• Chapitre 4

    Il ne se passa rien durant les quelques jours qui suivirent la prédiction. Cependant, bien qu’il n’en parlait ni avec ses parents, ni avec ses amis, Ylios ne pouvait s’empêcher de se sentir de plus en plus angoissé. La marque était toujours là. Il sentait que cela affligé Tremon dont les crises se faisaient plus nombreuses. A tel point, que le garçon renonçait souvent à se solitude, pour rester dans les environs d’Ylios et ses amis.

    -Tu ne trouves pas ça bizarre ?

    Tremon se stabilisa sur une pierre au milieu du ruisseau pour se tourner vers le jeune lion :

    -Tu te rends compte qu’étant incapable de lire dans les pensées, je n’ai aucun moyen de savoir à quoi tu fais allusion.

    Ylios quitta ses pieds du regard pour afficher une mine déçu :

    -Tu lis pas dans les pensées ?

    Tremon sauta sur la rive pendant qu’Ylios poursuivait sa traversée :

    -Je trouve bizarre que la Libellule n’ait encore rien fait.

    -Qui te dis qu’il n’a rien fait ?

    Ylios rejoignit son ami :

    -On en aurait entendu parler… non ?

    Tremon haussa les épaules en rejoignant la grotte dissimulée par la végétation.

    -Je veux dire, c’était jamais arrivé avant, il va forcément faire quelque chose… sauf si c’était déjà arrivé avant. On le saurait quand même. On saurait quoi faire… non ?

    De nouveau, Tremon haussa les épaules.

    -Tu crois qu’ils auraient étouffer l’affaire ? Mais si on avait eu un dirigeant complètement fou, on en aurait entendu parler, même si c’était y a longtemps… non ?

    Haussement d’épaule.

    -Tu ne réponds à aucune question.

    Tremon prit la pierre qu’il utilisait pour dessiner sur les murs de la grotte afin d’entamer une nouvelle œuvre :

    -Comment veux-tu que je réponde ? Tu me bassines avec la même discussion depuis des jours et avec des questions auxquelles personne ne peut répondre à moins d’être devin.

    -Et tu n’es pas devin ?

    Tremon prit le temps de le dévisager avant de répondre :

    -Non, Ylios, je ne suis pas devin.

    -Je vais de déception en déception aujourd’hui.

    Tremon le laissa soupirer dans son coin pour reprendre son dessin. Au bout de deux minutes de silence, Ylios reprit :

    -Bon, ils foutent quoi les autres ?

    Comme son ami ne lui prêtait plus attention, Ylios ressortit dans l’espoir d’apercevoir ses amis. On a bien dit que l’on se retrouvé à la grotte, alors quoi ? Il rentra :

    -On a bien dit qu’on se retrouvait ici, non ?

    Perdu dans ses pensées, Tremon n’entendit pas la question. Où il m’ignore. Ce qui n’aurait rien d’étonnant. Il prit une pierre à son tour pour le rejoindre dans son élan artistique. Quand le vent lui porta l’odeur de ses amis, Ylios se releva :

    -Ah. Ils sont dans le coin.

    Tremon le retint alors qu’il s’apprêtait à sortir :

    -Non, non, attends. Il se passe quelque chose.

    Ylios vit les oreilles du garçon bouger. De la même façon que l’odorat s’était développé chez le jeune lion, Tremon avait maintenant une ouïe impressionnante.

    -Il y a des troupes chez toi.

    -Quoi ? Pourquoi ?

    -La Libellule les envoie.

    -Vraiment ?

    -Ils sont à ses ordres, qui veux-tu que ce soit d’autre ?

    Ylios préféra se taire et attendre la suite. Pendant quelques temps, Tremon ne dit rien, concentré, fixant le sol. Puis, il résuma :

    -Ils viennent nous chercher. La Libellule veut avancer la formation en espérant parer à la prédiction.

    Ylios passa la main sur sa nuque :

    -Donc, il y en a d’autres qui ont encore la marque ?

    -Apparemment, oui. Personne ne l’a perdu.

    L’adolescent voulut de nouveau sortir :

    -On devrait rentrer alors.

    Tremon resserra sa prise sur son bras :

    -Non. Ils ont des Boites.

    -Pourquoi ?

    -C’est ce que ta mère a demandé et ils ont répondu que c’était par précaution. Autant dire que tes parents ne sont pas ravis. Ils refusent de les laisser entrer si c’est pour que l’on te traite en criminel.

    Ylios devait admettre qu’il n’apprécierait pas de voyager dans une boîte.

    -Tu crois qu’ils viennent nous arrêter alors ?

    Tremon haussa les épaules.

    -Qu’est-ce qu’on fait ?

