• Chapitre 25

    Alors que Noré voyait le poignard arriver sur elle, un passage d'une des lettres du futur la frappa soudain. Soria la rejeta en arrière en l'attrapant par ses habits, l'étranglant à moitié et elle se retrouva par terre. Fixant l'arme planté à quelques centimètres de sa jambe, l'adolescente réalisa à quel point son obsession à vouloir garder Titian et les autres en vie lui avait fais oublier un détail important. Le traître, celui qui dans le futur qu'elle avait vu les avait tous mené à la mort. Noré l'avait oublié, mais comment aurait-elle pu imaginer que cela pouvait être Meratir ? Teruret s'était jeté sur son frère sitôt le poignard lançait, alors que Titian avait couru droit sur Korrane, désarmé. Le Tiark dut le sentir venir car il fit brusquement un tour sur lui même et lança un poing meurtrier vers lui. Emporté par son élan, le pirate se jeta en arrière pour éviter le coup et tomba. Au lieu de reprendre l'attaque, Korrane disparut rapidement dans la forêt. Pendant ce temps, Meratir qui avait assommé son frère avec son casque, se remit debout et s'enfuit.

    Soria n'avait pas bougé, sans doute encore sous le coup de la surprise. En revanche, Titian se releva, mit Teruret debout en le saisissant par sa tunique et lui hurla:

    -Qu'est-ce qu'il vient de se passer ?! Il fout quoi ton frère ?!

    Le chevalier n'était pas tout à fait remis du coup qu'il avait reçu et fixa ce qui l'entourait comme s'il avait encore du mal à réaliser ce qu'il se passait. Puis, il repoussa soudain le pirate, recula en titubant et cria :

    -Tout ça c'est de la faute de ces maudits Tiarks !

    Sans plus d'explication, il emprunta un chemin que Noré ne connaissait pas et n'avait même jamais remarqué. Elle se redressa et, avec ses compagnons, s'empressa de lui emboîter le pas. Le petit chemin de terre menait à une vaste clairière d'herbe rase dans laquelle une cage de fer immense avait été installé. Azaque, Qizorc et Cil s'y promenaient tranquillement. Meratir fonça droit dessus et donna un violent coup de pied dans les barreaux. Les trois Tiark s'approchèrent innocemment de lui et le chevalier leur lança :

    -C'est de votre faute ! C'est votre foutu aveugle qui lui a bourré le crâne de vos conneries !

    Soria le retint alors qu'il s'apprêtait à redonner un coup dans les barreaux :

    -Teruret, explique-nous ce qu'il s'est passé.

    Il se dégagea avec humeur et lui cria :

    -Je suis Meratir ! Teruret est parti à cause d'eux !

    Noré fut autant surprise que Soria. Elle avait aussi cru que c'était Teruret avec eux. Après tout, il lui avait semblait qu'en général c'était Meratir le moins raisonnable, le plus apte à se faire berner. Bien sûr, elle ne dit rien de ses réflexions, le chevalier était suffisamment furieux comme cela. La Saldrian reprit :

    -Désolée, Meratir, raconte-nous.

    Il lança aux Tiark un regard haineux pendant que ceux-ci s'asseyaient sagement.

    -Lorsque les sorcières ont ramené les Tiark, l'aveugle s'est mis à parler aux uns et aux autres l'air de rien.

    Titian s'étira et dit :

    -Il ne m'a pas parlé à moi.

    Soria renchérit :

    -A moi non plus.

    Le chevalier ricana:

    -Normal, vu ce qu'il racontait. Il disait que si on rejoignait les chevaliers, nous serions récompensé largement.

    Titian eut l'air perplexe :

    -C'est quoi ces conneries ?

    Meratir allait répondre, mais Azaque se leva et vint appuyer son menton sur un des barreaux en disant :

    -Les chevaliers ont parlé avec Korrane avant que les sorcières ne nous trouve.

    Noré se figea :

    -Qu'est-ce qu'ils ont dis ?

    Il haussa les épaules :

    -Je ne sais pas, mais après leur départ, Korrane nous a raconté la même chose. Nous irions trouver le petit gibier et espionnerions pour le siège. Ensuite, lorsque tout le monde aurait été capturé, on aurait été récompensé. Il pensait pouvoir rallier d'autres gibiers en arrivant ici. La tâche aurait été plus facile.

