• Chapitre 14

    Le soleil n’était pas levé quand il sortit pour se remettre face au mur. Lutinor n’arrivait toujours pas à voir ce qu’il était censé voir. Charon se contentait de lui demander de se concentré toute la journée et Milen lui apportait de quoi manger. Le petit dieu commençait à désespérer. Le mur restait le même quoi qu’il fasse et il y avait autre chose qui lui faisait de la peine. Il était clair que Charon et l’oracle lui caché quelque chose. cela faisait des jours qu’ils discutaient à voix basse, se taisaient quand il arrivait ou s’éloignait de lui. ce matin-là ne fut pas différent. Il eut beau fixé la pierre de toute ses forces, rien ne changea.

    Lutinor soupira, décourageait.

    -Je me disais bien que j’avais entendu quelque chose.

    Le petit dieu leva un regard triste vers Charon qui approchait en baillant.

    -J’y arrive pas.

    Le sans-âme s’étira :

    -Alors, arrête.

    Lutinor fronça les sourcils :

    -Tu m’oblige à me planter là depuis des jours et maintenant, tu veux que j’arrête ?

    Le sans-âme le dévisagea un instant avant de hausser les épaules :

    -Fais comme tu veux, c’est toi le Dieu.

    Il tournait les talons quand Lutinor l’arrêta :

    -Est-ce que tu vas partir ?

    Charon parut surpris par la question et réagit en lui faisant face :

    -Pourquoi ? qu’est-ce qui te fais dire ça ?

    Lutinor fixa le sol, jouant avec un caillou du bout de son pied :

    -Parce que j’arrive pas à faire ce que tu demandes. Je sais que je suis nul, mais j’essaie vraiment.

    Charon revint vers lui pour lui poser une main sur la tête :

    -Ecoute, Lutinor, je savais déjà au départ que ce ne serait pas facile d’apprendre quoique ce soit à un idiot comme toi.

    Le petit dieu se redressa :

    -Tu me consoles là ?

    Charon fronça les sourcils :

    -ça ne se voit pas ?

    Le petit dieu fit la moue :

    -Tu devrais peut-être réessayer.

    Le sans-âme eut un sourire léger :

    -Je pensais que je m’en sortais pourtant bien.

    Il recula :

    -Je vais chercher à manger. Si je t’apporte quelque chose, ça iras mieux ?

    Lutinor sourit en hochant la tête, puis se dirigea vers la maison :

    -Je vais réveiller Milen. Il n’y a pas de raison qu’elle puisse dormir et pas nous.

    Charon se précipita pour lui bloquer le passage :

    -Non ! je crois qu’il vaut mieux la laisser dormir. A son âge tu sais.

    Lutinor fit un bond en arrière, surpris :

    -Ah, bon, d’accord.

    C’est bizarre quand même. Charon lui saisit le bras :

    -Allez, viens on va faire un tour.

    -On devait pas manger ?

    Sans répondre, le sans-âme l’emmena dans les alentours du temple. Finalement, ils s’éloignèrent, marchant tranquillement au milieu des marais. Charon semblait absent, perdu dans ses pensées. Lutinor inspira profondément avant de demander :

    -Milen et toi, vous me cachez quelque chose n’est-ce pas ?

    Le sans-âme garda les yeux dans le vague sans répondre avant de s’arrêter soudainement pour demander :

    -Tu te souviens de quoi exactement de ton enfance ?

    Lutinor fut surpris :

    -Bah comme je te l’ai déjà dit, j’ai grandi dans le temple.

    -Rien avant ?

    Le petit dieu hésita ne sachant pas où Charon voulait en venir :

    -Je suppose que j’étais dans le ventre de ma mère… comme tout le monde.

    Le sans-âme eu un sourire :

    -Oui, évidemment.

    Lutinor en profita pour revenir à la charge :

    -C’est liée à ce que vous me cacher ? Milen et toi ?

    Cette fois, le jeune homme le fixa dans les yeux :

    -Oui, c’est quelque chose de bizarre.

    Au moins, il ne nie pas.

    -Vous pourriez m’en parler, je peux peut-être aider.

    Charon se remit en marche en soupirant :

    -Je crains que ça ne te freine plus qu’autre chose. quand on aura compris de quoi il en retourne, on te le dira.

    Lutinor hocha la tête en se mettant à sa hauteur :

    -C’est à propos du dieu d’origine, c’est ça ?

