• Chapitre 15

    C'était la première chose qui lui était venu à l'esprit. Mais maintenant, Noré se demandait si elle n'aurait pas dû engager la conversation autrement. Soria avait arrêté de respirer. Son regard était toujours posé sur Noré, pourtant elle avait l'air absente. Le rouge lui monta aux joues, ses yeux s'embuèrent et d'une voix coupait à la recherche d'air, elle demanda :

    -Où ? Comment ?

    Noré lui prit la main et lui expliqua calmement tout ce qui c'était passé. Soria tremblait, l'écoutant avec attention et quant elle eut fini, Noré craignit qu'elle ne veuille retourner au siège pour voir le pirate. Pourtant, la Saldrian resta dans ses pensées avant de se lever et de s'éloigner. La jeune fille la regarda marcher lentement le long du chemin. Elle attendit patiemment que Soria revienne et quand elle le fit, ce fut d'un pas assuré, le visage résolu. Elle s'assit près de l'adolescente et dit :

    -Il faut mettre tous ces gens en sûreté.

    -Oui, mais comment ? Pour peu que je me rappelle de tous ceux qui pourrait être visé, comment les retrouver ?

    Deux petits bras surgirent autour de son cou :

    -J'ai fini de manger.

    -C'est bien, bébé.

    Soria s'appuya sur ses bras, les yeux au ciel et Noré continua de chercher une solution pour protéger tout le monde. Soudain, la Saldrian se redressa, tapant dans ses mains ce qui lui fit faire un bond :

    -Je sais !

    -Quoi ?

    -Les sorcières !

    Noré la regarda sans comprendre et Soria poursuivit sa pensée :

    -Elles peuvent aller n'importe où, retrouver n'importe qui et où, mis à part dans la cachette méconnue des sorcières, est-on le plus en sûreté ?

    Un sourire étira les lèvres de Noré :

    -Nulle part.

    Un poids s'envolait de ses épaules, bien que d'autres problèmes se présentaient. Notamment, comment retrouver les sorcières ?

    -Vous devriez rentrer, il va faire nuit.

    Obéissant à Téline, ils retournèrent à l'intérieur et la femme installa des sacs remplis de paille sur le sol, au pied du lit où se trouvé Xilanos.

    -On va être serré.

    Noré haussa les épaules :

    -C'est pas grave. Ce sera toujours mieux que ce que j'ai connu ces derniers temps.

    Soria renchérit :

    -De toute façon, les chevaliers dormiront dans la pièce à côté. N'est-ce pas les garçons ?

    Les jumeaux étaient restés si discrets que Noré avait presque oublié leur présence. A la question de la Saldrian, ils hochèrent la tête avec vigueur. La jeune fille regarda son amie en se demandant ce qu'elle avait bien pu leur faire. Téline leur donna de quoi dormir et ferma la porte. Noré s'allongea près du lit et regarda Xilanos qui n'avait pas bougé. En se disant que les sorcières pourrait sans doute le sauver, cela la conforta dans l'idée que ces femmes étaient la solution à tous ses problèmes.

    Quand l'adolescente ferma les yeux, ses vieux cauchemars revinrent. Le pirate aux cheveux océan la poursuivait, couteau en main sur l'île aux brumes. Tout autour le rire fou de la créature raisonné. Puis, une goutte lui tomba sur le visage et une partie de son cerveau commença à réaliser que ceci ne faisait pas partie du rêve. Il fallut du temps avant qu'elle ne reprenne pied et ouvre les yeux, et à nouveau quelques secondes avant de comprendre que le bras tombait au bord du lit couvert de sueur et tremblant était celui de Xilanos. Noré se redressa d'un bond pour voir ce qui se passait. Le garçon était en nage, le corps secoué de soubresaut, toujours inconscient. Elle cria :

    -Téline ! Réveille-toi, il se passe un truc avec Xilanos ! Vite !

    Soria s'était levée aussitôt, mais Téline mit un peu plus de temps à réaliser la situation. La Saldrian se pencha sur l'Aurien :

    -Ils ont du lui donner quelque chose, c'est pas possible.

    -Quoi ?

    -J'en sais rien. Les fileurs sont très professionnels quand il s'agit de torture.

    Noré jeta un regard implorant à Téline, mais celle-ci était impuissante :

    -Je ne sais pas quoi faire. Peut être, nettoyer à nouveau les plaies et une compresse sur le front ou réchauffer le corps.