    Titian ricana :

    -Cela n'a pas vraiment marché on dirait.

    Azaque rit à son tour :

    -Qui irait écouter un Tiark.

    Ils se tournèrent vers Meratir, encore tremblant de colère :

    -Il lui a dit que l'empereur lui donnerait un grade.

    Soria replaça une mèche de ses longs cheveux noirs qui lui tombait dans les yeux en demandant :

    -Un grade ?

    -Oui, Teruret n'avait pas l'air comme ça, mais la chevalerie, il adorait. Ça le tuait de toujours se retrouver au bas de l'échelle, par ma faute il faut l'avouer. Même s'il ne m'en a jamais rien dit, cela ce voyait.

    -Alors quand Korrane est arrivé, il a vu une opportunité de se faire bien voir de l'empereur et donc, de remonter dans les rangs.

    Meratir hocha la tête :

    -Exact et il voulait que je vienne avec lui, que je l'aide à vous capturer.

    Titian conclut :

    -Et c'est à ce moment là que tes hurlements nous ont réveillé.

    Il ne dit rien. La colère était tombée et le chevalier fixait maintenant le sol avec une infinie tristesse. Noré revint à Azaque :

    -Pourquoi Korrane fait-il confiance au siège ?

    Les trois Tiarks éclatèrent de rire et Qizorc répondit :

    -Il ne leur fait pas confiance.

    -Alors, pourquoi tout ça ?

    Azaque se baissa pour se mettre à sa hauteur :

    -Tu te souviens que parfois nous perdons la raison à cause de nos transformations ?

    -Oui, la conscience humaine qui se réveille dans le corps du loup, je me souviens.

    -Et bin, cela fait un petit moment que notre chef tangue doucement vers le mauvais côté.

    -Tu veux dire...

    -Il est fou, tout à fait.

    Pour appuyer ces paroles, Qizorc et Cil hochèrent vigoureusement la tête. Titian croisa les bras :

    -Pourquoi n'avez-vous pas changé de chef ?

    Cil fronça les sourcils :

    -Pourquoi ?

    Ce fut à Soria de rappeler :

    -Vous venez de dire qu'il devenait fou.

    Azaque sursauta :

    -Complètement fou !

    La Saldrian reprit avec lenteur :

    -Alors, pourquoi ne pas avoir changé de chef avant qu'il ne soit trop tard ?

    Qizorc ricana :

    -Parce qu'on est tous plus ou moins fou. Qui que nous choisissions, il finira comme les autres, alors on se moque bien de savoir si le chef est fou ou pas.

    Ils éclatèrent de rire comme si cela était la chose la plus drôle au monde. Noré les fixa tous les trois et se souvint clairement d'eux lorsqu'ils l'avaient aidé à entrer dans la ville en quarantaine. De Azaque qui l'avait sauvé de ce Tiark qui, se prenant encore pour un loup, avait tenté de la chasser. La jeune fille n'avait rien remarqué à l'époque et le changement fut d'autant plus flagrant. Tous trois étaient proche de la folie et cela, en plus de la trahison de Teruret, la plongea dans un profond chagrin. Titian soupira :

    -Je suppose que l'on ne pourra pas compter sur les Tiark pour notre guerre.

    Ce fut comme si ces paroles avaient foudroyé les trois prisonniers. Ils s'accrochèrent aux barreaux, criant à tue-tête :

    -Pourquoi ? On veut y aller nous ! C'est vrai, c'est pas juste !

    -La ferme !

    Le cri de Soria fut radical et ils se turent tous les trois, la fixant avec attention :

    -Pourquoi voudriez-vous nous aider ? Votre chef n'en avait visiblement pas l'intention.

    Azaque répliqua, les yeux brillants d'un éclat fiévreux :

    -Il n'est plus là et il est fou, deux raisons qui font qu'il n'est plus notre chef. En ce qui nous concerne, on n'est pas du genre à refuser du gibier gratuit. Les Tiark commencent à mourir de faim par chez nous. Nous pourrons manger les ennemis, bien sûr ?

    Titian eut un demi-sourire et se gratta la tête :

    -Bien sûr.

    Meratir pâlit :

    -Vous n'allez pas laisser ces hommes dévorer des chevaliers ?!

    Cil le regarda d'un air hautain :

    -Pas nous, voyons, nous ne sommes pas fou.

