• Chapitre 35

    -Il faut que tu partes maintenant.

    Noré renifla et passa sa manche sur son visage pour essuyer ses larmes :

    -Vous les avez tué, c'est votre faute.

    -Non, puisque c'est ce qui devait se passer. 

    Elle refusa d'écouter :

    -Vous les avez laissé mourir. Vous n'aviez pas le droit.

    -C'est toi qui n'avait pas le droit d'être là.

    Cette fois, elle leva les yeux :

    -Quoi ? Comment ça ?

    -Tu n'es pas dans ton époque. Tu dois y retourner.

    Elle resta sans voix :

    -Comment vous le savez ? 

    -Je suis un invisible.

    -Un quoi ?

    Il sourit et récapitula :

    -Tu n'es plus dans ton histoire, maman Noré. Tu n'avais pas le droit d'intervenir. Je dois te ramener chez toi.

    -Vous êtes malade. Je ne suis pas votre mère.

    Elle était restée calme, bien que l'envie de fuir le jeune homme la reprit soudainement. Le garçon sembla réfléchir un instant, puis sourit et son visage d'adolescent sembla rajeunir. De même sa voix se fit plus légère et enjouée :

    -Ah oui, c'est vrai ! On s'est pas encore rencontré. C'est génial !

    Le jeune fille resta bouche bée de stupéfaction :

    -Vous n'êtes vraiment pas bien. Je pense que vous devriez me lâcher, maintenant.

    Comme il avait desserré son étreinte, elle se dégagea sans difficulté. Il ne fit rien pour la retenir, après tout, le lion rôdait toujours. Il caressa la plume dans ses cheveux pensivement :

    -Je ne t'ai jamais remercié de ce que tu as fait pour moi, alors je t'aiderais une fois.

    -De quoi vous parlez ?

    Changeant de sujet, il répéta :

    -Il faut que tu retournes dans ton histoire, que tu le veuilles ou non.

    Noré releva le menton d'un air de défi :

    -Je vais y retourner. Je vais y retourner et je ferais en sorte que Titian ne meurt pas et que rien de tout ceci n'arrive.

    Le sourire du garçon s'élargit :

    -Bravo. Mais en attendant...

    Il saisit Noré à la taille et la jeta dans la mare avant qu'elle n'ait pu dire quoique ce soit.

    -Tu rentres à la maison !

    Le garçon et le lion disparurent de sa vue et elle se sentit de nouveau tomber au ralenti. La jeune fille attendit de toucher le fond pour se redresser et lorsqu'elle traversa l'eau de la mare, Noré se retrouva face à Awoni. Accroupie, souriante. L'adolescente passa à côté d'elle et marcha droit sur les voix qui l'appelaient. Elle était décidée. Elle empêcherait tout ce qui était censé ce produire et qui pouvait mieux l'aider que des femmes qui connaissent l'avenir. Noré marchait à pas vifs, Awoni à ses talons. Les mâchoires tellement crispées qu'elles devinrent douloureuses, les poings serrés. Elle contenait sa fureur, marmonnant des paroles incompréhensibles. Elle aurait ses réponses maintenant, que les sorcières le veuillent ou non. La jeune fille aperçut Vino sur le chemin et fonça sur elle. La sorcière la vit approcher et lui lança :

    -Où étais-tu ? Cela fait des heures que l'on te cherche.

    La jeune fille, se plantant face à elle, hurla de toutes ses forces :

    -Maintenant, vous allez me dire à quoi sert ce putain de bracelet ! Et quand Titian doit mourir ! Et quand je dois mourir ! Tant que vous y êtes vous allez me dire pourquoi tout le monde meurt que j'empêche tout ça ! Et me sortez pas encore une de vos conneries de temps qui n'est pas venu où je fais un massacre !

    Les sorcières s'étaient attroupées autour d'elle. Vino la fixa en haussant un sourcil, peu impressionnée :

    -Tu n'aurais pas fait un tour dans la mare, toi ?

