• CHAPITRE 6

    Ils s'enfonçaient de plus en plus dans la roche, creusant et dégageant les gravas. Bien qu'épuisée, Noré était rassurée. Les garçons travaillaient en relais, d'autres les ayant rejoins, ils ne pouvaient plus creuser de front. Adlaté et Pitan faisaient les pitres, lorsqu'ils se reposaient, pour faire rire les jeunes qui ne pensaient donc pas à paniquer.

    Soudain, ils entendirent des pas derrière eux. En se retournant, ils virent que d'autres enfants les rejoignaient, Dal à leur tête. Adlaté s'exclama :

    -Ciel ! Vous en vie, quelle surprise !

    Ils se sourirent.

    -Tout le monde est là ?

    -Vous étiez le dernier groupe.

    Le travail repris. Tandis qu'il s'acharnait à coup de pioche, Dal dit :

    -Vous savez, loin de moi l'idée de plomber l'ambiance, mais j'ai eu le temps de me poser quelques questions.

    Pitant s'appuya sur sa pelle, une main sur le genoux pour souffler :

    -Comme quoi ?

    -On fait quoi si le puits est plein d'eau ?

    Noré se redressa :

    -Je me suis posée la même question à vrai dire.

    -On ne le saura que lorsqu'on le percera, donc, c'est pas la peine de se torturer.

    Noré aurait eu d'autres questions, mais pour ne pas inquiéter les autres et que, comme Dal se taisait aussi, elle les garda pour elle. L'air commençait à se raréfier, si bien que Dal finit par ordonner :

    -Tous les petits, asseyez-vous et respirez doucement. Pareil pour ceux qui ne travaillent pas. On ne devrait plus être si loin.

    En effet, ils devaient avoir fait quelques mètres lorsque Pitan, plantant sa pioche, fut entraîné en avant par les rochers qui s'effondraient. Noré et Dal le rattrapèrent de justesse. L'obscurité était telle qu'ils n'y voyaient pas à un mètre, même avec leur lampe. Mais la jeune fille s'aperçut qu'elle respirait plus facilement. Adlaté dit :

    -Au moins, on a de l'air.

    Prudemment, Dal s'engagea. Les autres le suivirent un par un. Noré sentit qu'elle marchait sur un tas de caillou. L'un d'eux se déroba sous son poids. Elle se rattrapa en s'équilibrant avec ses bras. Doucement, elle s’avança et fut soulagée de sentir un sol plus plat sous ses pieds. Dal cria !

    -Stop ! Les autres, restez en haut !

    Noré ne pouvait les voir, mais elle entendit Pitan demander :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    Noré sentit Dal revenir vers elle.

    -C'est bien le puits... je crois.

    Adlaté ricana :

    -Au moins, on s'est pas perdu.

    Dal l'ignora :

    -Comme il n'y a pas d'eau, ils ont dû le boucher. Peut-être qu'on pourra déplacer ce qui bloque.

    -Et pour atteindre le haut ?

    Noré sursauta. Adlaté s'était rapproché et semblait être à sa gauche. Dal se tourna vers l'endroit où il supposait la présence du garçon :

    -On va faire une échelle. Adlaté en base, puis moi, Pitan et Noré. On y va.

    Ils se mirent en mouvement. Tendant les bras pour ne pas se cogner. Soudain, Noré sentit des petites griffes se planter dans son mollet. Une fourrure chaude et poisseuse s'y frottait, alors qu'une longue queue rêche s'enroulait autour de sa cheville. Elle hurla. Le rat remonta le long de sa jambe, mais quand il arriva à son genoux, la jeune fille leva son bras et le frappa de côté. L'animal fut arraché à sa prise. Elle entendit un choc et un couinement, puis, plus rien. Des voix s'élevèrent :

    -Qu'est-ce qui ce passe ?

    -C'était quoi ?

    -Noré, ça va ?