    Azaque appuya :

    -C'est les loups qu'il vous faut. Croyez-nous, rien ne vaut un loup affamé.

    Soria réfléchit :

    -Mais comment utiliser les loups sans risquer de nous faire nous-même dévorer ?

    Titian ajouta :

    -Avec l'aide des sorcières, on pourra sûrement trouver quelque chose.

    Sur ce, il s'éloigna et avant de le suivre, Soria dit :

    -Je pense que vous devriez rester ici, au moins pour aujourd'hui. On ignore comment les autres réagiront à la trahison de Korrane. Je vais vous ramener à manger.

    Les trois Tiark acquiescèrent sans se plaindre et Noré, Soria et Meratir les laissèrent seuls. Ils revinrent vers le campement pour trouver Titian en pleine discussion avec son père. Soria alla prendre de la nourriture dans le tas de provision et repartit. Noré interpella Lyan :

    -Qu'est-ce que l'on va faire ?

    Il semblait soucieux et jeta un regard à tout ceux qui était debout avant de dire :

    -Il va falloir accélérer les choses je suppose. S'ils arrivent à prévenir le siège de notre position...

    Titian le coupa :

    -Comment feraient-ils ? Ils ne peuvent pas quitter cette île.

    -C'est vrai. Lançons des recherches, trouvons-les et arrêtons-les.

    Noré se racla la gorge pour attirer l'attention sur elle et comme les deux hommes attendaient qu'elle parle, l'adolescente dit d'un air gêné :

    -Titian, tu sembles oublier l'endroit où Awoni nous a emmené, là où il y avait la barque.

    La façon dont son visage perdit toutes couleurs montra que s'il avait oublié, le souvenir venait de lui revenir de manière terrifiante.

    -Où est-ce ?

    Titian fit face à Lyan et dut s'y prendre à deux fois avant de réussir à articuler :

    -C'est de là que l'on a embarqué, avant que l'on ne se fasse attaquer.

    Lyan passa une main réconfortante dans les cheveux courts de son fils, il prit entre ses doigts la fine tresse de cheveux châtains qui pendait près de sa tempe gauche :

    -Je me suis souvent demandé pourquoi tu gardais cette mèche. Elle a une signification spéciale ?

    La remarque réussit à lui tirer un demi-sourire et il repoussa la main de son père :

    -La ferme.

    Revenant au sujet de la discussion, Lyan demanda :

    -Vous pensez qu'ils pourraient fuir par là ?

    -Lorsque nous y étions allés, il n'y avait qu'une barque.

    A cet instant, Soria arriva et attrapant les dernières bribes de la discussion, leur rappela :

    -Il pourrait y avoir un bateau n'appartenant pas aux sorcières qui les attend.

    -De quoi tu... 

    Titian se tut et leva les yeux au ciel :

    -Oh, c'est pas vrai.

    Lyan les regarda les uns les autres et finit par demander :

    -Quoi, quel bateau ?

    -Le pirate aux cheveux océans.

    -Je l'avais oublié celui-là.

    Noré reprit la parole :

    -Doit-on aller voir ?

    Soria répartit :

    -Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Si le pirate est là, il risque de voir d'où l'on vient et d'attaquer.

    Noré rappela :

    -Ils ont déjà essayé une fois, le gardien des sorcières les a arrêté.

    Lyan haussa les sourcils :

    -Le gardien ?

    -Oui, une créature de feu.

    Le visage de Titian s'illumina sous l'inspiration :

    -Elles pourraient nous le prêter pour l'attaque ?

    Soria le prit par le bras :

    -Tu te rends bien sûr compte que toutes les créatures de cette terre n'iront pas en guerre.

    -Je veux seulement mettre toutes les chances de notre côté.

    -Lyan ?

    Le petit groupe se tourna vers Pakt qui s'était avancé :

    -Qu'est-ce qu'il se passe ? Certains prétendent avoir entendu une dispute ce matin.

    Lyan passa ses mains sur son visage d'un air las :

    -Je ne pense pas que l'on devrait leur cacher la vérité.

    Comme aucun ne s'opposa à cette idée, il alla parler à leurs compagnons. Cependant, Noré le retint pour lui dire :

    -Surtout, insiste sur le fait que les autres Tiark n'ont rien à voir la-dedans et qu'ils ont choisi de combattre avec nous.