    Noré ne répondit pas et continua à la fixer avec rage. La sorcière se dirigea vers la maison :

    -Viens avec moi. Venez toutes.

    La jeune fille marcha à ses côtés et la femme expliqua :

    -Tout d'abord, sache que le simple fait de voir le futur modifiera les choses. Mais ça ne veux pas dire que tu arriveras à sauver qui que ce soit...

    -Je pourrais au moins essayer. Contrairement à là-bas.

    Une pointe de rancune avait percé dans sa voix. Noré n'avait pas pardonné à l'étrange garçon de l'avoir empêché de sauver les enfants. Vino eut un air interrogateur :

    -On t'a empêché de sauver quelqu'un ?

    -Un garçon bizarre avec un lion.

    -Je suppose qu'il s'agissait d'un invisible.

    Noré sursauta :

    -Comment le savez-vous ?

    -Nous sommes celles qui recueillons les invisibles de ce monde pour les amener à leur mission.

    -J'ai rien compris.

    Vino réfléchit avant de tenter d'expliquer autrement :

    -Les invisibles apparaissent, pour ainsi dire, comme ça. Sans que l'on sache comment, bien que nos ancêtres se soient penchés sur le sujet durant des siècles. Ces invisibles, d'une manière ou d'une autre, finiront par venir ici, chez nous. C'est à nous ensuite de leur expliquer leur mission.

    -Qui est ?

    -Ils sont chargés de replacer les êtres et les choses perdus dans leur temps. Ils ne sont visibles qu'à ceux-là, ainsi qu'à nous bien entendu.

    -Je vois. Et ils sont combien ?

    -Je ne saurais te dire.

    Elles étaient arrivées près de la maison.

    -Entre, je t'expliquerais tout à l'intérieur.

    Noré obéit, impatiente d'avoir enfin ces réponses. La maison ne contenait qu'une pièce. Des bancs étaient disposés en demi-cercles de plus en plus surélevés. Au centre, un cercle de pierres blanches. Les sorcières entrèrent à sa suite, dans une longue procession silencieuse. Elles s'installèrent sur les bancs et Vino ferma la porte. Elle s'adressa à Noré qui était restée sur place :

    -Sais-tu ce que nous avons découvert, lorsque nous avons appris à parler aux vents ?

    Elle secoua la tête négativement et Vino poursuivit :

    -Nous avons découvert que les âmes traversaient le temps et ramenaient leur connaissance à qui était apte à les entendre.. Nous avons appris à les appeler et à nous parler de ce que nous voulions.

    -Alors, c'est comme cela que vous connaissez l'avenir ?

    -Oui.

    -Mais, la mare ?

    -Est dangereuse. Elle ne nous emporte que dans un avenir qui nous est lié et malheureux. Les tentations pour le changer sont très fortes.

    -Pourquoi vous êtes vous installés près d'elle alors ?

    -Elle n'est pas naturelle mais fut créé par nos ancêtres, avant de connaître les propriétés du vent. Assis-toi maintenant et observe.

    Comme elle ne lui désigna aucun siège en particulier, Noré s'avança un peu et s'assit à même le sol. Vino s'approcha des pierres et se plaça de telle façon que la jeune fille puisse toujours voir le cercle de pierre. Le plafond avait été percé à cette endroit, juste au-dessus. Le silence était déjà installé, montrant un rituel habituel chez ces femmes. Elles levèrent la tête vers le plafond qui s'ouvrait sur le ciel. Progressivement, leurs yeux devinrent violets et le vent s'engouffra par le trou. Il s'amplifia mais resta dans le cercle de pierres blanches. Vino se tenait debout, droite face à lui, ses cheveux verts frissonnaient à peine sous le souffle. Le vent grandit encore se changeant en tornade et Noré crut distinguer des voix qui chantaient. Elle eut beau se concentrer, elle ne comprenait pas les paroles. C'est alors que les sorcières reprirent en chœur, et d'une voix audible, le chant des âmes du vent :

     

