• Sixième battement

    Le regard de Erlhas s’égara de nouveau vers son réveil. 12H45, soit une minute de plus que la dernière fois que tu as regardé, alors arrête de regarder et concentre-toi. Assis en tailleur sur son lit, son cahier de cours ouvert devant lui, cela faisait une heure qu’il tentait de réviser. Mais plus l’heure de la visite se rapprochait, plus l’angoisse l’étouffé. Il respira profondément pour se calmer et tenta à nouveau de se concentrer sur son cours. Il n’y avait rien à faire. 12H46, ça sert à rien, j’y arriverais pas. Erlhas soupira et repoussa le cahier avant de s’affaler contre le mur. Il se rongea les ongles en pensant à ce qui l’attendait dans moins d’un quart d'heure maintenant.

    La plupart des parents venait dès le matin et restait jusqu’au moment du dîner. Lorsque sa mère l’avait appelé hier, il y avait au moins eu une bonne nouvelle. Cela ne durerait que l’après-midi.

    Il s’efforça de ne pas regarder le réveil et fixa la fenêtre sur le mur d’en face. Devant, le lit vide de Sebizan rajouta un poids à sa mauvaise humeur. Son ami était rentré chez lui le matin même et ne reviendrait probablement qu’à la fin du week-end. Au moins, lui, aurait su le détourner de ses sombres pensées.

    -Erlhas Moylin est demandé à l’accueil.

    Il se redressa brusquement. Déjà ?! Le garçon sauta de son lit, courut à la salle de bain pour vérifier coiffure et tenue. Il rajusta trois fois son col avant de se dire qu’une trop longue attente était pire qu’un col mal mis. Il sortit alors et se précipita dans les escaliers qu’il dévala à toute allure. À quelques mètres du bureau d’accueil, il s’arrêta pour reprendre son souffle, se recoiffer, rajuster sa veste. Erlhas respira profondément et avança.

    L’homme se tenait droit comme un « i », les mains dans le dos. Ses cheveux gris étaient impeccablement coiffés en arrière. Des petits yeux sévères restaient fixé sur un point, alors que son nez crochu au-dessus de ses lèvres pincées lui donnait un air de rapace. En apercevant Erlhas, il laissa tomber d’une voix pleine de reproche :

    -Ah, tout de même.

    -Bonjour, père, murmura le garçon en baissant instinctivement les yeux.

    -Ta mère t’a bien prévenu que je venais n’est-ce pas ?

    -Bien sûr, père.

    -Alors pourquoi n’étais-tu pas là pour m’accueillir ?

    Erlhas réfléchit rapidement à une formulation qui ne mettrait pas sa mère en faute :

    -Vous deviez arriver à treize heures.

    Son père ricana de mépris :

    -Parce que toi, tu arrives toujours à l’heure pile ?

    -Non, père.

    -Toujours arriver en avance, tu dois donner l’exemple. Est-ce clair ?

    -Oui, père.

    Enfin là, c’est pas de l’avance c’est carrément la volonté de se débarrasser de la corvée le plus tôt possible. Il y eut quelques secondes de silence, avant que son père reprenne avec agacement :

    -Eh bien, qu’attends-tu ? Je n’ai pas que cela à faire.

    -Oui, père. Par ici.

    Il le précéda dans le couloir menant à la salle des professeurs, non sans entendre au passage son père siffler :

    -Quel empoté.

    Personne ne t’a forcé à venir que je sache, à la base c’est maman qui devait être là. Il serra les dents en s’efforçant de garder son calme. L'adolescent pensa que le mieux et, à vrai dire, tout ce qui intéressait son père, c’était de rencontrer ses professeurs. Dans la salle, ils ne virent que peu d’enseignant, mais pendant qu’ils complimentaient son père sur le comportement exemplaire de son fils, Erlhas resta sagement à l’écart.

    Malgré les éloges, son père posa des questions, tant et plus comme s’il cherchait une faille, un défaut. Au final, les enseignants se sentirent oppressés et se jetaient des regards d’incompréhension. N’importe quel parent se serait contentait des compliments. Au fur et à mesure, les enseignants se mirent d’accord sur un point au désavantage de Erlhas.

    -Il lui arrive parfois d’être un peu dissipé, mais uniquement lorsque Sebizan est près de lui. Il suffit de les séparer pour que l’un et l’autre se tienne correctement. Ce n’est jamais rien de grave.

    -Non, bien sûr, cela commence toujours comme ça.

