• Chapitre 22

    Milen était impuissante. En voyant les deux créatures se dirigeaient vers elle, elle n'avait pas essayé de s'enfuir. A quoi bon ? Elle n'aurait jamais pu leur échapper. Le sol s'était soudan ouvert sous Lutinor et elle espérait qu'il avait réussi à s'en sortir. La vieille femme ferma les yeux un instant. Elle n'aurait sut dire si elle avait peur de mourir. Sans doute un peu, mais au moins, il valait mieux elle que Lutinor. Je suis vieille. Cette pensée la réconforta à demi car dans le même temps, elle pensa : C'est dommage, ma vie était enfin intéressante.

    En rouvrant les yeux, elle vit l'énorme patte du monstre balayait l'air dans sa direction. Par réflexe, elle se laissa tomber au sol. La créature la frôla de peu avant de fracasser une colonne à demi-effondré à proximité. Milen vit une des pierres fondre sur elle sans qu'elle n'est le temps de réagir. Elle fut touché à la tête et s'effondra.

    Les yeux à peine ouvert, elle se redressa aussi rapidement que possible. Il semblait que finalement, elle refusait de mourir aussi facilement. Debout, elle s'étonna de ne ressentir aucune douleur. Elle tâta son front, là où la pierre l'avait frappé, mais ne trouva nulle trace de sang.

    -Tu n'as pas le choix.

    Milen fit volte-face pour voir d'où venait la voix et découvrit la ville vieille telle qu'elle était autrefois, pleine de couleur. Je suis sans doute inconsciente. Elle s'approcha de la porte de la pièce. Derrière, un large espace était occupé par les dieux d'origine disposés en cercle. En son centre, Minau se tenait bien droit devant son frère. Le dieu qui venait de parlé, reprenait :

    -Nous ne désirons pas en arriver là, mais tu ne nous offre pas d'autres options.

    Minau resta silencieux.

    -Tu pourrais nous enseigner à créer, c'est une autre possibilité.

    Minau leva les yeux vers le dieu :

    -Je ne peux pas. Il faut de l'imagination, vous n'en avez pas.

    Il y eut des murmures courroucés dans la salle avant que le dieu qui semblait être le chef de cette assemblée, ne lève la main pour les apaiser :

    -Comment le sais-tu ?

    Minau ne l'avait pas quitté du regard et s'est toujours sans broncher qu'il dit :

    -Parce que vos mondes auraient survécu.

    Il y eut un silence lourd de tension, mais le dieu restait calme :

    -Et comment expliques-tu que tu sois le seul qui soit pourvu... d'imagination ?

    Minau haussa les épaules :

    -Je l'ignore, je ne me suis pas fait que je sache.

    Le dieu jeta un regard vers le jeune Charon. Celui-ci se recroquevilla derrière son frère.

    -Mais tu l'as fait, lui. Comment ?

    Minau se déplaça légèrement pour que les yeux du dieu revienne sur lui :

    -Je l'ai imaginé.

    Le dieu inspira profondément, retint sa respiration comme s'il tentait de garder son calme :

    -Alors, il n'est pas réel.

    Minau parla avec une pointe de colère :

    -Il l'est autant que vous. Autant que ces mondes que vous avez créé.

    Le dieu répartit sur le même ton :

    -Ces mondes ne sont pas réels, ce n'est que pour passer le temps.

    -Ils le sont ! Sinon, pourquoi autant vous acharnez à les recommencer ? S'ils n'avaient rien de réels, vous seriez passé à autre chose, mais vous vous y êtes attachés par ce que vous ne supportez pas de les voir disparaître.

    Le dieu serra les poings et Milen craint un instant que la discussion ne dégénère en combat. Cependant, le dieu se maîtrisa :

    -Je ne pense pas que tu y vois clair. Si nous voulons créer un monde viable, c'est que nous sommes frustrés d'avoir eu tant d’échec. Nous sommes des Dieux, nous pouvons tout faire.

    Minau ricana :

    -Si c'est juste ça, alors vous ne réussirez jamais.

    Le dieu eut un air indulgent qui n'augurait rien de bon :

    -Nous pouvons. Si tu nous laisse étudier ton frère ou ton monde.

    Minau se crispa.

    -Soit raisonnable, c'est le seul choix qui s'offre à toi. Ton frère ou ton monde.

    Le jeune dieu fixa le sol un instant :

    -Et qu'arrivera-t-il quand vous aurez détruit mon monde sans que cela ne vous apporte la moindre réponse ?

    Le Dieu eut un ricanement sinistre :

    -Nous penses-tu si incompétent ?

    Minau releva les yeux sur lui :

    -Le fait de prendre un monde qui existe déjà ne changera rien. Vous n'êtes pas fait pour ça, c'est tout. Cherchez donc un autre hobby.

    Ce fut une déesse qui lança finalement avec colère :

    -Le frère ou le monde ?!

    Minau ne fit même pas mine de se tourner vers elle. Il dévisageait avec insistance le chef de l'assemblé. Cependant, il finit par dire :

    -Mon monde.

    Les dieux disparurent. Certains se fondirent dans le sol, certains s'enflammèrent, d'autres s'effacèrent simplement. Bientôt, il ne resta que Minau et son frère.

    -Va te cacher.