    « L'enfant qui est de Zilla la lignée

    Avec au poignet un bracelet

    Verra en Métane son destin scellé

    L'enfant devra être des pirates, l'ennemi

    Mais pour l'un d'eux, une amie

    Elle sourira à l'amour qui vient

    Femme d'un Aurien

    Elle fera face aux dangers, tranquille

    Des Alianis sera la fille

    Enfouira la peine dans son cœur

    Des Vemepyre sera une soeur

    Elle acceptera sereine

    De porter l'espoir des sirènes

    Elle vaincra milles dangers

    Le peuple Tiark à ses côtés

    Confidente d'une Saldrian et alliée des voleurs

    D'autres encore la suivront le courage au cœur

    L'enfant mourra loin de sa terre

    Ainsi le veux la prophétie des sorcières. »

     

    Le vent disparut brusquement et tout redevint calme. Vino se tourna vers Noré, ses yeux étaient redevenus marrons. La jeune fille réfléchit à ce qu'elle venait d'entendre avant de dire :

    -Je ne comprends pas. De Zilla la lignée, je crois que les sirènes m'en ont aussi parlé, mais je ne vois pas ce que cela veut dire. Et pour le reste, j'étais plus ou moins au courant, sauf que c'est plutôt Titian qui porte l'espoir des sirènes. Sans oublier que je ne suis pas mariée.

    Vino sourit :

    -Les âmes se perdent dans le temps, mélangent futur et présent. C'est à nous d'interpréter ensuite.

    -Donc, d'après elles, je vais me marier ? Ce qui veut dire que je meurs après mon mariage.

    Vino s'approcha :

    -Pas forcément.

    -Quoi ? Comment ça ?

    -Tu as voyagé dans le futur, cela change tout.

    -Mais je n'y ai rien fait.

    -Tu as reçu des informations, c'est suffisant.

    Noré secoua la tête, renonçant à comprendre, et aborda un sujet plus pointilleux :

    -D'accord. Sinon, pour le bracelet. Les âmes n'ont rien dit dessus.

    Avant de poursuivre, Vino fit signe aux autres de sortir. Elles s'activèrent dans un silence religieux. La jeune fille alla s'asseoir sur un des bancs et invita Noré à l'imiter. Lorsque la dernière sorcière eut fermé la porte, Vino demanda :

    -Sais-tu ce qu'est le lien ?

    -Pas exactement, non. On m'a fait quelques allusions ici et là, mais rien de bien précis.

    -Je voudrais que tu m'écoutes calmement. Cela ne va pas être facile à entendre.

    Noré déglutit avec difficulté et hocha la tête, montrant à la sorcière qu'elle pouvait continuer.

    -Depuis des générations la Sinia et la Métane accomplissaient la cérémonie du lien. Cette cérémonie consistait à offrit une jeune fille de Sinia à la Métane. Puis, si d'autres tensions apparaissaient, une fille de Métane était offerte à la Sinia.

    -Qu'est-ce qui leur arrivait ?

    Vino attendit avant de continuer :

    -Toutes portaient le bracelet du lien, toutes ont été sacrifié en secret. Le bracelet était ensuite présenté à la population, montrant que la paix était restaurée. Liant ainsi, les deux nations dans le sang.

    Noré pâlit et, baissant les yeux sur le bracelet, demanda d'une voix blanche :

    -Je suis le sacrifice ?

    -Oui. C'est ton rôle et avec toi, tout ceux qui te seront alliés. C'est ainsi que cela doit se passer. C'est ainsi que cela s'est toujours passé.

    Noré sentit les larmes lui monter aux yeux :

    -Non, vous mentez. Ma mère ne m'aurait jamais dit de le porter et d'aller en Métane. Vous racontez n'importe quoi.

    Le regard de la sorcière se durcit :

    -Ta mère aurait dû mourir. Elle est le lien qui s'est échappé et, depuis, la guerre menace. Poursuivie, traquée par les chevaliers de Métane et de Sinia, elle réussit à se cacher. Mais, prévoyant que sa fille pourrait être choisi comme futur sacrifice, elle lui laissa un mot.

