• Chapitre 13

    Quelques secondes plus tard, des gamins couraient devant les fenêtres en lançant des pierres. Des coups de feu retentirent, mais les enfants étaient prévenus et allèrent se cacher vivement. Ils attendirent quelques minutes avant de recommencer. Cette fois, un des hommes sortis en fureur, arme au poing :

    -Sals petits…

    Il ne put finir sa phrase car une pierre l’atteignit à la mâchoire. Sous le choc, il tenta de viser la fillette qui l’avait visé, mais une autre pierre lui frappa la tempe et il s’écroula. Les enfants retournèrent se cacher alors qu’un autre homme sortait, plus prudent que son collègue. Jolie-main et une des filles avaient profités de la diversion pour faire le tour du bâtiment. Quand l’homme sorti, tournant sur lui-même avec méfiance, une des prostituées arriva, l’air effaré en disant :

    -Qu’est-ce qu’il s’est passé ? vous avez besoin d’aide ?

    L’homme sursauta avant de ranger son arme en approchant de la jeune fille restée à distance :

    -Non, non, tout va bien.

    -Vous êtes sûr ?

    -Oui, allez, dégagez.

    -Je ne suis pas si sûr, moi.

    L’homme fronça les sourcils. Jolie-main avait fait signe à la prostituée qui l’accompagné et celle-ci avait profité que l’attention de l’homme soit centrée sur son amie pour se glisser près de l’homme inconscient. Elle prit l’arme qu’il tenait encore, se leva, vit l’homme tiqué quand elle enclencha le chien, trop tard. Elle pressa la détente alors qu’il se retournait et la balle lui traversa le front. Les deux filles retournèrent se cacher précipitamment.

    Il y eut un silence qui parut une éternité. Dispersé aux alentours de l’auberge, tous retenaient leur souffle en attendant des nouvelles de Fripon ou la sortie de nouveaux adversaires. Le garçon avait pu se glisser par la fenêtre de la cuisine et fut surpris et soulagé de trouvé Rorellien, seul attaché à une chaise. Le jeune homme fut heureux de le voir :

    -Fripon, c’est quoi tout ce bazard ?

    Le garçon le libéra avant de s’approcher de la porte. Il l’entrebâilla à peine pour voir la salle. Il distingua un homme, tenant un pistolet, près de la porte de sortie. Il jetait des regards face à lui, ce qui laissa supposer à Fripon qu’un autre homme se tenait là, caché par la large étagère du bar. Ne voyant rien d’autre, le garçon referma la porte.

    -Je vais prévenir Jolie-main des hommes qui restent. Où sont Phila et Fabrarol ?

    -Elles les ont emmenés à la baignoire.

    Fripon haussa les sourcils :

    -Pourquoi ?

    -C’est là que l’on a abandonné les dirigeants.

    Fripon écouta tout en retournant vers la fenêtre :

    -Elles veulent les venger ?

    Rorellien répondit en le soulevant pour l’aider à atteindre le bord :

    -Ils sembleraient.

    Le garçon observa le jeune homme par l’ouverture de la fenêtre, mais comme il ne semblait pas décider à en dire plus, il s’empressa de retrouver Jolie-main.

    -Il reste deux hommes à ce que j’ai pu voir. Ils doivent hésiter sur la façon d’agir vu ce qui est arrivé à leur compagnons.

    Jolie-main hocha la tête avant de demander :

    -Et les garçons ? tu les as vu, non ?

    -Rorellien est dans la cuisine, mais elles ont emmené les deux autres à la baignoire.

    La jeune fille réfléchit rapidement :

    -D’accord, je vais envoyer un des gamins parlé à Rorellien, il pourra nous aider à neutraliser ceux qui reste. Toi, tu rattrape les sœurs. Essais de les ralentir, mais fait attention.

    Fripon resta quelques secondes à se demander pourquoi lui, puis il se rappela que le temps pressé et se mit à courir.

     

    Ils étaient déjà à la baignoire quand il les rejoignit. Il se cacha derrière un tas de vieux filets de pêche qui traînait. Fabrarol était maintenu au sol par un des hommes de main qui lui avait calé un genou entre les omoplates. L’aînée des sœurs se tenait debout près de lui tandis que la cadette marchait de long en large au bord de la baignoire en criant :

    -…Ce n’était pas vrai ! nous étions leur préféré avant vous !

