• Vingt-cinquième battement

    Le responsable tripotait les lettres sans les voir. Il se repassait en boucle les paroles qu’il avait dite à Nouphilo quelques instants plus tôt. C'était la bonne décision, c'est le mieux pour lui.

    -Erlhas, réveille-toi.

    -Ouais, ouais.

    Sans jeter de regard à Diaralie, il reprit le triage. L'adolescent se figea devant une lettre adressée à Nouphilo. Encore. Il hésita. Erlhas ne voulait pas lui donner en main propre, car il craignait de le revoir si tôt après leur discussion. Tu vas pas le foutre dans la merde juste pour tes problèmes. Il glissa la lettre dans ses poches avant de poursuivre son tri. Lorsque les représentants eurent fini leur tâche, ils emmenèrent leur bac au réfectoire. Durant le trajet, Diaralie, s’approcha de lui :

    -Tout va bien ?

    -Pourquoi ?

    -Tu as tendance à aller assez vite pour le tri d’ordinaire, là, tu rêvassais tellement qu’on a bien cru que tu n’en finirais jamais.

    Il se contenta de hausser les épaules :

    -Bof, y a des jours sans.

    -Tu as des problèmes avec Sebizan ?

    -Pourquoi j’aurais des problèmes avec Sebizan ?

    -Parce que c’est ton seul ami et que je vois pas qui te poserais plus de problème que lui.

    Erlhas rit de bon cœur.

    -Non, c’est pas lui, étonnement.

    Diaralie resta un instant silencieuse avant de demander :

    -C’est pas à cause de la rumeur que j’ai fait courir au moins.

    Le cœur de Erlhas s’allégea encore avec un nouveau rire :

    -Non, ça, ça nous a plutôt fais marrer.

    Peu désireux de parler des raisons de son chagrin, il espéra qu’elle n’insisterait pas. Diaralie reprit d’un ton solennel :

    -Très bien, alors si j’ai pas d’excuse à donner, je te souhaite bonne chance.

    Il répliqua sur le même ton :

    -Merci.

     

    Une fois au réfectoire, malgré lui, Erlhas balaya la salle du regard pour essayer de trouver Nouphilo et il ne put s’empêcher de se sentir déçu qu’il fut absent. Arrête maintenant, ça suffit ! Tu as dit que c’était fini, c'est fini. Il alla rejoindre la table des représentants en se demandant s’il ne passerait pas un coup de fil à son frère par la suite. Tu as l'intention de lui pourrir son week-end en plus ? Le garçon grimaça et renonça à cette option. Après tout, ce n'était pas si dramatique. Il l'avait quitté avant que les choses ne deviennent trop sérieuses. Finalement, ce n'était pas plus mal. Je m'en remettrais plus facilement. Malgré tout, il évita Nouphilo le restant de la journée et pour la lettre, il se contenta de la glisser sous la porte de sa chambre. Si tu ne le vois pas pendant un certain temps, tu l'oublieras plus vite. Il se rabâcha les mêmes pensées encore et encore, tout au long de la journée. Il tenta de regarder un film pour se changer les idées, mais il abandonna et s'allongea en espérant trouver le sommeil.

     

    Erlhas se réveilla en entendant une annonce l’appelant à l’accueil. En grommelant, il glissa hors de son lit pour descendre au rez-de-chaussée. La femme derrière son bureau, lui tendit le combiné du téléphone. La voix de sa mère résonna :

    -Tu sais que le principe d’un téléphone portable, c’est quand même de pouvoir t’appeler où que tu sois.

    -Ouais, mais je l’éteins pour aller en cours et je pense pas à le rallumer.

    -Que tu es sage, mon petit chat.

    Erlhas eu un faible rire.

    -Tu m’appelles pour quoi ? Y a encore une histoire avec papa ?

    Histoire de terminer ce superbe week-end en beauté.

    -Non, rassure-toi. C’est juste pour te dire que Sebizan est parti pour l'école.

    Erlhas fronça les sourcils :

    -Et ?

    -Il a pas pris son portable, donc sa maman apprécierais que vous appeliez quand il arrive.

    Il eut un sourire mauvais :

    -Je pense peut-être pas à allumer mon portable, mais au moins, je l’ai toujours avec moi.

