• Chapitre 13

    Les rêves de Milen se renforçaient. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas eu à faire d’effort pour se rappeler ce dont elle avait rêvé et même quand c’était le cas, il s’avérait qu’elle ne se souvenait de rien d’intéressant. Depuis qu’elle se trouvait avec Lutinor et Charon, ses rêves n’étaient pas plus importants, mais au moins, elle s’en souvenait sans difficulté.

    -Bonne nuit tout le monde !

    Elle sourit dans l’obscurité en entendant le petit dieu hurlait dans la pièce à côté. Sans surprise, Charon répliqua :

    -Ta gueule !

    Pour Milen, c’était comme les mots d’un parent qui bordait son enfant le soir. Inévitable et réconfortant. Elle aimait les deux garçons comme les siens, même Charon qui ne semblait pas disposer à l’accepter si facilement. Des années qu’elle errait à la recherche d’un nouveau maître. Un oracle sans Dieu se trouvait hanté de cauchemar terrifiant dès qu’il fermait les yeux. Cela avait été son lot durant tout ce temps. Comment expliqué qu’elle n’est pas trouvé son maître désigné à sa naissance comme tous les oracles de ce monde ? ils naissaient dans le lieu du Dieu qu’ils devaient servir. Hors, le Dieu qui fut là à sa naissance fut vite déçu de cette servante. Inutile, il l’avait chassé quand elle avait eu neuf ans. Elle se souvenait d’avoir marché, se fiant à ses rêves. Si les cauchemars s’apaisaient, cela signifiait qu’elle approchait d’une autre divinité. Ainsi, elle avait trouvé un nouveau maître qui ne fut pas plus satisfait. Elle eut trois autres Dieux avant d’être jugé trop vieille pour avoir ne serait-ce que le privilège qu’ils posent les yeux sur elle. un oracle perdait son don en vieillissant. C’était par hasard qu’elle avait croisé la route de Lutinor et elle avait bien cru qu’elle n’aurait pas plus de chance que d’ordinaire et pourtant, elle était toujours là. le petit dieu ne lui posait pas de question sur ses rêves. En fait, il ne lui demandait rien en particulier et la plupart du temps, Charon l’ignorait.

    C’était la première fois que Milen vivait en paix, sans pression. Puis, Charon lui avait parlé du Dieu d’origine, de son comportement étrange qu’il n’arrivait pas à expliquer. Faite que mon rêve aide à comprendre. Si comme cela elle pouvait devenir utile à Lutinor, au moins aurait-elle un peu payer sa dette envers lui. elle inspira profondément avant de fermer les yeux.

    Elle les rouvrit dans une vaste pièce au sol blanc. A la place des murs absents, des colonnes délimités le tour de la salle.

    -Vite, dépêche-toi !

    Elle tourna vivement la tête sur la droite. Entre deux colonnes, un escalier descendait. Un enfant venait de le monter en courant. Milen le voyait au ralenti sans qu’elle sache pourquoi. Le garçon aux cheveux noirs sauta par-dessus la dernière marche et se trouva sur la plateforme où elle se tenait. Il se tourna vers les escaliers et cria à nouveau :

    -Allez, allez ! on va être en retard !

    Un jeune homme finit par le rejoindre, l’air amusé alors que le garçon repartait déjà en courant de l’autre côté de la pièce pour rejoindre un escalier qui montait à l’étage au-dessus. Milen sentit son sang se glacé à la vue du jeune homme. C’était un jeune homme d’environ dix-sept ans, des yeux mauves, des cheveux jaunes en bataille. C’était Lutinor. Il avançait de cette étrange marche ralentie, suivant le garçon qui le devançait. En le voyant emprunter les marches, Milen décida de les suivre. Restant prudemment derrière eux sans trop savoir pourquoi, elle les accompagna jusqu’à une autre plateforme où se tenait des centaines de Dieux, debout en cercle. Elle resta bouche-bée devant tant de puissance réunie. Lutinor rattrapa le bras du garçon pour l’empêcher de s’aventurer n’importe où et le maintint contre lui, alors qu’il se rangeait sagement au milieu d’un des cercle. Milen vit un dieu qui dépassait de deux têtes au moins tous les autres s’avançaient au centre des cercles. Il jeta un regard réprobateur à Lutinor et au garçon avant de commencer :

    -Dieux et Déesses, je vous est réuni ici pour une raison très simple.

