• XX - Citseko

    Citseko Fraam

    Rang : Argent

    Héritier de la famille Fraam au service du clan Evarla

     

    L'héritier d'argent se demandait ce que Xutik faisait là. Gec-Nüj leur avait dit qu'il était allé voir Hiloy, mais Citseko ne pouvait s'empêcher de trouver cela bizarre. Comment avait-il fait pour se retrouver à la chambre d'Elférad s'il était venu voir lae Cinquième ? Ce n'est pas comme si la chambre était indiquée quelque part. Ils avaient dû demander à l'accueil.

    -Je t'avais dit que ce n'était pas une bonne idée.

    Citseko regarda Xutik et son héritier d'argent s'éloigner avant de revenir à la discussion. Lyert fixait la porte de la chambre avec angoisse. Quand Elférad avait soudain été saisi de convulsion, ils avaient sonné l'alarme immédiatement. Neghttris répartit sèchement à Lyert :

    -Il fallait le faire. Il serait mort sinon.

    Son ami répliqua tout aussi agacé :

    -Ouais, bah, le résultat c'est qu'il risque de mourir, mais la différence, c'est que ce sera de notre faute.

    Meb se plaça entre eux :

    -Attendez, on reste calme. Vous pouvez m'expliquer la raison de votre dispute, là ?

    Neghttris et Lyert échangèrent un regard noir, mais Matior prit sur lui de répondre :

    -Elférad était en train de guérir d'un poison.

    Citseko resta interdit, alors que Meb répétait :

    -D'un poison ?

    L'héritier d'argent acquiesça et Meb continua :

    -Mais s'il était empoisonné, les soins rapides l'ont guéri, non ?

    Neghttris prit la relève :

    -Non, peut-être pas.

    -Je ne vous suis pas là...

    Lyert reprit en fixant Neghttris :

    -Ce poison est assez méconnu. Apparemment, les traitements ont tendance à aggraver la situation.

    Neghttris repartit encore :

    -Pas toujours, il fallait tenter...

    -Pas toujours, ce n'est pas suffisant.

    -Tu voulais faire quoi alors ?! Le laisser mourir ?!

    Citseko posa doucement une main sur le bras de Neghttris pour murmurer :

    -Ne crie pas ici. On ne sait pas qui écoute.

    L'héritier d'argent se calma d'un coup, les yeux au sol, honteux :

    -Ils n'auraient rien pu faire pour lui. J'en suis sûr.

    Son comportement montrait pourtant qu'il doutait de sa décision. Lyert pointa la chambre d'un geste furieux, parlant d'un ton glacial :

    -Parce que là, tu crois qu'ils vont pouvoir faire quelque chose ?

    Matior qui semblait absent jusque là, revint à lui :

    -Je crois que oui. Ils ont plus de chance maintenant que tout à l'heure.

    Lyert ouvrit la bouche pour répliquer, mais Meb le fit taire d'un geste de la main. Citseko était étonné et déçu de les voir se disputer. Il ne s'était jamais imaginé que Lyert puisse être si acerbe et Neghttris si à court de réplique. Meb faisait de son mieux pour les garder calme :

    -Comment vous avez fait pour avoir des soins rapides ? Vous avez demandé de l'argent à vos parents ?

    Les trois héritiers d'argent échangèrent des regards gênés avant que Neghttris avoue :

    -C'est Hiloy qui a payé.

    Meb se tourna vers Citseko. Celui-ci n'eut pas besoin qu'il parle pour savoir ce qu'il pensait. Pourquoi lae Cinquième leur aurait rendu ce service ? Payer des soins rapides, ce n'était pas rien.

    -Vous lui avez promis quoi en échange ?

    Personne ne s'étonna que Meb pose la question, mais Neghttris fut gêné de répondre :

    -Rien du tout. Iel a voulu aider, c'est tout.

    L'héritier d'or n'en croyait pas ses oreilles :

    -Rien du tout ? Iel vous fourni des soins rapides pour rien du tout ?

    Citseko nota la pointe de méfiance dans la voix de Meb. Cependant, les trois autres étaient bien trop préoccupés pour la noter. Citseko écoutait les quatre garçons sans prendre part à la discussion. Tout le monde savait que ces événements n'étaient pas dû au hasard. Tout le monde savait que quelqu'un était derrière tout ça. Pourtant quand quelqu'un semblait trouver le temps pour se poser la question sur qui, il arrivait une chose qui le détournait de cet objectif. Je ne pense pas qu'ils se préoccuperont de ça désormais. La porte de la chambre s'ouvrit et les garçons se tournèrent tous d'un bloc vers la femme qui en sortit. Avant qu'elle n'ait pu ouvrir la bouche, Lyert demanda :

    -Comment il va ?

    La femme répondit :

    -Il est stable.

    C'est comme si ils se souvenaient soudain de respirer et dans le concert de soupir de soulagement qui suivit, le médecin les observa avec attention avant de demander :

    -A qui dois-je m'adresser pour les détails ?

    Les trois héritiers d'argent lancèrent des regards à Meb et Citseko qui comprirent le message. L'héritier d'or les salua :

    -On se voit plus tard. Viens, Citseko.

    En se dirigeant vers la sortie, Meb lui murmura :

    -Tu ne crois pas qu'ils sont en train d'essayer de nous la faire à l'envers ?

    -Qu'est-ce que tu veux dire ?

    Ce n'est qu'une fois dehors, qu'il répondit :

    -Hiloy qui donne des soins rapides sans rien en échange ? Franchement ? Tu crois qu'ils ont pu s'allier ? Après tout, elle a déjà fait le coup avec les autres des Cinq.

    Il se redressa soudainement, frappé par une autre idée :

    -Oh et si iel avait fait ça pour qu'ils lui en doivent une ?

    Citseko resta muet. Il ne pensait pas qu'Hiloy ait pensé à autre chose qu'à venir en aide à un mourant.

    -Citseko !

    Le garçon se crispa en entendant la voix. Meb lui jeta un regard rieur qui ne fit qu'accroître l'agacement de l’héritier d’argent :

    -Je te laisse.

    Avant qu'il n'ait pu dire quoique ce soit, Meb s'éclipsa et Alio le rejoignit :

    -Pourquoi tu sors de l'hôpital ? Il s'est passé quelque chose ?

    Citseko préféra l'ignorer et partit à la suite de son héritier d'or. Il pensait avoir été clair quand il l'avait revu au club, mais l'adolescent s'accrochait.

    -On mange ensemble ?

    -Non.

    Il lui coupa la route :

    -J'ai l'impression que tu ne veux pas traîner avec moi.

    J'ai des tas de choses plus importantes à penser. Il ne voulait pas le blesser, mais, il ne pouvait pas non plus se permettre d'être accaparé de la sorte alors que son héritier d'or était en potentiel danger.

    -Écoute. Je te l'ai déjà dit, je veux être seul pour l'instant.

    -Je sais. J'attends que l'instant passe.

    -Même si ça passe, t'es pas mon genre. Désolé.

    Alio se mit à rire :

    -C'est parce que tu ne me connais pas. Je suis sûr...

    Citseko le coupa :

    -Pourquoi tu es venu me parler à moi ?

    Un instant prit de court, Alio répondit en souriant :

    -Parce que tu me plaît.

    -Si je ne te plaisais pas, tu ne m'aurais pas parlé.

    Alio sembla réfléchir à une réponse, mais Citseko conclut d'un ton sans réplique :

    -Pourquoi moi je devrais faire l'effort de te parler, alors que toi, tu ne l'aurais pas fait ?

    Sur ce, il le passa pour tenter de retrouver Meb. Alio lui lança :

    -Il est parti de l'autre côté.

    Citseko lui jeta un regard pour voir la direction qu'il indiquait, le remercia du bout des lèvres et s'éloigna. Il n'était pas bien loin, cependant, quand il s'arrêta. Quelques minutes plus tôt, l’adolescent se demandait pourquoi personne ne cherchait celui ou celle qui provoquait toutes ces histoires et voilà qu'il ne s'y attardait pas non plus. Citseko resta sur place, tiraillait entre deux choix. Soit il suivait Meb pour s'assurer qu'il n'était pas le prochain, soit il tentait de trouver le coupable. Il faut que quelqu'un le fasse. Elférad et les siens avaient certainement d'autres choses à penser. Concernant Hiloy, Neghttris leur avait dit qu'ils l'avaient croisée en arrivant à l'hôpital. Apparemment Falibi et Laxo s'étaient faites attaquées. Un détail le frappa soudain. Où est Gzadien ? Il avait vu le garçon dans le couloir quand ils s'étaient attroupés devant la porte d'Elférad, puis quand il était entré fermant la porte derrière lui. Mais il n'était pas à l'hôpital. Citseko était décidé à agir et revint de nouveau sur ses pas. En le voyant, Alio ouvrit les bras en s'exclamant :

    -Ah, je savais que tu reviendrais.

    Citseko bifurqua pour l'éviter et rentra dans le bâtiment des dortoirs. Il ne pensait pas que Gzadien serait en état de l'aider non plus, en revanche, une personne lui était revenue à l'esprit. L'héritier d'argent se dirigeait vers la chambre de Nsoah. Quand il frappa personne ne répondit. L'adolescent resta un moment sur le palier à se demander s'il devait tenter la chambre de Tahiya. Il ne se voyait pas déranger un héritier d'or sans la présence de Meb, mais il ne voulait pas impliquer celui-ci plus que ça. Surtout si ça ne mène à rien au final. Citseko respira profondément avant de se décider à trouver Tahiya. Il n'eut pas plus de chance en frappant à sa porte. Il redescendit pour se diriger vers la salle commune des premières années.