    Noré leva son visage en larme vers Vino :

    -Trouver Lyan.

    La sorcière acquiesça.

    -Qui est-il ?

    -Il est l'homme qui sauva ta mère, il y a des années.

    -Elle pensait qu'il pourrait me sauver aussi.

    Cette pensée fut une maigre consolation.

    -Pourquoi personne ne fait rien. Je veux dire, il y a forcément des gens qui sont contre ce sacrifice.

    -Seules les personnes des hautes sphères et les chevaliers sont au courant. C'est un moyen simple et sûr d'éviter la guerre, je ne pense pas que beaucoup soit contre cette idée.

    Noré murmura avec amertume :

    -Mieux vaut une que mille.

    -Exact.

    Il fallait qu'elle sorte, il lui fallait de l'air. L'adolescente se leva :

    -Je vais aller faire un tour.

    -Fais attention, les pirates rôdent peut-être encore.

    -Les pirates ? C'était eux la détonation tout à l'heure ?

    -Oui.

    Noré était sidérée :

    -Mais... comment ils ont fait ? Vous êtes introuvables à ce qu'on raconte.

    -N'oublie pas que le capitaine aux cheveux océans fut une sirène, une de nos filles. Elles seules savent où nous trouver.

    Noré leva les yeux au ciel. Ça n'en finirait donc jamais ? Elle sortit et s'arrêta aussitôt. Il y avait quelque chose d'étrange dans le paysage. Après réflexion, c'était le crépuscule, car elle se souvenait l'avoir contemplé avec Soria quelques heures plus tôt. Visiblement, il y avait un décalage avec le futur que Noré renonça à comprendre. Elle se contenta de faire quelques pas en se demandant combien de temps il faudrait aux sorcières pour ramener Titian et Soria. La jeune fille était prise d'une irrésistible envie de les voir. Devait-elle leur raconter ce qu'il s'était passé, ce qu'elle savait ? A quoi bon si le futur était déjà changé, comme le prétendait Vino. Mais alors, cela voulait dire que Titian pouvait très bien être mort à l'instant même. Les hommes de l'aéronef, découvrant qu'elle était tombée, pouvaient avoir jugé Titian et Soria comme étant inutiles. Et qu'est-ce qui lui prouvait qu'ils ne les avaient pas tué avant qu'elle ne se réveille sur le ballon ? Non, ce n'était pas possible, l'avenir n'était pas modifié alors. Soria ne mourrait pas de toute façon, pas tout de suite. A moins qu'à présent, elle ne meurt avec Titian. Noré se prit la tête dans les mains et se força à arrêter d'y penser. Elle ne pouvait rien faire de toute façon, pour l'instant. Cependant, l'adolescente se résolut à ne rien dire, mais, désormais, elle ne lâcherais plus Titian d'une semelle. Sa deuxième résolution fut de se rendre le plus vite possible au siège de la Métane. Fini les détours, fini les retards, elle trouverais Lyan et il la sauverait. Car c'était certainement pour cela que sa mère l'avait envoyé là-bas.

    Noré s'arrêta, satisfaite de cette conclusion et se rendit compte que la nuit était tombée. Si claire comparée à celle des Terres Sanglantes, couverte d'étoile et d'une lune pleine. Il fallait qu'ils soient en Métane, ce ne pouvait être que cela. Si Titian et Soria arrivaient, au moins le problème de savoir comment rentrer était résolu. Elle était à nouveau prête au départ, saisie par un regain de courage.

    -Noré.

    Elle fit face à Vino.

    -Tu devrais aller dormir. Nous t'avons installé dans la maison.

    Noré obéit avec joie, une bonne nuit de sommeil et elle serait fin prête.

    -Quand est-ce que Titian et Soria arriverons ?

    -Les sorcières que j'ai envoyé doivent trouver le vent qui leur permettra d'atteindre l'aéronef, cela prend parfois du temps. Mais elles les ramènerons, ne t'inquiètes pas.