    Il fit une pose le temps d’observer son assistance.

    -Depuis combien de temps sommes-nous ? depuis combien de temps nous côtoyons nous, encore et encore ?

    Il y eut des murmures amusés, d’autre échangèrent des regards lourds de sens. Le Dieu reprit :

    -Soyons francs, Dieux, Déesses, qui d’entre vous ne s’ennuie pas.

    Cette fois, ce fut une rumeur franche d’approbation qui lui répondit. Le Dieu sourit :

    -J’y ai réfléchi. Pourquoi est-ce qu’on ne créerait pas un monde à nous ? chacun fabriquera son univers, sa vie.

    Milen était bouche-bée, les yeux écarquillé. Etait-elle vraiment en train d’assister à la création du monde ? elle détacha ses yeux de la masse des Dieux pour regarder au-delà des colonnes. Il n’y avait rien que l’obscurité.

    -Nous pourrions créer la vie, des êtres qui nous servir.

    La déesse qui avait parlé fut acclamé et un autre ajouta dans la lancé :

    -Il faudra que l’on s’en occupe comme des enfants.

    Ils éclatèrent de rire en se tournant vers le garçon appuyé contre Lutinor. Il baissa les yeux en rougissant alors que le petit Dieu se baissait pour lui baiser le sommet du crâne. Cela le fit sourire. Milen fronça les sourcils. En le voyant de près, le garçon ne lui était pas inconnu non plus. Puis, elle en se demandant ce qu’il y avait de si drôle, elle jeta un regard circulaire et se rendit compte qu’il n’y avait pas d’autre enfant. Les Dieux recommencèrent à lancer des idées sur les mondes qu’ils souhaitaient créer alors que Milen s’approchait doucement de Lutinor et du garçon. Elle ne se soucié pas de toucher qui que ce soit ou d’attirer l’attention. Elle avait conscience d’être dans un rêve et que rien de ce qu’elle flairait ou dirait ne serait perçu par les Dieux présents. Tout cela s’était déjà déroulé. Elle se pencha pour mieux dévisager le garçon. A nouveau, ce qu’elle découvrit la laissa interdite.

    -Comment peux-tu être ici toi ?

    Elle se redressa, fit face au petit dieu.

    -Et toi ? comment est-ce possible ?

    Son cœur manqua un battement quand les yeux de Lutinor se plantèrent dans les siens. Puis, il lui sourit.

    Elle se réveilla sans souffle, frissonnante. Ce n’est pas possible. Lentement, elle reprit le contrôle d’elle-même avant de se rendre compte que le soleil passait par sa fenêtre. En soupirant, elle s’extirpa des couvertures pour poser les pieds au sol. Elle accueillit avec gratitude la fraîcheur du sol. Son rêve restait net dans son esprit. Son dos craqua quand elle se releva, lui provoquant une grimace. Avec des gestes lents, elle s’habilla avant de sortir à a recherche de Charon. Elle savait que parlé de son rêve au petit Dieu ne servirait à rien.

    Elle laissa son visage se réchauffé au soleil avec un sourire.

    -Tu te concentres ou il faut que je t’aide ?

    -MAIS JE SUIS CONCENTRE !

    Milen se tourna vers Charon à quelque pas d’elle alors qu’il répliquait à un Lutinor apparemment très agacé :

    -Je ne suis pas convaincu.

    Elle le vit fronçait des sourcils avant de lancer :

    -Non, mais c’est quoi ce geste ?!

    -C’est pas pour toi, c’est pour le moucheron qui te tourne autour.