    L'héritier d'argent n'aurait su dire s'il était soulagé de la voir ou non. Lorsque ses yeux d'émeraude se plantèrent dans les siens, Citseko eut bien envie de faire demi-tour. La jeune fille était assise dans un fauteuil, un livre en main. La haute silhouette noire de son cousin se découpait dans les rayons du soleil qui passaient la fenêtre. Tahiya avait relevé la tête en se sentant observée. Citseko lui fit face et s’inclina :

    -Excuse-moi de te déranger. J'ai une question à te poser.

    Elle continua de l'observer sans rien dire.

    -Pourquoi tu as attaqué Indilk ce jour-là ?

    L'héritière d'or plissa les yeux :

    -Pourquoi tu veux savoir ?

    Nsoah laissa échapper :

    -On lui a dit qu'il disait des choses sur moi.

    Citseko lui jeta un rapide coup d’œil. Ce dernier continuait à regarder par la fenêtre alors que sa cousine râlait :

    -Bordel, tu la fermes, oui ? Tu ne sais pas ce qu'il veut faire de ses info après.

    Nsoah eut un léger sourire :

    -Non, lui, il est gentil.

    Tahiya ricana :

    -C'est cela, oui.

    Citseko hésitait à reprendre la parole et quand il le fit, ce fut d'une petite voix :

    -Tu l'as attaqué pour cela ? Et pourquoi tu n'as pas recommencé ?

    Elle le considéra avec curiosité :

    -Il n'est pas là, Meb ? Pourquoi tu poses des questions tout seul à une héritière d'or ?

    Il n'y avait rien de hautain dans sa voix. Ce n'étaient que de simples questions, mais qui impliquaient des réponses très informatives. Cela poussa Citseko à se taire. Devait-il partager avec elle ce qu'il savait ? Parler de ce qu'il s'était passé entre Meb et Elférad ?

    -Je lui ai dit de réfléchir.

    De nouveau, l'héritier d'argent s'étonna de l'intervention de Nsoah qui n'avait pas bougé de la fenêtre. Le regard toujours perdu à l'extérieur. Tahiya serra le poings d'exaspération en retenant un juron, puis dit :

    -Nsoah m'a fait remarqué que si Indilk avait quelque chose à dire sur mon cousin, il me l'aurait dit en face. Et c'est vrai que cela me paraît plus logique.

    Citseko comprenait :

    -C'est pour cela que tu ne t'en ais pas repris à lui. Mais on n'a pas tenté de faire en sorte que tu l'attaques de nouveau ? Comme...

    -Comme un message ou des rumeurs ?

    Tahiya croisa son regard :

    -Nsoah a toujours été la tête pensante et je suis restée à ce qu'il m'a dit. Si Indilk avait quelque chose à me dire, il me l'aurait dit, si Indilk voulait s'en prendre à moi, il m'aurait provoqué en duel.

    Citseko était plutôt ravi de la trouver plus raisonnée qu'il ne s'y était attendu.

    -Est-ce que tu ne penses pas qu'il y a quelque chose de louche dans tout ça ?

    Tahiya referma son livre et s'assit plus confortablement :

    -Écoute. T'es bien mignon, mais les informations ne vont que dans un sens, là. Il vaudrait mieux pour toi que tu commences à y mettre un peu du tien.

    Nsoah se tourna brusquement et se plia en deux pour murmurer quelque chose à l'oreille de sa cousine. Celle-ci leva les yeux au ciel et son cousin reprit sa place devant la fenêtre, faisant courir son doigt sur le rebord de bois et souriant tout seul. Citseko ne se risqua pas à demander ce qu'il avait dit. Il prit un fauteuil et l'installa face à celui de la jeune fille.

    -On est quelques uns à penser que quelqu'un est en train d'essayer de désagréger la classe.

    Tahiya semblait satisfaite de son comportement et se détendit :

    -Quelques uns ?

    Citseko hésita avant de dire :

    -Ils ne savent pas que je suis venue te parler, du coup, je ne préfère pas te dire qui.

    Elle lui fit un signe de tête pour qu'il continue.

    -Il y a eut Qegh qui s'en ait prit à Elférad, Indilk aussi. Toi à Indilk. Vish à Theaon ce matin et on a appris que Falibi et Laxo étaient à l'hôpital parce qu'elles ont été attaquées hier soir.

    -On ?

    -Meb et moi.

    Tahiya rappela :

    -Ce qui ramène la question, pourquoi il n'est pas avec toi maintenant ?

    Il répondit franchement :

    -Je ne veux pas l'impliquer tant que je n'en sais pas plus. Je ne crois pas qu'il voudrait prendre partie de toute façon.

    -Pourquoi ?

    -De peur que quelque chose lui tombe dessus à son tour.

    Citseko nota bien le soupçon qui traversa les yeux de la jeune fille, mais elle n'insista pas et, de nouveau, l'invita à poursuivre :

    -Ce ne peut pas être une coïncidence que les choses aillent si mal entre nous aussi soudainement.

    Tahiya pencha la tête :

    -Je le pense aussi.

    Citseko déglutit avec difficulté en songeant à ce qu'il devait demander ensuite :

    -Donc, je me demandais si vous pouviez m'aider à trouver qui était derrière tout ça.

    L'héritière d'or le considéra en silence. Nsoah se détourna de la fenêtre pour fixer le sol entre les deux fauteuils :

    -Qu'est-ce qu'il s'est passé ce matin ?

    Tahiya marqua son approbation d'un signe du doigt en direction de son cousin :

    -Excellente question. Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ce matin ?

    Citseko passa de l'un à l'autre :

    -Vous n’étiez pas là ? Vous n'avez pas entendu Vish et Theaon se disputer ?

    Il ne parla pas de ce qui était arrivé à Elférad puisqu'il ne s'estimait pas en droit de propager cette information.

    -Pourquoi ce sont-elles disputées ?

    Citseko ne sut que répondre. Nsoah vint à son aide sans s'en rendre compte en demandant :

    -Qui a eu des problèmes ?

    Tahiya allait répondre, mais elle s'arrêta la bouche ouverte, les yeux perdus dans le vague avant de revenir à Citseko :

    -Attends deux minutes. Tu as dit que Qegh s'en ait prise à Indilk, euh, Elférad.

    Elle leva les yeux pour chercher son approbation et l'héritier d'argent acquiesça. Comptant sur ses doigts, l'adolescente continua :

    -Donc, Qegh, Elférad et ses trois petits soldats.

    Elle leva trois autres doigts :

    -Indilk et moi, à cause de Nsoah. Huit. Qu'est-ce que tu as dit après ?

    Citseko comprenait où elle voulait en venir et récita :

    -Vish et Theaon ce matin. Falibi et Laxo ont été attaquées...

    Le coupant, Tahiya poursuivit son compte :

    -Vish, avec Ça, et Theaon, cela inclut Ora, je suppose.

    D'un signe de tête, Citseko lui confirma que l'héritière d'argent avait évidemment était incluse dans la dispute de son héritière d'or.

    -Falibi et Hiloy, Laxo et Bélera. On est à seize.

    Elle planta son regard dans les pupilles d'aurore boréale de l'héritier d'argent. Citseko s'empressa de dire :

    -Meb et moi avons eu un problème également.

    Il n'avait pas l'intention de donner de détails et elle n'en demanda pas.

    -Cela laisse Xutik et son héritier d'argent. Soit ce sont les coupables, soit ils ne vont pas tarder à y passer.

    Citseko fit remarquer en espérant ne pas l'énerver :

    -Je crois que s'ils étaient coupables, ils auraient pensé à se mettre dans une situation similaire aux nôtres pour écarter les soupçons.

    Tahiya eut une moue de dégoût :

    -Xutik est un crétin.

    L'héritier d'argent se crispa :

    -Je crois que je vais aller leur parler. Ils doivent être prévenus qu'ils risquent d'être les suivants... et s'ils sont coupables, il va nous falloir des preuves.

    Nsoah laissa échapper :

    -Je ne l'aime pas. Il m'a beaucoup suivi.

    Citseko qui allait se lever, se figea dans son mouvement :

    -Suivi ?

    Tahiya prit un ton innocent :

    -On ne te l'a pas dit ? Xutik semblait avoir développé un sacré intérêt pour Nsoah pendant un moment. Je ne sais pas si ça constitue une preuve, mais...

    L'héritier d'argent réalisa soudain quelque chose :

    -Vous enquêtez déjà, pas vrai ? Xutik. Vous le surveillez ?

    Tahiya fronça le nez :

    -Pas exactement. On a des soupçons, c'est sûr. Mais, on a du mal à le surveiller. Nsoah a tendance à être distrait et je ne suis pas vraiment bien placée pour vérifier ses allées et venues.

    Le regard qu'elle posa sur lui, fit comprendre à Citseko qu'il n'était peut-être pas celui qui demandait de l'aide.

    -Tu me demandes de le surveiller pour toi ?

    Le rire de Tahiya lui glaça le sang :

    -Demander, non. Par contre, un échange de service. Tu es venu me parler pour une raison. Dis-la.