    Noré rentra sans répondre. Un lit de feuille l'attendait et elle se demanda si elle n'allait pas avoir froid sans couverture. Les nuits passées dans la cage au fond de la cale du navire pirate lui revinrent. Le sol dur et le froid étaient des souvenirs presque oubliés déjà. Au moins, la jeune fille avait quelque chose sur quoi s'étendre. Elle s'allongea sur les feuilles et attendit le sommeil. La hâte de revoir ses amis et de repartir pour trouver Lyan la maintint éveillée. Puis, l'adolescente s'endormit enfin, d'un sommeil sans rêves.

    Lorsqu'elle se réveilla, le lendemain, Noré eut du mal à croire que la journée de la veille était réelle. Elle leva son bras et fixa le bracelet, avant de se lever et de sortir. Les résolutions prises la veille lui donnaient l'impression que désormais plus rien ne pouvait arriver. La jeune fille chercherait Lyan avec Soria et Titian, les autres possibilités n'étaient pas envisageables. Elle était résolue et réussirait. L'adolescente se tenait encore devant la porte quand Awoni se jeta littéralement sur elle, un panier de fruit dans les bras :

    -Mange ! Mange !

    Noré lui sourit et obéit sans se faire prier. Elle mangea paisiblement, sereine, positive face à l'avenir. Le soleil s'était à peine levé et un vent frais passait doucement. L'adolescente essaya d'entendre les fameuses âmes dont lui parler Vino, mais sans succès. Aux nombreux ateliers, les sorcières s'activaient déjà. Une fois son repas fini, elle chercha Vino pour avoir des nouvelles de ses amis. La sorcière restait introuvable. Noré alla se promener, évitant soigneusement de s'approcher de la mare. Lorsqu'elle revint, un peu essoufflée par la montée, Vino apparut. La sorcière s'approcha d'elle pour l'informer.

    -Ça y est . Ils sont là.

    Noré regarda dans la direction indiquée par la sorcière. Là où elle avait atterri la veille avec Awoni, se tenait maintenant Soria et Titian. Au comble de la joie, la jeune fille accéléra le pas pour les rejoindre le plus vite possible. La Saldrian qui se tournait par hasard, l'aperçut et courut vers elle. L'image de la femme fatiguée et seule qu'elle serait si Noré ne changeait pas les choses, traversa l'esprit de l'adolescente. Soria la prit dans ses bras :

    -Ma petite Noré, comme tu m'a manqué.

    Titian ne tarda pas à les rejoindre et lança, se grattant la tête :

    -Quand t'en auras marre de disparaître et de nous faire courir partout, ne te gêne pas de prévenir.

    Noré les dévisagea l'un et l'autre comme si elle les voyait pour la première fois. Sa surveillance rapprochée auprès du pirate commençait maintenant. En attendant, elle demanda :

    -Qu'est-ce qu'il s'est passé sur l'aéronef ?

    Titian haussa les épaules :

    -On ne sait pas trop. On était enfermé dans une petite pièce, quand on a entendu une dispute. On n'a pas tout saisi, mais apparemment il y avait eu un mort et ce n'était pas au goût de tout le monde. Ils se sont battus et après plus rien, jusqu'à ce qu'une bande de femmes aux cheveux verts nous délivre.

    -Et toi ? Comment tu t'es retrouvée là ?

    Noré raconta la chute du ballon et la rencontre de Awoni, sans rien ajouter de plus.

    -Il faut vraiment que l'on arrive au bout de ce voyage, parce que si cela continue comme ça, je ne pense pas que l'on arrivera en un seul morceau.

    Soria croisa les bras :

    -Alors, il faut que l'on retourne en Métane, c'est toujours le même problème.

    Noré pointa la ciel du doigt :

    -Mais, on doit y être. Il y a du soleil.

    La Saldrian fit la grimace :

    -Avec les sorcières il vaut mieux se méfier. C'est peut-être une de leur machine.

    Titian fit naviguer son regard d'un atelier à l'autre :

    -En parlant de machine, on devrait demander si elles n'en ont pas une qui nous emmènerait au siège directement.