    La vieille femme le rejoignit à cet instant et vit Lutinor debout face à la maison. En l’apercevant il lui fit un geste de la main en souriant. Elle lui répondit de la même manière alors que Charon grommelait :

    -Moucheron, c’est ça. C’est toi le moucheron !

    Lutinor plissa les yeux :

    -Je suis sûr que t’as pas le droit de me dire ça.

    Charon ricana :

    -Et qu’est-ce que tu vas faire ? me faire pousser des fleurs dans les cheveux.

    Lutinor fit la moue :

    -T’auras plus de cadeau.

    Le sans-âme haussa les épaules avant d’aller s’assoir dans l’herbe un peu plus loin :

    -allez, assez joué, recommence.

    Lutinor grogna avant de lever les yeux vers le mur. Comme il se tenait parfaitement immobile, Milen vint s’assoir près de Charon :

    -Que fais-t-il exactement ?

    Le sans-âme gardait les yeux fixaient sur le petit Dieu :

    -Il y a un sceau sur le mur, il faut qu’il le voit.

    Milen se garda bien de demander pourquoi. La question aurait probablement exaspéré le jeune homme. A la place, elle dit à voix basse :

    -J’ai fait un rêve cette nuit.

    Charon se pencha légèrement vers elle en demandant sur le même ton :

    -Pourquoi on murmure ?

    La vieille femme lança un regard vers Lutinor :

    -Je ne pense pas qu’il faudrait qu’il entende ce que je vais vous dire.

    Charon haussa un sourcil :

    -Parce que tu crois qu’il peut nous entendre à cette distance. En plus, si c’est le cas, ça veut dire qu’il n’est pas concentré et par conséquent, il faudra que je le fasse voler.

    Milen tenta de suivre la logique du sans-âme avant de hausser les épaules et de dire :

    -Il y avait quelque chose d’étrange dans mon rêve.

    Charon ricana :

    -A quoi bon avoir un oracle si c’est pour qu’il nous raconte ce qu’on va manger demain.

    La vieille femme leva les yeux au ciel :

    -Je voulais dire vraiment bizarre. Lutinor était là…

    Sur un ton morne, Charon répéta :

    -A quoi bon avoir…

    Elle le coupa aussitôt :

    -Dans le passé !

    Lutinor jeta un coup d’œil vers eux en l’entendant s’énerver, mais il s’empressa de revenir à son mur en croisant le regard de Charon. Le jeune homme se tourna vers Milen, nullement impressionné :

    -Oui, si c’est pour me dire ce qu’il a fait hier, ce n’est pas…

    Elle lui saisit le bras, plantant ses yeux dans les siens :

    -Le passé avant ce monde.

    Cette fois, elle eut toute son attention. Milen lui raconta alors son rêve en détail et plus elle parlait, plus Charon paraissait perplexe. Quand elle eut fini, il prit un instant de réflexion avant de demander :

    -Peut-être qu’il ne faisait que ressembler à Lutinor. Ce ne pouvait pas être lui.

    Elle hocha la tête :

    -C’est ce que j’ai pensé, mais comme je l’ai dit, je me suis ensuite approché pour mieux voir le garçon. Quand je me suis redressé, j’étais vraiment très près, je ne peux pas me tromper.

    Charon resta à nouveau silencieux à regarder Lutinor avant de demander à nouveau :

    -Et le garçon alors ?

    -C’était vous.

    Il fit volte-face si violemment qu’elle sursauta, plissa les yeux avant de dire :

    -Alors, là, par contre, tu t’es certainement trompé. Comment peux-tu être sûr que ce garçon serait moi en grandissant ?

    La vieille femme acquiesça :

    -Pourtant, la ressemblance était là. Mais j’admets que j’ai peut-être assimilé le fait que vous soyez avec Lutinor pour transposer cette image au garçon.

    Charon approuva cette réflexion avant de dire :

    -Suis-moi.

    Elle se releva avec difficulté alors qu’il partait déjà vers le temple. Milen prit le temps de lancer au petit dieu :

    -Lutinor ! on va faire une petit tour on revient !

