• Chapitre 29

    Lyan était arrivé et tous l'entouraient pour entendre ce qu'il dirait. Lorsqu'il fut assuré que tout le monde était présent, il commença :

    -Nous allons mettre les navires à l'eau. Je vais donner à chacun le lieu où l'on se rejoindra après que vous ayez retrouvé les vôtres.

    Jdosté mit les cubes à l'eau avec peu de conviction. Ils regardèrent les morceaux de métal flotter un moment, puis Algol s'exclama :

    -Ils ont grandis, non ?

    Ils regardèrent avec plus d'attention. Des vaguelettes bleutées semblaient parcourir le métal et, en effet, les cubes commencèrent à grandir à vue d'œil. Ils s'élargirent jusqu'à former cinq navires, sans voiles ni rames. Lulienne demanda :

    -Comment les fait-on avancer ?

    Titian soupira :

    -Je vous en supplie pas le bouton.

    Awoni, qui était à proximité, s'écria :

    -Si ! Le bouton ! Vous trouverez un bouton à l'intérieur de chacun des navires, cela les fait avancer. Pour ce qui est de la direction, il vous suffit de penser à la destination de temps en temps.

    Denelann demanda :

    -Et si on pense à un autre lieu, juste comme ça, sans le vouloir ?

    -Ne le faite pas.

    'C'est rassurant.

    Lyan tapa dans ses mains pour attirer l'attention sur lui :

    -Donc, un navire pour les Alianis. Les Auriens étant tous présents, ils prendront le même navire que Titian, Noré et moi. Les voleurs, Xilanos, Nanz et Touja nous accompagneront également. Un autre navire pour les chevaliers, Algol ira avec eux, Pakt m'a dis que les Vemepyres n'étaient pas loin de leur campement. Les Saldrian et les Rhosay sur un autre et les Tiark, accompagnés de quelques sorcières sur le dernier. Je n'ai oublié personne ?

    Meratir demanda :

    -Juste pour être sûr, je suis compté dans les chevaliers ?

    -Oui, tu iras avec le capitaine Pakt.

    -D'accord.

    -Les sorcières suivront, du moins, je suppose, car Vino n'a pas donné de précision.

    Eliana demanda :

    -Vous êtes sûr qu'elles viendront ?

    Titian bailla et se gratta la tête :

    -J'espère bien, sans ça, je reviens ici vite fait et je la crame, leur planque.

    Vigle posa une autre question :

    -Comment fait-on si l'on est trop nombreux pour le navire ?

    Awoni fit une grimace :

    -Cela n'arrivera pas.

    -Mais si cela arrive ?

    La sorcière refit la même grimace et répéta :

    -Cela n'arrivera pas.

    Ils échangèrent des regards curieux, mais ne dirent plus rien et Lyan reprit :

    -Nous sommes prêt à partir. Reste à savoir comment monter dans ces navires.

    Awoni claqua des doigts et les bateaux s'ouvrirent, laissant tomber une passerelle de métal sur les galets.

    -Claquez des doigts suffit pour ouvrir.

    -Bien, alors en route.

    Il fallut quelques secondes avant qu'ils ne se décident à monter dans les étranges embarcations. Titian et Soria se séparèrent après avoir échangé quelques paroles, tandis que Lyan passait d'un groupe à l'autre en donnant le lieu exact où ils devaient se retrouver.

    À l'intérieur, tout était vide et Noré allait demander s'il y avait des provisions lorsque la passerelle se referma. Dans le noir, elle reconnut la voix de Lydia :

    -Qu'est-ce qu'il se passe ?

    Personne ne trouva de réponse, puis des éclaires traversèrent les parois, avant de se stabiliser en une lueur bleutée. Le mari de Lulienne, dont Noré ne connaissait toujours pas le nom, annonça :

    -Il n'y a pas de sortie.

    Le père de Lulienne lança :

    -Quoi ? Mais comment va-t-on sur le pont ?

    Titian, qui tâtonnait les parois, sans doute à la recherche du bouton, répliqua :

    -On y va pas, c'est tout.

    -On ne va pas rester ici tout le voyage.

    -Pour des gens qui passent leur vie sous terre à voyager à dos de serpent, vous m'avez l'air bien effrayé des endroits clos.

