Lutinor commençait à sérieusement s’inquiéter. Charon lui avait dit de faire ce qu’il voulait concernant le sceau. Il pouvait ou non continuer à essayer de le voir, mais Lutinor ne pouvait s’empêcher de penser que Charon était en train de perdre espoir le concernant.

Le petit dieu marchait à travers les marais, tête basse, le cœur lourd. Milen et le sans-âme continuaient leurs messes basses, pourtant, Lutinor ne s’inquiéter pas de ça. Charon savait surement mieux que lui ce qu’il était en mesure de savoir ou non. Ce qui vraiment l’angoissait, c’était que le sans-âme décide de partir. Il s’était habitué à l’avoir près de lui après tout ce temps. Lutinor soupira. Je ferais sans doute mieux de lui parler. Si je promets de faire encore plus d’effort, ça ira surement mieux.

-Dieu Lutinor !

Le petit dieu sursauta en se tournant vers Gardia qui s’approchait à grands pas. Lutinor sourit :

-Tu devrais m’appeler Lutinor. Ça fait trop bizarre avec dieu avant.

La sans-âme haussa un sourcil avant de tendre son bras :

-Savez-vous ce que c’est ?

Lutinor aperçut trois petits anneaux emboités sur son poignet :

-Je ne sais pas, pourquoi ?

Gardia les observa, tout en gardant un œil sur le petit dieu :

-Je l’ignore. Ils ont commencé à apparaître depuis que je suis ici.

Lutinor réfléchit un instant, mais aucune raison expliquant ce phénomène ne lui vint à l’esprit :

-Je ne pense pas que Charon te fasse une blague.

Il sourit de toute ses dents, mais Gardia ne comprit pas ce qu’il y avait d’amusant. Voyant cela, Lutinor reprit son sérieux :

-Est-ce que c’est douloureux ?

Gardia secoua la tête :

-Non, seulement, il y en a encore qui apparaisse. C’est étrange, cela ne m’est jamais arrivé avant. Charon ne semble pas savoir non plus de quoi il s’agit.

Lutinor fut surpris :

-Je croyais qu’il savait tout sur tout. Tu lui en as parlé alors ?

Gardia observa encore son poignet avant de baisser son bras :

-Il a les même.

Lutinor ouvrit des yeux ronds :

-Quoi ? vraiment ?

Gardia tourna soudain la tête et resta immobile un instant avant de lancer :

-Retournez auprès de Charon.

Lutinor jeta des regards alentours :

-Qu’est-ce qu’il y a ?

Une lance à deux lames apparut dans les mains de Gardia :

-Des gardiens, nombreux. Courez.

Lutinor tourna les talons en jetant un regard vers la jeune femme dans sa fuite. Il accéléra. Charon pourrait l’aider à combattre, alors que lui était inutile. Il était à peine en vue du temple qu’il aperçut Charon courir à sa rencontre. Lutinor n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche que le sans-âme lui lancé :

-Va dans le temple !

Lutinor obéit, continuant sa course. Il retrouva Milen qui se tordait les mains d’angoisse près de l’autel. En l’apercevant, elle ouvrit les bras :

-Oh, mon petit dieu, j’étais si inquiète.

Lutinor l’étreignit un instant avant de demander :

-Tu sais ce qu’il se passe ?

Milen secoua la tête :

-Je l’ignore. Je parlais avec Charon quand il est parti soudain en me disant de ne pas mettre un pied dehors.

Des bruits de combat résonnèrent sur les marécages. Lutinor se dirigea vers la porte, mais Milen l’arrêta :

-Charon ne veut pas que nous sortions.

Lutinor se recula. De toute façon, je leur servirais à rien.

Ils attendirent en silence durant quelque minute. Puis, le fracas du combat se rapprocha du temple. Cette fois, Lutinor ouvrit la porte.

Charon n’était qu’à quelques pas du temple. Trois gardiens lui tournaient autour. L’un d’eux vola pour s’écraser au loin et le sans-âme en enflamma un deuxième. Quand Lutinor se rassura de voir que ce serait désormais un face à face, quatre autres gardiens sortir des eaux pour encercler Charon. Lutinor allait crier pour l’avertir au moment où une lance de lumière traversa l’un d’eux, puis, Gardia apparut aux côtés de Charon. Lutinor se sentit soulager mais cela ne dura qu’un court instant. Quatre autres gardiens arrivèrent du chemin traversant les marais, leurs colliers d’or brillant sous le soleil. D’autre encore apparurent et Lutinor sentit l’angoisse l’étouffer au fur et à mesure que Charon et Gardia furent submergés par leurs adversaires. Je dois faire quelque chose. Pourtant, il manquait de confiance. Après tout, la dernière fois, il avait figé Charon sans le vouloir et il ignorait encore comment annuler un sort. Si je rate, ils se feront tuer. Il entendait les cris, des gardiens tombaient, disparaissaient, mais d’autre revenait sans cesse. Lutinor était figé, les larmes lui montèrent aux yeux quand soudain, un mot apparut.

-Xeresil !

Les eaux rances des marais se levèrent encore et encore jusqu’à former une vague gigantesque qui déferla sur les gardiens. Quand elle passa, il ne resta plus rien sur le passage. Un autre mot apparut à Lutinor :

-Sherdep !