    Fripon entendit une voix venant de l’intérieur de la baignoire sans qu’il put distinguer les paroles exactes. La réaction de la cadette ne se fit pas attendre et elle éclata de rire. Phila devait être dans la baignoire, mais avec combien d’homme ? fripon devait s’approchait pour les voir. Il avisa un tas de ferraille plus loin et courut se cacher derrière. De là, il pouvait voir ce qu’il se passait dans la baignoire. Phila était maintenu sous l’eau sale par un autre homme de main. Lorsque la cadette fit un signe, Phila put reprendre une goulée d’air, mais il n’eut pas le temps de dire quoique ce soit qu’il se retrouva à nouveau sous l’eau. La cadette finit par dire :

    -Achève-le.

    Avant de se tourner vers Fabrarol qui hurlait de rage. Fripon passa son regard de la femme à Phila qui se débattre sous l’eau. Il devait faire quelque chose, mais la cadette avait toujours son arme et elle ne l’aurait pas emmené, si elle ne l’avait pas rechargé.

    -Ne criez donc pas ainsi, ce sera finit bientôt.

    Les gestes mous de Phila semblaient allés en ce sens. Fripon sentit son corps bouger avant même qu’il ne réalise ce qu’il faisait. Il rentra dans la cadette qui tomba à la renverse. L’arme lui glissa de la main pour tomber dans la pente menant à l’eau polluer. Aussitôt, l’homme qui maintenait Fabrarol bondit pour saisir le garçon, passant son large bras autour de son cou. Soulevé du sol, étranglé, Fripon entendit l’aînée hurler :

    -Non ! il ne faut pas le lâcher !

    L’avertissement vint trop tard. Fabrarol fut sur ses jambes dans la seconde et se jeta sur la cadette qui tentait de récupérer l’arme. L’aînée se jeta sur lui, mais il ne sembla pas s’en rendre compte, trop occupé à asséner un coup de poing à la sœur.

    Dans l’eau, Phila profita que l’attention de son bourreau soit détournée par ce qu’il se passait au-dessus d’eux pour se dégager. Il envoya un coup de poing dans le ventre de l’homme puis l’assomma d’un coup sur la tête, avant de se diriger vers le bord.

    Fripon ne respirait plus. Il essaya de griffer l’homme sans que cela ne semble le gêner. Soudain, il tomba lourdement sur le sol. Phila avait grimper la pente en courant et avait sauté sur l’homme, passant à son tour, un bras autour de son cou. Sa victime faisant bien deux têtes de plus que lui, Phila se retrouva agrippé sur son dos, serrant sa prise autant qu’il le pouvait.

    Libéré, Fripon respira goulument tout en se dirigeant vers le pistolet. Il réussit à s’en saisir au moment où l’homme qui se trouvait dans l’eau, émergé. Comme il s’approchait de lui, Fripon leva l’arme dans ses mains tremblantes. Derrière lui, les sœurs hurlaient de rage, se débattant sous les coups de Fabrarol. Phila s’agrippait avec peine à sa victime. Le garçon ne pouvait espérer aucune aide, il fallait qu’il tire. Le tremblement de ses mains empira quand il posa le doigt sur la détente. Il avait vu des gens utilisaient des pistolets à mainte reprise dans la ville sombre, mais il n’avait jamais eu à en tenir un lui-même. L’homme trempé et furieux avancé à grands pas, ne lui laissant plus guère le choix. Fripon ferma les yeux et tira. Il y eut un cri, mais rien de comparable au hurlement d’agonie auquel il s’était attendu. En recouvrant les yeux, il vit l’homme se passait la main dans le coup où une éraflure était apparue. Encore plus furieux, il foudroya Fripon du regard et s’élança, bras en avant. Une pierre en pleine poitrine le fit ralentir. Une autre l’atteignant au ventre, le plia en deux. Une cavalcade attira l’attention de Fripon qui ne tarda pas à voir surgir de derrière lui, les gamins des rues qui se ruèrent sur l’homme. Le garçon se retourna et vit Rorellien et Jolie-main qui saisissait l’aînée qui mordait Fabrarol à bel dent. Les quatre prostituées se jetèrent sur l’homme qui tentait d’écraser Phila en se laissant tomber sur le dos. Fripon se redressa, perdu, l’arme au poing. L’une des filles l’aperçut, lui prit le pistolet et tua l’homme immobilisé par ses amies et Phila. Elle visa ensuite l’aînée des sœurs, mais Fabrarol surpris son geste et hurla :

    -Non ! elles sont à moi !

