• Chapitre 6

    Il suivit un petit couloir qui le mena à la vaste entrée qu’il avait aperçu de la fenêtre. L’escalier effondré était sur sa gauche et il s’aperçut qu’il était en meilleur état que ce qu’il lui avait semblait. Une odeur de moisi le prenait à la gorge et l’humidité avait laissé de large trace sombre sur tous les murs. Fripon resta à la sortie du petit couloir car il n’avait plus d’endroit où se cacher une fois dans l’entrée. Il pouvait essayer de courir dans l’escalier pour se glisser dans une des salles à l’étage, mais il ignorait où se trouvait l’homme à la canne. Il se rendit compte qu’il n’avait pas entendu de cri depuis un moment. Cela ne voulait rien dire, en fait, il n’était même pas sûr que ce fût de Beulk qui s’agissait. Il se mit à sautiller sur place. Maintenant qu’il était là, il fallait qu’il en ait le cœur net.

    Il inspira profondément et courut. Il grimpa l’escalier avec précaution, se collant au mur, mais allant au plus vite de ce que la prudence lui permettez. Une fois au premier, le sol en bois grinça sous ses pieds et il grimaça. Un instant, il resta sans bouger, écoutant attentivement. Des pas dévalèrent l’escalier à l’autre bout du couloir. Terrifié, il se jeta dans la première pièce sur sa droite et se cala dans le coin du mur, derrière la porte. Il n’eut pas le temps de la fermer, les pas s’avançant déjà dans le couloir.

    Fripon sentit son cœur battre la chamade. La peur lui fit monter les larmes aux yeux et il fit de son mieux pour se maîtriser. Il se maudit d’être entré sans même dire à quelqu’un où il allait. Mais à qui aurait-il pu le dire ? les gardes se moquaient des gamins des rues, Jolie-main avait d’autres choses à penser. Peut-être que les sœurs du bar… ? Il regrettait amèrement sa décision alors que les pas approchés. Il aurait dû le dire au moins aux sœurs, elles, elles auraient su comment gérer la situation. Mais le temps qu’il retourne au « Au fond du trou » depuis le port, Beulk serait mort. En même temps, rien ne lui disait que c’était l’adolescent qui criait, ni qu’il était encore en vie. Cela faisait quelques minutes que les cris s’étaient tu.

    Les pas s’arrêtèrent, Fripon retint son souffle. Une porte s’ouvrit… à côté. Le garçon plaqua son oreille contre le mur. Le mauvais état de celui-ci faisait qu’il aurait pouvait entendre ce qu’il s’y passait. Celui qui venait d’entrer annonça :

    -Il dit qu’il ne sait rien.

    Une voix étouffée lui parvint qu’il situa vers le fond de la pièce :

    -Achevez-le alors, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise !

    La voix était agacée et Fripon imagina sans peine la longue écharpe qui couvrait la bouche donnant ce son étouffé.

    Comme les pas repartais, le garçon hésita à rester cacher. Il pouvait très bien repartir, personne ne saurait qu’il avait été présent. Pourtant, il pensa à Beulk. Si les rôles avaient été inversés, il aurait voulu que quelqu‘un le sauve, même si ce n’était qu’un garçon fluet de huit ans.

    Serrant les dents, il se déplaça accroupit, tentant de ne pas faire grincer le plancher, car l’homme à la canne semblait être resté dans la pièce à côté. Il parvint à contourner la porte, se pencha dans le couloir, l’oreille aux aguets. Prêtant une attention particulière à la porte d’à côté, il s’aventura hors de son refuge. Il se redressa doucement, marchant tout contre le mur, à pas lents. Au bout d’une minute qui lui parut une éternité, il arriva aux escaliers menant à l’étage. Avec des gestes précautionneux, il monta une marche, puis deux, trois, quatre…Soudain, un coup de feu retentit. Fripon se figea sur place, incapable de définir l’origine du bruit. En bas ? en haut ?

    -Qu’est-ce qu’il se passe ?!