    L'adolescente reconnu la voix de Pitan et acquiesça, puis, se souvenant qu'ils ne pouvaient pas la voir, elle répondit d'une voix blanche :

    -C'est rien... un rat. C'est bon.

    Ils retournèrent à leur plan. Après moult "aïe" et "attention", les trois garçons furent debout, les uns sur les autres, dos au mur. Noré entreprit de monter au somment. Elle s'agrippa aux mains que les garçons lui tendaient, posant le pieds sur leur genoux légèrement fléchis. Une fois sur les épaules de Pitan, elle se redressa précautionneusement. La présence du mur dans son dos avait quelque chose d'effrayant. Doucement, la jeune fille leva un bras au-dessus de sa tête et put effleurer ce qui semblait être du bois.

    -Je peux pas le soulever, c'est trop haut.

    La voix de Dal se fit entendre :

    -OK, bon... Il faudrait qu'un des petits vienne pour monter.

    Noré sentit les épaules de Pitan fléchir. Surprise, elle manqua perdre l'équilibre. Ensuite, elle sentit une petite main lui agripper la cheville. La jeune fille agrippa le poignet de Sainie et l'aida à monter sur ses épaules. Noré entendit Pitan pousser  un grognement, mais son attention fut détournée en apercevant un rai de lumière sur le mur d'un face :

    -T'y arrives ?

    -Oui... Presque... C'est bon. J'ai une prise.

    Au fur et à mesure que Sainie poussait la planche, le trait de lumière s'agrandit. Bientôt, le jour inonda le puits et l'adolescente plissa les yeux pour ne pas être aveuglée. En bas, elle entendit les enfants hurler de joie. Sainie escalada le bord sans peine. Noré les informa :

    -Sainie est dehors.

    Pitan lança :

    -A ton tour alors. Retourne-toi pour faire face au mur.

    La jeune fille aurait aimé avoir le temps de se questionner sur comment faire cela, mais déjà, Pitan joignait ses deux mains. Elle se décida à descendre la jambe pour poser son pied sur les mains jointes en le retournant. Puis, elle passa sa deuxième jambe sur l'autre épaule du garçon et remonta, dégageant de son mieux, la mousse entre les pierres pour faire des prises. Lorsqu'elle s'appuya sur le rebord, Sainie agrippa sa chemise et tira. Noré s'allongea dans l'herbe fraîche, une vague de bonheur l’envahissant. De nouveau, Dal lança :

    -Bon, on fait passer les petits. Noré tu réceptionnes.

    La jeune fille se releva pour se pencher au bord. La chaîne sembla durer des heures. Les garçons faisaient des pauses pendant que d'autres les remplaçaient. Enfin, il ne resta que Pitan, Adlaté et Dal dans le trou. Pitan se mit face au mur, agrippa la main de Noré et escalada en s'aidant des prises que les multiples passages avaient dégagé. Il en fut de même pour Dal. Cependant, aucun d'eux n'avait le bras assez long pour attraper Adlaté. Dal organisa :

    -Bien. Noré, tu t'allonges. Pitan et moi, on te tient les jambes et tu te laisses glisser dedans.

    La jeune fille obéit, bien que peu rassurée. En la voyant descendre, Adlaté leva les bras. Elle put lui saisir les poignets :

    -C'est bon, on peut remonter... vous lâchez pas, hein.

    -Mais, non.

    Néanmoins, elle sentit Dal serrer plus fort sa cheville. Adlaté appuya ses pieds contre le mur et Noré tenta de penser à autre chose qu'au fait qu'elle allait bientôt lâcher le garçon, si on ne le remontait pas plus vite. Heureusement, l'adolescente sentit d'autres mains agripper son pantalon. Bientôt, ses jambes furent dehors. Puis Dal et Pitan agrippèrent les bras d'Adlaté. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous dans l'herbe. Épuisés, en sueur et soufflant allongés sur le sol. Noré fixa le ciel un moment, avant de se décider à se relever. Elle réfléchit, quelques instants encore, à ce qu'elle devait faire. Qu'étaient devenus les autres ? Ils étaient à l'entrée de la mine, surement qu'ils avaient pu sortir. Résolue, elle marcha dans le sens inverse du tunnel qu'ils avaient creusé.

