• Chapitre 7

    Il marchait légèrement en retrait, visiblement moins pressé que Jolie-main à accomplir sa mission. Les grilles apparurent avec le grand bâtiment derrière. La jeune fille ralentit imperceptiblement en s’approchant. Elle ne faisait pas autant confiance au nouveau directeur qu’elle avait semblait le dire. Quand elle tendit la main, en arrière Fripon la saisit et ils franchirent ensemble le passage de la grille. Ils laissèrent échapper un soupir une fois dans la cour. Jolie-main sourit :

    -Voilà, c’est un bon début. Maintenant, dis-moi si tu le vois.

    Fripon observa la cour avec attention et finit par repérer Souil assis contre un mur, un livre d’image à la main. Il le pointa du doigt. Tous deux se dirigèrent vers lui et Jolie-main parla la première :

    -Salut, Souil.

    Le garçon releva la tête, surpris :

    -Salut.

    -Je m’appelle Jolie-main, je suis une amie de Fripon.

    Celui-ci sourit à l’enfant qui le lui rendit.

    -Je viens te poser des questions sur l’homme à la canne.

    Souil eut un léger rire en s’adressant à Fripon :

    -Tu crois toujours qu’il tue des gens ?

    Fripon ne répondit pas, alors que Jolie-mai continuait :

    -Tu travailles pour lui depuis longtemps ?

    -Oh oui, ça fait un moment.

    -Et tu n’as jamais rien remarqué d’étrange ? Dans son comportement ?

    -Non, mais si vous voulez tellement le savoir, vous n’avez qu’à lui parler vous-même.

    Il pointa du menton la grille que l’homme à la canne était en train de passer. Fripon se crispa et serra un peu plus la main de son amie. La jeune fille plissa les yeux en se demandant pour quelle raison il venait dans cet endroit.

    C’est à cet instant que le coup de feu retentit. Dans la cour, se fut la panique. Beaucoup des gens qui traînaient là allèrent se réfugier derrière le bâtiment. Fripon se colla à Jolie-main qui se plaque contre le mur. A présent, seul restait l’homme à la canne qui c’était figé sur place. Fripon se pencha pour tenter de voir qui avait tirer quand un jeune homme en costume sortit du bâtiment pistolet au point.

    -Vous n’êtes pas bienvenu ici. Sortez de ma propriété.

    L’homme à la canne leva les bras dans un geste inoffensif et recula prudemment hors de l’enceinte. Fripon s’avança en murmurant :

    -Tu vois. Il aurait pas fait ça s’il n’était pas louche.

    Jolie-main répliqua sur le même ton :

    -Comment il sait qui il est ?

    A cet instant, le jeune homme, au lieu de rentrer dans le bâtiment, se dirigea droit vers Fripon. Quand il fut face à lui, le garçon se sentit intimidé par la grandeur de l’homme. Ignorant Jolie-main qui tentait de s’interposer, il s’adressa à Fripon d’un air inquiet :

    -Reste ici, si tu veux vivre. Dehors, il ne leur faudra pas longtemps avant de finalement t’attraper.

    Fripon se recroquevilla, alors que la jeune fille demandait :

    -Qui ça ? vous savez ce qu’il se passe ?

    -Souil m’a raconté.

    Fripon tenta d’une petite voix :

    -Et vous me croyez ?

    Le jeune homme l’observa :

    -Disons, que cela expliquerait certaine chose.

    Joli-main revint à la charge :

    -Comme quoi ?

    Le directeur garda le silence et au bout d’une minute, la jeune fille saisit la main de Fripon en disant :

    -Viens, on va te trouver une planque.

    -Attendez, il sera en sécurité ici.

    Elle lui fit face :

    -Vous semblez avoir des secrets, monsieur. On ne peut pas faire confiance à un homme qui a des secrets.

    Elle traîna Fripon derrière elle alors qu’elle s’éloignait à grands pas. Le garçon jeta un regard en arrière vers le jeune homme au visage inquiet.