    -Oui, ho, je sais pas trop lequel est le pire.

    Il rit et discuta encore un peu avec sa mère avant de raccrocher. Ensuite, il remonta dans sa chambre, rattrapé par la déprime. Son ventre commença à crier famine, pourtant, au lieu de descendre au réfectoire, il se contenta de bonbons. Puis, l'adolescent retourna se coucher, ne souhaitant qu’une chose, c'était que son frère ne tarde pas à arriver.

    Ce fut le bruit de la porte s’ouvrant à la volée qui le réveilla.

    -J’ai plein de film !

    Erlhas se redressa dans un sursaut, le regarda sans comprendre, puis il sourit :

    -Salut.

    Sebizan avait balancé son sac de cours dans un coin et ouvert son sac de voyage :

    -Regarde….

    Erlhas le laissa faire la liste des DVD qu’il avait amenés, les sortant un par un du sac. Lorsque ce fut terminé, il se contenta de dire :

    -C’est cool.

    -Ouais, hein ? On appelle Nouphilo pour qu’il regarde avec nous ?

    Le responsable fit la grimace.

    -Qu’est-ce qu’il y a ?

    -J’ai rompu avec Nouphilo.

    Sebizan se figea, le fixant intensément. Erlhas se sentit obligé de rajouter :

    -Ça va tu sais, tu l’as dit toi-même, avec un gars comme lui ça allait pas être de la tarte.

    Sebizan hurla presque :

    -Tu as QUOI ?!

    -Il était pas bien avec moi.

    -Mais…. il avait dit oui.

    -Tu l’aurais vu, vraiment, il avait l’air de tellement souffrir.

    -J’y crois pas, il avait dit oui.

    -Je pouvais pas ne rien faire.

    -Il était d’accord.

    -Je suis sûr qu’il est content que ce soit fini.

    Sebizan plissa les yeux :

    -Pour le peu où je vous ai vu tous les deux, il avait pas l’air malheureux. 

    -Je crois pas non plus, mais…. j’ai merdé.

    -Comment ?

    Il préféra ne pas répondre et haussa les épaules.

    -Câlin de réconfort alors ?

    -Non, ça va. On peut pas dire que c’était sérieux, non plus.

    -Film et bonbons ?

    -Ah ouais.

    Il nota mentalement que le lendemain, il devrait veiller à prendre un vrai repas. J’avais pas un truc à faire aussi ? Il dût faire un effort de mémoire pour se rappeler soudain :

    -Merde ! Ta mère.

    -Qu’est-ce qu’elle a, ma mère ?

    Erlhas s’était précipité sur son portable pour l’allumer et composer le numéro de la maison.

    -T’as oublié ton téléphone.

    -J’ai fait ça moi ?

    Douteux, il vida son sac sur son lit pour fouiller, avant de conclure :

    -Ah, oui.

    Au téléphone, la mère d'Erlhas répondit :

    -Oui ?

    -C’est moi, je suis avec Sebizan.

    -OK. Jinia !

    La voix au bout du fil changea :

    -Allô ?

    -Salut, Jinia.

    -Coucou, mon bébé.

    Sebizan qui s’était approché pour écouter la conversation, s’empara du téléphone en criant :

    -Mensonge ! C’est moi, ton bébé !

    Erlhas eut le temps d’entendre sa mère répondre :

    -Et merde.

    Sebizan éclata de rire et sauta sur son lit pour continuer la discussion, alors qu'Erlhas reprenait l’installation pour leur soirée vidéo.

     

    Ils étaient couchés depuis une bonne heure, mais Erlhas ne cessait de se retourner dans son lit. Le regard que Nouphilo lui avait lancé lorsqu’il l'avait réveillé, le hantait. Il t'avait prévenu. Même sans ça, tu savais qu'il n'aimait pas être touché. Mais je voulais juste le réveiller. Et alors ? Fallait te débrouiller autrement. C'est de ta faute, c'est tout. Il enfouit son visage dans l'oreiller pour pleurer. Sur le lit voisin, Sebizan se mit à fredonner une chanson que sa mère chantait à Erlhas, les nuits où il se réveillait en larmes à cause d'un cauchemar.

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