    Pitan lui cria :

    -Noré, où tu vas ?

    Elle se retourna. Tous la regardaient d'un air perplexe.

    -Je retourne à la mine voir si les autres vont bien.

    -Mais, regarde autour de toi. C'est notre chance. On peut s'enfuir.

    -Pour aller où ? On ne sait même pas où on est. Faites ce que vous voulez. Moi, je vais voir si les autres vont bien.

    Noré reprit sa marche, ignorant les garçons. Entendant des pas derrière elle, la jeune fille se retourna et vit Sainie et Lydia qui la suivaient. L'adolescente leur sourit et s'arrêta pour les attendre. Voyant cela, elles se mirent à courir. Lydia lui demanda :

    -Tu t’inquiètes pour Xilanos ? Parce qu'il n'a plus de magie ?

    Noré comprit ce qu'elle voulait dire. A cause des cheveux et des yeux du garçon, la petite avait été persuadé qu'il était magique. A présent, il ne restait des cheveux argentés de Xilanos que quelques brins dans le noir qui dominait. Quand à ses yeux, le doré n'était plus qu'un souvenir et leur obscurité accentuait sa peau tout juste dorée. Noré répondit :

    -C'est vrai, mais c'est aussi pour les autres que je m'inquiète. Et puis, tu sais, Xilanos ne peut pas perdre sa magie comme ça.

    Elles marchèrent un moment en silence. Noré n'était plus très sûr du chemin qu'elle avait pris, mais fit en sorte de cacher son inquiétude aux petites. Elle essaya de se remémorer combien de temps ils avaient creusés. Comme une réponse à son inquiétude, des éclats de voix leur parvinrent. La jeune fille s'arrêta, dressa l'oreille.

    -ça vient de par là.

    Sainie pointait le doigt dans une direction légèrement en biais de celle qu'elles avaient prise.

    -On y va.

    Elles s'avancèrent avec de plus en plus de prudence au fur et à mesure qu'elles approchaient. Les filles avaient reconnu la voix hurlante d'un de leur ravisseur. Elles aperçurent une ligne de fougères. Noré fit un geste et elles s'accroupirent. L'adolescente se glissa à travers les plantes et s'allongea une fois sortit. Elle avança lentement, en restant au sol, jusqu'à se trouver au-dessus de l'entrée de la mine. 

    La plupart des garçons étaient assis par terre. Noré les compta. Ils étaient tous là. Fabian était debout, face à un des hommes, les autres les encerclant. Il expliquait avec un calme maîtrisé :

    -Laissez-nous aller chercher les survivants. Sinon, vous aurez moins de main d'oeuvre et votre chef sera furieux.

    -Arrête d’essayer de m'impressionner, petit. Va t'asseoir ou t'auras droit au fouet.

    Fabian s'apprêtait à répliquer, mais Xilanos lui attrapa le bras et le tira d'un coup brusque vers le bas. Le garçon se dégagea avec humeur et s'assit. L'Aurien jeta un regard vers l'un des hommes qui avait sortit son fouet. Après un instant d'hésitation, celui-ci le rangea.

    -Bouh !

    Noré sursauta en se retournant. Un des hommes était monté à son insu. Il sourit en voyant son regard surpris et effrayé. Puis, il lui agrippa violemment les cheveux et la souleva. La douleur sortit la jeune fille de sa torpeur. Elle se mit à hurler, plantant ses ongles dans le bras qui la tenait. Noré tenta de donner des coups de pieds dans le ventre de l'homme, mais il s’éloigna, l'entraînant avec lui. Du coin de l’œil, l'adolescente aperçut Sainie et Lydia qui reculaient doucement, essayant de se mettre à couvert, tandis que l’homme passait près d'elles. Dans les bras l'une de l'autre, elles la regardaient avec des yeux terrifiés. Noré redoubla de coups et de cris pour que l'attention de l'homme reste sur elle. Celui-ci finit par l'agripper par la taille et la porter sous son bras. La jeune fille donna des coups de poings et essaya de le frapper dans le dos avec ses pieds. Hurlant toujours.