    Rorellien assomma l’aînée avant de se précipiter vers la jeune fille pour lui prendre l’arme des mains :

    -Croyez-moi, il ne vaut mieux pas le contrarier.

    Fabrarol acheva d’assommer la cadette d’un violent coup sur la tête et se releva, Phila se dégagea et tous les trois observèrent le petit groupe qui les entourait.

    -Je dois avouer que je ne m’attendais pas à ça.

    Phila était tout sourire malgré les regards sombres qui l’observaient.

    -On nous a promis une vengeance, mais les hommes que nous cherchons ne sont pas parmi ceux-là.

    Phila passa une main en tentant de mettre de l’ordre dans ses cheveux mouillés :

    -Une vengeance ?

    Jolie-main intervint :

    -Oui, les deux hommes dans votre cave, ceux qui m’ont enlevé.

    -Ils ont tué deux de nos amies.

    Phila s’assombrit :

    -Je vois, eh bien…

    Il regarda Fabrarol qui se concentré sur les deux sœurs. Se sentant observé, il leva la tête pour dire :

    -Alors, vous m’aidez ou quoi ?

    Phila dit aux prostituées :

    -Je suis sûr que l’on pourra s’arranger.

    Il se tourna vers les enfants qui, sans un mot, tendirent la main, paume ouverte vers le ciel.

    -Bien sûr. Vos récompenses vous attendent à la maison d’avenir, si vous voulez bien nous aider à y transporter nos amies.

    Il y eut des regards échangés, mais Phila ne leur laissa pas le choix car il leur tourna le dos pour aider Fabrarol. Rorellien les rejoignit. Jolie-main passa une main dans les cheveux de Fripon qui se remettait doucement de ce qu’il venait d’arriver. Le petit groupe finit par rejoindre les trois hommes et soulevèrent les deux sœurs qu’ils emmenèrent à la maison d’avenir.

    Fripon avait du mal à y croire. Etait-ce vraiment tout ? était-ce terminé ? on emmena les sœurs inconscientes à la cave et on confia les deux hommes qui s’y trouvait au bon soin des prostituées. Les enfants reçurent une récompense en monnaie sonnante et trébuchante avant de disparaitre dans les rues. Rorellien tenta bien de convaincre les uns et les autres de rester à la maison d’avenir, mais la méfiance était bien ancrée chez eux. C’est avec tristesse que le jeune homme dût se résoudre à les laisser partir.

    Quand à Fripon et Jolie-main, ils s’étaient installé l’un en face de l’autre à une table du réfectoire, fixant la table en silence.

    -Comment va votre blessure ?

    La jeune fille leva un visage fatigué vers Rorellien en se massant l’épaule :

    -Je pense que ça ira.

    Le jeune homme sourit et s’assit près d’eux. Fripon s’arracha à sa torpeur pour demander :

    -Où sont les autres ?

    -Phila se lave et Fabrarol discute avec les sœurs.

    Jolie-main haussa un sourcil :

    -Il discute ?

    -A sa façon, oui.

    Fripon s’était remis à fixer la table et demanda d’un ton absent :

    -Pourquoi elles ont fait ça ? elles étaient si gentilles.

    Jolie-main sauta sur l’occasion pour interroger à son tour :

    -Vous les connaissiez, si j’ai bien compris. D’où exactement ?

    Rorellien soupira, les observant tous les deux.

    -Eh bien, cela fait des années que nous n’avion spas entendu parlé d’elles et à dire vrai, je pensais qu’elles étaient parties ou mortes.

    -C’est quoi l’histoire ?

    Rorellien et Jolie-main se tournèrent avec surprise vers le garçon qui avait soudain parlé fort. Fripon leva les yeux se rendant compte du ton qu’il avait employé et baissa la voix pour insister :

    -L’histoire complète, de vous avec les dirigeants, c’est quoi ?

    Rorellien sembla gêné et jeta un regard vers la porte en espérant qu’un de ses amis arriveraient, mais personne n’entra. Alors il se décida :

    -Bon, je vous raconte, mais je vous défends de le répéter à qui que ce soit. On fait notre possible pour que cette histoire ne refasse pas surface.

    Ses deux interlocuteurs hochèrent la tête, suspendu à ses lèvres.

    -Les dirigeants étaient les parents de Fabrarol et Phila.