    Charon sourit :

    -C’est ça.

    Le petit dieu allait ajouter quelque chose quand le sans-âme l’arrêta soudain en lui attrapant le bras.

    -Qu’est-ce qu’il y a ?

    Il se contenta de répondre à voix basse en observant les alentours :

    -Concentre-toi. Quelqu’un approche tu dois le sentir.

    Lutinor obéit aussitôt. Son regard passa des arbres aux marais. Il tourna sur lui-même avant que Charon ne lui saisisse les épaules pour le maintenir dans la bonne direction. Le petit dieu fit de son mieux, mais ne ressentit rien de spécial. Finalement, il murmura :

    -C’est quoi ?

    -Un sans-âme.

    Lutinor ouvrit de grands yeux :

    -ça veut dire qu’un dieu…

    -HA HA !

    Le petit dieu sursauta alors que Charon levait les yeux au ciel en voyant surgir le garçon sur leur chemin :

    -Cette fois, dieu minable, tu ne t’en sortiras pas !

    Charon fit un geste de la main et le petit sans-âme se retrouva pendu dans les airs, la tête en bas. Il poussa des cris rageurs tandis que Lutinor se détendait :

    -ça faisait un moment. Comment tu vas ?

    -Relâche-moi tout de suite ! espèce de lâche !

    Charon haussa un sourcil en élevant le garçon un peu plus haut. Lutinor sourit :

    -Techniquement, ce n’est pas un lâche vu que tu l’as défié, il ne fait que répondre à ton attaque.

    Il ne put s’empêcher de se tourner vers Charon pour demandait :

    -J’ai bon là, non ?

    Le sans-âme ne put s’empêcher de sourire :

    -Oui, t’as bon.

    Il reprit soudain son sérieux en venant se placer devant Lutinor :

    -Il y en a un autre.

    Il jeta un regard au garçon suspendu :

    -Tu as emmené des renforts ?

    Le petit sans-âme croisa les bras en lui jetant un regard fier :

    -Je n’ai besoin d’aucune aide.

    C’est à cet instant que la gardienne que Lutinor avait libérée arriva à son tour. Elle jeta un regard vers le garçon flottant dans les airs :

    -Oh, tu l’as eu. Tant mieux. C’est qu’il court vite.

    Charon lui lança un regard méfiant :

    -Qu’est-ce que tu fais là toi ?

    Elle pencha la tête :

    -Je traîne dans le coin au cas où mon ancien maître voudrait régler ses comptes.

    Lutinor agrippa l’épaule de Charon :

    -Il peut vraiment faire ça ?!

    Le sans-âme l’ignora :

    -Tu veux protéger Lutinor ?

    L’ancienne gardienne fit une grimace :

    -Je ne compte pas servir de sitôt. Seulement, je m’en voudrais qu’il lui arrive quelque chose, surtout de la part de mon ancien maître.

    Lutinor passa son regard du petit garçon à la jeune fille, puis finit par dire :

    -C’est fou, y a jamais eu autant de monde dans mon marais. Vous voulez venir au temple ? on pourrait manger tous ensemble.

    Charon fit volte-face en lui jetant un regard sidéré. Lutinor s’éloignait déjà :

    -Allez, venez ! je vais le dire à Milen.

    Ils étaient installés au pied de l’autel, en train de manger en silence. Charon ne comprenait vraiment pas comment ils avaient pu finir dans cette situation. Milen donnait à manger au petit sans âme toujours immobilisé, mais la tête à l’endroit sur la demande de Lutinor. Il mangeait de bon appétit pour quelqu’un qui était venu se battre.

    -Alors ? vous vous appelez comment ?

    La gardienne leva les yeux de son assiette pour répondre au petit dieu :

    -Gardia.

    Lutinor battit des paupières :

    -Vraiment ? c’est un peu bizarre comme coïncidence. Gardia la gardienne.

    La femme fronça les sourcils :

    -Pourquoi cela ?

    Lutinor jeta un regard à Charon :

    -Je veux dire, vos parents savaient que vous deviendriez une gardienne ?

    Elle ouvrit des yeux ronds avant de jeter un regard interrogateur à Charon qui lança :

    -Il ne connait rien à rien. Lutinor, ce ne sont pas nos parents qui nous donne un nom, mais notre premier maître.