    Soria se redressa :

    -On a qu'à tout faire.

    Elle ouvrit la porte menant à la cuisine et les jumeaux tombèrent dans la pièce :

    -Ah bah bravo, on écoute aux portes maintenant ?

    -On s'est dit qu'il y avait un problème.

    -C'est vrai quoi, tout le monde s'est mit à crier.

    Soria croisa les bras :

    -Debout, alors, vous allez aider.

    Ils obéirent et tous s'activèrent. Téline et Soria s'occupèrent des plaies, Teruret et Meratir allèrent remplir une bassine, Noré et le garçon réunirent les couvertures. Les soubresauts finirent par cesser, mais la fièvre resta. Meratir déclara d'une voix neutre :

    -Si ça continue comme ça, il va mourir.

    Soria lui pinça l'oreille :

    -Tu ne devrais pas être retourné au siège, toi ?

    Teruret haussa les épaules :

    -La seule personne que nous étions chargés de surveiller s'est enfuie. Rentrer maintenant et seuls, ça ne ferait pas sérieux.

    Soria lâcha son frère qui se frictionna l'oreille d'un air boudeur.

    -Il faut aller chez les sorcières.

    Tous se tournèrent vers Noré qui insista :

    -Elles pourront l'aider.

    Soria lui répondit avec douceur :

    -Mais nous ne savons pas où les trouver. 

    -La pierre, on peut l'utiliser.

    -Noré, les sorcières sont protégées.

    -Cela pourrait faire comme au siège. On atterrirait à côté.

    Soria fit la grimace :

    -Dans ce cas-là, on risque surtout de se retrouver au milieu de l'océan.

    Mais Noré était résolue. Elle fixa son amie en attendant qu'elle change d'avis, mais comme elle n'en faisait rien, la jeune fille prit le collier et s'approcha de la bassine. Finalement, Soria stoppa son geste :

    -Attends au moins demain. Peut-être qu'il ira mieux.

    -Et s'il meurt ?

    Soria ne sut quoi dire, mais Téline vint à son aide :

    -Veillons chacun notre tour et si ça s'aggrave, vous irez voir les sorcières.

    Les jumeaux levèrent la main :

    -On ne sait pas si ça compte, mais nous sommes d'avis d'attendre.

    Noré rendit les armes, mais elle rappela tout de même à Soria que c'était son idée de retrouver les sorcières.

    -Oui, mais je pense qu'il faut tout de même y réfléchir et ne pas foncer tête baissée.

    A contre-cœur, la jeune fille se recoucha pendant que Téline veillait sur l'Aurien. Une douleur se rappela à son bon souvenir. Noré vit que sous le bandage que Téline lui avait fait au bras, le sang s'était remit à couler. Soria s'approcha :

    -Laisse-moi faire. 

    Noré la laissa s'occuper de la morsure, tandis qu'elle réfléchissait. Il n'y avait pas d'autre moyen, que Soria le veuille ou non, il faudrait utiliser la pierre pour trouver les sorcières. Elle s'endormit, mais se réveilla au moindre son. Soria veilla Xilanos après Téline, puis le jour se leva. Noré était debout à l'aube et c'était aussitôt enquit de la santé de l'Aurien. Son amie répondit simplement :

    -La fièvre semble être tombée.

    Noré s'était alors levée et avait rejoint Téline dans la cuisine, évitant soigneusement de marcher sur les chevaliers allongés sur le sol. La jeune fille mangea, plongée dans ses pensées, puis sortit. Tout en marchant le long du chemin, elle se demanda ce que Titian et Lyan pouvaient être en train de faire. Peut-être essayeraient-ils de récupérer le bracelet ? Toujours était-il que Noré était résolue à suivre l'idée de Soria. Elle utiliserait le collier pour retrouver les sorcières et verrait bien où cela la mènerait. Mais devait-elle emmener Soria et les autres avec elle ? Ou partir seule d'abord, pour les ramener ensuite ? L'adolescente trépigna sur place. C'est qu'elle en avait marre de toutes ses questions. Des pas dans son dos la détournèrent de sa réflexion. Bébé courait vers elle :

    -Maman, il y a un problème.