    Son ami lui fit signe de se taire en posant un doigt sur ses lèvre. Là, ses amis arrivèrent en courant. Essoufflée, Seih les informa :

    -Il y a des troupes… ils ont des boîtes….

    Ylios lui épargna la fatigue en la coupant :

    -On sait. Il écoute.

    Voyant Tremon très concentré, les trois adolescents tentèrent de retenir leur souffle pour éviter toutes perturbations.

    -Ton père est partit prévenir mes parents je pense.

    Ylios s’étonna :

    -Les troupes l’ont laissé partir ?

    -Il est en chat et ta mère fait une scène pour faire diversion.

    Miral murmura dans l’oreille d’Ylios :

    -Il y en a combien de troupes ?

    Le jeune lion transmit la question à Tremon qui ne répondit pas. Alors, Seih le fit à sa place :

    -En général, une troupe est composée d’une dizaine d’âme animale.

    Cela encouragea Miral à demander encore :

    -Il y a combien de troupe ici alors ?

    A cet instant, Tremon lâcha :

    -On doit partir.

    Les quatre adolescents s’exclamèrent en chœur :

    -Où ça ?

    Le regard de Tremon se posa sur Ylios :

    -Mon père vient de me le dire. Il faut qu’on parte.

    Miral était perplexe :

    -C’est peut-être un peu exagéré.

    -C’est pas toi qui risque de finir en boîte.

    Ylios se mit entre les deux garçons pour éviter que la situation dérape et s’adressa aux filles :

    -Vous pourriez passer chez moi ? Leur demander ce qu’ils veulent que je fasse ?

    Seih hocha la tête :

    -Restez là. On se dépêche.

    Miral suivit sans rien dire. Tremon bailla et retourna dans la grotte. Ylios n’attendit pas pour demander :

    -Il y a autre chose ?

    -Je ne crois pas.  Je fatigue. On a qu’à attendre ce que tes parents vont dire.

    Ils attendirent en vain des nouvelles de leurs amis le restant de la journée. Les bribes de conversation que Tremon réussissait à capter lui permettait d’affirmer que les troupes étaient toujours présentes et à leur recherche. Certainement, Miral, Seih et Gialema devaient attendre que les choses se calme avant d’oser aller les retrouver.

    Le sol terreux était froid et dur mais Ylios resta allongé sur le flanc, la tête reposant sur son bras replié. Il observait les grains de terre qui se mouvait sous son souffle. La nuit durant il s'était réveillé en sursaut pour ne se rendormir que bien plus tard. Il s'était finalement éveillé à cause du froid et avait été incapable de s'endormir. Il posa les yeux sur Tremon.

    Son ami était resté adossé aux pierres à l'entrée de la grotte et guettait le moindre mouvement à l'extérieur. Avait-il seulement dormi? Ylios en doutait. Il ferma les yeux en souhaitant pour la centième fois de se retrouver dans son lit. Il resta comme cela, refusant de rouvrir les yeux.

    -Tu es réveillé?

    Ylios soupira et concéda un regard à Tremon. L’adolescent était si immobile que le jeune lion finit par s’inquiéter.

    -Tu te sens bien ?

    Tremon eu un petit sourire :

    -Tu me demandes ça parce que je te demande si t’es réveillé ?

    -Non, parce qu’il fait froid, que t’es pâle et que t’as pas bougé depuis hier soir.

    Son ami se contenta de dire :

    -Je montais la garde au cas où les troupes lancent des recherches dans les bois.

    Ylios se redressa :

    -Il n’y a rien eu ?

    -Si, mais je t’ai laissé dormir et j’ai pas bougé en attendant que ça passe.

    -Tu te fous de moi ?

    -Un peu.

    Ylios se décala pour se mettre dans un rayon de soleil. Il tendit ses pieds glacés vers la lumière et se sentit apaisé.

    -Je laisse couler parce que t’as monté la garde, mais sinon, crois bien que… voilà, hein.

    Tremon eut un air de pitié et ne put s’empêcher de sourire :

    -Je t’écraserais quoi qu’il arrive.

    Ylios rit :

    -C’est sûr.

    Il ignorait quand le soleil s'était levé car la grotte se trouvait au fond d'un large fossé. Les plantes avaient poussés ronces, fougères, orties entremêlées en bloqués l'accès. Partout autour les arbres s'étaient élevés bien haut, si feuillus que la lumière du soleil ne passait que par fins rayons. C'était complètement par hasard qu'étant enfant, Seih, Miral, Gialema, Tremon et lui l'avait trouvé. Ils y étaient revenus souvent dans ce qu'ils appelaient leur base secrète, puis de moins en moins en grandissant. Contrairement à Tremon qui en avait fait son lieu de retrait préféré.