    La voix venait d’en haut. Donc, l’homme n’avait pas tirer pour achever Beulk, mais cela signifié… il jeta un regard vers le bas des marches. L’homme à la canne ne répondait pas. De l’étage, des pas résonnèrent venant vers Fripon qui se précipita en bas des marches en priant pour que le bruit des autres couvre le sien. Il courut dans le couloir pour rejoindre la pièce où il s’était caché. Il s’y jeté quand du coin de l’œil, il vit la porte d’à côté s’ouvrir sur une haute silhouette vêtu d’un long manteau. Une fois derrière la porte, il tenta de reprendre sa respiration le plus silencieusement possible alors que les hommes qui dévalaient les marches s’arrêtèrent dans le couloir. Celui que Fripon avait entendu plus tôt, demanda avec méfiance :

    -Qu’est-ce qu’il se passe patron ?

    L’homme à la canne répondit :

    -Quelqu’un est entré.

    Fripon se crispa.

    -J’ai tiré, mais il s’est enfui. Dépêchez-vous de le rattraper.

    Le garçon entendit les hommes descendre au rez-de-chaussée alors que leur chef revenait dans la pièce qu’il venait de quitter. Fripon tremblait, mais il ne pouvait pas rester là. C’était sa chance. Faisant de son mieux pour retrouver son calme, il reprit le même exercice que plus tôt, restant attentif au moindre bruit qui pourrait provenir de l’homme à la canne.

    A nouveau, il fut dans les escaliers qu’il monta plus rapidement. Tous les hommes devaient être dehors à la recherche de l’intrus. Il déboucha dans un nouveau couloir, mais n’eut pas à chercher où il devait aller. Une porte était ouverte, celle juste à côté des escaliers et il y entra avec précaution. Jetant des regards alentours pour s’assurer tout de même qu’un des hommes n’étaient pas resté pour monter la garde. Des grognements étouffés lui parvinrent et il poussa la porte qui lui bloqué la vue totale de la pièce.

    Fripon retint un cri en apercevant Beulk attaché à une chaise, les doigts de la main droite coupés et sortant de sa bouche. Le garçon s’approcha en tremblant alors que l’adolescent, les yeux révulsés de terreur, tentait de se défaire de ses liens. Fripon se demanda pourquoi il ne recrachait pas ses doigts quand son regard tomba sur le sol où le pouce avait été abandonné, un fil et une aiguille planté dedans. Il ne s’était pas assez approché de l’ange pour voir, mais quand Beulk l’aperçut et qu’il tenta de lui parler, l’évidence le frappa. Les coutures qui accroché les doigts aux lèvres étaient grossières. La vue de Fripon se brouilla de larme, mais il avança tout de même en étouffant ses sanglots. Beulk s’agitait et le garçon s’empressa de le détacher, mais alors que l’adolescent se redressait en prenant appui sur lui, des pas montèrent l’escalier.

    Ils se figèrent en écoutant les degrés qui les rapprochaient d’eux de façon inexorable. Fripon réfléchit à toute vitesse. La porte donnait droit sur les escaliers, ils seraient forcément vu en passant par là. Mais, une double porte se trouvait sur le mur à sa droite qui devait donner dans la pièce adjacente. Espérant qu’elle fut ouverte, il se précipita et fit tourner la poignée. La porte racla le sol sans s’ouvrir suffisamment. Beulk vint pousser avec son épaule et la porte se décala enfin pour les laisser passer. Fripon abandonna l’idée de la refermer avant que l’homme à la canne n’entre dans la pièce où Beulk s’était trouvé prisonnier. Alors, dans la nouvelle pièce, il vit une autre double porte donnant dans la salle suivante, mais si elle bloqué comme la première, ils n’auraient pas le temps de l’ouvrir. Les pas s’arrêtèrent dans la pièce qu’ils venaient de quitter. Il fallait profiter du fait que l’homme à la canne soit surpris de se retrouver dans une salle vide alors qu’il s’attendait à retrouver son prisonnier.