    De nouveaux regards étonnés furent échangés, alors que le père se tournait vers son fils :

    -Bien, poursuivons.

    Erlhas salua ses enseignants et précéda son père dans le couloir.

    -Je vois que tu traînes toujours avec ce moins que rien. Si tu n’es pas capable de voir qu’il te freine dans ton ascension, c’est que tu es plus stupide que je ne le croyais.

    Erlhas lui fit faire le tour des salles où l’homme prit le temps de critiquer les équipements, montrant par tous les moyens, qu’à son époque l’école était beaucoup mieux développée.

    -Ce n’est guère étonnant que tu n’atteignes pas le niveau que j’avais à ton âge. Nous avions une grande salle de musique également, rien à voir avec ce placard.

    Il observa la petite salle avec répugnance. Sans lever les yeux, Erlhas l’informa :

    -Cette salle est fermée à présent, mais on peut faire un tour près du bâtiment si vous voulez.

    -N’importe quoi pourvu que l’on sorte d’ici.

    À peine dehors, il rappela qu’à son époque, le parc était deux fois plus grand et que c’était déplorable qu’ils l’aient réduit pour construire les nouveaux bâtiments. Écoutant à demi une rengaine déjà entendue une centaine de fois, Erlhas le mena près du vieux bâtiment en jetant un coup d’œil discret à sa montre. C’est pas vrai, ça fait que une demi-heure ?! Qu’est-ce que je vais faire avec lui après ? À part les prof et les salles, il n’y a rien à voir. Il se demanda si son père était venu pour cela. Au fond, cela faisait plus d’un an qu’ils ne s'étaient pas vu et mis à part quelques brèves conversations téléphoniques, ils n'avaient aucun contact. Ils arrivaient au niveau de l'ancienne salle de musique quand son père lui fit soudain face :

    -Erlhas, je pense que toi et moi, il est temps que nous ayons une sérieuse discussion concernant ton avenir.

    Ah, bah voilà.

    -Lève les yeux quand je te parle !

    Erlhas sursauta et obéit. Je vais pas aimer ce qui va suivre.

    -Non, mais je rêve. Si cette garce t’avait élevé correctement, tu regarderais les gens en face, comme un homme.

    Il n’y a que toi que je veux pas voir. Il le fixa comme demandé, crispé et silencieux.

    -J’avais espéré que cette école t’ouvrirait les yeux sur ta façon de vivre et qu’est-ce que je découvre ? Tu es toujours avec ce Sebizan, tes enseignants sont les pires lèche-botte que la terre est connue. Parce que oui, jeune homme, ne va pas croire qu’ils m’ont eu avec toutes ces éloges. Comment toi, tu pourrais être un élève modèle ? Avec l’éducation que tu as reçu ?

    Au moins, elle, elle m’a éduqué. Des larmes de rage lui brûlaient les yeux qu’il refusa de laisser couler. Si en plus, il se mettait à pleurer, c’était fini. Les reproches volèrent d’autant plus qu’Erlhas ne se défendait pas. Des années que je fais des efforts pour être le meilleur et il n’y croit même pas. J’aurais pu passer mon temps à m’amuser comme Sebizan, mais non. Il savait qu’au fond, tous ses efforts avaient été dans l'espoir de calmer l'amertume de son père, mais il n'y avait rien à y faire. Tu seras toujours un moins que rien, Erlhas. T'as beau te planquer derrière tes bonnes notes et ton bon comportement, t'es d'une nullité finie.

    Les larmes se faisaient de plus en plus pressantes, alors que les paroles de son père faisaient écho à ses propres pensées. C’est alors qu’un mouvement attira son attention vers les plus basses fenêtres du vieux bâtiment. Nouphilo s’extirpa de là sans leur prêter la moindre attention. Il a entendu mon père hurler, c’est pour ça qu’il sort.

    Il le vit se redresser, une boîte dans la main, et partir du côté opposé. Son angoisse grandit soudain sans qu’il ne sache pourquoi, puis les paroles même de Nouphilo lui vinrent à l’esprit. Je suis en danger de mort. Erlhas reposa le regard sur son père qui était devenu rouge à force de hurler. Bientôt, la gifle partirait, Erlhas le savait. Nouphilo s’éloignait sans se retourner. Ne pars pas, aide-moi. Mais le garçon avait déjà disparu au coin du bâtiment. Je suis en danger, me laisse pas. C’était impossible pour Nouphilo de ne pas avoir remarqué leurs présences. Erlhas savait ce qui arriverait si la première gifle partait, d’autres suivraient puis viendrait les coups. Il se crispa, au bord des larmes, pensa à sa mère et son père finit par lever la main.

