• Chapitre 12

    Ylios le dévisagea d’un air surpris :

    -Comment tu le sais ?

    -Quoi ?

    -Le sang. Comment tu l’as senti ?

    Tremon l’emmena encore plus loin :

    -Je ne sais pas vraiment si c’est à cause de la crise d’hier soir, mais depuis ce matin, je sens de mieux en mieux. Enfin, plus loin.

    Ylios fronça les sourcils :

    -Tu es en train de me dire que la crise t’a débouché le nez ?

    Tremon ouvrit la bouche, la referma, réfléchit, puis concéda :

    -C’est à peu près ça, oui.

    -D’accord. Et pourquoi on en parle en secret ?

    Tremon baissa encore le ton :

    -Parce que tes amis ont peur de moi. Qu’est-ce qu’ils se diront s’ils découvrent que mon odorat s’est développé ?

    Ylios haussa les épaules :

    -Que c’était une sacré crise.

    Ylios avait un ton enjoué qui ne trompa pas Tremon. Ils savaient tous deux qu’ils avaient atteins une nouvelle limite la veille. Même si les événements étaient assez flou pour Tremon, il se souvenait bien de la disparition d’Ylios. Pendant un moment, il n’y avait eu que le lion. L’adolescent nota le mouvement fugace que fit son ami pour s’essuyer le nez comme s’il s’imaginait qu’il saignait encore.

    -Je préfère pas les mettre au courant pour l’instant.

    Ylios hocha la tête :

    -D’accord, mais c’est quoi le rapport avec les Errants.

    Tremon le regarda en se demandant s’il se moquait de lui :

    -Les Errants ? Ce sont des chasseurs d’âme animale.

    -Ça,je sais, mais ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de sang qu’il y a des Errants. Ce pourrait être un prédateur qui a eu très, très, très faim.

    Ils se dévisagèrent un moment avant qu’Ylios ne concède :

    -Mais dans le doute, il vaut mieux faire un détour.

    Tremon acquiesça. Lorsqu’ils revinrent vers le reste du groupe, c’est Ylios qui annonça :

    -Dans le doute, on va faire un détour.

    Seih croisa les bras :

    -Et pourquoi ?

    -En fait, je commence à sentir une forte odeur de sang. Pour que je le sente d’ici, c’est qu’il y en a pas mal… donc…

    Après divers froncement de sourcils, ce fut à Miral d’avoir des doutes :

    -Mais, il y a des Errants du coup ? Comment il l’a su ?

    Ylios coupa court en disant :

    -Je sais pas exactement. Il m’a juste embrouillé pour que j’accepte. J’ai senti le sang entre temps.

    Gialema s’approcha pour murmurer :

    -Tu ne trouves pas ça bizarre qu’il ne veuille pas passer dans cette forêt.

    Ylios para :

    -Au final, il a raison. Je vous jure que ça pue le sang… à littéralement quelques kilomètres.

    Il rit, mais personne ne le suivit.

    -Bon, on se trouve un autre chemin ?

    Malgré les doutes qui les rongeaient, ses amis cessèrent leurs questions pour partir à la recherche d’un moyen de contourner l’étendue d’arbre en contre-bas. Comme ils suivaient un chemin qui descendait.

    -On s’approche quand même drôlement de la forêt que l‘on doit éviter.

    Des regards exaspérés se tournèrent vers Miral qui haussa les épaules :

    -Bah quoi ? Je ne fais que remarquer.

    Arrivés en abord des arbres, un chemin s’en éloignait retournant vers les collines alentours. On se tourna à nouveau vers Miral qui soupira :

    -Ça va, je n’ai rien dit.

    Sans un mot, ils s’engagèrent sur le chemin. Ils n’étaient pas très éloignés de la forêt quand Tremon s’arrêta brusquement pour observer l’obscurité entre les arbres avec méfiance. Il y avait quelque chose qui approchait très vite, mais apparemment il était encore le seul à l’avoir remarqué. L’air de rien, il accéléra le pas vérifiant du coin de l’œil que le groupe suivait. Mais Seih finit par s’arrêter pour se retourner vers la forêt à son tour. Remarquant cela, Tremon lança :

    -Allez, on ne traîne pas. Plus vite on sera loin, mieux se sera.

    Pour une fois, la jeune fille n’argumenta pas et accéléra le pas pour le rattraper :

    -Tu as entendu ?

    Tremon ne put nier et se contenta de hocher la tête. Seih insista :

    -Tu es sûr que l’on est en sécurité en prenant cette route ?

    -Comment je saurais ? C’est soit ça, soit on quitte le chemin et on se perd.

    Son regard montrait clairement qu’elle réfléchissait sérieusement à la deuxième option. Tremon commença également à se demander si sortir des sentiers battus ne seraient pas le mieux.

    Soudain, Gialema poussa un cri surpris alors que Miral hurlait de douleur. Les trois firent volte-face pour trouver le jeune homme au sol. Autour de sa jambe, une lame souple s’était enroulée plantant une multitude de pique de fer dans la chair. L’autre extrémité de la lame se perdait dans la forêt, à plusieurs mètres de là.

