• Chapitre 3

    C’est son instinct qui le poussa à se réveiller, pressentant que quelque chose n’allait pas. En se tournant, il vit Tremon pâle comme la mort, les cheveux et les vêtements collaient de sueur. D’un bond, Ylios fut hors du lit. Il était loin de l’enfant paniqué et perdu des premières crises. Tremon et lui avaient discuté longuement au fil des ans pour définir quelle méthode maîtrisée le mieux l’âme animale du Test. Dans le noir, Ylios se dirigea sans hésiter vers ses vêtements pour prendre le petit bâton qu’il gardait toujours dans sa ceinture. Il revint au lit, s’assit à califourchon sur le corps de son ami et bloqua ses bras sous ses genoux. L’adolescent connaissait par cœur les différentes étapes de la crise et ne s’émut pas quand les tremblements commencèrent. Tremon s’était réveillé et avait, à présent, les yeux ouverts. Lui aussi n’était plus l’enfant terrorisé et impuissant du début. Son regard était patient et confiant. C’est peut-être bien les seuls moments où il me fait confiance. Ylios savait que le corps du garçon se paralysait peu de temps avant les tremblement, alors il se débrouilla pour lui faire ouvrir la bouche et lui faire mordre le bâton. Déjà, on passait des tremblements aux soubresauts. Ylios entendait les jambes de Tremon battre dans son dos et sa tête battit contre l’oreiller. C’était peut-être bien la seule chose qui inquiétait encore le jeune lion. Que la crise se déroule sur le sol et Ylios craignait constamment de ne pas agir assez vite pour empêcher qu’il ne s’ouvre le crâne.

    Une fois assuré que Tremon était bien immobilisé, Ylios posa ses mains sur le plexus de l’adolescent. Il lui fallait maintenant réveiller le lion. Suffisamment pour que l’âme animale de Tremon puisse sentir sa présence, mais pas assez pour qu’il puisse réaliser que le lion pouvait sortir quand il le voulait. Quel que soit l’animal de Tremon, il s’apaisait toujours en présence d’un autre animal qui semblait se trouver dans une cage comme lui. En voyant les poils de sa main s’allonger et se dorer, Ylios fit reculer le lion. Sous sa paume, la peau de Tremon était bouillante. Calmement, respirant profondément, le garçon compta jusqu’à dix. Maintenant que les soubresauts étaient passés, le Test hurlait, la mâchoire crispée sur le bâton où s’incruster de nouvelles marques de dent.

    Le jeune lion recommença à compter jusqu’à dix, puis respira de nouveau profondément. Le félin se trouva, enfin, là où il le voulait. Peu à peu, le corps de Tremon s’apaisa et sa température revint à la normale. Lorsqu’il fut certain que la crise était passé, Ylios retourna s’allonger tandis que Tremon recrachait le bâton.

    -Le truc bien, c’est que demain, tu pourras te transformer.

    Tremon l’observa d’un air fatigué. Peu certain qu’il ait entendu ce qu’il venait de dire Ylios répéta :

    -Demain. Quand ma marque sera parti, je ne serais plus un Futur, tu ne seras plus un Test. Ce qui veut dire que tu pourras te transformer.

    Tremon sourit :

    -C’est vrai ça, je n’y pensais pas.

    Ylios lui rendit son sourire en imaginant le soulagement et l’impatience du garçon à cette nouvelle.

    -Quel genre d’animal tu crois être ?

    Tremon haussa les épaules :

    -Je sais pas. Des fois j’ai l’impression que c’est un insecte, des fois un canidé…

    Ils avaient déjà eu cette discussion de nombreuses fois, mais comme elle plaisait à Tremon, Ylios n’hésitait jamais à la relancer. Surtout qu’elle ne pouvait pas être plus d’actualité qu’à présent.

    -Tu n’as vraiment aucun moyen de savoir ce que c’est ?

    -Tu avais deviné le tien, toi ?

    -Non, mais je n’ai pas eu à le retenir pendant sept ans.

    Tremon sembla plongé dans ses pensées et Ylios crut bien que la discussion s’arrêterait là quand l’adolescent répondit :

    -Rien, non.