    -Erlhas !

    Il fixa son père un instant avant de réaliser que ce n’était pas lui qui l’avait appelé. Il tourna la tête pour voir Nouphilo arrivait derrière lui en courant. Son père baissa le bras lorsque le garçon arriva à leur hauteur :

    -C’est l’heure d’y aller.

    Erlhas ne comprenant pas de quoi il parlait, demanda :

    -L’heure de quoi ?

    -La réunion, enfin.

    -Réunion ?

    -Oui, des chefs de dortoir qui a lieu aujourd’hui. Tu as oublié ?

    Il ment. Erlhas entra dans le jeu :

    -Ah oui, c’est vrai.

    -Je suppose que nous reprendrons cette discussion plus tard alors.

    Ils se tournèrent tous deux vers son père et Nouphilo répliqua d’une voix froide :

    -Je crois pas monsieur, ça risque de durer l’après-midi.

    -Si longtemps ?

    -Oui, ils doivent discuter des nouvelles règles des dortoirs.

    -De nouvelles règles en cours d’année ?

    Il n’y croit pas, tais-toi Nouphilo. Erlhas tenta d’attirer l’attention du garçon pour qu’il arrête d’en rajouter, mais celui-ci répliqua sans hésiter :

    -Il y a eu des problèmes suffisamment importants pour que les règles soient renouvelées.

    -Des éléments perturbateurs, n’est-ce pas ?

    -Entre autre.

    Son père avait croisé les bras et les toisaient l’un et l’autre successivement. Finalement, il lâcha avec mépris :

    -Je suppose que ce Sebizan en fait partie.

    Nouphilo garda le silence et soutint le regard du père sans sourciller. Erlhas devait l’avouer, il était admiratif. Le garçon était si chétif qu’il ne l’aurait jamais imaginé tenir tête de cette façon à qui que ce soit, encore moins son père. Mais il y avait autre chose que Erlhas avait du mal à croire. Pour un peu, il aurait dit que Nouphilo était furieux. Pourquoi ? Il connaît mon père ? Peut-être l’a-t-il croisé pendant qu’il attendait. Il faudra que je m'excuse pour lui. Il fouilla discrètement dans sa poche pour vérifier qu'il lui restait des bonbons. Le contact du sachet le rassura, même s’il n'était pas sûr que cette fois, des bonbons suffisent à effacer les mots cruels qu'avaient pu lui dire son père.

    -Erlhas.

    Il sursauta et fit face à l’homme :

    -Oui ?

    -Je t’appellerais prochainement.

    Probablement dans un mois ou deux, oui. Sans d’autre au-revoir, il s’éloigna à grands pas pour se diriger vers le portail de l’école. Son fils le regarda s’éloigner un moment avant de retourner à l’accueil, Nouphilo sur ses talons. Il saisit le téléphone mis à disposition des élèves et s’assit sur le banc juste à côté. Il composa un numéro et l’on répondit aussitôt :

    -Allô ?

    -Maman ?

    -Erlhas ? Ça va ? Il est encore là ? Qu’est-ce qu’il a fait ?

    Il n’y avait que la voix de sa mère pour le faire craquer dû au soulagement qu’elle apportait. Il fondit en larme et tant pis si Nouphilo le voyait, tant pis si tous les passants le voyaient. Il s’en moquait royalement.

    -Non, ça va. La rengaine habituelle, tu sais.

    -Tu pleures, mon ange ? Qu’est-ce qu’il a fait ? Il est là ? Passe-le-moi.

    Dans la voix inquiète de sa mère commença à poindre une touche de colère.

    -Rien, je suis soulagé c’est tout. Il est parti.

    -Déjà ?

    -Qu’est-ce qu’il se passe ?

    Erlhas sourit en entendant la voix en arrière-plan.

    -Sebizan est là ?

    Sa mère rit :

    -Évidemment, il n’a pas bougé de la cuisine à peine arrivé.

    La voix de la mère de Sebizan jaillit aussi :

    -Il n’a même pas défait sa valise.

    Sebizan demandait à nouveau :

    -Qu’est-ce qu’il dit ?

    Erlhas souriait jusqu’aux oreilles en les écoutant.

    -Il dit que le dragon est parti, cria sa mère au garçon.

    -C’est vrai ?

    Sa mère revint au téléphone :

    -Il demande si c’est vrai.

    -Oui, c’est vrai.