    Serrant les dents, Miral tentait de trouver comment retirer tout cela avec des mains tremblantes. Ylios fixait la scène avec horreur en se répétant de bouger, sans y parvenir. Il voulut parler, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Quand il put arracher ses yeux de Miral, se fut pour tourner la tête vers Tremon et Seih qui restaient immobiles. Dans son esprit, il leur demanda pourquoi ils ne bougeaient pas. Il fallait pourtant que quelqu’un fasse quelque chose. Il entendit un cliquetis et son regard se reporta sur la lame qui se tendait progressivement. Si bien, que Miral finit par brusquement être entraîné vers les bois. Ylios se débloqua brusquement aux hurlements de terreur de son ami. Il s’élança, devenant lion deux pas plus loin.

    Miral fit de son mieux pour s’agripper à ce qu’il pouvait. Il aurait sûrement plus de chance une fois qu’il serait dans la forêt. Passé les premiers arbres, le garçon réussit à attraper une racine et comme la lame tirait toujours, il se retrouva suspendu au-dessus du sol. Les lames se resserrèrent autour de sa jambe lui arrachant un hurlement. La douleur étant insoutenable, l’adolescent préféra lâcher sa prise. Un rugissement rageur retentit et Miral eut le temps d’apercevoir un jeune lion qui s’élançait sur ses traces. A cet instant, la transformation pour lui était hors de question. Il devait réunir ses deux jambes pour devenir python, mais dans le cas présent, les lames resteraient dans son corps, l’éventrant de l’intérieur. L’adolescent abandonna l’idée de se raccrocher à quoi que ce soit de peur que sa jambe ne finisse par s’arracher et tenta plutôt de protéger sa tête des chocs éventuels. Ballotté comme il était, la tâche s’avéra ardue. Le garçon se prit une pierre dans le menton. La douleur lui explosa dans le crâne alors que le sang envahissait sa bouche. Pendant un temps, il eut du mal à distinguer le ciel et la terre. Des ronces déchirèrent les habits et la peau. Miral avait de la terre dans les yeux, la bouche, les oreilles.

    Brusquement, son cœur sembla s’arrêter de battre quand, durant une fraction de seconde, il ne sentit plus rien sous lui. Le garçon eut le temps de comprendre qu’il tombait dans le vide avant de passer dans les cimes des arbres plusieurs mètres plus bas. Le choc l’empêcha de crier, puis sa tête rencontra violemment une branche, lui faisant perdre connaissance.

    Ylios s’arrêta de justesse au bord du vide. Il poussa un nouveau rugissement furieux et aperçut Gialema qui avait repris forme humaine et qui le rattrapée, essoufflée. Du groupe, elle était celle qui tenait le moins longtemps la transformation.

    -Tu as vu où il l’emmène ?

    Ylios avait d’abord pensé continuer en lion, mais cela impliqué de laisser Gialema derrière. Il reprit donc forme humaine, décidant de s’en remettre à son odorat.

    -Il y a trop d’arbre. Où sont Tremon et Seih ?

    -Tremon était derrière et Seih est là-haut.

    Elle pointa le doigt vers un volatile qui s’élançait vers les bois en contrebas.

    -On va essayer de la suivre, peut-être qu’elle arrivera à les voir.

    Observant les alentours, Gialema trouva un chemin assez ancien à la vue des herbes qui le recouvraient, mais encore suffisamment visible pour qu’ils puissent le suivre. Ylios soupira :

    -En espérant qu’il nous mènera bien en bas.

    Ils l’empruntèrent avec précaution, tout en essayant de garder une allure rapide.

    Seih ne voyait rien. Elle avait pris son envol dès que Ylios s’était élancé à la poursuite de Miral. Les arbres étaient trop touffus et elle n’avait pu les suivre que grâce au vacarme que provoquait le corps de son ami que l’on traînait à pleine vitesse. Pendant quelque seconde, elle n’avait plus rien entendu, puis elle avait aperçu Ylios et Gialema au bord d’une falaise. Certainement, Miral avait dût tomber et elle se trouvait trop haut pour entendre. Elle descendit et retrouva le son du corps que l’on traînait. Seih espéra qu’elle tiendrait suffisamment longtemps sa transformation pour repérer où ils l’emmenaient. Un autre son se fit entendre. Elle eut à peine le temps de cerner sa provenance qu’une fléchette manquait son aile de peu. Seih tenta de distinguer quelque chose à travers les cimes, mais ce fut en vain et un autre projectile l'effleura.

