• Chapitre 21

    Miral était curieux de savoir en quoi ça consistait. Pendant qu’Ylios tirait sur le bras de Tremon pour le relever, il expliqua :

    -Quand on a bougé les étagères, j’ai vu qu’il y avait un trou dans le mur. Je l’ai bouché pour éviter qu’on ait un courant d’air.

    Il s’accroupit devant l’étagère sur laquelle Tremon s’était appuyé et bougea quelques pots. Cela finit par découvrir un point de jour passant par un trou moins gros que son poing. Miral fronça les sourcils :

    -Qu’est-ce que tu veux que l’on fasse avec ça ?

    Ylios sourit :

    -Nous rien, juste toi.

    Miral leva les yeux au ciel :

    -Pourquoi toujours moi ?

    Tremon ricana :

    -C’est ton destin que veux-tu.

    Miral lui répliqua :

    -Et regardez qui est content.

    Ils ignorèrent la remarque et Ylios expliqua en se relevant :

    -Tu vas te transformer et partir à la rechercher de Seih. Quand tu l’auras trouvé, reviens nous dire ce qu’il en est. Nous, on reste là pour couvrir ton absence au cas où. Si, comme le croit Tremon, ils nous cachent l’état réel de Seih, alors on cherchera un moyen de partir.

    Miral hocha la tête :

    -D’accord, mais pourquoi pas Gialema ? Une souris aussi passe par ce trou, plus facilement même.

    La jeune fille répliqua avec un demi-sourire :

    -Je ne tiens pas assez longtemps la transformation.

    Miral lui rendit son sourire :

    -La bonne excuse. Tu te rends compte qu’un jour, elle ne marchera plus.

    Tremon lui envoya un léger coup de pied dans les jambes :

    -D’accord, d’accord. Allez, dépêche-toi. Vaut mieux pas traîner.

    Le garçon grogna en se relevant :

    -Ça va, j’y vais.

    Il s’avança vers le trou, puis se retourna une dernière fois. La main sur le cœur, il annonça d’une voix mielleuse :

    -Si je ne revenais pas, sachez que… je vous aime. Tremon un peu moins, mais un peu quand même.

    Ylios et Gialema se mirent à rire alors que Tremon lancer avec une exaspération amusée :

    -Bon, tu te casses, oui ? C'est pas vrai ça.

    Miral se transforma et se glissa dans le trou. Lorsqu’il se laissa tomber sur le sol de l’autre côté, il aperçut un groupe de trois hommes qui discutaient, l’air de rien, mais ils jetaient des regards lourds de sens à la cabane. Donc, ils nous surveillent bien, comme le pense Tremon. A mois qu’ils ne soient là pour nous protéger au cas où. Il rampa vivement derrière une pierre. Il y avait peu d’herbe et de cachette naturelle possible au sein du village à cause des déplacements permanents des habitants. Miral se concentra, autant que possible, pour trouver la trace d’une odeur ou d’un son qui lui indiquerait où se trouvait Seih. Il força sur sa vue pour voir dans les interstices des planches des cabanes alentours sans succès. Le python avisa un tas de bois pas très loin et s’élança pour se cacher derrière. Il recommença son inspection sans plus de succès.

    Il lui fallut un bon moment avant de saisir l’odeur de son amie. Miral arrivait au bout de sa transformation et cherchait déjà un endroit pour reprendre forme humaine un instant, quand il l’avait repéré. L’odeur venait d’une des cabanes en bordure du village. Celle-ci n’avait rien de différente des autres, à part que Seih se trouvait à l’intérieur, il n’en doutait pas. Faisant un effort pour rester python et espérant que les lieux soient vides, il fit le tour pour trouver une entrée. Rien n’aurait pu lui permettre de pénétrer à l’intérieur. Il hésita quelques secondes, mais n’en pouvant plus, il reprit forme humaine et entra précipitamment par la porte. Le garçon trébucha, fatigué et la referma d’un coup de pied. Miral resta un instant au sol, haletant, les yeux fermés. Enfin, il se redressa, observa les alentours, soulagé de ne voir personne.