    Jolie-main avançait à pas rapide et Fripon ne tarda pas à avoir mal au bras. Il n’en était pas sûr, mais il lui semblait que quelque chose avait changé chez la jeune fille en parlant au jeune homme. Essoufflé, tentant de marcher à sa hauteur, il demanda :

    -Dis, il a dit quelque chose de bizarre ?

    -Un homme qui ne te connait pas, croit sur parole un garçon qui parle d’enfants morts. Tu ne trouves pas ça bizarre toi ?

    -Si, mais t’es bizarre aussi maintenant.

    Jolie-main s’arrêta, resta un instant, figée à fixer la rue, comme hésitante à prendre une décision. Finalement, elle resserra son emprise sur la main du garçon et repris sa marche. Elle l’emmena à la baignoire où elle s’assit sur les marches sales, croisant les bras sur ses genoux. Ne sachant que faire, Fripon s’assit à côté d’elle et attendit. Jolie-main inspira à fond et commença à parler :

    -Il y a une époque, tu sais, il n’y a pas si longtemps, où des gens ont commencé à se réunir pour voler. On ne sait pas exactement qui dirigeait le groupe, mais il était principalement composé d’enfants des rues. C’était un bon moyen de s’en sortir, chacun avait sa perd sur la revente des objets.

    Fripon eut l’air perplexe :

    -Comme ce que fait l’homme à la canne ?

    Elle hocha la tête :

    -En plus important, vraiment. Je ne crois pas qu’un seul gamin y est échappé.

    -Echappé ?

    Jolie-main l’observa :

    -Au début, chacun faisait comme il voulait. Puis, les dirigeants ont changé, décidant que tous les enfants devaient entrer dans leur association. Ceux qui ne le voulaient pas étaient poursuivis.

    Fripon était maintenant intrigué :

    -Poursuivit ? c’est-à-dire ?

    -Eh bien, ils les attrapaient, leur demander de les rejoindre et s’ils refusaient, on leur coupé un doigt. S’ils refusaient toujours, un deuxième doigt et ainsi de suite. En général, au bout d’un doigt, ils coopéraient, mais certain ont résisté plus longtemps.

    Le regard de Fripon glissa doucement vers le moignon de Jolie-main en se demandant s’il pouvait poser la question. La jeune fille surpris son regard et eu un sourire triste :

    -J’ai été parmi les dernière. Je ne me souviens plus trop, j’été petite.

    -Les dernières ? ça s’est arrêté après ?

    -On ne sait pas pourquoi, mais les dirigeants ont disparu. Nul n’a jamais su qui ils étaient vraiment, ni ce qu’ils sont devenus. On a raconté que les enfants s’étaient révoltés et les avaient tués. Puis, finalement, l’histoire est tombée dans l’oubli très rapidement.

    Fripon réfléchit quelques secondes :

    -L’homme à la canne est apparu plutôt récemment je crois. Tu crois qu’il fait pareil ? qu’il puni ceux qui ne veulent pas le rejoindre ?

    A peine avait-il formulé la question qu’il secoua la tête :

    -Non, ce n’est pas ça, ils étaient à son service déjà. Peut-être qu’il puni autre chose ?

    Il chercha l’approbation de Jolie-main, mais elle semblait perdue dans ses propres pensées. Enfin, elle finit par dire :

    -Je me souviens d’un garçon. Plus vieux. Il était là quand on me couper les doigts. Il a tourné la tête à un moment et j’ai vu une tâche de naissance près de son oreille. Je ne me souviens plus de comment je suis parti ce jour-là. J’ai dû m’évanouir quand ils ont commencé à me couper la main.

    Elle se tourna vers Fripon :

    -Cette marque de naissance, l’homme de la maison d’avenir l’avait aussi.

    Fripon ouvrit des yeux ronds :

    -Ce serait le même ?

    Elle haussa les épaules :

    -Je l’ignore, mais il y a trop de similitude entre ce qui est arrivé autrefois et ce qui se passe à présent pour qu’on l’ignore.