    Aussitôt, Noré fit demi-tour et revint précipitamment vers la maison, le garçon sur ses talons. Ses premières pensées allaient vers Xilanos, un pressentiment lui fit craindre le pire. Elle entra dans la chambre et trouva Téline et Soria qui soutenaient l'Aurien crachant du sang sur le sol. L'adolescent se redressa soudain respirant difficilement. Les deux femmes tentaient de le rassurer, de le calmer, mais il porta ses mains à son cou, se déchirant la peau de ses ongles.

    -Arrête, Xilanos !

    Il paressait horrifié et pourtant aucun son ne franchit ses lèvres. Téline et Soria lui maintinrent les bras écartés pour qu'il cesse de se blesser. Noré interpella les jumeaux :

    -Vous savez ce qu'il a ?

    Les frères observaient la scène, les bras croisés, tranquillement, ils répondirent :

    -Parfois, ils utilisent des produits sur les gens enfermaient dans la cave. On ne sait pas de quoi il s'agit et ça m'étonnerait que eux en sache plus.

    -D'accord, ça suffit.

    L'adolescente s'empara de la bassine et la porta sur la table de la cuisine.

    -Noré, attend.

    Soria la rejoignit après avoir envoyé les jumeaux aider Téline à tenir Xilanos et l'arrêta avant qu'elle ne pose le collier dedans.

    -C'est de l'inconscience, tu pourrais atterrir n'importe où.

    -Il faut essayer. C'est tout ce qu'on a.

    Sans attendre sa réponse, elle mit la pierre dans l'eau. Bébé surgit et vint s'agripper à sa jambe.

    -Non, tu restes là, toi. Ça pourrait être dangereux.

    Il la regarda avec de grands yeux sérieux :

    -Les sorcières.

    Noré fronça les sourcils :

    -Quoi, les sorcières ?

    -Pour moi.

    Alors, elle se souvint vaguement. Les invisibles trouvaient toujours les sorcières, il fallait qu'ils les trouvent. Peut-être Bébé pourrait-il l'aider ? La jeune fille déclara à Soria :

    -Je l'emmène.

    -Quoi ?

    Sans écouter ses arguments, Noré récita pour la pierre :

    -Pour le bien du chef Aurien Xilanos, Bébé et moi devons nous rendre chez les sorcières.

    Elle attendit, le souffle court, mais rien ne se produisit.

    -Pourquoi ça ne marche pas ?

    L'adolescente jeta un regard à Soria qui semblait toute aussi surprise qu'elle. Meratir apparut dans l'embrasure de la porte :

    -Dite, vous en avez pour combien de temps, parce que Téline et Teruret commence à fatiguer.

    Noré était figée, les yeux sur le collier. Puis, elle demanda :

    -Comment vous avez formulé votre vœu pour voyager ?

    Elle regardait alternativement le chevalier et la Saldrian. Le jeune homme répondit :

    -On a dit que l'on voulait apporter l'Aurien à Soria comme tu l'as demandé.

    -J'ai repris la formule en disant que je voulais retrouver l'ami de l'Aurien.

    L'adolescente leva les yeux au ciel, désespérée de sa propre bêtise :

    -L'Aurien, bien sûr, il n'est plus chef.

    Elle reporta son attention sur le collier et déclara :

    -Pour le bien-être de l'Aurien Xilanos, Bébé et moi devons nous rendre chez les sorcières. »

    La pierre s'étendit, coula de la bassine comme si elle était devenue liquide. Une grande flaque marron se forma aux pieds de Noré et du garçon et commença à monter. Lorsqu'elle passa au-dessus de leur têtes, ils découvrirent un paysage désertique.

    Noré ne s'était pas attendue à ça. Elle avait en souvenir les forêts et la falaise et pensait donc atterrir sur l'un ou l'autre, même au milieu de l'eau. Mais, ici, elle n'avait pas la moindre idée d'où elle se trouvait. Ce n'était pas le désert de sable des Saldrian et des Rhosay, seulement une immense pierre plate, orangeâtre qui s'étendait à l'infini. Le soleil tapait fort et le vent était inexistant. L'adolescente n'avait prit ni nourriture ni eau, par conséquent pas de retour possible. Elle se mordit la lèvre, se maudissant pour sa précipitation.

    -Bébé, tu sais où on est ?

    -Non.

    -Tu n'as pas un moyen de savoir où elles sont ? Un moyen de les sentir ? Quelque chose comme ça ?