    Fripon, suivit de Beulk, se dirigea vers la porte donnant sur le couloir et attendit. Quand il entendit les pas s’avancer dans la pièce à côté, il ouvrit la porte doucement pour se glisser dans le couloir. Il arrêta Beulk au niveau de la première salle où se trouvait l’homme à la canne, pour s’assurer que son attention était tournée par les doubles porte qu’ils avaient emprunté, puis ils avancèrent jusqu’à l’escalier.

    Les deux garçons avaient descendu quelques marches quand des éclats de voix leur parvinrent du rez-de-chaussée :

    -Alors ? vous l’avez eu ?

    D’autre voix répondirent par la négative et ils montèrent les marches. Tandis que Beulk se précipitait vers le bas, Fripon lui agrippa le bras pour pointer du doigt l’étage qu’il venait de quitter. L’adolescent, terrifié, le repoussa violemment pour dévaler les marches. Fripon ne s’attarda pas. Il entendait l’homme à la canne retraverser la pièce. Remontant les quelques marches, le garçon se jeta dans le coin du mur juste en haut des escaliers et s’y tassa autant qu’il put alors que l’homme, dans sa précipitation à rejoindre les autres, le frôlait sans le voir.

    Fripon resta là, alors que des cris lui parvinrent d’en bas lorsqu’ils repérèrent Beulk. Brusquement, un nouveau coup de feu, une voix cria :

    -Qu’est-ce que ça veut dire ?! Comment c’est possible ?!

    Des pas remontèrent l’escalier en courant. Fripon tétanisé, rassembla ses forces pour se précipiter dans la salle où Beulk avait été retenu et se cacha derrière le siège. Ce qu’il venait d’entendre signifiait-il que l’adolescent avait pu s’enfuir ? D’en bas, la voix étouffée de l’homme à la canne lui parvint :

    -Rattrapez-le !

    Fripon se précipita dans le couloir alors qu’une porte claquée au-dessous de lui. Il arriva au bout, là où le sol et le plafond s’étaient effondrés laissant un trou encombré de poutre, de pierres et de gravas. Fripon s’approcha du mur à sa droite. De la pièce qui s’était trouvée là, il ne resté rien à part les deux portes menant à côté et une petite portion de plancher. Avec précaution, Fripon passa ce qui restait du mur et alla se calait dans le coin.

    Il se recroquevilla, guettant les sons qui lui venait du couloir. Une porte s’ouvrit sans qu’il sût dire laquelle alors que des pas précipités envahissaient les salles.

    -Il est là.

    Il y eut un coup de feu, puis Fripon entendit des pas courir droit vers l’endroit il se trouvait. Il leva à peine la tête pour apercevoir la silhouette d’un homme par-dessus le mur en ruine. Le garçon plissa les yeux pour tenter d’apercevoir son visage, mais l’homme tourna brusquement les talons pour repartir vers les escaliers. Il y eut des coups de feu, des cris et des pas de course. Quand ils se trouvèrent à l’étage inférieur, Fripon se demanda comment repartir. Chercher l’adolescent était hors de question à présent. Il s’approcha du bord. Peut-être qu’au milieu de ces gravats, il pouvait trouver suffisamment de prise pour descendre.

    Précautionneusement, il prit appuie sur une poutre et s’y mis à califourchon. Il repéra un morceau de plafond en biais qu’il pourrait atteindre en descendant un peu. Il s’y employa.

    Arrivé au niveau du plafond, il se pencha pour l’atteindre. La poutre bougea soudain et il se rattrapa à temps aux planches qui se brisèrent sous son poids. Il chuta sans un cri, ne réalisant pas ce qui lui arrivé. La chute ne fut pas longue et il finit par atterrir sur le dos, le souffle coupé et tremblant. Les larmes lui montèrent aux yeux mais les voix des hommes l’empêchèrent de proférer le moindre son.

    -C’était quoi se bruit ?

    -Ça venait du fond du couloir.

    Fripon ignorait à quel niveau de la maison il se trouvait. Il craignait de bouger de peur que tout ne s’effondre encore. La voix étouffée de l’homme à la canne lui parvint :

    -Vous l’avez eu ?