    Citseko pinça les lèvres. Il n'était plus si sûr d'avoir fait le bon choix.

    -Je ne peux rien faire sans l'accord de Meb.

    -Et il va le donner son accord ?

    L'adolescent réfléchit avant de répondre :

    -Je peux essayer de le convaincre.

    -On a fini dans ce cas.

    Elle reprit son livre. Citseko tenta un regard vers Nsoah, mais celui-ci ne quittait pas la fenêtre des yeux. L'héritier d'argent chercha un nouvel argument pendant un instant avant de renoncer. Il se leva pour quitter la salle quand il s'immobilisa. Alio était assis à la table d'à côté. Impossible qu'il n'ait pas entendu la discussion. Sans voix, il regarda l'adolescent se lever :

    -Alors ? Tu vas faire quoi ?

    Citseko se ressaisit :

    -Qu'est-ce que tu fais là ?

    -Je m'inquiète.

    L'héritier d'argent se tourna à demi. Tahiya avait toujours le nez dans son livre, mais Citseko se méfiait. Il sortit de la salle commune. Alio le suivit :

    -Je te signale que je t'ai vu sortir de l'hôpital ce matin. C'est normal que je m'inquiète.

    Citseko continua de marcher.

    -C'est quoi cette histoire avec cette fille ? Ta classe a l'air effrayante.

    Citseko entra dans sa chambre et lui claqua la porte au nez. Le jeune homme commença à faire les cent pas pour réfléchir. Il devait parler à Meb de ce qu'il venait de faire. Peut-être que s'associer à Tahiya n'était pas une si mauvaise idée. Peut-être qu'il devait plutôt tenter de voir Elférad ou Hiloy. Devait-il vraiment en parler à Meb ? Il refuserait de s'impliquer de nouveau. Citseko en était persuadé.

    -Ah bah t'étais là.

    L’héritier d’argent bondit en voyant Meb surgir dans la chambre. Il posa une main sur sa poitrine en espérant calmer son cœur en panique. L'héritier d'or était amusé :

    -Je t'ai fait peur ?

    Citseko reprit son souffle :

    -J'ai un truc à te dire.

    Meb pointa la porte du pouce, avec un air malicieux :

    -C'est à propos du gars qui attend dehors ?

    L'héritier d'argent chercha de qui il parlait, puis il lui revint qu'Alio l'avait suivi. Il n'a vraiment que ça à faire.

    -Non. Je m'en fous de lui. Je suis allé parler à Tahiya tout à l'heure.

    -Tahiya ? Pourquoi faire ?

    Il lui résuma la discussion qu'ils avaient eu, puis conclut :

    -Elle soupçonne Xutik.

    Meb s'était assis à son bureau, feuilletant ses cours. Quand il comprit que Citseko avait fini de parler, il demanda d'un ton neutre :

    -Et alors ?

    L'héritier d'argent ouvrit la bouche, la referma, l'ouvrit encore et Meb repartit avant qu'il ne puisse formuler un mot :

    -Je me doute que tu veux aider, mais je pense qu'on devrait la laisser se débrouiller. J'ai pas confiance en elle.

    -D'accord, mais on peut en parler à Neghttris, Lyert et Matior...

    -Non, Citseko. On ne fait rien.

    L'héritier d'argent n'était pas étonné, mais il demanda tout de même :

    -Vraiment rien ?

    -Vraiment rien. On s'occupe de nos affaires. Avec ce qui arrive à Elférad, les choses passent à un niveau supérieur. Un niveau auquel je ne souhaite pas me tenir. On fait profil bas. C'est clair ?

    Citseko acquiesça à contre-cœur.

    -Très bien. Fais tes devoirs.

    Je les ai déjà fini. Il resta sur son lit à fixer son drap avant de proposer d'une voix mal assurée :

    -Je peux peut-être juste les avertir que Tahiya a des doutes sur Xutik ?

    Meb poussa un râle agacé :

    -Si tu veux. Mais tu reviens direct et tu ne parles à personne d'autre. Si j'apprends que tu t'es mêlé plus que ça de cette histoire, je te fracasse et je ne parle pas au figuré. C'est clair ?

    Citseko acquiesça d'un air contrit, puis se leva pour sortir. Alio était toujours dans le couloir. L'héritier d'argent se demanda s'il devait le renvoyer ou l'ignorer. Il opta pour la deuxième option.

    -Je peux t'aider pour ton problème de classe.

    Citseko réalisa qu'il ne pouvait pas le laisser se balader avec ce qu'il savait ou ce qu'il croyait savoir. Une fois en bas des marches, il se cala dans un coin du hall où Alio le rejoignit. Citseko commença aussitôt :

    -Tu as compris quoi exactement ?

    L'adolescent prit un air satisfait lorsqu'il lui adressa la parole :

    -J'ai compris qu'un certain Xutik faisait des embrouilles. Il te faut des preuves.

    Citseko secoua la tête :

    -Non, non. Il ne me faut rien du tout. Meb ne veut pas que je m'implique, donc je ne vais pas le faire. Et toi, si tu ne veux pas m'apporter de problèmes, tu ne dis rien.

    -Et qu'est-ce que j'y gagne ?

    Le jeune homme n'était pas sûr d'avoir bien entendu:

    -Je te demande pardon ?

    Alio ne sembla pas prendre ombrage de sa mine dégoûtée et rajouta :

    -Qu'est-ce que tu me donnes si je ne dis rien ?

    Mon poing dans la figure, pourquoi ? Citseko s'étonna lui-même que cette pensée lui vienne à l'esprit, mais entre l'inquiétude de voir Vish et Theaon se battre, la frayeur de savoir Elférad à l'hôpital, la frustration de ne pas pouvoir continuer ses recherches, il était presque au bout du rouleau. Alio attendait une réponse qui ne vint pas de celui qu'il espérait. Gzadien apparut près d'eux et poussa l'adolescent sans ménagement :

    -Ta vie si tu la fermes, ça te va ? Dégage.

    Le garçon aux cheveux orange fit signe à Citseko :

    -Suis-moi.

    Celui-ci ne se fit pas prier. Ils sortirent du bâtiment et allèrent se mettre hors de vue de l'autre côté. Gzadien était nerveux, incapable de tenir en place. Il continua de faire les cents pas alors que Citseko s'était arrêté :

    -Il se passe quoi exactement dans votre putain de classe ?

    Son interlocuteur répondit d'une voix douce en espérant l'apaiser :

    -Qu'est-ce que tu sais exactement ?

    Gzadien eut un rictus mauvais :

    -Que c'est la merde. Pourquoi ? Il y a plus ?

    Citseko le regarda s'agiter l'air navré :

    -Arrête-toi. Respire. Tu ne peux aider personne si tu t'agites comme ça.

    L'adolescent posa ses yeux d’argent sur lui, semblant réfléchir au bien fondé de cette réflexion. Puis, il mit ses mains dans les poches et lui fit face :

    -J'écoute.

    Pour n'impliquer personne, Citseko annonça :

    -Je crois que quelqu'un de notre classe essaie de mettre la discorde pour une raison que j'ignore encore.

    Gzadien s'approcha encore pour murmurer :

    -Est-ce que tu penses que cette personne en voudrait particulièrement à Elf ? Que toutes les autres choses qui sont arrivées seraient un moyen de détourner votre attention de sa cible réelle ?

    Citseko referma la bouche en réalisant qu'il devait avoir l'air d'un poisson hors de l'eau. Il se secoua :

    -Je... je ne... j'y ai pas pensé... je ne crois pas...enfin...

    Gzadien tourna soudain la tête. Par réflexe, Citseko l'imita. Il ne vit rien à l'endroit que l'adolescent semblait scruter avec attention. Pourtant en tendant l'oreille, il lui sembla entendre des pas crisser sur le gravier. Des passants ? Ou mon imagination. La seule chose qui lui fit penser qu'il se trompait fut la tête de Gzadien. Celui-ci ne se détendit pas, le regard toujours sur le même point. Citseko commença :

    -Tu...

    D'un geste vif, Gzadien le fit taire. Ce n'est qu'au bout de deux bonnes minutes qu'il revint à la discussion :

    -Alors ? Tu crois que c'est possible ?

    L'héritier d'argent le jaugea un instant avant de demander doucement :

    -Gzadien, tu as besoin d'aide pour quelque chose ?

    -Comment ça ?

    Citseko choisit ses mots avec soin :

    -Tu as l'air très... tendu.

    Gzadien inspira profondément et eut un sourire qui ne monta pas jusqu'à ses yeux argentés :

    -Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

    Citseko comprenait qu'il veuille le détendre avec une pique d'ironie, mais il garda son sérieux :

    -Si tu veux de l'aide...

    Il s'arrêta en se rappelant ce qu'il avait promis à Meb. Ne t'implique plus dans leurs histoires.

    -En fait, oui. Tu pourrais m'aider.

    Citseko fut tout ouïe. Gzadien sortit un mouchoir de sa poche qu'il déplia, découvrant une note. Quand l'héritier d'argent tendit la main pour la prendre, Gzadien l'écarta :

    -Non, non, ne touche pas. Je veux juste que tu me dises si tu reconnais l'écriture.

    Citseko se pencha sur la note et se concentra sincèrement dans l'espoir d'être d’une aide quelconque, mais il dut admettre que cela ne lui disait rien.