    Le jeune Charon fit face à son frère :

    -Tu ne crois pas qu'ils pourraient y arriver ? En étudiant la façon dont tu as créé ton monde, ils pourraient réussir.

    Le visage attristé Minau eu un sourire sans joie :

    -Non, ils n'y arriveront pas. Et quand ils auront détruit mon monde, ils penseront qu'ils auront plus de chance avec toi.

    Le jeune Charon fronça le nez :

    -Il nous faut un plan, grand frère. Je ne vais pas pouvoir vivre ma vie caché. De toute façon, ils me trouveront un jour ou l'autre.

    Minau hocha la tête :

    -Je sais. Ne t'inquiète pas j'y réfléchit déjà. Va te cacher.

    L'adolescent acquiesça avant de s'éclipser promptement.

    Un temps, Minau resta sans bouger avant de faire le tour de la pièce du regard. Milen eut le sentiment que c'était elle qu'il cherchait, alors elle approcha doucement. Il sourit en l'apercevant :

    -Je me doutais que vous seriez dans le coin.

    La vieille femme lui rendit son sourire en attendant qu'il reprenne la parole.

    -Comment faites-vous ça ?

    Elle lui lança un regard interrogateur et il précisa :

    -Apparaître comme ça, sans être vraiment là.

    Milen se demanda si elle pouvait en parler. Il n'était jamais arrivé qu'un oracle puisse communiquer avec ses visions. Devant l'air fatigué du petit dieu, elle répondit doucement :

    -Je suis en train de rêver.

    Minau fronça les sourcils :

    -Rêver ? Est-ce que ça veut dire que je ne suis pas réel.

    La vieille femme secoua la tête :

    -Non, je rêve du passé ou du futur, cela dépend. Je suis un oracle.

    Minau la dévisagea avec intérêt :

    -Le passé ou le futur ?

    Il regarda autour de lui :

    -Le mien ? Est-ce pour cela que je suis le seul à te voir ?

    Milen hésita un instant avant de répondre :

    -Pas exactement. Je suis actuellement dans le passé, mais c'est le votre sans l'être.

    Le dieu réfléchit quelques secondes avant d'avouer :

    -Je ne comprend pas.

    Elle sourit :

    -Moi non plus, je vous assure.

    Minau ajouta :

    -C'est parce que tu es une oracle que tu es comme cela ?

    Milen ne comprit pas :

    -Comme quoi ? A moitié transparente ?

    Il rit :

    -Non, tout ces traits sur ton visage.

    Elle eut l'air surprise :

    -Les rides ? Mais c'est parce que je ne suis plus toute jeune vous savez.

    Minau l'observa avec amusement :

    -Comment pourrais-tu ne plus être jeune ?

    Milen le dévisagea avec incompréhension avant de réaliser qu'il vivait dans un monde peuplé de dieux immortels. Elle dit avec douceur :

    -Je ne suis pas une divinité, en fait.

    Minau continua de sourire :

    -Que pourrais-tu être d'autre...

    Il s'arrêta soudain pour se tourner vers la porte par laquelle son frère avait disparu. Il revint vers elle, de nouveau sérieux :

    -Tu es... humaine ?

    Elle hocha la tête.

    -Mais c'est impossible.

    Elle battit des paupières :

    -Pourquoi cela ?

    Minau répondit d'une voix peu assuré :

    -Parce que les humains ne vieillissent pas comme ça.

    La vieille femme croisa les bras :

    -Ah non ? Et comment alors ?

    Minau expliqua :

    -Ils sont liés à ma pensée et je les fais grandir en observant le développement de mon frère.

    L'oracle réalisa ce que cela impliqué :

    -Vous voulez dire que pour l’instant, votre monde est peuplé d’adolescent ?

    Minau répondit d'un ton hésitant :

    -Peut-être.

    Milen comprit que ce terme n'existait probablement pas et dit :

    -Je viens du futur, n'oubliez pas. Quand votre frère vieillira, il finira par ressembler à ça. C'est sûr, ça ne fait pas plaisir, mais on s'y fait.

    Minau eut un rire léger :

    -Donc, finalement, j'ai réussi à sauver mon monde ?

    Milen haussa les épaules :

    -Je l'ignore. J'ignore pourquoi vous pouvez me voir et comment j'arrive à vous parler.

    Minau fronça les sourcils :

    -Savez-vous pourquoi moi ? Pourquoi c'est mon passé que vous voyez ?

    La vieille femme hésita de nouveau avant de répondre. Pourtant, si quelqu'un pouvait avoir des réponses, c'était bien lui.

    -Je suis l'oracle d'un dieu appelé Lutinor.

    Minau secoua la tête :

    -Cela ne me dit rien.

    Elle précisa :

    -Ce dieu, c'est vous.

    Il rit doucement :

    -Je m'appelle Minau...

    Elle le coupa :

    -Non, je veux dire, qu'il vous ressemble comme deux gouttes d'eau.

    Le dieu pencha la tête sur le côté :

    -C'est impossible.

    -C'est ce que nous nous disons aussi, mais nous ignorons pourquoi...

    Elle s'arrêta, sa vision était devenu flou. Je me réveille. Elle tenta de se raccrocher encore à la pièce pour continuer de parler, mais sa lutte fut vaine et elle ouvrit les yeux.

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