    La pièce était assez grande, servant de cuisine et de lieu pour manger. Deux portes se présentaient à lui. Il se fia à son odorat pour prendre celle sur la gauche. Sur un lit, Seih était étendue sur le côté. Une vague de soulagement le submergea en la voyant respirer. Il sourit en approchant :

    -Hey, Seih ?

    Il hésita à parler fort ou à la secouer. Après tout, les grenouilles n’avaient pas menti finalement. S’il lui fallait du repos, il ferait mieux de repartir. Pourtant, l’adolescent préférait être sûr qu’elle allait bien, alors il la secoua doucement par l’épaule :

    -Seih ?

    La jeune fille fronça les sourcils dans son sommeil et grommela des mots inintelligibles. Miral se refusa finalement à la réveiller. Il vaut mieux retourner avec les autres. Au fond de lui, il était bien content d’avoir la preuve que Tremon avait tort, mais bon, il tâcherait de ne pas trop jubiler en l’annonçant. Le garçon eut un petit rire de triomphe alors qu’il commençait à s’éloigner.

    -Mi…ral ?

    Il s’arrêta et revint vers Seih précipitamment :

    -Oui, je suis là.

    La jeune fille n’avait pas ouvert les yeux, chaque mots semblaient lui coûter un effort incommensurable.

    -Où… sont…

    Afin de lui épargner des efforts, Miral parla en espérant répondre aux questions qu’elle pouvait poser :

    -Ne t’inquiète pas. On est en sécurité. On est sur une île, dans un clan avec que des grenouilles. Elles t’ont soigné, bientôt tu iras mieux. Il faut que tu te reposes.

    A cela, elle ne répondit qu’un simple mot :

    -Non.

    Il fronça les sourcils :

    -Quoi, non ?

    Seih eut une grimace de douleur alors qu’elle tentait d’inspirer profondément pour pouvoir glisser dans un souffle :

    -Aide-moi.

    Le peu de conscience qu’elle semblait avoir pu concentrer s’évanouit. Ses traits se détendirent, sa respiration reprit la régularité du sommeil. Miral restait interdit, figeait par ces paroles. Il allait tenter de la réveiller à nouveau quand la porte s’ouvrit.

    -Qu’est-ce que vous faites là ?

    Un couple apparut sur le pas de la porte. Miral se releva, paniqué, le cœur battant, il se mit à bredouiller :

    -Désolé, il y avait… avec les autres dans le village. On s’inquiétait alors…

    La femme lui sourit :

    -Je comprend. Ne vous inquiétez pas, on ne la quitte pas des yeux. Driln va vous raccompagner à votre cabane.

    Miral hocha la tête et rejoignit l’homme qui se dirigeait vers la sortir. Au moment où il allait passer la porte, la femme demanda, l’air de rien :

    -S’est-elle réveillée pendant notre absence ?

    Le garçon secoua la tête avant de suivre son guide. Les quelques mots de Seih avaient éveillé sa méfiance. Finalement, Tremon pouvait bien être dans le vrai. Il garda les yeux fixés sur le dos de Driln, guettant le moindre geste suspect. Mais peut-être qu’il réfléchissait trop. Peut-être que Seih n’avait pas réalisé qu’elle était en sécurité, peut-être qu’elle se croyait encore chez les Errants. Miral ne réussit pas à se convaincre. Il avait hâte de rejoindre les autres pour avoir leur avis. Aucun doute que Tremon voudrait prendre la poudre d’escampette aussitôt.