    Seih changea brusquement de direction en espérant éviter la suite des flèches. Elle vola aussi vite qu’elle put. D’autres projectiles volèrent sans qu’elle comprenne comment ils pouvaient la suivre. Le cygne arriva à une cascade gigantesque dont la bruine s’étendait sur la forêt. Ses forces l’abandonnaient, signe que sa transformation ne tiendrait plus. N’ayant pas d’autre choix, elle commença à descendre vers le lac au pied de la cascade. Du moins, Seih espérait qu’il soit bien là car la bruine était si épaisse qu’elle ne pouvait voir le sol. La jeune fille fit de son mieux pour réduire sa vitesse même si elle était affolée à l’idée de nouvelles fléchettes jaillissant des arbres. Elle entra dans l’épais nuage glacée, ses jambes finirent par toucher le sol. Top vite. L’adolescente se retrouva propulsé vers l’avant et fini dans l’eau. Elle se redressa aussitôt, rejetant ses cheveux en arrière d’un geste du bras, l’oreille aux aguets.

    Seih dût retenir sa respiration pour repérer un son lointain. Il n’y avait aucun doute, ils étaient plusieurs à courir dans sa direction. Elle recula dans l’eau en espérant atteindre l’autre rive avant qu’ils n’arrivent sur la berge. L’adolescente nageait avec des gestes brefs et désordonnés, gênée par ses habits et frigorifiée. Elle n’arrivait pas à voir la fin de l’étendue liquide. Alors, le cygne tenta de se rassurer en se disant que la bruine la lui cachait et qu’elle n’avançait pas très vite. Pourtant, elle commença à craindre que le lac soit plus grand qu’elle ne l’avait imaginé et qu’elle mourrait de froid avant d’en voir le bout.

    Un rocher lui apparut soudain émergeant de l’eau. Claquant des dents, tremblante, Seih se hissa avec difficulté sur la pierre. A travers la bruine, elle distingua une ombre gigantesque. En tendant la main, la jeune fille sentit une roche dure et froide. L’adolescente comprit qu’une falaise se tenait là et qu’elle ne pourrait pas sortir de l’eau de ce côté. S’imposant le calme, Seih chercha une échappatoire. Elle ne pourrait pas se transformer avant plusieurs minutes. Sans doute qu’elle pourrait faire demi-tour, à l’abri de la bruine, elle pourrait sortir et prendre la fuite.

    Brusquement, une main jaillit pour lui saisir la cheville. Seih hurla tandis qu’on l’a traîné dans l’eau. Dès que le visage de l’homme émergea à la surface, elle lui envoya son pied dans la figure. Alors qu’il la lâchait, l’adolescente sauta et se remit à nager.

    Seih n’alla pas bien loin. Elle sentit une piqûre sur sa nuque et ses membres devinrent lourds. Elle lutta contre le sommeil soudain qui pesait sur ses yeux, mais en vain. La jeune fille ne sentit pas l’eau qui l’engloutissait, ni le bras qui la saisissait pour la traîner sur la terre ferme.

     

    Le câble avait entraîné Miral dans une boîte. Ylios et Gialema avait réussi à suivre l’odeur et se terraient à présent, derrière des arbustes non loin de là. La caisse s’était fermée automatiquement une fois Miral à l’intérieur, mais Ylios préféra guetter un instant pour s’assurer que personne ne se trouvait alentours. Bien lui en prit, car deux odeurs humaines approchaient.

    -On peut…

    Il fit signe à Gialema de garder le silence alors que deux hommes surgissaient près de la boîte en riant.

    -Tu as vu ça ? C’était à combien de kilomètre ?

    -Quand je te disais que ça marcherait. Le vieux a toujours raison.

    Ils s’amusèrent à taper sur la caisse tandis que Ylios plissait les yeux pour mieux distinguer des détails qui le chiffonnés. L’un avait une multitude de cicatrise autour des yeux et l’autre autour des oreilles.

    -Tu crois que c’est quoi ?

    Comme son compagnon ne répondait pas, l’homme leva la tête :

    -Eh, tu crois que c’est quoi ?

    Ylios posa à nouveau son regard sur celui dont les yeux semblaient avoir été remplacé pour se rendre compte qu’il le fixait intensément, souriant. Le garçon sentit son cœur manquer un battement avant qu’il ne tente de se raisonner. Ce n’était pas possible qu’il le voit à travers la végétation, de plus ils étaient assez éloignés. Gialema lui saisit le bras. Elle aussi voyait l’homme les fixer et ce n’était certainement pas normal. Ce même homme dit à son camarade :

    -Tu n’entends rien ?

    Le second qui se demandait ce que son ami pouvait regarder de la sorte, haussa d’abord les épaules avant de s’arrêter :

    -Attend, mais si, et moi qui pensais que ça venait de notre prisonnier.

    Lentement, il se tourna vers les adolescents avec un sourire carnassier. Il pointa le doigt dans leur direction :

    -Par-là !

    Ce fut comme un signal. Ylios et Gialema s’exclamèrent en même temps :

    -Ylios, cours !

    -Planque-toi, Gialema !

    Chacun obéissant à l’intimation de l’autre, la jeune fille devint souris et courut se cacher dans le premier trou qu’elle put trouver. Ylios retrouva sa forme de lion et s’élança à travers les bois, les deux hommes à ses trousses.

    « Chapitre 11Récapitulatif de la semaine du 30 »

    Tags Tags : , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :