Elle sentait la souris trembler dans un coin de son être. Pourtant, l’adolescente s’était promis de faire un effort pour discuter avec Tremon :

    -On ne sait jamais. On ne sait même pas ce que les nomades nous veulent. S’ils nous séparent…

    -Ils savent que le Test et le Futur ne peuvent pas être séparé.

    -Mais cela les arrangerait peut-être…

    -Non.

    Le ton implacable lui fit garder le silence. Ne sachant comment poursuivre, Gialema laissa Tremon retourner à son but original qui était les plats restaient intacts.

     

    Un copieux petit-déjeuner leur fut apporter le lendemain.

    -Où est Tremon ?

    Ylios fit rapidement le tour de la tente du regard alors que ses amis haussaient les épaules.

    -Je vais le chercher.

    Poussé par la faim, Miral s’empressa d’enfourner deux petits gâteaux au miel malgré ses craintes de la veille. Seih se pencha également pour se servir en demandant :

    -Tu crois qu’ils vont te laisser sortir ?

    Ylios sourit et sortit. Le soleil brillait, alors il ferma les yeux en levant le visage vers lui.

    -Vous désirez quelque chose ?

    Le jeune lion observa l’homme qui se tenait près de l’entrée, le même qui les avait mené à la tente la veille :

    -Je cherche Tremon.

    Le nomade pencha la tête sans comprendre.

    -Mon Test.

    L’homme pointa le côté de la tente :

    -Il m’a dit qu’il risquait de faire une crise s’il ne prenait pas l’air.

    C’est nouveau ça. Ylios allait rejoindre son ami quand il se rétracta :

    -Est-ce que l’on est prisonnier ?

    Le nomade avoua :

    -Je ne sais pas encore.

    -Je peux te parler ?

    Il sursauta en entendant Tremon juste à côté de lui :

    -La vache, ça ne va pas non ? Tu pourrais faire du bruit comme tout le monde.

    Tremon se contenta de s’éloigner en supposant que Ylios suivrait. Quand ils furent un peu à l’écart, sentant bien que le nomade avait toujours un œil sur eux :

    -Qu’est-ce qu’il se passe ? T’as entendu quelque chose d’intéressant ?

    -Leur chef est absent. Je pense que c’est pour ça qu’on est coincé là pour l’instant.

    -Et pour ce qui est de la prédiction ? Ce qu’ils en pensent ?

    -Rien.

    -OK… qu’est-ce qu’on fait ?

    -Rien à part attendre. Sauf si tu as une idée.

    -Une idée ? Moi ? Cette blague.

    Ylios fixa Tremon attendant une objection, mais son ami lui rendit son regard en silence.

    -Bon, je laisse tomber. On rentre ?

    Tremon acquiesça :

    -Je pense, on a pas grand-chose d’autres à faire de toute façon.

    Comme ils revenaient vers la tente, Ylios glissa :

    -T’a vraiment failli faire une crise ?

    -Non, j’avais besoin d’air et je me suis dis que si je n’avais pas d’excuse pour sortir, il ne m’aurait pas laissé faire.

    Ils saluèrent le nomade avec des sourires avant d’entrer sous la tente. Voyant les autres attablaient, Ylios demanda :

    -C’est vraiment pas empoisonné du coup.

    Miral lui tendit un gâteau :

    -On a testé pour votre bien.

    Tremon se servit avant d’aller s’asseoir à l’endroit où il avait dormi. Seih demanda alors à Ylios :

    -Vous avez fait quoi ? Qu’est-ce qu’on vous a dit ?

    -Apparemment, d’après Tremon, leur chef est absent et c’est pour ça qu’on est là. Ils attendent qu’il revienne pour prendre une décision je pense.

    Gialema s’essuya la bouche d’un revers de main :

    -Est-ce que les troupes ne risquent pas d’arriver entre temps ?

    Seih avança :

    -Peut-être qu’ils ont déjà croisé des troupes et que c’est pour ça qu’ils ont mis des runes. Ils vont peut-être nous livrer.

    Miral demanda directement :

    -On essai de s’évader ?

    -Ce ne sera pas nécessaire.

    La femme qui venait d’entrer était immense. Ylios fronça le nez, agressé par une forte odeur de vautour. Elle s’avança en les dévisageant :

    -Qui est le Futur ?

    Ylios se leva. La femme sourit comme si la situation l’amusée :

    -Je m’appelle Reteerine. Chef des nomades. Je suis désolée de ne pas avoir pu vous accueillir, j’étais retenu par les troupes.

    Seih se redressa :

    -Retenu par les troupes ?

    Reteerine baissa ses yeux jaunes sur la jeune fille :

    -Disons plutôt que c’était une réunion en terrain neutre.

    Elle reporta son regard sur Ylios :

    -Vous n’êtes pas prisonnier. Le dirigeant nous a envoyé des troupes pour parlementer et nous sommes tombés d’accord que nous livrerions le Futur recherché. Si vous n’êtes pas celui annoncé par la prédiction, vous n’avez rien à craindre.

    Tremon se leva pour se placer près d’Ylios :

    -Comment vous pourriez savoir de qui il s’agit ? Apparemment, aucune marque n’a disparut après la prédiction.

    Reteerine hocha la tête :

    -Nous savons. C’est pour cela que nous avons placé des runes autour du campement. Ceux qui ne passeront pas ce test se verront d’office rayé de la liste. J’ai appris que vous aviez tenu un petit moment.

    Ylios n’avait pas eu l’impression que cela ai pris plus de temps que d’habitude. Plus difficile, oui, pas tellement plus long. Miral fit remarquer :

    -C’est plutôt une mauvaise nouvelle du coup.

    Reteerine semblait toujours s’amuser :

    -Oui, pour l’instant.

    Finalement, Seih se leva à son tour :

    -Mais, vous n’êtes pas sous l’autorité du dirigeant. Vous n’êtes pas obligé de faire ça.

    La femme expliqua :

    -Pensez-vous être les seuls à avoir eu l’idée de venir vous réfugier chez nous ? Combien d’autres vont arriver à votre avis ? Une dizaine ? Une vingtaine ? Nous ne pouvons pas garder tout le monde. Nous n’avons pas, non plus, l’intention de protéger un futur dictateur. Donc, nous le livrerons en espérant que le dirigeant saura quoi en faire.

    Tremon dit soudain :

    -Vous n’êtes pas en retard, vous n’avez pas l’intention de vous rendre dans la plaine.

    -Beaucoup savent que nous nous rendons là-bas en cette saison.

    Ylios s’inquiéta :

    -Qu’est-ce que je dois faire alors ? Pour qu’on sache si c’est moi ou pas ?

    Reteerine se dirigea vers l’extérieur :

    -Suivez-moi.

    Comme tout le groupe se mettait en mouvement, elle les arrêta d’un geste de la main :

    -Le Futur seulement.

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