    Soudain, il la lança. Pendant un instant, elle se sentit voler. Son épaule amortit le choc et elle poussa un cri douloureux. De la poussière s'envola, la faisant tousser. Elle commençait à se redresser quand une main lui saisit l'épaule. Noré se retourna, lançant son bras à l'aveuglette, mais Xilanos le retint avant qu'il n’atteigne son visage. C'est seulement alors, qu'elle réalisa que l'homme l'avait jeté au milieu des autres garçons. L'homme rejoignit le cercle. Xilanos lui prit le bras :

    -Viens.

    Elle le suivit et s'assit entre lui et Fabian, avant de chuchoter :

    -Qu'est-ce qu'ils attendent ?

    C'est Fabian qui répondit :

    -Leur chef. Pour savoir quoi faire. Tu es seule ?

    Noré ouvrit la bouche pour répondre, mais une ombre les recouvrit. L'un des hommes la fixa :

    -D'où tu sors comme ça ?

    -De la terre.

    La gifle vola avant qu'elle ne perçoive le moindre geste. Sans doute à cause de la fatigue, elle ne réagit pas tout de suite. L'homme lui saisit la cheville et la souleva. Noré cri de surprise lorsqu'elle se retrouva la tête en bas; Certains garçons se levèrent et les fouets claquèrent. L'homme jeta la jeune fille à l'écart. Cette fois-ci, c'est sur le dos qu'elle atterrit. Grimaçant, elle s’appuya sur un coude. C'est alors que l'homme lui donna un coup de pied au visage. La douleur lui pulvérisa le crâne. Des larmes lui montèrent aux yeux.

    -Répond au lieu de faire la maligne ! Où sont les autres ?! Ou sinon...

    Un silence pesant s'était installé. Elle jeta un regard vers les garçons. La moitié était au sol, Xilanos et quelques autres étaient encore debout. A travers ses larmes, Noré vit qu'ils fixaient quelque chose et ne bougeaient plus. En suivant leurs regards, elle vit un homme, revolver en main, menaçant Fabian.

    -Alors ? Où sont les autres ?

    Noré reporta son attention sur celui qui la dominait de toute sa hauteur. Elle bredouilla, l’esprit encore embrouillé :

    -Morts... sous les rochers... je suis la seule à avoir survécu.

    -C'est ça ! Et comment t'es sorti ?

    -J'ai creusé.

    Fabian se tourna vers eux :

    -On vous avait dit qu'on pouvait aller les chercher !

    L'homme au revolver plaqua son arme sur le front du garçon :

    -Ta gueule !

    -On peut encore y aller.

    Noré chercha un moyen de faire comprendre à Fabian qu'elle avait menti, mais l'homme lança :

    -Je vais t'exploser le crâne, petit emmerdeur.

    Les autres surenchérirent :

    -Ouais, vas-y, qu'on en finisse.

    Noré et les garçons s’élancèrent en hurlant :

    -Non ! Attendez !

    Trop tard... L'homme pressa la détente. Tous s'arrêtèrent net. Un instant, comme en suspension, le silence régna. 

    Fabian ne s'écroula pas et, comme les autres, il fixait l'arme au sol qui l'avait manqué de peu. Le poignet de l'homme était traversé d'un pic qu'il fixait hébété. Noré chercha d'où cela pouvait venir, quand son regard se posa sur Xilanos. Souriant, alors que ses cheveux et ses yeux se recouvraient d'argent et d'or.

     

     

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