    Le python sentit son guide se crisper tout à coup avant de s’arrêter. Ils n’étaient pas encore arrivés, mais Miral comprit aussitôt ce qui avait obligé l’homme à se figer. Cette fois, la présence de l’anaconda était oppressante. L’adolescent ne ressentit pas de menace, mais il n’était pas une petite grenouille non plus. La femme qui sortit de derrière une des cabanes était grande, son nez et ses lèvres étaient inexistants. Elle avait de long cheveux noirs, raides et fins attachés dans le dos. Sa peau noire était tendue comme prête à se déchirer et elle progressait en longues enjambées silencieuses. Miral se demandait pourquoi elle dévoilait sa présence maintenant quand les paroles de Til lui revinrent en mémoire. Elle veut me capturer pour me livrer aux Errants. Son guide lui saisit alors le bras pour l’entraîner vers la cabane où se trouvait ses amis. Le garçon le laissa faire, jetant des regards par-dessus son épaule vers la femme qui les suivait. Un sifflement persistant sortait de ses lèvres plus pour agacer la grenouille qu’autre chose. Cela sembla fonctionner, puisque Driln s’arrêta soudain pour lui faire face :

    -Ça suffit ! Rejoignez les autres ! Vous n’avez pas le droit de vous promener dans le village sans escorte.

    La femme battit des paupières d’un air innocent. Voyant qu’elle n’était nullement intimidée, il perdit un peu de son assurance en disant :

    -Je vous demande de retourner d’où vous venez. Vous ne pouvez pas nous suivre, il suffit que j’appelle et vous savez que les miens viendront.

    La femme laissa courir ses yeux verts sur les alentours comme pour montrer à la grenouille qu’il n’y avait personne alentours. Pourtant, elle finit par tourner les talons et s’éloigna tranquillement. Miral entendit son guide soupirer avant de se remettre en route. Tandis qu’ils marchaient, il dit :

    -Surtout, méfiez-vous d’eux. Ils n’hésiteront pas à vous livrer aux tarés s’ils vous tombent dessus.

    Miral hocha la tête :

    -Oui, Til nous en a parlé.

    -Alors vous devriez éviter de vous balader seul comme vous venez de le faire.

    Le garçon plissa les yeux. Je fais encore ce que je veux, merci. Cependant, il savait que ce n’était plus le cas. Depuis l’arrivée des six autres, il était clair qu’on ne les laisserait plus faire ce que bon leur semblait. Lorsqu’ils furent enfin en vue de leur cabane, ils croisèrent Til qui apportait le repas. Elle fut étonnée de voir Miral et passa du garçon à la petite baraque plusieurs fois avant de dire :

    -Je croyais qu’il était avec les autres.

    Driln ricana :

    -Apparemment non, tu ne les as pas enfermé ?

    La jeune fille haussa les épaules se moquant royalement du ton de reproche qu’il avait employé.

    -Je pensais qu’ils resteraient en sécurité de toute façon.

    -Et si les chefs avaient voulu les prendre, ils n’auraient eu qu’à entrer !

    Til sembla réfléchir quelques instants avant de dire :

    -Ah oui.

    L’homme avançait déjà pour ouvrir la porte quand elle ajouta :

    -Mais on les aurait vu de toute façon. Mon père et moi, on se relai pour garder un œil sur la cabane. Le chef nous l’a demandé.

    L’homme s’arrêta :

    -Et vous n’avez pas vu sortir celui-là ?

    Miral retint une grimace, veillant à ne pas détourner le regard quand il le fixa dans les yeux. Avec le trou dans le mur, ils avaient une chance de s’échapper, mais si l’homme devinait son existence, il veillerait sans doute à le reboucher et avec la porte fermait à clé, ils seraient définitivement prisonnier. Til le soulagea en disant :

    -Eh bien, il a fallu que je fasse à manger quand mon père est sorti. Le chef l’a convoqué.

    L’homme soupira d’exaspération :

    -Donc, ils sont restés un moment sans surveillance.

    Pas émue le moins du monde, Til haussa les épaules :

    -Il faut croire.

    L’homme leva les yeux au ciel en ouvrant la porte et poussant Miral à l’intérieur :

    -Je sais que vous n’avez pas conscience de ce qu’il se passe en ce moment, mais si vous voulez rester en vie, ne bougez plus de là.

    Til donna le plateau à l’adolescent en souriant avant de refermer la porte. Cette fois, il entendit clairement la clé tourner dans la serrure. Quand il se tourna vers ses amis, les trois l’observaient avec des regards interrogateurs. Tremon lança :

    -Doit-on en déduire que cela ne s’est pas vraiment passé comme prévu ?

    Miral lui sourit.

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