    -Tu crois que c'est quelqu'un que je connais qui a écrit ?

    -Je me demandais si c'était quelqu'un de ta classe.

    Citseko fit une grimace :

    -Je ne connais que l'écriture de Meb dans la classe, tu sais.

    Gzadien referma le mouchoir :

    -Je m'en doutais. Ça valait le coup d'essayer.

    Il arrêta son geste pour de nouveau se tourner vers le coin du bâtiment. Citseko l'observa tandis qu'il guettait une chose que lui ne percevait pas :

    -Excuse-moi, mais est-ce que tu penses qu'on est observé ?

    Comme la première fois, il resta un moment silencieux, immobile avant de reprendre :

    -Tu vas voir Elférad ?

    Le changement de sujet surpris Citseko qui prit une seconde avant de répondre :

    -Euh oui, je vais voir comment il va.

    -Tu peux lui dire un truc pour moi ?

    De nouveau surpris, l'adolescent demanda :

    -Tu ne vas pas le voir ?

    Gzadien secoua la tête :

    -Je peux pas.

    Le sentant pressé de partir, Citseko ne le fit pas patienter :

    -Tu veux que je dise quoi ?

    -Si tu peux caser : Je le voudrais toujours, l'air de rien.

    -Je le voudrais toujours ?

    Il hocha la tête.

    -OK. Je vais essayer.

    Gzadien eut un pâle sourire, jeta encore un coup d’œil vers le coin du bâtiment et partit du côté opposé. Citseko revint vers l'hôpital en passant par l’endroit qui semblait tant inquiéter Gzadien. Il ne repéra rien d'inquiétant et poursuivit sa route.

    Il regagna la chambre d'Elférad en toquant doucement à la porte.

    -Qui c'est ?

    -Citseko.

    -Entre.

    En pénétrant dans la chambre, il nota de suite la présence de Matior au pied du lit, comme un garde en veille. Ils doivent avoir la trouille qu'il arrive encore quelque chose. Assis en tailleur sur son lit, Elférad interrogea le nouvel arrivant du regard. Ses cheveux étaient collés par la sueur et son visage était un peu rouge, mais il se tenait droit et éveillé. Réellement soulagé de le voir ainsi, Citseko s'inclina et soupira avec un demi-sourire :

    -Tu vas beaucoup mieux déjà, non ?

    L'héritier d'or eut un rire qui se brisa en toux sèche :

    -Si on veut oui.

    Matior jeta un regard inquiet à son ami avant de presser Citseko :

    -Tu veux quelque chose ?

    Avant de s'avancer plus avant vers le lit, le jeune homme vérifia qu'il avait bien fermé la porte.

    -J'ai parlé avec Tahiya.

    Ils l'écoutèrent en silence. Citseko nota leur échange de regard quand il parla de Xutik et quand il eut fini, Elférad demanda :

    -Vous allez vous charger de Xutik alors ?

    Citseko avoua :

    -Moi non, mais Tahiya aurait besoin d'un coup de main si jamais...

    Matior se méfia de suite :

    -Pourquoi tu ne l'aides pas toi ?

    Citseko rechigna à avouer :

    -Meb ne veut pas que je m'implique.

    Il repensa au message de Gzadien et se demanda comment il pouvait le placer. Matior fut perplexe :

    -Il ne veut pas s'impliquer ?

    -Il le voudrait toujours, mais là...

    Matior fronça les sourcils :

    -Qu'est-ce que tu racontes ?

    Subtilité bonjour. Il remarqua tout de même la crispation qui parcourut le corps d'Elférad. Concluant qu'il avait saisi le message, l’héritier d’argent annonça :

    -Je voulais juste vous prévenir de ce qu'il se passait. Je vais aussi en parler à Hiloy.

    Matior se contenta de le saluer d'un geste de la main, alors que les yeux vert de l'héritier d'or s'étaient ternis. L'air absent, il fixait le mur. Citseko n'insista pas et s'éclipsa. Il dut retourner à l'accueil pour connaître la chambre de Falibi.

    Il y trouva plus de monde qu'il ne s'y attendait. En plus de Falibi et Hiloy, il s'aperçut que Laxo était également présente avec un bras dans le plâtre. Bélera était sagement assise sur une chaise, avec Rafirin debout à côté. Il y avait également un autre garçon que Citseko ne connaissait pas. L'héritier d'argent hésita à l'embrasure de la porte :

    -Je suis désolé, vous voulez que je revienne plus tard ?

    Falibi fit un ample geste du bras :

    -Entre dans notre antre.

    Citseko ne put s'empêcher de faire un demi-sourire. La bonne humeur de la jeune fille était toujours contagieuse. Intimidé devant le nombre de personne présente, Citseko s'inclina avant de commencer :

    -Neghttris m'a dit que vous étiez là, alors je suis venu voir comment vous alliez.

    Laxo répliqua aussitôt :

    -Où est Meb ?

    -Il travaille.

    Le garçon qu'il ne connaissait pas se pencha vers Laxo :

    -C'est qui Neghttris ?

    -Tu sais, l'un du groupe des mignons.

    Même si cela resta énigmatique pour Citseko, le garçon sembla saisir de qui elle parlait. Il reprit la parole :

    -Je voulais aussi vous parler de quelque chose en particulier.

    Son regard multicolore s'arrêta sur l'inconnu et Rafirin. Comprenant son inquiétude, Laxo l'effaça en disant :

    -Mechem est en seconde année, il n'est pas vraiment concerné.

    De son côté, Rafirin se rapprocha de Falibi :

    -Je reste aussi. Il est hors de question que je la laisse à nouveau.

    La jeune fille lui jeta un regard exaspéré sous celui amusé d'Hiloy :

    -On vient d'en parler Rafirin. Tu ne peux pas me coller aux basques toute la journée. Tu te rends bien compte qu'il y a des moments où ça ne va pas être possible.

    Rafirin ouvrit la bouche pour protester quand Laxo lança d'une voix forte :

    -Tu disais, Citseko ?

    Tous les regards étaient fixés sur lui. L'héritier d'argent passa une langue nerveuse sur ses lèvres :

    -Il vous est arrivé quoi exactement ?

    Un silence lui répondit. Falibi finit par demander :

    -Quand tu dis que Neghttris t'a dis qu'on était là, c'est pas lui qui t'aurais dit de venir prendre des nouvelles par hasard ?

    Citseko ne comprit pas et resta silencieux. Il chercha des réponses dans les yeux des personnes qui l'entouraient, mais c'est finalement Falibi qui reprit :

    -On semble vouloir faire accuser Neghttris de notre attaque.

    Citseko ignorait s'il avait le droit de poser des questions plus pointues sur les détails de l'attaque. Malgré lui, il commençait à penser à la jeune fille comme l'héritière d'argent d'Hiloy. Il ne pouvait l'interroger sans l'accord de la Cinquième. C'est le moment que choisit Bélera pour glisser doucement :

    -Tu devais dire quelque chose, mais tu as l'air de tourner autour du pot.

    Citseko ne pouvait nier qu'il se sentait mal à l'aise de parler de sa discussion avec Tahiya devant autant de monde.

    -Je pourrais peut-être parler à Hiloy seul.e, d'abord... si vous voulez bien.

    Lae Cinquième se leva automatiquement sans attendre l'avis des autres. Ils allèrent dans le couloir pour se trouver un coin isolé. Il voulut rassurer la jeune fille en disant :

    -Ce n'est pas que ça te concerne particulièrement, c'est plutôt que je ne sais pas avec qui tu voudras partager l'info.

    Hiloy lui souriait et cela le détendit :

    -J'ai parlé avec Tahiya de tout ce qu'il s'est passé. Je voulais savoir pourquoi elle avait attaqué Indilk entre autre.

    Il fit le même compte rendu qu'à Elférad et Matior, mais contrairement aux garçons, une fois qu'il eut fini, Hiloy croisa les bras, concentré.e. Iel attendit qu'il se taise pour demander :

    -Mais une fois qu'on a trouvé le coupable, qu'est-ce qu'on fait ?

    Citseko fut soulagé de l'entendre parler de coupable au lieu de Xutik. Bien sûr, Tahiya avait réussi à le faire douter de l'innocence du garçon, mais il ne tenait pas à le condamner sans preuve comme les autres semblaient prêts à le faire.

    -Je crois qu'il faudra que tu vois avec elle et Elférad. Je n'ai pas le droit de faire plus que vous avertir.

    Si lae Cinquième fut agacé.e ou déçu.e de cette déclaration, iel n'en montra rien. Plutôt concentré.e, iel semblait réfléchir à sa question. Citseko se demanda s'il devait lae laisser. Finalement,l’adolescent.e se secoua pour annoncer :

    -Il faut que j'aille demander...

    Il n'entendit pas la suite car iel s'éloignait déjà. Seul dans le couloir, il hésita. Retourne dans ta chambre. Va faire tes devoirs... j'ai fini mes devoirs. Au fond, le jeune homme savait bien ce qu'il voulait faire. Je lui demande. Si iel veut pas tant pis, c'est que je devais pas le faire. Si je ne dis rien à Meb, il ne saura rien. Il s'élançait déjà à la suite de Hiloy en sachant très bien qu'il raconterait tout à son héritier d'or. Tant pis. Il me cassera le nez. J'ai vu pire. L'adolescent rattrapa lae Cinquième assez vite :

    -Tu veux que je vienne avec toi ?