    -On peut essayer.

    -Il faudrait demander à Vino, c'est elle qui semble commander.

    -Elle est où ?

    Noré fit un tour sur elle-même avant d'apercevoir la jeune femme aux prises avec une machine qui ressemblait étrangement à un scarabée.

    -Là-bas.

    Le petit groupe alla à sa rencontre. Les apercevant, la sorcière laissa tomber sa machine et attendit leur demande. C'est Soria qui prit la parole :

    -Nous voulions vous remercier pour nous avoir sauvé.

    -Je vous en prie.

    -Nous aimerions aussi savoir si vous n'auriez pas une machine qui nous permette de voyager.

    -Voyager ?

    Titian poursuivit :

    -Oui, une machine qui nous enverrait là où l'on veut d'une simple pensée.

    Vino fronça les sourcils :

    -Non. Nous n'avons pas cela.

    -Une machine qui nous fasse voler jusqu'à destination ?

    -Non.

    -Une machine qui nous ferait sauter si haut que l'on arriverait en deux pas.

    -Non.

    -Vous avez quoi alors, comme moyen de transport ?

    -Nous avons un bateau.

    -Un bateau...mais un bateau qui va très vite ?

    -Non.

    Titian était visiblement extrêmement déçu. Soria posa une main réconfortante sur son bras :

    -Le bateau ira très bien.

    Puis, au pirate :

    -Tu es un marin, non ? Tu devrais être content de naviguer à nouveau.

    Il bailla et se gratta la tête :

    -Je veux juste en finir.

    -Alors, ne perdons pas de temps. En route.

    Et, de nouveau à Vino :

    -Serait-il possible de vous l'emprunter ?

    La sorcière hocha la tête :

    -Awoni vous conduira.

    -Awoni ?

    Noré intervint :

    -Oui, je la connais.

    -Avant tout, Noré, j'aimerais te parler.

    Elle écouta la sorcière avec curiosité. Celle-ci la mena un peu à part, afin d'être sûr de ne pas être entendue de Titian et Soria.

    -Je me doute que tu comptes changer le futur pour sauver ton amie.

    -Oui, c'est dans mes intentions, pourquoi ?

    -Je te l'ai dit. Le futur est déjà modifié. Les morts ne mourront peut-être pas.

    -Je préfère être sûr.

    -Ecoute ce que je te dis. Si des morts ne meurent pas, des vivants ne vivront pas.

    -Qu'est-ce que ça veut dire ?

    -Si ton ami ne meurt pas, cela ne veut pas dire qu'un autre ne mourra pas à sa place.

    Noré réfléchit sérieusement à ce qu'elle venait de dire et regarda, au loin, ses compagnons qui l'attendaient en discutant.

    -Vous voulez dire que Soria pourrait mourir à la place de Titian ?

    -Ou les deux. Ce que je veux que tu comprennes c'est que l'avenir que tu as aperçu n'existe déjà plus. Certaines choses pourront être semblables, d'autre différentes.

    -Vous voulez dire que Titian pourrait très bien mourir...ou pas. En fait, ce que je sais de l'avenir ne me sert à rien.

    -Je pense, en effet, que cela n'a servit qu'à empirer les choses.

    La jeune fille leva ses yeux mouchetés d'or sur le visage de la sorcière :

    -Qu'est-ce que je peux faire alors ?

    -Je ne peux te répondre.

    -Bon ! Noré, c'est quand tu veux !

    Elle sursauta au son de la voix de Titian et posa sur lui un regard flou, comme si elle avait du mal à le distinguer. Les paroles de la sorcière l'avaient ébranlé dans ses convictions. Celle-ci revint vers eux :

    -Je vais vous mener à Awoni. 

    Noré les regarda s'éloigner dans la pente ignorant ce qu'elle devait faire. Puis, Soria se tourna vers elle, les cheveux noirs gonflés de vent, les yeux lapis-lazuli éclatant de vie, le visage jeune et rieur. Elle était époustouflante de grâce.