    -Mais il devait rester l’après-midi, à ce qu’il m’avait dit.

    -Oui, mais j’ai eu un coup de main d’un ami.

    -J’en suis contente.

    Sebizan répéta :

    -Qu’est-ce qu’il dit ?

    -Le dragon est vraiment parti.

    Erlhas entendit son ami hurler :

    -OK, bouge pas mon vieux, j’accours !

    Il y eut un bruit de cavalcade, puis une porte qui claque et la voix de la mère de Sebizan qui criait :

    -Mais attends, idiot, tu as laissé ta carte de bus !

    La porte claqua à nouveau et la voix riante de sa mère lui parvint :

    -Bon, les secours sont en route.

    Erlhas riait aux éclats et essuya ses joues :

    -Ouais, j’ai entendu.

    -Ça va aller ?

    -Oui, oui.

    -Vous avez vu tes professeurs ?

    -Oui.

    -Et alors ?

    Erlhas résuma les commentaires qu’il avait entendu et sa mère le félicita, par la suite, ils se dirent au-revoir et il raccrocha. Nouphilo vint s’asseoir près de lui. Maintenant, j’ai honte d’avoir pleuré. Il fit de son mieux pour retrouver son assurance tandis que le garçon demandait :

    -Est-ce que ça va mieux ?

    -Oui, Sebizan est en route.

    -OK.

    -Tiens, avant que j’oublie.

    Il sortit le petit sachet de bonbon de sa poche.

    -Pourquoi ?

    -Tu as croisé mon père, non ? Pendant qu’il était à l’accueil.

    Nouphilo fronça les sourcils :

    -De quoi tu parles ?

    -Eh bien, tu avais l’air furieux, du coup j’ai pensé que tu l’avais croisé et qu’il t’avait dit des trucs charmants.

    -Non, j’étais furieux à cause de ce qu’il te disait.

    Erlhas se trouva sans voix.

    -C’est des conneries, tu sais ?

    Nouphilo le fixait à nouveau avec son regard qui le rendait si mature.

    -Tout ce qu’il t’a dit, c’est pas vrai.

    Erlhas ricana, gêné :

    -Qu’est-ce que tu en sais ?

    -Tout le monde le sait. C’est obligé. Je sais pas pourquoi il t’a dit tout ça, mais c’est pas vrai.

    Erlhas se sentit obligé de détourner le regard en souriant. Il était flatté et content que Nouphilo pense cela de lui. Il ne s’y attendait pas alors que le peu de fois où ils s’étaient parlé, il lui avait crié dessus la moitié du temps. Retrouvant un peu son naturel, il dit sournoisement :

    -C’est pas grave alors, si je ne sais pas lire ?

    Ce fut au tour de Nouphilo de regarder ailleurs et de s’empresser de baisser sa visière.

    -J’ai pas dit que tu ne savais pas lire, dit-il d’une voix boudeuse.

    Erlhas rit de bon cœur et tira la visière encore plus vers le bas. Nouphilo se décala pour lui échapper :

    -Ah non, hein !

    Il rit de nouveau. L’angoisse causé par la visite de son père était déjà un souvenir.

    -Vous êtes très proches avec Sebizan.

    Erlhas fut surpris par le brusque changement de sujet mais hocha la tête :

    -C’est vrai.

    -On dit que vous vous connaissez depuis le primaire.

    -Exact. Pourquoi tu parles de ça ?

    -Ça a pas dû être évident avec ta famille.

    -Quoi ma famille ?

    Qu’est-ce qu’il raconte ?

    -Bah, vous êtes pas vraiment au même niveau. Ton père est super riche, tout le monde le connaît…

    Erlhas n’appréciait pas la tournure de la conversation et sentit la colère monter :

    -C’est quoi le rapport ?

    -Bah…

    Sans lui laisser le temps d’aller plus loin, Erlhas enchaîna :

    -C’est pas parce que mon père est riche que je le suis aussi, ni ma mère d’ailleurs. Tu crois vraiment que t’es le seul pauvre ici ?

    -J’ai pas dit…

    Erlhas l’entendit à peine :

    -La vache, j’aurais jamais cru que tu puisses être décevant à ce point.