    -Non, il s’est échappé.

    -Echappé ?! et comment ?

    -Il n’était pas seul, apparemment…

    Les voix s’éloignèrent devenant indistinctes. Parlaient-ils de Beulk ? se doutait-il que Fripon était là ? non, ils avaient dit qu’il s’était échappé parce qu’il n’était pas seul et Fripon n’avait pas été d’une grande aide pour Beulk. Alors qui d’autre c’étaient glissé dans l’immeuble ? Il lui revint soudain qu’ils avaient dût descendre un moment car ils avaient vu quelqu’un entrer.

    Fripon ferma les yeux. Ce n’était pas le moment réfléchir à ça. Il tourna la tête pour voir où il se trouvait sans trop bouger. Un point de soleil apparaissait, légèrement en contrebas. Doucement, il se redressa. Les planches grincèrent sous lui, mais restèrent stable. Il y avait un petit espace sur sa gauche où une poutre soutenait des gravats. C’est par cette espace que le soleil apparaissait. Avec lenteur, Fripon passa la tête pour voir où cela donné. En dessous, des gravats et des poutres s’entremêlaient devant un trou qui menait à l’extérieur. Pressé de sortir, le garçon se glissa dans l’espace en priant que tout ne s’écroule pas sur lui et descendit gravas et poutres pour se retrouver devant la trouée. En voyant les rebords nets, il comprit qu’il devait s’agir d’une ancienne fenêtre. Il était suffisamment menu pour passer, mais il se demanda à quel étage il se trouvait. Passant la tête, il vit, avec soulagement, qu’il était au rez-de-chaussée. Sans hister, il se glissa dehors et courut aussi vite qu’il put vers le port en espérant que l’homme à la canne ne le verrait pas.

    Il courut s’en s’arrêté jusque chez Jolie-main et frappa à la porte comme un forcené. Il y eut des grognements avant que la jeune fille ne vienne ouvrir. Il était évident qu’il venait de réveiller toutes les filles présentes. Joli-main bailla :

    -Fripon ? qu’est-ce qu’il t’arrive ?

    Il alla se réfugier dans ses bras et elle le transporta dans un coin de la pièce pour le calmer. Elle le berça doucement jusqu’à ce que ses larmes se tarissent :

    -Allez, raconte-moi ce qu’il se passe.

    Fripon jeta un regard aux autres filles mais elles s’étaient endormis. Il raconta tout ce qu’il savait à Jolie-main. Comment il avait trouvé l’ange de la quatrième, ses soupçons sur l’homme à la canne, puis Souil à la maison d’avenir, la calèche et enfin, tout ce qu’il s’était passé dans le bâtiment abandonné. La jeune fille écouta avec attention et garda le silence quand il eut fini son histoire. Finalement, elle sortit de ses réflexions pour demander :

    -Les autres enfants qui étaient avec vous, tu ne sais vraiment pas qui c’est ?

    Il secoua négativement la tête.

    -Bon, je pense qu’il faut retourner voir Souil. S’il a travaillé plusieurs fois avec l’homme à la canne, il en sait peut-être plus qu’il ne le pense.

    Fripon ouvrit de grands yeux :

    -Mais, je lui ai déjà demandé.

    -Tu lui a demandé si l’homme à la canne avait déjà menacé un des enfants, s’il s’était déjà mis en colère soudainement ? ce genre de chose ?

    Fripon dût admettre que non.

    -Demain, j’irais lui parler.

    -Mais, tu n’as pas peur qu’ils t’enferment ?

    -Où ? dans la maison d’avenir ? Non, il paraît que le nouveau directeur est plus humain… en tout cas, c’est ce que j’ai entendu dire.

    Fripon la serra contre lui :

    -Je vais venir avec toi pour te protéger.

    Elle ricana :

    -Très bien, je te laisse venir pour te protéger.

    Il eut un rire qui se tut rapidement en songeant à nouveau à ce qu’il s’était passé dans le bâtiment. Une chose était sûr, il ferait des cauchemars toute la nuit.

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