    Tremon changea de position et Ylios vérifia qu'il n'était pas en train de s'endormir. Si c'était le cas, il devrait sans doute guettait à sa place. Cependant, son ami se contenta de se redresser, les yeux grands ouverts, alors il reporta son attention sur ses pieds. Sans savoir exactement pourquoi, il se souvint qu’un jour, ses parents lui avaient parler des Hommes et de leur coutume. Notamment que ceux-ci porter des chaussures à leurs pieds. A ce souvenir, Ylios se redressa et recouvrit son pied de ses mains en essayant de l’imaginer chaussé. Tout le monde marchait pieds nus chez eux, la plante du pied était plus du cuir que de la peau.

    -Qu'est-ce que tu fais?

    -Une chaussure ?

    Au froncement de sourcil de l’adolescent, Ylios ajouta avec un ton légèrement hautain :

    -Tu sais qu’il y a un peuple qui s’appelle les Hommes ? Il paraît qu’ils portent des chaussures pour marcher. C’est comme une armure pour les pieds.

    Tremon se détourna :

    -Je sais ce que c’est qu’une chaussure.

    Ylios sourit :

    -Je n’en doute pas.

    -Tu as faim?

    Ylios se perdit dans la contemplation de sa chaussure imaginaire et son ami finit par se lever :

    -Je vais nous trouver quelque chose. Si tu sors, n'oublie pas de cacher ton odeur.

    L'adolescent se redressa. Il ne lui était pas venu que ce serait une mesure nécessaire au cas où les troupes explorent les bois.

    -Pourquoi tu ne me dis çà que maintenant ? Tu sais que j’ai du mal avec ce truc là.

    Tremon lui fit un petit signe d’adieu avec un large sourire.

    -C’est pas drôle. Nos vies sont peut-être en jeu, tu sais.

    Ylios chercha une odeur assez forte qui aurait pu cacher sa présence, mais rien. Il se recula un peu plus vers le fond de la grotte comme si cela pouvait aider. Ylios et son âme animale n’avaient pas un caractère à dissimuler, aussi, cacher son odeur était plus difficile pour lui que de maintenir une transformation. Il en allait de même pour Seih et Miral. Contrairement à Gialema qui n’avait aucun problème à dissimuler et des difficulté à garder sa forme souris.

    Tremon partit, c'est à peine s’il osait respirer. Son ami semblait savoir ce qu'il fallait faire ou pas, lui, il avait peur de faire une bêtise au moindre mouvement. A présent tout seul dans la grotte, il ne se sentait pas rassuré alors il se mit à guetter à son tour. Cependant, les tâches de soleil sur le sol se faisaient de plus en plus attirante. Ylios alla s'allonger au milieu, fit en sorte d'en avoir une sur le visage. Dans sa chambre il passait des heures sur le sol, en plein dans les rayons qui passaient sa fenêtre, se roulant au fur et à mesure de l'avancé du soleil. La chaleur l'apaisait, le reposait et en cet instant c'était juste ce dont il avait besoin.

    Ylios se réveilla en sursaut, étonné d'avoir pu s'endormir, le coeur battant à tout rompre. N'avait-il pas entendu quelque chose? Il renifla l'air, plissa les yeux pour voir plus loin. Pendant de longues minutes, il resta parfaitement immobile, aux aguets. Un craquement, léger sur la droite. Il bougea à peine la tête, fixa l'endroit d'où venait le son. Mais pourquoi ne sentait-il rien?

    -Arrête de te plaindre !

    Ylios sursauta croyant que c'était Tremon qui lui criait dessus. Très rapidement sa mémoire lui rappela que son ami était parti, que ce n'était pas la direction qu'il avait prise. C'était quelqu'un d'autre. Son corps encore tendu, il s'apaisa cependant progressivement. Le jeune lion remit de l’ordre dans les odeurs qui l’entouraient et une voix si douce, bien sûr c'était Seih. Lorsqu'il vit ses amis mi-agrippant, mi-dégringolant le pan de fossé sur la droite, emmêlés dans les ronces, le soulagement lui fit monter les larmes aux yeux. Une fois sur un sol plus stable, les trois adolescents prirent le temps d'observer les alentours et finirent par l'apercevoir. Gialema fut la première à le rejoindre :

    -Tu vas bien ?

    Ylios hocha la tête en demandant avec impatience :

    -Alors ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

    -Il est où Tremon ?

    -Là.

    Le garçon déboucha derrière Miral qui poussa un cri de surprise. Il présenta des noisettes à Ylios :

    -C’est tout ce que j’ai trouvé. Mais vu l’odeur, je pense qu’ils ont pris de quoi manger.

    Ce n’est que là que le jeune lion remarqua les sacs à dos et son cœur se serra en devinant ce que cela signifiait :

    -On doit partir ?

    Seih hocha tristement la tête :

    -On vient avec vous.

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