    Le petit dieu s’attrista :

    -Vraiment ? c’est pas vraiment gentil ça.

    -Moi, je m’appelle Chaussette, retenez bien ce nom ! le nom de celui qui vous vaincra !

    Il y eut un silence alors qu’ils fixaient tous le petit sans-âme avec surprise. Lutinor fut le premier à éclater de rire. Milen tenta bien de se retenir, mais elle finit par craquer en cachant sa bouche avec sa main comme si cela pouvait étouffer son rire. Charon se détourna, les larmes aux yeux et même Gardia qui tentait de se concentrer sur son repas lâcha un sourire. Le petit sans-âme s’agita :

    -Ne riez pas ! vous verrez quand je ramènerais la tête de votre dieu à ma maîtresse, c’est elle que cela fera bien rigoler.

    Gardia haussa un sourcil :

    -Je ne suis pas la gardienne de ce dieu.

    Lutinor hocha la tête :

    -C’est vrai, elle nous rend service, c’est tout.

    Gardia le dévisagea surprise et choquée. Les dieux avaient plutôt tendance à s’approprier la moindre forme de vie qui marchait sur leur territoire. Elle s’était attendu à devoir défendre sa position et voilà qu’il approuvait sans rechigner. Un fin sourire passa sur ses lèvres. Charon nota sa réaction et ne put s’empêcher de sourire aussi. Eh oui, celui-là n’a pas fini de nous surprendre. Lutinor continua tout en enfournant une pleine cuillère d’algue :

    -Tu vas rester longtemps dans le coin, Gardia ? si tu veux, tu pourras venir manger avec nous. Je peux même agrandir la maison si tu veux une chambre à toi.

    Le petit dieu avait lançait la dernière phrase, les yeux brillants de fierté. Dans son coin, Chaussette ricana :

    -Tu nous prend pour des idiots ? une chambre pour un sans-âme, bien sûr. Si tu crois qu’elle ne devine pas que tu veux l’appâter pour lancer ton sort d’emprisonnement.

    De fait, Gardia avait doucement poser son assiette, prête à se défendre, mais Lutinor haussa les épaules :

    -Rien à voir. Charon et Milen ont bien leur chambres, eux, pourquoi elle n’en aurait pas ? et puis, je sais pas faire de sort d’emprisonnement alors.

    Charon manqua s’étouffer en buvant et réussit articuler :

    -Oui, on va peut-être éviter d’ébruiter cette information.

    Le petit dieu se mordit la lèvre l’air contrit :

    -Désolé.

    Le sans-âme jeta alternativement des regards sur Gardia et Chaussette. Un dieu qui ne pouvait pas faire un sort d’emprisonnement montrait combien il était incompétent. Cependant, loin de montrer une quelconque hostilité, les deux sans-âme le fixer bouche-bée. Lutinor finit son repas, s’étira en se levant et lança à Milen :

    -Tu viens ? on va faire du ménage.

    La vieille femme sourit en le rejoignant, laissant là, l’assiette de Chaussette qui lorgna dessus d’un air désolé. Quand ils se furent éloignés, Gardia se pencha vers Charon :

    -C’est quoi cette histoire ? tu n’es pas son gardien ?

    Le sans-âme réprima un élan de fierté en disant :

    -Non, je suis son professeur.

    Même Chaussette en resta sans voix.

    -Tu le formes à quoi ?

    Charon jeta un regard vers Lutinor à travers l’ouverture menant à la maison :

    -A être un dieu.

    Gardia plissa les yeux :

    -Un dieu ? tu en fait un …

    Charon la coupa aussitôt :

    -Un dieu nouveau.

    Il planta son regard dans le sien. Un regard glacial, sans équivoque :

    -Tu ne le connais pas encore, mais il est différent. Ce sera un dieu incroyable une fois qu’il aura cerner ses pouvoirs.

    Gardia demanda encore :

    -Mais il est dieu de quoi ? Je n’ai ressenti aucune spécificité chez lui.

    Charon secoua la tête :

    -Franchement, je l’ignore.

    -Mais, si il ne t’a pas emprisonner, pourquoi tu le sers ?

    Charon ne put s’empêcher de sourire :

    -Parce que c’est quelque chose de nouveau, de bienveillant et puis… je l’aime bien…même s’il est débile, n’ayons pas peur des mots.

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