    -Dis donc jeune homme...

    Lulienne le stoppa d'une voix cinglante :

    -Père ! Il vous a sauvé la vie.

    L'homme grommela et glissa à sa fille :

    -Un jour, il faudra bien que cette excuse ne marche plus.

    Titian lança :

    -Noré, aide-moi à trouver se fichu bouton.

    Elle obéit et peu à peu, ils se mirent tous à chercher, alors que Titian ne cessait de pester :

    -Un bouton, non mais franchement, un levier serait plus voyant. Laquelle de ces folles à eu cette idée ? Elles auraient pu mettre un gros bouton, bordel !

    -Je l'ai !

    Ils firent tous volte face vers Qoerus. Intimidé, le garçon ajouta :

    -Enfin, je crois.

    Titian fonça là où il se trouvait et vit le bouton en question, à peine visible dans le coin :

    -Je rêve, ces sales...

    Lyan intervint :

    -Titian, il y a des enfants.

    -Des... ?

    Son regard dévia vers les Auriens, puis le pirate leva les yeux au ciel et appuya sur le bouton en criant :

    -On se concentre.

    Noré pensa de toute ses forces à l'entrée du fleuve souterrain. Il y eut une secousse qui envoya tout le monde au sol, puis plus rien. Pitan se redressa :

    -On est parti ?

    Lulienne regarda autour d'elle :

    -Comment savoir ? 

    Noré proposa :

    -On a qu'à ouvrir pour voir.

    Titian ricana :

    -En espérant que cela ne s'ouvre pas sur l'océan.

    Lulienne haussa les épaules :

    -Il n'y a qu'un moyen de le savoir.

    Et elle claqua des doigts, mais au lieu d'une passerelle, de toute part, se furent des fenêtres qui s'ouvrirent. Rectangulaires et basses, ils purent y voir la mer défiler alors qu'ils traversaient le brouillard à une vitesse impressionnante. Titian dit d'un air ravi :

    -A cette vitesse, nous serons à destination en peu de temps.

    Noré s'approcha pour lui glisser :

    -Tu crois que le nuage ne nous attaquera pas à cette vitesse ?

    Il serra les dents :

    -Je l'espère.

    Elle se retourna pour voir l'intérieur à la lumière des fenêtres. Mit à part eux, il n'y avait vraiment rien. Apercevant Lyan, elle l’interpella :

    -Je me demandais, comment on fait pour la nourriture ?

    -Les sorcières m'ont assuré que nous serions arrivé avant d'avoir faim.

    -Eh bien, elles se sont vraiment surpassées.

    -Oui.

    Lyan avait repris un ton méfiant en parlant des sorcières et Noré se pencha vers Titian :

    -Tu crois que Lyan avait raison pour les sorcières ? On devrait s'en méfier ?

    -Je pensais qu'il en faisait trop au début mais après vérification, je doute.

    -Tu doutes ?

    -Je doute.

    Noré s'impatienta :

    -Oui, mais pourquoi ? Qu'as-tu vérifié ?

    -Je suis allé voir où Vino passé son temps, juste pour montrer qu'il avait tort.

    -Et ? 

    -A peine un pied dans la forêt qu'elles m'ont chassé. Aucun doute qu'elles cachent quelque chose.

    -Tu as vu quoi ?

    -J'ai senti une odeur bizarre, c'est tout, je me suis pas attardé.

    Derrière eux, on s'était assis et les discussions se déroulaient dans des chuchotements.

    -Bon, je reste pas là.

    Titian s'éloigna de la fenêtre et alla s'asseoir dans un coin. Xilanos vint près de Noré :

    -Comment vas-tu ?

    -Il paraît que l'on ne mourra pas de faim, c'est déjà une bonne nouvelle.

    -Ah oui, en effet. 

    -Le problème, c'est que j'étais en train de me demander si le fait de ne pas avoir pensé à manger en me levant ne risqué pas de fausser les prédictions des sorcières.

    -Qui était ?

    -D'arriver avant d'avoir faim.

    -Tu as faim ?

    -Pas encore, mais je me méfie.

    L'Aurien rit en la poussant de l'épaule :

    -Allez, ça va aller.

    -Répète-le encore une fois et je te jure que je vais crier.

    -On va tous mourir.