    Titian ajouta :

    -C'est vrai, ils risquent de les massacrer sinon.

    Lyan hocha la tête et rejoignit les autres, accompagné de Pakt. Titian s'étira :

    -J'y vais aussi.

    -Où ça ?

    -Il faut que je vérifie quelque chose.

    -Quoi ?

    Il lui jeta un regard curieux avant de s'éloigner sans lui répondre. Lorsqu'elle se retrouva seule, Noré jeta un regard autour d'elle en se demandant ce qu'elle pourrait bien faire. Elle se mit à marcher sans but et tomba sur Meratir, assit à l'écart contre une cabane, fixant le sol. L'adolescente fit quelques pas dans sa direction avant de changer d'avis. Après les récents événements, elle doutait de lui être d'une aide quelconque. Prenant le partie de le laisser seul, Noré reprit le chemin qui montait vers la maison et s'arrêta pour voir les inventions. Les sorcières s'activaient en silence comme si elles savaient ce que chacune devaient faire, dialoguant de manière imperceptible. L'adolescente aurait été bien en peine de deviner sur quoi elles travaillaient. Toute les inventions avaient des formes biscornus, certaines semblaient bouger seules, toutes avaient la teinte bleutée du métal des sorcières. Tandis qu'elle flânait d'une invention à l'autre, la jeune fille aperçut Vino au loin en compagnie du garçon qu'elle avait sauvé du dragon. Elle marcha vers eux d'un air résolu :

    -Alors Bébé, comment cela se passe ?

    Le garçon sauta de joie :

    -Ce soir j'aurais mon nom.

    -Ton nom ? C'est vrai que tu ne me l'a jamais dit.

    Vino coupa d'un air glacial :

    -Il n'en a pas encore et lorsqu'il en aura un, tu ne le connaîtras pas.

    Noré resta un moment sans voix devant l'accueil de la sorcière, puis répliqua :

    -Je suppose qu'il y a une raison mystérieuse et ancestral à cela.

    Vino eut un sourire hautain et s'éloigna, mais le garçon s'attarda pour lui glisser :

    -C'est une règle, les Invisibles n'apparaissent qu'à ceux qui devinent leur noms.

    -Et comment on fait cela ?

    -Je ne sais pas.

    Elle le regarda avec méfiance et pointa la plume accrochée derrière son oreille :

    -N'oublie pas que tu as une promesse à tenir.

    Il répondit avec le plus grand sérieux :

    -Je n'oublie pas.

    -Très bien.

    Titian hurla du bas de la pente :

    -Noré !

    L'interpellée serra les dents avec exaspération avant de hurler à son tour :

    -Quoi ?!

    -Reviens et emmène la sorcière avec toi !

    -Quelle sorcière ?

    A vrai dire, elle se doutait bien qu'il s'agissait de Vino, mais le fait qu'il avait trop la flemme de monter la chercher lui-même l'exaspérée.

    -Celle avec des cheveux bizarres !

    -Elles ont toutes des cheveux bizarres !

    Il était retourné dans la forêt sans écouter sa réponse et Noré, ignorant les regards que les sorcières lui lançaient, alla chercher Vino. Elle se demanda si le pirate avait vérifié ce qu'il voulait. Si c'était le cas, cela avait été rapide. Lorsqu'elle retrouva la sorcière, celle-ci ne cacha pas son mécontentement en entendant qu'on la demandait au campement :

    -Vous vous rendez compte que j'ai autre chose à faire que de m'occuper de vos histoires ? J'ai des inventions à mettre en place.

    Pourtant, elle suivit Noré au campement sans se faire prier et Bébé courut s'accrocher à la jeune fille pour les accompagner. Titian, Lyan, Soria et Pakt discutaient en cercle et s'écartèrent pour y faire entrer les nouveaux venus. Vino demanda avec humeur :

    -Qu'est-ce qu'il y a encore ?

    Titian dit avec fierté :

    -Nous avons un peu fignolé le plan.

    Noré fronça les sourcils :

    -On ne devait pas attendre de savoir qui se battra ?

    Lyan expliqua :

    -Avec le plan que l'on a, ils seront peut-être plus disposés à se battre.

    Vino intervint :

    -Qu'est-ce que les sorcières ont a voir là-dedans ?

    -Elles sont primordiales puisque c'est de vous que dépendra notre victoire.

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