    Un silence accompagna cette nouvelle, mais Rorellien poursuivit comme si de rien n’était :

    -Je suis leur cousin, avec mes parents, on n’habitait pas loin de chez eux. C’était des gens honnêtes si on se tiens au standard de la ville sombre et très pauvres. Quand mes parents sont morts après une longue maladie, ils m’ont recueilli. Avec une nouvelle bouche à nourrir, les choses n’ont fait qu’empirer et c’est là qu’ils ont commencé à voler. Au début, de petites choses piquer sur les passants, sur les stands au marché. Puis, un jour, ils sont revenus avec Sheila et Frakeri, les deux sœurs. Elles avaient été vendues à une maison close et s’étaient enfui. C’est là que les choses ont commencé à mal tourné. Elles étaient reconnaissantes envers mon oncle et ma tante, si bien qu’elles ont commencé à voler pour les aider. Cela a donné l’idée au couple d’utiliser les enfants pour leur larcin. Au début, ils les nourrissaient en échange, leur donner un peu d’argent. Leur fils et moi, ont échappé pas à la règle. On a dû voler pour avoir droit à notre part de nourriture. Le temps passa, les enfants se firent plus nombreux, l’argent entré bien, mais la main-d’œuvre coutait cher. Ils décidèrent que ce n’étaient pas la peine de perdre de l’argent à payer les enfants s’ils pouvaient les faire travailler d’une autre façon.

    Jolie-main ne put s’empêcher d’intervenir :

    -C’est là que les torture ont commencé.

    Rorellien acquiesça :

    -Et tant qu’ils y étaient, autant faire en sorte d’embrigader d’autres enfants. Fabrarol est l’aîné de la famille, ils le voyaient donc comme un successeur. Ils ne tardèrent pas à lui demander à jouer les bourreaux sur les autres enfants.

    Ce fut autour de Fripon dont les yeux s’agrandissaient au fur et à mesure du récit de demander :

    -Il le faisait ? il torturer les autres ?

    -Il refusait jusqu’au jour où leur père tira une balle dans la jambe de Phila et jura que l’autre jambe suivrait, puis les bras, les pieds etc… tant qu’il ne se décider pas à couper les doigts des enfants. Alors, Fabrarol l’a fait et il a changé. Au final, cela a fini par ne plus être possible.

    Fripon osa demander :

    -Vous avez mis longtemps pour agir ?

    Rorellien eut un sourire triste :

    -Trop, Fabrarol fut brisé et Phila et moi étions terrorisés. Cela n’empêcha pas Phila de réagir. Une nuit, il nous réveilla et nous fit part de son intention de détrôner ses parents. Ce jour-là je devais accompagner leur père qui devait s’occuper d’une jeune fille…

    Son regard tomba sur la main manquante de Jolie-main. Celle-ci ne dit rien, se contentant d’attendre la suite :

    -Leur mère les avait emmenés repérer une maison pour un cambriolage. Sur la route, Phila l’assomma et ils l’attachèrent avant de me rejoindre.

    Il se tourna vers Jolie-main :

    -Vous vous étiez évanouie à ce moment-là. Pendant que leur père pesté en me demandant d’aller chercher de l’eau pour vous éveiller, Phila et Fabrarol se glissèrent derrière lui et l’assommèrent à son tour. Nous vous avons soigné comme nous avons pu, avant d’emmener mon oncle inconscient. Nous avons laissé Fabrarol les défigurer à son gré tandis que nous cherchions les trésors cachés. Les sœurs étaient restées fidèles aux dirigeants et on craignait qu’elles refusent de les laisser. Nous leur avons donc offert une part de l’argent afin qu’elles puissent s’offrir une nouvelle vie. Il semblerait qu’elles aient acheté cette auberge et nous avons abandonné nos parents près de la baignoire. Avec la fortune que nous avons trouvée, nous avons pu fuir dans la ville claire. Nous avons travaillé dur et chercher des moyens de venir en aide aux enfants de la ville sombre.

    Jolie-main eu un léger sourire :

    -Vous vous en voulez, n’est-ce pas ? c’est pour cela que vous avez racheté la maison d’avenir.

    Rorellien détourna le regard en hochant la tête.

    -Ah, il commence à neiger. Il faut que j’y aille.

    Jolie-main observa à son tour le ciel par la fenêtre et approuva Fripon. Rorellien de son côté ne sembla pas comprendre :

    -Pourquoi ? vous ne pouvez pas rester ?

    Fripon secoua la tête :

    -Non, tout est fini maintenant, il faut que je trouve un endroit pour dormir. Je ne peux pas rester dans la chambre de Jolie-main tout le temps.