    Le garçon frissonna :

    -On fait quoi maintenant ?

    Il y eut un silence que Jolie-main finit par briser :

    -Pourquoi s’attaquer aux personnes qui l’aide à revendre ?

    Fripon finit par demander :

    -On pourrait demander au directeur. S’il était là à l’époque…

    Il attendit une réaction, mais la jeune fille restait concentrée sur l’eau devant eux. Il continua donc :

    -Il a tiré sur l’homme à la canne, peut-être qu’il veut l’empêcher de refaire ce qu’ils avaient fait à l’époque.

    Jolie-main se leva :

    -Il faut que j’aille travailler. Tu devrais rester chez moi en attendant. Je trouverais un moyen de te planquer ou je paierais plus pour que tu restes, mais tu ne dois pas te retrouver dans la rue tout seul. C’est compris ?

    Il hocha la tête tout en pensant qu’il aurait du mal à rester inactif à présent. En parlant à l’homme, il comprendrait peut-être ce que lui voulait l’homme à la canne. Après tout, il n’aurait pas tiré sur lui, juste parce qu’un gamin le soupçonnait de meurtre.

    La jeune fille lui colla un baiser sur le sommet du crâne avant de s’éloigner. Il la regarda partir avant de se lever. Ce n’était probablement pas très sûr de se balader tout seul alors que la nuit était en train de tomber. Mais il voulait savoir le plus tôt possible ce qu’il se passait. Le froid se faisant plus mordant, il marcha rapidement pour retourner à la maison d’avenir. Il repassait sans cesse les paroles de Jolie-main dans sa tête, tentant d’imaginer la terreur qu’elle avait subi quand on lui avait coupé les doigts et finalement la main. Il courait presque en arrivant, dans l’espoir de se réchauffer.

    Il se retrouva devant le large bâtiment. La cour déserte le rendait encore moins accueillant. Il hésita à la grille, regrettant soudain de ne pas avoir dit ce qu’il voulait faire à Jolie-main. Il finit par se décider, après tout, il serait plus en sécurité à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il entra d’un pas résolu, avançant droit sur la porte afin de ne pas changer d’avis en cours de route. Il s’arrêta devant la porte en se demandant s’il devait frapper. Finalement, il entra directement, ouvrant timidement et passant la tête à l’intérieur. Le vestibule n’était pas très grand. Un escalier faisait face à la porte et deux ouvertures donné sur des pièces à droite et à gauche. Fripon avança à pas prudents en lançant d’une petite voix :

    -Il y a quelqu’un ?

    Des voix lui parvenait du fond d’un couloir par l’ouverture de droite. Il s’y rendit lentement, mais une odeur de fumé ne tarda pas à lui faire accélérer le pas. Il se trouva devant une large porte et il s’arrêtait à nouveau hésitant quand des pas lui parvinrent venant derrière lui. Fripon fit volte-face pour se retrouver face au directeur qui le dévisagea avec surprise. De toute évidence, il ne s’était pas attendu à le voir revenir.

    Le garçon sentit son cœur battre la chamade à l’idée de poser la question qu’il avait en tête. Puis il se secoua, après tout, il n’allait pas reculer maintenant. Surtout que l’homme lui bloqué la seule sortie à disposition.

    -Mon amie a dit que vous étiez dans un groupe comme celui de l’homme à la canne quand vous étiez jeune.

    Le directeur réfléchit quelques instants :

    -La jeune fille qui était avec toi plus tôt ?

    Il hocha la tête. L’homme le dévisagea avant de proposer :

    -Le réfectoire est derrière cette porte, j’allais manger. Tu veux te joindre à moi ?

    Fripon hésita, mais les voix de l’autre côté l’informé qu’il devait y avoir de nombreuses personnes et qu’il ne serait donc pas seul avec l’homme. Comme son ventre criait famine, il ne lui en fallut pas plus pour se décider :

    -D’accord.

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