    Hiloy haussa les sourcils de surprise :

    -Tu ne devais pas éviter de t'en mêler ?

    -Si, mais...

    Il n'avait rien à ajouter. Citseko aurait été frustré de voir qu'ils s'éloignaient encore de l'objectif en cas d'un nouvel incident. Le voyant, hésitant à se justifier, Hiloy reprit :

    - Ça ne me gêne pas, mais tu ne risques pas d'avoir des problèmes avec Meb ?

    Iel lui tint la porte pour sortir du bâtiment. Le geste choqua Citseko, il s'empressa de passer en espérant qu'il ne se ferait pas punir pour insolence. Hiloy ne remarqua même pas l'embarras du garçon :

    -Je vais demander l'avis des jumeaux. Tefpiro va encore gueuler, mais bon...

    Les jumeaux ? Quels jumeaux ? Ce n'est que quand ils arrivèrent en vue d'un banc où deux garçons étaient assis que Citseko réalisa de qui il s'agissait. Les blasons représentant un chêne en or aux feuilles de diamant le frappèrent. Instinctivement, il laissa Hiloy prendre de l'avance pour se tenir humblement, un mètre derrière lae Cinquième. En approchant, l’héritière d’argent nota les légères différences entre les deux. C'est une fille. Aussi large d'épaule que son frère, une finesse dans le visage d'Oru faisait toute la différence. Citseko se sentit la gorge nouée devant les Quatrièmes. Hiloy, ellui, lança sans détour :

    -J'ai une question.

    Tefpiro fit la moue :

    -Oui, mais sinon ? Ça va ?

    Hiloy se campa devant eux :

    -Pas super et vous ?

    L'adolescent claqua des doigts :

    -Envoie la question, Puînée. Nous te ferons part de notre savoir immense.

    Citseko se tordit les mains. Il ne tenait pas tellement à se faire remarquer par les jumeaux. Mais si je fais bonne impression, Meb m'évitera peut-être un coup de poing. C'était une occasion à ne pas manquer. Pour l'instant, la discussion se déroulait sans lui.

    -On a un élément perturbateur dans la classe. Du coup, je voulais savoir comment vous géreriez la situation vous ?

    L'incompréhension se lisait sur le visage de Tefpiro :

    -C'est à dire ?

    Citseko osa :

    -Il y a des soupçons sur une personne...

    Sa voix mourut dans sa gorge sitôt que les quatre yeux d'un rouge terne se fixèrent sur lui. Hiloy reprit :

    -Oui, mais on n'a pas de preuve pour l'instant.

    Au soulagement de Citseko, l'attention des jumeaux revint à lae Cinquième.

    -Tu veux qu'on t'explique comment trouver des preuves ?

    Hiloy eut un petit rire :

    -Non, le problème c'est que je crains que certains agissent précipitamment.

    Citseko approuva. Même si Tahiya ne lui avait pas semblé si précipitée, il ne pouvait pas être sûr qu'elle agisse de façon contrôlée si elle se lassait de chercher des preuves.

    -En plus, si on trouve le coupable, il vaut mieux le présenter directement au directeur, non ? Plutôt que de laisser les autres régler l'histoire.

    Tefpiro pinça les lèvres :

    -Cela dépend. Le directeur pourrait se contenter de changer le coupable de classe, si on le paye. N'oublie jamais que tout le monde est corruptible. Si tu veux régler une histoire, fais le toi-même. Je serais toi, je provoquerais l'accusé en duel. Je l'y tuerais par accident.

    Citseko tenta de décrypter l'expression de la Cinquième, mais sans y parvenir. Celle-ci finit par dire :

    -Merci. Je vais voir ce que je vais faire.

    Elle repartit vers l'hôpital. Citseko s'inclina profondément devant les jumeaux avant de la suivre. Hiloy se tourna à demi pour l'informer :

    -Je vais discuter avec les autres. Tu veux rester ?

    -Si tu veux bien.

    Iel se contenta de lui sourire. De retour dans la chambre, Hiloy ne perdit pas de temps pour expliquer la situation. La première réaction de Falibi fut de demander :

    -Est-ce qu'on ne devrait pas en parler à Elférad aussi ?

    Citseko se permit de dire :

    -Je lui ai déjà parlé de Tahiya.

    Hiloy fit remarquer :

    -Je ne suis pas sûre qu'il soit déjà en état, en plus.

    De nouveau, Citseko intervint :

    -Je peux aller lui demander. Ça avait l'air d'aller tout à l'heure.

    Des regards échangés et Laxo formula :

    -Je pense aussi que ce serait mieux de voir avec lui.

    Citseko retourna donc dans la chambre de l'héritier d'or. Celui-ci rêvait les yeux ouverts. Ce fut Matior qui lui fit remarquer l'arrivée de l'héritier d'argent.

    -Pardon de vous déranger encore, mais Hiloy voudrait te parler Elférad. Si tu n'es pas trop fatigué.

    L'adolescent se redressa en grimaçant. Des courbatures lui vrillaient tout le corps.

    - Ça concerne Xutik ?

    Citseko hocha la tête.

    -OK.

    Le jeune homme ressortit pour avertir les autres. Lorsqu'ils arrivèrent tous dans la chambre d'Elférad, Matior bondit sur ses pieds, se plaçant entre eux et son héritier d'or :

    -Oh là, oh là, on avait dit Hiloy.

    Citseko était fatigué de tous ces allers-retour, mais resta néanmoins debout dans un coin, pendant que les autres cherchaient où s'asseoir. A l'exclamation de Matior, Laxo répliqua :

    -Détends-toi. On est pas en état de faire quoique ce soit.

    Ce n'est que là que l'héritier d'argent fit vraiment attention à l'état de la jeune fille et quand il aperçut une large marque sur la joue gauche de Falibi, il demanda spontanément :

    -Pourquoi vous n'avez pas eu droit aux soins rapides vous ?

    Dans son dos, Elférad lui envoya un coup pour marquer sa désapprobation. Matior s'excusa, mais Laxo répondit à son interrogation :

    -On a refusé. Je tiens à lui faire bouffer mon plâtre à l'autre.

    Falibi acquiesça :

    -Et c'est cher. Pour des blessures comme ça, c'est pas nécessaire.

    Quand tous trouvèrent un coin pour s'installer, ce fut au tour du silence de se faire une place. Personne n'osait prendre la parole et même si les regards revenaient souvent sur Hiloy, cellui-ci n'osait ouvrir la bouche. Ce fut Mechem qui finit par commencer :

    -Si je peux me permettre...

    Matior réagit aussitôt :

    -T'es qui toi ?

    Elférad lui envoya un nouveau coup :

    -Le fiancé de Laxo. Elle nous l'a présenté. Assieds-toi tu veux ?

    Il obéit en marmonnant :

    -Ah oui, ça me dit quelque chose.

    Le seconde année reprit sans prendre ombrage de l'interruption :

    -En tant que personne extérieure, je vous conseillerais de tout déballer.

    Rafirin le fixa avec incrédulité :

    -Déballer quoi ?

    Mechem fit face tour à tour à Laxo et Falibi :

    -Racontez dans les détails ce qui vous est arrivé hier soir.

    Il se tourna vers Elférad :

    -Ce qui t'es arrivé ce matin.

    Puis vers Citseko et Hiloy :

    -De quoi vous avez parlé plus tôt.

    Le silence revint. Personne n'avait envie d'être le premier à se révéler. Rien ne garantissait que les autres joueraient le jeu. Citseko était soulagé que Meb n'ait pas voulu s'impliquer. De plus, en lui reportant ce qu'il avait appris, cela atténuerait sûrement sa colère en sachant qu'il avait fait plus que ce qu'il avait promis. Son contentement fut de courte durée car Elférad ordonna :

    -Matior, va chercher Neghttris et Lyert.

    Son ami secoua la tête :

    -Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de te laisser seul.

    Citseko fit un pas en avant :

    -Je peux aller les chercher si tu veux.

    Elférad acquiesça :

    -Tu pourras ramener Meb en même temps.

    L'héritier d'argent retint une grimace. T'aurais dû la fermer. Elférad continua en observant les autres :

    -Personnellement, je ne compte pas parler devant un héritier d'argent qui ne dira rien sur son héritier d'or en contrepartie. Si Meb est là, il parlera.

    Ils approuvèrent tous et Citseko quitta la chambre en se demandant comment il allait annoncer la nouvelle à son héritier d’or. Au moment où il fermait la porte, il entendit Matior lui crier :

    -Ils seront dans notre chambre.

    Citseko courut sur le trajet. Il valait mieux ne pas perdre de temps. Lorsque Neghttris ouvrit, il fut étonné de voir Citseko :

    -Qu'est-ce qu'il se passe ?

    -Elférad veut vous voir.

    Lyert apparut derrière son ami :

    -Il s'est passé quelque chose ?

    -C'est plus une réunion. Je dois ramener Meb, on vous retrouve dans la chambre d'Elférad.