    -Est-ce que tu ne l’entends pas rugir ou est-ce qu’il ne vient pas dans tes rêves la nuit ?

    Tremon rit :

    -Bien sûr que non. Qu’est-ce qui te fais croire ça ?

    Ylios haussa les épaules :

    -Ce serait cool.

    Tremon eut une mimique qui marquait son approbation. Ils discutèrent encore un moment avant de s’endormir.

    Il n’y eut pas d’autres crises durant la nuit et Ylios se réveilla naturellement au matin. Il s’étira, bailla à s’en décrocher la mâchoire quand Tremon lui saisit soudain l’épaule d’une main, le forçant à pencher la tête en avant de l’autre. Devant la brusquerie du geste, Ylios gronda :

    -Mais aïeuh.

    -C’est pas partie.

    -Quoi ?

    -La marque n’est pas partie.

    Tremon le relâcha pendant qu’Ylios passait la main sur sa nuque, pour sentir le léger relief en forme de libellule. Surpris, le jeune lion fit volte face pour dévisager Tremon avec incompréhension. Celui-ci lui rendit son regard. A cet instant, la mère d’Ylios frappa à la porte :

    -Les garçons ? Il faut vous réveiller maitnenant.

    -Maman ! La marque est pas partie !

    Il y eut un court silence derrière la porte :

    -Pardon ?

    -La marque est encore là.

    Aux cris de son fils, la jeune femme entra :

    -Qu’est-ce que tu racontes encore ?

    Ylios lui présenta sa nuque. En voyant la libellule, sa mère lui appuya sur la tête pour dégager la marque et être sûr qu’elle voyait bien :

    -Mais… comment ?

    -Aïeuh.

    La femme appela son mari et ses amis à plein poumons. Les trois adultes accoururent en ne sachant ce qu’il se passait. Ils étaient à peine entré dans la chambre que sa mère leur présenta la nuque toujours maintenu découverte. Ylios entendit son père qui tentait de calmer tout le monde en disant :

    -Peut-être que cela met du temps à disparaître.

    Au silence qui suivit, il était clair que personne n’y croyait vraiment. Le père de Tremon rappela :

    -On sait que ça ne peut être lui. Un être trépassé. C’est certainement une des races éteintes, pas un lion.

    Il y eut des murmures d’approbation. Ylios demanda :

    -Est-ce que ça veut dire qu’un dragon ou un truc de ce genre est revenu ?

    Nouveau silence. Les âmes animales des premières heures comme les chimères, sphinx, dragons, coquatrix et autres s’étaient éteintes avec le temps. La seule chose que l’on savait d’elles avec certitude, c’est qu’elles étaient agressives et qu’elles avaient vécu dans une anarchie totale. On soupçonnait que cela avait aidé à les faire disparaître. L’idée qu’elles puissent revenir était plus qu’inquiétant. Le père de Tremon reprit :

    -Ce serait logique. Si l’une de ces races est en train de reparaître, c’est sûr qu’il n’y aura que des misères.

    La mère de Tremon affirma d’un ton sans réplique :

    -Il a raison. Sang, terreur et famine, ça ne colle pas du tout avec le caractère d’Ylios. Il faut sans doute attendre que la marque parte.

    C’est à ce moment que Tremon éprouva le besoin de dire :

    -Peut-être qu’il va arriver quelque chose à Ylios qui va le faire changer drastiquement.

    Ils dévisagèrent le garçon encore assis sur le lit. La mère d’Ylios s’empressa de demander à son fils :

    -Est-ce que ça va ? Il y a des choses qui te tracasses ? Tu as des ennuis ? Tu peux nous en parler tu sais.

    -Heu… j’ai un peu mal au cou.

    Réalisant qu’elle continuait à lui pencher la têt en avant, sa mère le lâcha en s’excusant. L’adolescent se redressa, se massa la nuque et sourit :

    -J’ai pas de problème, maman.

    Devant le visage angoissé de la jeune femme, son père la prit dans ses bras :

    -Cela ne change rien au fait qu’Ylios n’est pas un être trépassé.