    La jeune fille imita la voix du garçon en disant :

    -Oh, voyons, sois plus optimiste.

    Il rit à nouveau, mais d'un rire plus éteint et ils se plongèrent chacun dans leur pensée un moment, avant qu'il ne dise :

    -Tu t'es faite à l'idée de tuer un homme ?

    -Je préfère ne pas y penser.

    -Tu sais, si on y réfléchit, c'est l'épée qui tuera l'empereur.

    Elle lui jeta un regard de reproche :

    -Tu n'as pas vraiment dit ça, n'est-ce-pas ?

    Il se défendit :

    -D'après ce qu'a dit Vino, l'épée agit toute seule une fois que l'image lui est envoyée. Donc, par conséquent, tu n'auras qu'à te laissé guider par l'épée.

    Noré allait parler quand une secousse fit voler le navire. Ils poussèrent des cris surpris. Xilanos lui saisit le bras :

    -Qu'est-ce que c'est ?

    Elle ne répondit pas, mais fixa Titian avec attention. Ce dernier observait le plafond, sans bouger, dents et poings serrés. Sans vraiment se rendre compte de ce qu'elle faisait, l'adolescente se pencha un peu plus par la fenêtre. Elle entendit un son répétitif, fort et réalisa que c'était sa respiration. Noré se pencha encore jusqu'à pouvoir voir sous le bateau. C'est à peine si elle fut surprise de le voir. Le nuage, fumée bleue se mouvant sous l'embarcation, se détachant de l'eau noir. La jeune fille se recula et un claquement de doigt retentit. Noré croisa le regard de Titian quand les ouvertures se refermèrent. Un instant d'obscurité, une nouvelle secousse qui la projeta au sol, puis l'intérieur du navire s'illumina. Xilanos se laissa glisser jusqu'à elle :

    -Tu vas bien ?

    -Oui, oui. 

    Elle se releva et ils rejoignirent Titian :

    -Tu crois qu'il va nous couler ?

    -Non, bien sûr que non. Les sorcières sont au courant de son existence maintenant, elles ont sûrement prévu le coup.

    Noré se rendait bien compte qu'il tentait de se convaincre lui-même, mais elle s'en contenta. Eliana leur cria :

    -Qu'est-ce qu'il se passe ?

    Xilanos lui répondit :

    -Rien, restez calme.

    L'avant du navire se souleva soudain et ils glissèrent tous vers le fond. Noré se prit un coude dans le nez et la mère de Lulienne lui tomba dessus. Dans les cris et le désordre général, Lyan tentait de calmer tout le monde en lançant :

    -Ne vous inquiétez pas, les sorcières ont fait ces navires !

    Noré pensa au fait qu'elles avaient également fait la barque et que cela ne les avait pas aidé la première fois. Elle commençait à étouffer et souhaita que cela se termine bientôt. Le navire était toujours dressé. Sans doute était-il en train de couler, mais ils n'avaient aucun moyen de le savoir. Soudain, une autre secousse qui les projeta en l'air et vers l'avant. Noré passa ses bras devant elle en voyant le sol se rapprocher et elle atterrit durement sur son épaule. Aussitôt, la jeune fille se protégea la tête au cas où quelqu'un lui tomberait dessus. Un corps lourd lui atterrit sur les jambes en poussant un cri de douleur et elle resta sans bouger jusqu'à ce que le choc des corps qui tombent s'épuisent. Puis, quand les cris ne furent plus que des gémissements, l'adolescente se redressa en même temps qu'Adlaté qui se massait le dos :

    -Tu as de ces genoux, c'est pas croyable.

    Elle lui répliqua avec un sourire :

    -Quelle idée de vouloir absolument t'écraser dessus aussi.

    -Tu as raison, j'ai de ces pulsions.

    Petit à petit, on se releva, vérifiant d'éventuel blessure et une voix lança :

    -C'est fini ?

    Qoerus répondit d'une voix geignarde :

    -Je l'espère.

    Durant plusieurs minutes, ils attendirent, puis, finalement, Lyan claqua des doigts et les fenêtres se rouvrirent. Ils s'en approchèrent et virent la mer filer sous eux et un ciel bleu s'étendre à l'infini. Noré se tourna vers Titian qui refusait de s'approcher des ouvertures :

    -Je crois que ça y est. Nous sommes hors de danger.