    Les deux garçons sortirent, indécis. Ils auraient aimé des précisions, mais Citseko était déjà repartit. Il ne trouva pas son ami dans leur chambre et s'arrêta pour réfléchir. Il connaissait par cœur les occupations de son héritier d'or. Et aujourd'hui...Il fit demi-tour pour rejoindre les jardins. Il trouva Meb qui s’entraînait au jeu du foulard avec Gondémàr, Chalien et Dsouphan. L'héritier d'argent fit un signe de la main pour se signaler. Meb le repéra de suite, s'excusa auprès de ses amis avant de le rejoindre. Des mèches de ses cheveux bleus et jaunes, collaient à son front à cause de la sueur, essoufflé, il n'était pas ravi d'être interrompu dans son activité  :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    -Il y a une réunion concernant ce qu'il s'est passé ces derniers temps.

    Meb fronça les sourcils :

    -C'est quoi le rapport avec moi ?

    Citseko baissa les yeux :

    -En fait, vu que je me suis plus ou moins inclus dans les recherches...

    -Mais pas aujourd'hui, n'est-ce pas ? Tu leur a juste dit ce qu'avait raconté Tahiya.

    L'héritier d'argent hocha la tête en précisant du bout des lèvres :

    -Oui, mais j'ai accompagné Hiloy...

    Meb ne le laissa pas finir :

    -Putain, Citseko ! Tu comprends quand je te parle ou t'es complètement demeuré ?! Qu'est-ce qui passe en premier ?!

    -Le clan d'abord.

    -Le clan d'abord, bordel ! C'est trop compliqué pour toi ?! Je suis déjà vachement sympa de te laisser leur transmettre les infos. T'as pas l'impression d'abuser ?!

    Citseko se contenta de fixer le sol sans répondre.

    -C'est quoi exactement cette réunion ?

    -Ils vont tout raconter. Je pense que c'est histoire de mettre tout au clair. Du coup, il préfère que tu sois là. Il pense que je ne dirais rien sans ton accord.

    Meb eut un ricanement grinçant :

    -Y a que eux qui en doute. C'est par où ?

    Citseko le ramena dans la chambre d'Elférad. Meb eut un mouvement de recul en découvrant la foule qui s'y trouvait.

    -La vache. Il y a toute la classe ou quoi ?

    Citseko alla se caler contre un mur pendant que Falibi demandait à l'héritier d'or :

    -Il t'a expliqué ?

    -Vaguement.

    Mechem reprit la parole :

    -Je pense que pour régler vos problèmes, vous devriez déjà tout raconter. Il y aura peut-être quelque chose que vous remarquerez en reliant toutes vos histoires.

    Meb haussa un sourcil :

    -T'es qui toi ?

    Mechem ouvrit la bouche pour répondre, mais Matior prit les devant :

    -Un juge autoproclamé.

    Laxo attira l'attention en lançant :

    -Alors ? Qui commence ?

    Meb se tourna vers Citseko :

    -Eh bah, vas-y. Dis-nous tout.

    L'héritier d'argent comprit bien que son héritier d'or se vengeait de se retrouver dans cette situation. Citseko répéta ce qu'il avait dit à Hiloy et Elférad, sa discussion avec Tahiya. Une fois terminée, ce fut Meb qui l'interrogea :

    -Donc, c'est Xutik qui fait tout ça ?

    Hiloy intervint au soulagement de Citseko :

    -On n'a pas de preuve. C'est juste une idée de Tahiya.

    Mechem interrogea Citseko du regard pour être certain qu'il n'avait rien d'autre à dire, puis se tourna vers Elférad :

    -Et de votre côté ? C'est quoi l'histoire ?

    L'héritier d'or lâcha :

    -On essaie de me tuer.

    Laxo et Bélera restèrent bouche-bée. Falibi demanda :

    -C'est le poison ?

    Elférad ne répondit pas directement :

    -Ce sont des lettres. Au début, on pensait que c'était des menaces contre moi, puis contre Gzadien, puis finalement contre moi, puis de nouveau contre Gzadien. Finalement, aux vues de ce qui est arrivé ce matin, c'est de nouveau moi.

    Aux mines de ses héritiers d'argent, il était clair qu'ils n'approuvaient pas qu'il donne autant d'information. Cependant, ils ne firent rien pour l'arrêter. Meb le pressa :

    -Il s'est passé quoi exactement ?

    -On a essayé de m'étrangler.

    Laxo s'exclama :

    -Quoi ? Qui ça ?

    L'héritier d'or haussa les épaules :

    -Je ne sais pas. Je n'y voyais pas clair.

    Neghttris intervint :

    -On ne pense pas que ce soit lié aux problèmes de la classe. Si vous pouviez éviter d'en parler à n'importe qui...

    Rafirin le coupa :

    -Pourquoi ce ne serait pas lié ?

    Neghttris lui jeta un regard irrité en répondant :

    -Parce que je ne vois pas pourquoi cette personne, qui s'est contenté de provoquer de petites disputes ici et là, se serait brusquement trouvé des envies de meurtre. On pense que c'est la même personne qui a envoyé les lettres empoisonnées.

    Ils restèrent plongés dans leurs pensées quelques secondes, ne trouvant rien à ajouter à l'argument. Mechem se tourna vers Falibi, Laxo et Bélera :

    -Votre tour.

    Elles racontèrent les événements de la veille. Quand Laxo précisa qu'elle avait entendu le sifflement de Neghttris, celui-ci bondit :

    -Quoi ?! C'était pas moi. Pourquoi j'aurais fait ça ?

    Il cherchait plus à se justifier auprès de son héritier d'or qu'au reste de l'assistance. Elférad fit remarquer, au cas où la jeune fille serait tentée de lancer une accusation plus définitive :

    -Il n'aurait pas sifflé si cela avait été lui.

    Laxo acquiesça :

    -Je sais, d'autant plus que...

    Elle se tourna vers Falibi qui continua :

    -Les surveillants sont revenus nous voir après qu'on leur ai parlé. Ils ont fouillé votre chambre et ont trouvé une cagoule sous le matelas de Neghttris.

    Le garçon ouvrait la bouche pour se défendre, mais Falibi le fixa en concluant :

    -Si ça avait été toi, tu te serais débarrassé de ce masque. Tu ne l'aurais certainement pas gardé pour le planquer de cette manière. On sait que tu n'es pas bête.

    L'héritier d'argent referma la bouche sans être vraiment rassuré :

    -Qui que soit la personne qui provoque tout ça, il a l'air de m'en vouloir. Après le coup des chaussures avec Citseko...

    Ce fut au tour de Mechem de l'interrompre :

    -Les chaussures ?

    D'un regard, Neghttris demanda à Elférad s'il devait continuer. L'héritier d'or s'adressa à Meb :

    -On doit raconter ça aussi ?

    Désabusé, Meb écarta les bras en signe d'impuissance :

    -Écoute, au point où on en est... ce n'est pas comme s'il y avait deux personnes extérieures à notre classe dans la pièce. On ne prend vraiment aucun risque à déballer tous nos problèmes devant eux, n'est-ce pas, Citseko ?

    L'héritier d'argent garda les yeux au sol. Laxo se leva pour défendre son fiancé :

    -Je peux t'assurer qu'il est digne de confiance.

    Meb grinça des dents :

    -Qu'est-ce que j'en sais ? Je ne le connais pas et, tu m'excuseras, mais ta parole ne me suffit pas.

    -Oh, excuse-moi, est-ce qu'on t'a réveillé de ta sieste ? Je ne pense pas que quelqu'un qui ne voulait pas se mêler de cette histoire au départ puisse avoir le droit de donner son avis sur la question.

    Meb la fusilla du regard :

    -Je n'ai pas demandé à être là, je te signale. C'est vous qui avez demandé à cet abruti de me faire venir.

    Il pointa Citseko d'un doigt rageur. L'héritier d'argent se sentit rougir jusqu'à ce que ses oreilles brûlent. Falibi se leva d'un bond, se plaçant entre eux :

    -Est-ce qu'on pourrait revenir au sujet principal ? Elférad, tu disais ?

    Le jeune homme raconta le duel qui avait failli le mettre face à Meb. Les regards se portèrent donc évidemment sur Citseko qui dut raconter l'attaque qu'il avait subi. Hiloy leva alors le bras :

    -C'est là que j'ai commencé à chercher un moyen d'apaiser les choses de mon côté.

    On revint à ellui. Lae Cinquième raconta son entretien avec Gzadien, sans mentionner la fausse rupture, puis ce que les héritiers d'argent avaient arrangé pour éviter le duel. Mechem reprit la parole :

    -Rien de tout ça ne nous mène à accuser...

    Il se tourna vers sa fiancée qui compléta :

    -Xutik.

    -Xutik. En fait, mis à part le fait que ça fait beaucoup de problème pour une classe, rien ne dit qu'il y a quelqu'un derrière tout ça.

    Meb eut un ricanement glacial :

    -Personnellement, je pense que c'est Elférad qui tient la malchance.

    Lyert lui lança :

    -Parce que le fait que t'es pas plus de problèmes ne te rend pas du tout suspect.

    L'héritier d'or croisa les bras :

    -Tu crois que je n'ai pas eu de problèmes ? Qui crois-tu que Indilk est venu voir avant d'aller t'en mettre une ?

    Citseko le fixa avec stupéfaction. Il comprenait son mécontentement, mais de là à parler sans réfléchir. L’héritier d’argent fit un pas vers lui dans l'espoir de le faire taire, mais Meb le menaça d'un geste du bras, le forçant à s'arrêter.