    -Dépêche-toi !

    Noré courut pour la rejoindre. Il ne lui fallut que ces quelques pas pour être résolue de nouveau. Elle ferait en sorte que la Soria fatiguée et vieillit n'existe jamais et pour cela, elle veillerait à garder ses deux amis près d'elle. Vino leur fit descendre la pente puis prendre à droite dans les bois. Ils s'y enfoncèrent un peu avant de tomber sur Awoni occupée à cueillir des plantes étranges. Vino l'appela et la sorcière se releva.

    -J'aimerais que tu les accompagnes au bateau.

    Awoni rit sans raison et confia son fardeau à Vino. Titian fut perplexe :

    -Je ne suis pas sûr qu'elle soit digne de confiance.

    Vino répliqua sans détour :

    -Elle l'est. Ce bateau est le fruit d'une vieille expérience, mais il fonctionne toujours.

    Soria voulut savoir s'il les mènerait jusqu'en Métane et la sorcière se contenta de hausser les épaules ce qui ne fut pas pour rassurer les trois amis. Awoni s'empara de la main de Noré et prit la route en chantonnant. Soria et le pirate échangèrent un regard avant de suivre. Ils s'enfoncèrent encore plus profondément dans les bois. Vino les regarda s'éloigner avant de retourner à son expérience.

    Awoni se pencha vers Noré :

    -J'ai un cadeau pour toi.

    -Vraiment ?

    Elle lui tendit une fiole :

    -Ce sont des vents spéciaux. Si vieux qu'ils pénètrent les rêves des endormis et peuvent t'emmener avec eux.

    La jeune fille fronça les sourcils :

    -Pourquoi tu me donnes ça ?

    -Le petit garçon va beaucoup pleurer cette nuit et sa maman n'est pas là. Tu dois le rassurer, voir ce qui le fait pleurer.

    En parlant, la sorcière jeta un regard en arrière vers Titian. Noré demanda :

    -Pourquoi veux-tu que je vois ses rêves ?

    La sorcière parut choqué de la question :

    -Pour le consoler, bien sûr.

    -D'accord, mais comment sais-tu qu'il fera un cauchemar ?

    Awoni posa un doigt sur ses lèvres et lui fit un clin d'œil comme si Noré pouvait connaître la réponse. Renonçant à en savoir plus sur le sujet, la jeune fille demanda :

    -Quand il dormira, je devrais...quoi, boire les âmes ?

    -Non, laisse les partir. Elles iront dans ta tête aussi pour voir ce que tu veux qu'elles fassent.

    Noré enfouit la fiole dans sa poche, se demandant si elle l'utiliserait.

    -C'est encore loin ?

    La sorcière sourit au pirate :

    -Demain, petit garçon.

    -Petit...non mais ça va oui ?

    Ils continuèrent à avancer, Awoni chantonnant toujours, Noré marchant aux côtés de ses amis. Elle leur raconta tout ce qu'elle avait découvert sur les sorcières ce qui passionna Soria et ennuya profondément Titian. Ils marchèrent toute la journée et la jeune fille veilla à ce que ses compagnons restent près d'elle. Noré se méfiait de tout, de chaque branche qui craque, de chaque mouvement dans les buissons. Soria finit par lui dire avec un sourire réconfortant :

    -Ne sois pas si tendue. Les pirates ne peuvent plus nous retrouver maintenant.

    La jeune fille se retint de dire qu'ils avaient déjà attaqué les sorcières, même si cela n'avait pas été un succès. Elle lui sourit, se gardant bien de donner la vraie raison de sa méfiance. Lorsque la nuit tomba, ils firent un feu. Fatigués par la marche de la journée, ils ne tardèrent pas à se coucher. Awoni se blottit près du feu, mais Noré s'efforça à rester éveillée. Elle regarda le couple endormi cherchant un signe, essayant de ressentir quelque chose qui lui indiquerait ce que l'avenir leur réservait. Vers le milieu de la nuit, Titian commença à s'agiter.

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