    -C’est sûr, ils finiront par te demander un loyer.

    Elle sourit au garçon et ils commencèrent à se diriger vers la sortie. Rorellien se leva d’un bond :

    -Attendez, j’ai une idée qui pourrait vous aidez, disons, pour les quelques années à venir.

     

    Fripon réajusta la veste en se fixant dans le miroir d’un air inquiet :

    -C’est normal si ça gratte ?

    Phila saisit le chapeau haut de forme :

    -Oui, c’est normal.

    Fabrarol lui tendit la canne en disant :

    -Non, ça ne l’est pas.

    Fripon passa son regard de l’un à l’autre en se sachant lequel croire, bien que l’expérience qu’il commencé à avoir le pousser vers l’avis de Fabrarol.

    -Tu es prêt ?

    Fripon hocha la tête, la gorge serrée.

    -Je vais devoir parler ?

    Phila sourit en se dirigeant vers la sortie en s’enveloppant de la cape et de l’écharpe :

    -Pas si tu ne le veux pas. Je ne vais pas te lancer dans la fosse au lion.

    Il adressa un clin d’œil à son frère resté en haut des escaliers :

    -Je ne suis pas Fabrarol après tout.

    Celui-ci ne trouva rien à redire et se contenta d’un haussement d’épaules innocent. Fripon lui jeta un regard inquiet alors que Phila l’attendait devant la porte. Fabrarol se pencha vers le garçon :

    -Planque-toi dans la calèche si tu veux et s’il t’énerve, frappe-le.

    Fripon eut un timide sourire, il commençait à s’habituer à la façon de parler de Fabrarol. Il murmura pour répondre :

    -Je n’oserais pas, je suis trop petit.

    -Ce n’est pas une raison. Je le fais tout le temps moi.

    Fripon rit doucement avant de rejoindre Phila qui trépignait sur le paillasson. Ils montèrent dans la calèche qui les mena vers la ville sombre. La neige tombait à gros flocons sur le toit des maisons endormis. La rue n’était marquée que par les sillons de boue glacé laissé par les trajets réguliers des calèches. Le ciel encore noir de nuit était couvert cachant les étoiles. Fripon tenta bien d’en apercevoir quelques-unes par la fenêtre du véhicule, sans succès. Phila rajusta l’écharpe autour du cou du garçon qui demanda :

    -On pourra s’arrêter voir Jolie-main avant de revenir ?

    -Quelle folie que cela. Evidemment, c’était prévu dans mes plans.

    Fripon rit :

    -Elle a réussi à persuader ses amies à se rendre à la maison d’avenir, vous savez ?

    -Oui, Rorellien m’en a parlé. Depuis qu’on lui a donner le « Au fond du trou », il n’a jamais eu autant de publicité.

    Fripon hocha la tête. Il était heureux de savoir que ceux qui ne trouvait ni toit, ni nourriture avaient encore un refuge de dernier recours dans l’auberge des sœurs. On avait beau dire, il n’arrivait pas à se persuader qu’elles aient été foncièrement mauvaise. Elles l’avaient aidé si souvent. Surement qu’à la fin, c’était simplement pour garder un œil sur lui et informer leurs hommes de main, mais tout de même. Parfois, il se demandait ce que Fabrarol avait fait d’elles, tout en sachant qu’il ne poserait jamais la question. Pour le peu qu’il avait appris à connaître Fabrarol, il était sûr de ne pas vouloir connaître la réponse.

    La calèche s’arrêta, le ramenant à l’instant présent. Sa gorge se noua à nouveau et il laissa Phila sortir sans montrer le moindre empressement pour le suivre.

    -Allez, bonhomme, en piste.

    Fripon soupira brièvement avant de quitter le véhicule à son tour. Dans la rue déserte, Fripon se rapprocha de Phila :

    -Je ne veux pas parler.

    -Pas de problème. Tu te charges de ça alors ?

    Il lui tendit la canne que le garçon saisit avec un certain émerveillement, le cœur battant.

    -Après tout, si tu dois être notre successeur, il faut commençait maintenant. Petit à petit et c’est parti.

    Fripon eut un air radieux en abattant la canne sur le pavé.

     

    Fin

     

    « A. Lincoln, J.R.R. Tolkien, E.O'Neill, V.Nabokov, B.Disraeli3 - Hiloy - "C'est papa qui va être content" »

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