    Il se leva brusquement, voyant du coin de l’œil la silhouette de Nouphilo qui s’était ratatiné sur son siège. La casquette profondément enfoncée sur les yeux, le menton enfouit dans le col de son pull, son visage était invisible. Erlhas partit à grands pas dans les escaliers, furieux, mais au bout de quelques marches, déjà, la culpabilité se fit une place dans sa poitrine. T’as était trop dur, tu le sais. Il n’a jamais dit qu’il était le seul pauvre, il n’a même pas dit quelque chose de méchant. Erlhas continua à se diriger vers sa chambre en cogitant. Il savait qu’il avait la colère facile, comme son père et il avait horreur de cela. En général, il finissait par se sentir rapidement coupable et honteux. Cette fois-ci ne fit pas exception. La vision de Nouphilo silencieux à ses côtés lui revint et la culpabilité se fit plus forte. Dire qu’il t’a sauvé la mise avec ton père, qu'il venait de te réconforter et tu lui balances des saloperies à la gueule. L'adolescent avait atteint son étage, ouvrit la porte de sa chambre et s'enferma à l'intérieur. Surtout que ça n'avait pas dut être facile pour quelqu'un comme lui, de te parler comme il l'a fait. Là, tu peux être sûr qu'il te causera plus au moins. T'es vraiment con. Il marchait de long en large, sa fureur tournait contre lui-même à présent. Et tu t'inquiétais que ton père lui sorte des saloperies, regarde-toi dans le miroir, connard. Erlhas s'arrêta et se passa la main dans les cheveux avec énervement. Je doute que des bonbons rattrape le coup maintenant. En relevant la tête, il aperçut un papier par terre près de la porte. Certain qu'il n'y avait rien lorsqu'il était entré, Erlhas se demanda qui avait pu le glisser sans qu'il ne s'en rende compte. Tu parles, tu te prends tellement la tête que si Sebizan débarqué tu le verrais même pas. Il ramassa le papier et lut. Un seul mot était écrit dans une écriture appliquée : « Pardon ». Cela ne pouvait être que Nouphilo et Erlhas replia la note en soupirant. Voilà, maintenant j'ai honte. Il se jeta sur son lit et resta à fixer le plafond, l'image de Nouphilo affalé sur son siège, casquette et col masquant son visage bien ancrée sur sa rétine.

    Il s’était enfin décidé à aller le voir quand la porte s’ouvrit avec fracas. Un sac de voyage vola dans la pièce pour atterrir lourdement sur le sol, alors que Sebizan entrait d’un bond en tenant des DVD dans la main gauche et un paquet de bonbon dans la droite :

    -Du pain et des jeux, mon grand, que demande le peuple.

    Erlhas éclata de rire :

    -C’est une version moderne ?

    -Exact. Fais chauffer l’ordi, on décolle pas d’ici tant que l’on n’aura pas tout vu et tout mangé.

    Erlhas se releva et alluma son ordinateur portable.

    L’après-midi s’écoula vite devant l’écran et lorsqu’ils descendirent pour dîner, il avait presque oublié les événements de l’après-midi.

    Pourtant au moment de se coucher, l’image de Nouphilo lui revint avec un sentiment coupable. Allongé dans son lit, il resta un instant à fixer le plafond avant de décider : Je lui donnerais des bonbons demain, en espérant qu’il fasse pas la gueule. En pensant à la journée du lendemain, un détail lui revint qui le fit se redresser d’un coup :

    -Putain, c’est dimanche demain. C’est le jour de la distribution.

    Sur le lit d’à côté, Sebizan ne quitta pas son livre des yeux pour répondre :

    -Eh oui, tu vas te lever tôt pour trier le courrier. Pauvre petit responsable.

    Erlhas se laissa retomber en arrière en gémissant :

    -Oh non, je veux pas. C’est dimanche.

    -Ils devraient distribuer le courrier au fur et à mesure qu’ils le reçoivent, plutôt que de tout garder et tout donner le même jour.

    -Merde, faut que je règle mon réveil.

    -Quoique au moins, comme ça, les parents savent qu’ils ne peuvent envoyer qu’une lettre par semaine. Vu qu’on ne les reçoit que le dimanche. Ça réduit quand même pas mal.

    -J’ai horreur de passer des heures à récupérer le courrier de mon dortoir.

    -Enfin, même comme ça… On est combien d’élèves tu crois, en tout ?

    -Ils ont qu’à aller le chercher eux-mêmes leur courrier.

    -Trois dortoirs garçons et trois dortoirs filles…

    Sebizan ferma les yeux et remua les lèvres comme s’il tentait de trouver la réponse en comptant mentalement. Quant à Erlhas, il enfouit son visage dans son oreiller en grognant :

    -Je hais ma vie.

    -Ouais, ça fait quand même pas mal d’élève.

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