    -Non.

    -Comment es-tu sensé les trouver alors ?

    Il se contenta de hausser les épaules. Noré fixa l'horizon et soupira en se mettant en marche. Ils se contenteraient d'aller tout droit en espérant trouver une quelconque trace de civilisation. Pour occuper son esprit et oublier la situation préoccupante, elle tâcha de faire une liste de toutes les personnes susceptibles d'être recherché par le siège. Les sirènes ne devaient pas compter, c'était évident. Il y avait Yuuen et son père, même si elle ne les avait pas connu longtemps, ils devaient être prit en considération. Alors que sa liste mentale s'allongeait, Bébé commença à lui tirer le bras :

    -J'ai soif ?

    -Essais de ne pas y penser.

    Il prit un air boudeur mais se tut. A présent, toutes les pensées de Noré se tournaient vers l'eau. Elle grimaça, énervée et s'efforça de reprendre le cours de ses réflexions. Yuuen et son père et ensuite, il y avait eu les garçons de la mine et Sainie et Lydia. Les Auriens, mais elle n'avait pas sympathisé avec tous les Auriens. Eliana et Xilanos, bien sûr, devaient compter. La jeune fille se demanda alors comment se porté l'Aurien, quand elle ressentit se picotement sur la peau que provoque une chaleur trop forte. Elle se passa la main sur les bras, ce qui la soulagea quelques secondes. Cependant, la chaleur se faisait plus forte. Noré s'arrêta et retira son manteau, sa gorge était sèche et les brûlures sur sa peau devenaient insupportables. Elle recula, espérant retourner à un endroit où l'atmosphère était moins chaud, mais sans succès. Soudain, des flammes jaillirent, comme si la chaleur était telle qu'elle embrasait l'air. Le garçon poussa un cri et l'adolescente sursauta. Reprenant rapidement ses esprits, elle saisit la main de l'enfant et se mit à courir. Seulement, il n'y avait nulle part où se cacher, où se mettre en sécurité. Elle ne put poursuivre sa course sur une longue distance, terrassée par la chaleur et finit par tomber à genoux, en sueur, assoiffée. Cette fois, elle crut bien que c'était fini. Ils allaient être brûlés vifs.

    -Que faites-vous ici ?

    Noré leva les yeux, mais il n'y avait personne à proximité.

    -Personne ne vient jamais ici. Comment êtes-vous arrivé ? 

    Il fallut du temps à la jeune fille pour réaliser que la voix résonnait dans sa tête. C'était une voix étrange, douce, calme, mais dont on ne pouvait discerner s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Noré n'avait d'autres choix que de répondre mais devait-elle penser ou dire sa réponse ? Finalement, elle opta pour la première solution. Se concentrant, elle formula en pensée :

    -Nous cherchions les sorcières. J'ignore où nous sommes.

    -Mes gardiennes ne sont pas ici.

    -Pourriez-vous nous mener à elles ?

    Elle ignorait si cela était une idée judicieuse, mais elle n'en avait pas d'autre et la chaleur la fatiguée.

    -Pourquoi ferais-je une chose pareille ?

    La jeune fille n'en pouvait plus. Elle avait l'impression que sa peau était en feu :

    -Nous allons mourir.

    Le silence se fit dans son crâne. La jeune fille aurait voulu se relever, mais l'atmosphère était si brûlant que le moindre geste lui était impossible. Des flammes zébraient l'air, restant pourtant à une certaine distance d'elle et Bébé. Celui-ci agrippa son bras pour attirer son attention et lui dit d'une voix faible :

    -Je dois les voir.

    Noré s'efforça de rester concentrer. Si cet être qui lui parlé était gardé par les sorcières, alors peut-être connaissait-il les invisibles ? Et si ceux-ci étaient aussi important que ce que ces femmes lui avaient dit, alors peut-être les aiderait-il ?

    -Le garçon est un invisible. Les sorcières doivent le voir.

    -Invisible, dis-tu.

    Les flammes s'approchèrent, la chaleur la fit suffoquer.

    -Il semble bien que ce soit un invisible.

    L'enfant s'écroula à ses côtés et elle-même sentit son corps peser de plus en plus. Bientôt, elle eut l'impression que ses chairs prendraient feu et qu'elle brûlerait vive. Mais avant que cela n'arrive, tout devint noir.

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