    Le jeune homme répondit d’un signe de la main et elle se sentit obliger d’ajouter pour Charon :

    -Reste bien concentré, d’accord ? on revient vite !

    Elle s’ne fut à la suite du sans-même qui l’attendait près de l’autel.

    -Viens, approche.

    Elle obéit et surpris le regard de Charon vérifiant que Lutinor ne suivait pas. Il se tint face à la vieille femme pour dire d’une voix basse :

    -Je connais un moyen pour que je puisse voir ton rêve.

    Elle ouvrit des yeux ronds :

    -Vraiment ?

    Il hocha la tête :

    -Il faut que tu te le remémores encore une fois et je le suivrais depuis ton esprit. T’es prête ?

    Elle acquiesça avec une certaine angoisse.

    -Très bien. Orilens.

    Il prononça le mot en prenant doucement la tête de la femme entre ses mains. Celle-ci ferma les yeux pour se concentrer et reprendre son rêve depuis le début. Le fait de l’avoir raconté quelques instants plus tôt, le gardé encore frais dans sa mémoire. Quand se fut terminer, Charon était blême. Elle s’inquiéta :

    -Est-ce que ça va ? vous voulez vous assoir ?

    Il fit un pas en arrière en lâchant dans un souffle :

    -C’était moi. Je ne comprends pas.

    Milen tenta de le rassurer :

    -Ce ne sont peut-être que des ancêtres, au fond.

    Il eut un rire sans joie :

    -Qui ressemble à son ancêtre comme un sosie ?

    Elle dût admettre que les probabilités étaient quasi-inexistante.

    -Alors, comment expliquez-vous…

    -Je ne l’explique pas.

    Il inspira profondément avant de lui dire :

    -Par contre, toi, tu vas devoir redoubler d’effort. Je continuerais à chercher dans les documents que j’ai à disposition, mais je pense que tes rêves seront beaucoup plus utile pour comprendre qui est Lutinor.

    Elle ajouta en passant :

    -Et toi.

    Il secoua la tête :

    -Non, il doit y avoir une autre explication. Les sans-âmes ne sont immortels que lorsqu’ils servent un dieu, le reste du temps, ils ont la durée de vie d’humain normaux. Je me souviens de mon enfance, je me souviens d’où je viens et ça ne ressemblais pas à ça.

    La vieille femme fronça les sourcils :

    -Ah oui, c’est vrai.

    Charon la prit par les épaules :

    -On ne dit rien à Lutinor pour l’instant. Il a déjà du mal à comprendre ce qu’est un dieu, il vaut mieux ne pas lui embrouiller l’esprit avec d’autres éléments.

    Milen hocha la tête :

    -Je suis d’accord.

    Charon s’apprêtait à aller rejoindre le petit dieu quand elle l’arrêta :

    -Et si… Si je n’ai plus de rêve ? si ça ne revient pas avant un moment ?

    Le sans-âme eut un sourire confiant :

    -Pour un oracle qui n’a jamais pu se souvenir de ses rêves, comment as-tu pu te souvenir aussi bien de celui-ci ?

    La vieille femme comprit où elle voulait en venir, mais la réponse ne la satisfaisait pas :

    -Cela signifierait que j’ai trouvé le dieu que je dois servir. Pourtant, je ne suis pas né ici. Je ne connaissais même pas cette région.

    Charon revint vers elle :

    -C’est vrai que c’est étrange. Presque autant qu’un dieu qui ne sais pas qui il est et un sans-âme qui se serait, apparemment, trouver au début du monde. Je ne pense pas trop m’avancer en disant que tu te fond dans le paysage ici.

    Elle lâcha un rire :

    -Oui, en fait, c’est plutôt logique.

    Ils rejoignirent Lutinor, qui se tenait toujours sagement devant son mur. La seule différence était que sa tête tombait sur sa poitrine. Charon fronça les sourcils en approchant :

    -Je rêve, ou il dort debout ?

    Milen retint un rire alors que Charon accélérait le pas en envoyant valsé le petit dieu d’un geste du bras. Dans un hurlement, Lutinor atterrit dans le marécage.

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