Les eaux s’ouvrir sur sa droite et Charon sortit, crachant, toussant, Gardia accrochait à lui. Lutinor courut vers eux :

-Charon ! Gardia ! vous êtes blessés ?

Le sans-âme se redressa pour le dévisager avec surprise :

-C’est toi qui a fait ça ?

Lutinor s’accroupit pour se mettre à sa hauteur :

-Oui, je suis désolé. Je ne savais pas que cela emporterait tout le monde.

Gardia se laissa tomber sur le sol en gémissant. Lutinor vit alors une plaie au niveau de ses côtes. Il pâlit :

-Charon, elle est blessée. Il faut la soigner.

Le sans-âme se leva en grimaçant, prit Gardia dans ses bras et l’emporta vers la maison. Lutinor courut chercher Milen :

-Viens vite ! Gardia est blessée.

La vieille femme les rejoignit dans sa chambre où Charon avait posé la gardienne sur le lit. Comme Milen s’approchait pour voir la blessure, Lutinor s’approcha du sans-âme pour murmurer :

-Tu ne peux pas la soigner ? avec un sort, quelque chose comme ça ?

Charon grimaça :

-Mes soins sont un peu rouillés. Je ne les ai pas utilisés depuis des siècles. Cela pourrait aggraver sa plaie.

Lutinor ne put s’empêcher de singer :

-Je ne les ai pas utilisés depuis des siècles. Frimeur.

Charon l’ignora, l’air soucieux. Si bien que Lutinor finit par demander :

-Tu crois que c’est grave ?

Sortant de sa réflexion, Charon demanda :

-Quoi donc ?

Le dieu pointa Gardia du menton :

-Sa blessure.

Le sans-âme secoua la tête :

-Je ne pense pas. Je l’ai entendu se soigner lors du combat, elle n’a probablement pas pu finir son incantation.

Lutinor fut soulagé :

-Donc, elle est quand même un peu soignée.

Charon hocha la tête :

-Je pense.

-Alors, pourquoi tu es si soucieux.

Le sans-âme le dévisagea :

-On vient d’être attaqué par une douzaine de gardiens, je crois que l’on a de quoi se faire du souci.

Lutinor se sentit rougir de honte sous le regard réprobateur de Charon :

-Oui, c’est vrai. Pardon.

Une main lui ébouriffa les cheveux :

-Ne fais pas cette tête. Je suis fatigué, c’est tout.

Lutinor hocha la tête :

-Va te coucher. Je m’occupe de tout.

Charon laissa échapper un petit rire avant de regagner sa chambre. Quand sa porte se referma, Lutinor s’approcha de Milen :

-Alors ?

La vieille femme s’écarta pour répondre :

-Ce n’est pas profond. Apparemment, elle a réussi à soigner le plus important. Je vais lui faire un bandage, le temps qu’elle récupère.

Lutinor acquiesça avant de retourner vers le temple où il s’allongea sur l’autel. Pendant un long moment, il resta les yeux fixés sur le plafond, sans penser à rien d’autre que le combat qui venait de se dérouler sous ses yeux.

-A quoi songez-vous ?

Il ne prit pas la peine de tourner la tête pour voir Milen et se contenta de répondre sans quitter le plafond des yeux :

-Pourquoi ils nous ont attaqués ?

Milen soupira :

-Sans doute que vos dernières actions ne sont pas passé inaperçu ?

Le petit dieu fronça les sourcils :

-Tu crois que ce serais une des divinités du coin ?

Il pensa à l’ancien maître de Gardia.

-Ce n’est pas une divinité.

Cette fois, Lutinor tourna la tête, surpris d’entendre la voix de Charon. Le jeune homme s’approcha :

-Une simple divinités ne peut avoir autant de gardiens.

Lutinor se redressa :

-Il y a un nombre limite ?

Charon hocha la tête :

-Une divinité peut avoir un gardien, peut-être deux. Seul un dieu puissant peut en avoir plus.

-Ils avaient des colliers d’or.

Charon hocha encore :

-Et un seul dieu met des colliers d’or à ses gardiens.

Milen et Lutinor échangèrent un regard avant de demander en chœur :

-Qui ça ?

Charon se perdit encore dans ses réflexions et quand il parla se fut pour dire :

-Je vais partir pendant quelque temps. En mon absence, Lutinor, contente toi de fixer le mur. Ne sors pas du temple. Pareil pour toi Milen.

Les deux se contentèrent d’hocher la tête pour montrer leur consentement. Comme Charon sortait du temple, Lutinor lui courut après :

-Tu vas revenir ?

Le sans-âme parut étonné :

-Bien sûr. Nous n’avons pas fini ta formation.

Lutinor tritura sa manche en disant marmonnant :

-Ah, parce que je n’ai pas l’impression de beaucoup avancé.

-Tu es doué.

Le petit dieu leva les yeux :

-Qui ça ?

Charon sourit :

-Toi. Tu es plus puissant que tu ne l’imagine et plus doué que tu ne le penses. Tu fais des choses que tu ne devrais pas pouvoir faire, sans même t’essouffler.

Lutinor était bouche bée. Charon ajouta :

-Je pars maintenant, mais je ne crois pas que vous serez en danger. Continue à faire ce que tu fais et tu ne craindras rien.

Le petit dieu le regarda s’éloigner sans savoir quoi dire.