    -Indilk s'est d'abord intéressé à un de mes amis. Il voulait interroger sa sœur sur la mort de son frère.

    Elférad fronça les sourcils :

    -Il pensait aussi que mon frère était lié à sa mort.

    Neghttris intervint :

    -Il n'est peut-être pas nécessaire d'étendre le débat jusqu'à cette histoire.

    Les deux héritiers d'or se fixaient, ignorant les autres. Meb demanda :

    -Et ? Ce n'est pas le cas ?

    -Mon frère est mort avant d'entrer à l'école. Et ton ami ?

    -Sa sœur a perdu ses jambes en première année. C'est pour ça qu'il a reprit l'or de son clan.

    Laxo reprit la parole :

    -Cela ne nous aide pas à savoir ce qu'on va faire maintenant.

    Mechem lui sourit :

    -Je ne suis pas d'accord. Maintenant que vous savez tout. On peut dire que Elférad semble, en effet le centre de l'histoire, mais le vent commence à tourner. Qui savez que tu retrouverais Falibi hier soir ?

    La jeune fille échangea un regard avec l'héritière d'argent :

    - Personne je crois. Ça s'est décidé à la dernière minute.

    Falibi confirma d'un hochement de tête. Le seconde année fit remarquer :

    -Donc, on a voulu s'attaquer à Falibi pas à Laxo. De la même façon que l'on s'est attaqué à Citseko.

    Rafirin glissa :

    -Mais on n’a pas d'héritier d'or, nous. A quoi ça lui servirait de s'en prendre à un héritier d'argent ?

    Les regards se tournèrent vers Hiloy qui fut surpris.e de cette brusque attention. Mechem confirma la pensée de tous en disant :

    -Je pense que c'est Hiloy que l'on a voulu atteindre.

    Neghttris ajouta :

    -Et, encore une fois, en voulant nous faire accuser.

    Le seconde année hocha la tête :

    -Mais ce n'était peut-être que pour continuer sur la première idée. Ce serait bizarre que quelqu'un d'autre se mette à attaquer des héritiers d'argent.

    Elférad se massa les tempes :

    -Poursuivre dans la lancée, c'est ce que tu veux dire ?

    Mechem hocha de nouveau la tête. A tout cela, suivit un long silence qui se prolongea tellement que Citseko se demanda s'ils n'allaient pas se séparer sans rien ajouter. Ce fut Bélera qui finit par prendre la parole pour la première fois :

    -Qu'est-ce qu'on devrait faire pour savoir si c'est Xutik ?

    Aucune réponse. Ce fut Elférad qui demanda :

    -Laxo et Falibi, vous vous êtes battues contre deux personnes. Vous êtes sûres que c'était des garçons ? Il faisait sombre, non ?

    Laxo répondit d'une voix forte :

    -Oui, certaine. Je l'ai vu d'assez près.

    Hiloy se redressa :

    -Tu n'as rien noté de spécial quand tu te battais ?

    L'héritière d'or réfléchit avant d'avoir un rire froid :

    -Il a passé son temps à m'imiter.

    Elférad fut intrigué :

    -Comment ça à t'imiter ?

    -Eh bien, il a esquivé un petit moment, puis il s'est mis à me renvoyer mes coups.

    Lyert observa l'assemblée avant d'avouer :

    -Je ne vois pas bien ce que tu essaies de dire.

    Laxo se leva et plaça Mechem en face d'elle :

    -J'étais en pause, prête à l'attaque.

    Le seconde année se mit en place.

    -Première attaque.

    Au ralenti, le garçon lança son poing qu'elle évita aisément.

    -Et après...

    Elle reproduisit le coup à l'identique :

    -Voilà. Imagine ça pendant un petit moment.

    Matior intériorisa un rire pour demander :

    -Tu t'es fait battre par tes propres techniques ?

    Laxo grimaça un sourire :

    -Tu sais que je peux toujours t'exploser mon plâtre sur le crâne.

    Rafirin qui était plongé dans ses pensées, intervint pour demander :

    -Mais Bélera, il ne t'a pas poursuivi ? Pourquoi il n'a pas réussi à t'attraper ?

    Bélera se contenta de répondre :

    -Je suis rapide.

    Laxo ajouta avec une pointe de fierté :

    -Très rapide.

    Falibi prit la parole à son tour :

    -C'est assez particulier comme technique.

    Elle se tourna vers Neghttris :

    -Je suppose que ce n'est pas ton truc.

    Le garçon secoua la tête. Fixant le vide depuis un moment, l'air complètement absent, Hiloy revint à la discussion en disant :

    -On a qu'à provoquer Xutik en duel.

    L'attention vint sur ellui.

    -J'ai parlé aux jumeaux et ils ont proposé de régler la situation par un duel. Pour eux, on ne peut pas se fier aux adultes pour régler les choses de manière satisfaisante.

    Cela parut évident à chacun d'eux. Lae Cinquième continua :

    -Comme Falibi l'a dit, c'est une technique particulière. On soupçonne Xutik. Que quelqu'un le provoque en duel. On verra comment il se bat.

    Une rumeur approbatrice parcourut la salle, puis Meb annonça :

    -Un duel n’est pas nécessaire. J'ai une idée qui n'attirera pas les soupçons si on se tient à ce plan.

    Ils attendirent la suite.

    -Xutik et Gec-Nüj ne supporte pas Citseko, ce que je commence à comprendre, on a qu'à l'envoyer. Il fait une connerie qui les offense et combat. Citseko se fera battre, mais au moins, on saura comment il se bat.

    Elférad haussa les sourcils à son discours, mais se contenta de demander à l'héritier d'argent :

    -Citseko, tu serais d'accord ?

    Celui-ci n'hésita pas une seconde :

    -Bien sûr.

    Meb tapa dans ses mains :

    -Voilà. D'autres suggestions, déclarations ?

    Comme personne ne répondit, il annonça :

    -Dans ce cas, je vais manger.

    Il pointa Citseko d'un doigt autoritaire en se dirigeant vers la sortie :

    -Toi, au boulot.

    Citseko s'inclina devant l'assemblée avant de sortir. Il avait bien compris qu'il n'avait pas de temps à perdre. La question qu'il se posait maintenant était de savoir comment provoquer l'héritier d'or au point qu'il veuille se battre. Meb a raison. Il ne me supporte pas. Il sautera sûrement sur une nouvelle occasion de m'humilier. L’autre raison pour laquelle il cherchait Xutik afin de le provoquer dès maintenant, était qu'il ne tenait pas à attendre que l'histoire se tasse. Demain, il serait peut-être trop tard. Si chacun retournait à ses affaires, il y avait des chances qu'ils passent à nouveau à autre chose. Il poussait la porte pour entrer dans le dortoir quand il tomba nez à nez avec l'héritier d'or et son ami. Citseko se figea instantanément, ne trouvant quoi dire. Xutik s'impatienta de le voir bloquer la porte et le poussa pour sortir. L'héritier d'argent se ressaisit. Il faut que tu le fasses. Tu devras le faire de toute façon. Il prit son courage à deux mains et le cœur battant, se mit à les suivre. Il faut qu'ils se séparent. S'ils restaient ensemble, il aurait beau l'énerver tant qu'il voulait, le seul qu'on lui ferait combattre serait Gec-Nüj pour éviter d'impliquer les héritiers d'or. Mais qui nous dit que ce n'est pas lui que Laxo a combattu ? L’adolescent se maudissait de retarder le moment de l'altercation quand il aperçut Bélera au pied des marches de l'hôpital. Leurs regards se croisant, la jeune fille fit mouvoir ses mains. L'apprentissage du langage des signes faisaient également partie du bagage de base de leur formation. Lors d'un Grand Jeu, le silence pouvait s'avérer vital. Il comprit donc sans problème qu'elle lui proposait son aide. Il répondit de la même manière, lui demandant un moyen de séparer les deux adolescents. Bélera s'élança vers le duo sans hésiter.

    Citseko ne put entendre ce qu'elle leur dit, mais la gestuelle fut éloquente. Xutik manqua de sauter à la gorge de la jeune fille, mais, comme prévu Gec-Nüj s'interposa. Il discuta plus calmement avec elle avant que l’héritière d’argent ne lui fasse signe de la suivre. Ils s'éloignèrent. C'est maintenant ou jamais. Bélera n'a quand même pas fait ça pour rien. Citseko s'avança à grand pas et poussa Xutik de toutes ses forces. Celui-ci, déjà agacé par l'attitude de l'héritière d'argent, ne réfléchit pas à deux fois avant d'envoyer son poing vers le garçon. Citseko évita le coup et se mit en garde. L'héritier d'or le dévisagea avant de prendre position. Même pause, mais on ne peut pas dire que ma garde soit originale. Citseko n'était pas du genre à attaquer en premier, mais pour le bien de l'expérience, il dut s'y résoudre. Aucun de ses coups ne porta. Non pas parce que Xutik faisait preuve d'une incroyable agilité, mais plutôt parce que l'héritier d'argent manquait de conviction. Attaquer une personne qui, jusqu'à preuve du contraire était innocente, ne lui plaisait guère. Après quelques passes assez molles, Xutik enchaîna les coups. De toute évidence, de son côté, il y avait une certaine colère à décharger. Citseko para un moment avant de réussir à se dégager et se remettre en garde. C'est là que Xutik s'arrêta. Il dévisagea à nouveau l'héritier d'argent :

    -Pourquoi tu m'attaques ?