    La mère de Tremon ajouta encore :

    -Oui, ils doivent déjà savoir de qui il s’agit. Un enfant qui se transforme en une race éteinte, ils l’ont certainement repéré depuis longtemps.

    Tremon ajouta :

    -Si c’était arrivé, tout le monde en aurait entendu parlé. C’est sans doute plus compliqué que ça.

    Les parents d’Ylios qui commençaient à se rassurer, se décomposèrent. Le père de Tremon alla le saisir au bras pour le faire se lever :

    -On va rentrer. Je pense que c’est mieux pour le moment.

    Sa mère embrassa les parents d’Ylios :

    -Il vaut mieux que l’on se repose tranquillement. Cela nous éclaircira les idées.

    Entraîné hors de la chambre, Tremon fit calmement remarquer :

    -Je suis en pyjama papa.

    -Cela t’apprendra à ne pas savoir te taire.

    Avec un dernier sourire d’encouragement à ses amis, la mère de Tremon rejoignit sa famille. Ylios alla prendre ses parents dans ses bras :

    -Je suis sûr qu’ils ont raison. Il doit y avoir un délai. Ce ne peut pas être moi.

    Après un instant à se réconforter les uns les autres, ils se décidèrent à aller prendre le petit-déjeuner.

     

    -Comment c’est possible ?

    A nouveau, Ylios se retrouvait le cou brisé, cette fois, par Miral qui louchait sur la marque. Les bras croisé, Seih fronçait les sourcils :

    -C’est bizarre. Il n’y a rien qui te désigne dans la prédiction.

    Ylios repoussa Miral pour pouvoir se redresser :

    -On se dit que ça peut prendre du temps à partir.

    Seih fit remarquer :

    -Oui, mais ça fait qu’en même un sacré moment là.

    Miral avança une supposition :

    -Peut-être que c’est toi, mais dans le futur, tu es devenu fou.

    Assis sur les racines d’un arbre géant, Tremon lança :

    -On y a pensé.

    -Désolé.

    Ylios donna un petit coup à Miral :

    -Pourquoi tu t’excuses ?

    L’adolescent glissa entre ses dents crispés :

    -Je ne veux pas l’énerver.

    Seih les remit sur la discussion :

    -Le truc, c’est l’être trépassé. Je ne sais pas vous, mais moi, ça m’a fait penser aux races éteintes…

    Tremon coupa :

    -Quel que soit vos idées, on y a déjà pensé. 

    Seih se crispa, jeta un regard noir au Test, mais ne dit rien. Ylios leva alors un doigt vers le ciel :

    -Moi, j’ai une théorie à laquelle personne n’a pensé.

    Ils lui prêtèrent aussitôt la plus grande attention et l’adolescent annonça :

    -Je serais tellement nul comme dirigeant que ça va foutre la merde.

    Miral lui envoya une tape sur le crâne, Tremon lui jeta une branchette et Seih lui offrit un coup de pied :

    -Qu’il est bête celui-là.

    Gialema vint s’accrocher au bras du garçon pour le réconforter, tandis que celui-ci souriait :

    -Mais c’est vrai. C’est possible.

    Miral répliqua :

    -Ta nullité provoquerait guerres et famine ? Excuse-nous, mais depuis le temps qu’on la supporte, on a toujours pas perdu la tête.

    Seih approuva tandis que Tremon ajoutait :

    -Et cela n’explique pas l’être trépassé.

    Ylios se tourna vers lui, l’ai sévère :

    -C’est pas toi qui disait que ce pouvait être moi, ce matin ?

    Tremon parut réfléchir, mais finalement, son regard devint vague et Ylios soupira :

    -Bien la peine de discuter avec toi.

    Gialema ouvrit la bouche pour la première fois :

    -Je crois que la seule chose que l’on peut faire, c’est attendre.

    -Elle a raison. On devrait penser à autre chose.

    Tous se plièrent aux paroles de Seih et Tremon s’éclipsa alors que la discussion dérivait sur d’autres domaines.

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