    Pour s'en assurer lui-même, le pirate la rejoignit et regarda avec réticence. Quant il fut assuré que le danger était écarté, Titian retourna s'asseoir en poussant un soupir de soulagement. Il resta un moment de tension parmi les voyageurs. Certains restèrent debout à scruter l'horizon, d'autres retournèrent s'asseoir, mais le silence régnait. Au bout d'un certain temps, comme il n'y eut plus d'autres incidents, les langues se délièrent et l'atmosphère se détendit.

    -On ralentit, non ?

    Sainie et Lydia se mettaient sur la pointe des pieds pour pouvoir voir l'extérieur. Il y eut de nouveau un mouvement de migration vers les ouvertures et Noré aperçut les formes d'une île proche d'eux. Lyan les informa :

    -C'est bien l'île du siège.

    Il ferma les yeux et se concentra. Le navire se déplaça sur la droite et continua d'avancer. L'île grossissait à vue d'œil et bientôt, là où une colline gigantesque, recouverte d'une forêt aux arbres compacts, semblait s'enfoncer dans l'eau, une caverne gigantesque apparut. Il fallait être bien en face pour l'apercevoir et cela rappela à Noré l'entrée qui menait chez les Auriens. Le navire s'arrêta à plusieurs mètres du bord et Nanz demanda :

    -On finit à la nage ?

    Lyan répondit :

    -Je ne crois pas.

    Les ouvertures se fermèrent et ils furent de nouveau dans le noir, puis la passerelle s'abaissa. Elle se mit à grandir jusqu'à atteindre les rochers à l'entrée de la caverne. Lyan s'engagea, encourageant les autres à le suivre. Ils traversèrent la passerelle, puis escaladèrent les rochers, Lyan ordonnant :

    -Montez ou vous gênerez les autres.

    Les racines des arbres saillaient entre les pierres, les ramures lançaient une ombre glaciale et le vent qui s'engouffrait dans la caverne poussait une plainte lugubre. Noré frissonna, autant à cause du froid soudain que par l'atmosphère général dégageait par l'endroit. Xilanos demanda à Lyan :

    -Je croyais que l'on devait passer en bateau ?

    -Oui, mais nous attendrons que tout le monde arrive. Nous mettrons tout en place ici, puis une fois au siège nous nous diviserons pour nous en approcher.

    Lulienne demanda :

    -Quand les sorcières feront-elles leur diversion ?

    -Nous devons les attendre également, je suppose qu'elles nous en diront plus à ce moment-là.

    Le père de Lulienne dit :

    -Donc, pour l'instant... on attend.

    -Oui, en effet.

    Noré se retourna pour voir que tous c'étaient déjà dispersé. Elle s'approcha de Xilanos alors qu'Eliana s'éloignait, grimpant sur les rochers pour atteindre les arbres qui les surplombaient. D'autres Auriens la suivirent.

    -Qu'est-ce qu'ils font ?

    Xilanos fit face à Noré :

    -Je peux t'emprunter un poignard ? 

    -Oui, pourquoi ?

    -Ils vont chercher de quoi faire des flèches, je vais donner un coup de main.

    Il commença à s'éloigner, puis revint sur ses pas :

    -Et si cela peux te rassurer, Titian, Nanz, Touja, Lulienne et Qoerus vont chasser. Donc tu ne devrais pas mourir de faim aujourd'hui.

    -Tu viens d'ensoleiller ma journée.

    Le jeune homme alla rejoindre les Auriens et Noré alla retrouver Lyan. Il se tenait debout dans l'entrée de la caverne.

    -Tu vas bien ?

    Il sourit :

    -Je crois que c'est la question que j'ai le plus entendu ces derniers jours.

    -Moi aussi.

    Elle admira la grandeur de la grotte et se sentit étrangement intimidée. Après quelques mètres, l'obscurité se faisait totale.

    -Ce n'est pas très large quand même.

    -Espérons que les navires peuvent se mincirent.

    -Ça ne m'étonnerait même pas.

    Le mari de Lulienne leur cria :

    -Ils arrivent !

    Lyan et Noré firent volte-face et virent les silhouettes des navires se dessiner à l'horizon.

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