    Citseko resta sans voix. Son adversaire baissa les bras :

    -Fous-moi la paix. Je suis pas d'humeur.

    C'est justement tout le but de l'opération, enfin. Des coups qu'il avait analysé, aucun ne ressemblait à ceux qu'il avait donné. Si les choses s'arrêtaient là, il devrait dire aux autres que Xutik n'était pas celui qu'il cherchait. Ce pourrait être Gec-Nüj alors ? L'héritier d'or tournait les talons, laissant Citseko insatisfait. Oh, et puis flûte. Je suis plus à ça près. Il lança :

    -C'est toi qui a voulu que mon héritier d'or et Elférad se battent en duel. Je te provoque en duel pour réclamer réparation.

    Xutik se figea. Ne le voyant plus bouger, Citseko cherchait quelque chose à ajouter quand il se tourna vers lui :

    -Des preuves ?

    L'héritier d'argent admit :

    -Non, mais je suis sûr de moi. Je suis sûr que tu es l'héritier d'or des parias.

    C'était la seule chose qui lui était venue à l'esprit. Les Evarla appelait paria les membres d'un clan qui les avait trahis il y avait des années de cela. La plupart des Evarla avaient oublié à quoi ressemblait leur blason et n'avaient aucune idée de ce à quoi ressemblait leur héritier d'or, ni même s'ils en avaient un. Citseko ne faisait pas exception. Pour lui, l'existence de ce clan tenait de la chimère. Il se souvenait vaguement d'une réunion qui avait eu lieu entre les chefs, lorsqu'il était enfant, mais il n'y avait pas été convié. Contrairement à Meb qui était probablement le seul à pouvoir reconnaître un membre du clan paria s'il en croisait un.

    Cependant, Citseko ne ressentit, étrangement, aucune colère chez son interlocuteur lorsqu'il répliqua :

    -Tu oses m'accuser, moi, un héritier d'or, sans preuve ?

    L'héritier d'argent ne fut pas étonné que Xutik ignore la partie sur les parias. Mis à part son clan, il ne pensait pas que quelqu'un d'autre les connaisse. Citseko ne put que répéter :

    -Je suis sûr de ce que j'avance.

    Xutik resta calme :

    -Tu veux que je te dise ce dont je suis sûr, moi ?

    Citseko ne prit pas la peine de répondre à cette question purement rhétorique et le laissa continuer :

    -Je suis sûr que tu es frustré pour une raison ou une autre et que tu te défoules sur moi. Ou mieux, tu essaies de te faire bien voir de Meb parce que t'as encore fait une connerie. Peut-être qu'il a enfin réalisé l'immensité de ton incompétence. Je suis sûr, en tout cas, qu'il ne sait pas que tu es là à vouloir provoquer un héritier d'or. Il n'est pas con, lui. S'il avait voulu une quelconque réparation de cette importance, il m'aurait cherché lui-même.

    Xutik attendit une réaction, mais Citseko ne trouva rien à dire. Il ne voyait pas comment parer ses arguments et revenir à un combat. Par contre, si c'est Gec-Nüj...

    -Je demande à combattre ton héritier d'argent en duel.

    -Pour quelle raison ?

    Citseko commençait à perdre ses moyens :

    -Pour réparation.

    Il n'était décidément pas bon pour provoquer des conflits. Xutik ne se départissait pas de son calme :

    -Il n'y a pas de réparation à donner puisque tu n'as pas de preuve. Je tiendrais Meb au courant de ton comportement. On verra comment il réagira en sachant que son héritier d'argent se balade en insultant des héritiers d'or.

    Il va être ravi. Citseko soupira en imaginant la scène. Ce n'était pas encore ce soir qu'ils feraient la paix. Le fait que Meb l'ait lui-même envoyé provoquer Xutik n'y changeait rien. Il avait été incapable d'accomplir sa mission, point barre. Il recula discrètement quand Gec-Nüj les rejoignit :

    -Qu'est-ce qu'il se passe ?

    Xutik secoua la tête en se remettant en marche :

    -Rien.

    Les deux garçons s'éloignèrent, laissant Citseko à ses réflexions. Il n'était pas un peu trop calme ? Bélera le rejoignit une fois le duo hors de vue :

    -Alors ?

    -Alors ? Je vais me faire engueuler.

    Soucieuse, la jeune fille demanda :

    -Tu n'as pas réussi à le provoquer ?

    Citseko répondit mollement :

    -On s'est battu, mais rien de concluant. Pour le peu que j'ai vu, il ne m'a pas imité.

    Bélera se mordilla la lèvre en réfléchissant. L'adolescent supposa :

    -Peut-être qu'il lui aurait fallu plus de temps pour y arriver.

    L’héritière d’argent rappela :

    -Pas tellement. Il a imité directement Laxo, après un coup seulement. Tu l'as attaqué en premier ?

    -Oui, mais quand il a rendu les coups, ça n'avait rien à voir.

    Bélera rassembla ses cheveux rouges pour les attacher en queue de cheval. Un tic qui lui donnait l'impression de réfléchir plus clairement. Citseko se tourna vers elle pour dire encore :

    -Après, il était énervé à cause de ce que tu lui as dit, donc, il n'a peut-être pas réagi comme il l'aurait fait d'habitude.

    Elle eut un petit rire :

    -Tu m'étonnes. Je lui ai dit qu'il devrait lâcher Hiloy parce qu'il y avait peu de chance qu'iel s'intéresse à un petit homme. C'est pas grand chose, mais avec son égo...

    Citseko compléta avec un demi-sourire :

    -Il a explosé direct.

    Bélera était assez fière d'elle, mais la jeune fille reprit son sérieux en voyant la mine déconfite du garçon :

    -Tu veux retenter ? Si on ne le lâche pas, il finira par craquer.

    Citseko secoua la tête :

    -Il risque surtout d'avoir des doutes. Je lui ai déjà dit que je le soupçonnais d'être la cause du duel manqué entre Elférad et Meb.

    L'adolescente ouvrit des yeux ronds :

    -Euh, c'est là qu'il t'est tombé dessus ?

    -Étrangement, non, il est resté très calme. En fait, il s'est énervé quand je l'ai poussé, puis après un petit moment, il est retombé d'un coup. Je n'ai pas réussi à lui faire perdre son calme ensuite.

    Bélera pencha la tête sur le côté comme si elle pouvait encore apercevoir le duo derrière Citseko :

    -Étrange, en effet. Xutik n'a pas l'air du genre à se maîtriser si facilement.

    -C'est ce que je pensais aussi.

    La jeune fille réfléchit encore un instant avant de proposer :

    -On devrait rejoindre les autres. Leur dire ce qu'il s'est passé.

    Comme elle commençait à s'éloigner, Citseko s'empressa d'ajouter :

    -Je pense aussi que cela pourrait être Gec-Nüj qui vous a attaqué.

    Bélera lui fit face en reculant pour répondre :

    -Je ne crois pas. Xutik n'aurait pas laissé la gloire de battre une héritière d'or à son héritier d'argent.

    C'est vrai. Il lui lança avant de s'éloigner :

    -Je vais trouver Meb.

    Elle fit un signe de la main :

    -OK. A plus tard.

    Citseko passa encore un moment à chercher Meb dans tous les bâtiments et cours avant de le trouver à la bibliothèque entouré de ses amis. Lorsqu'il arriva, l'héritier d'argent pu entendre clairement Gondémàr dire :

    -Tiens, l'inutilité personnifiée est de retour.

    Dsouphan se permit de demander directement :

    -Alors ? Quelles sont les nouvelles ? Tu me parais bien en forme pour quelqu'un qui vient de combattre un héritier d'or.

    Chalien eut la décence de rester silencieux, tandis que Meb levait ses yeux bleus et jaunes pour le fixer. Citseko ne fut pas étonné de comprendre que l'héritier d'or leur avait tout raconté. Il ne cachait rien à ses amis, pas plus qu'à ses parents. A son regard interrogateur, Citseko répondit :

    -Je l'ai provoqué en duel.

    Meb se rejeta sur le dossier de sa chaise dans un signe d'exaspération :

    -En duel ? D'où un héritier d'or accepterait une provocation en duel d'un héritier d'argent ?

    Je me suis mal exprimé. Citseko n'aimait pas parler d'affaires qui lui paraissait privées devant les trois autres. Il bafouilla :

    -Ce n'est pas exactement ce qu'il s'est passé. Je peux te parler en privé ?

    -Tu crois que l'on a des choses à cacher à nos alliés ?

    Ils vont surtout pas arrêter de m'interrompre pour raconter des conneries.

    -On s'est battu un moment, mais il ne m'a pas imité.

    Meb écarta les bras :

    -Et ben, voilà, c'est tout ce qu'on voulait savoir.

    -Mais, du coup, on a pensé...

    Son héritier d'or le fit taire d'un geste :

    -Non et non, Citseko. On arrête là. Ils ont eu ce qu'ils voulaient, on les laisse maintenant. Tu leur a dit ?

    -Bélera s'en charge.

    -Parfait. Maintenant, Citseko, tu écoutes bien. Tu ne fais plus rien, c'est clair ?

    L'héritier d'argent hocha la tête.

    -Assis-toi.

    Il obéit.

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