• Chapitre 29

    Le Sans-âme ouvrit la bouche avant de se plaquer les mains sur les oreilles lorsqu’un son strident retenti. Il vit Wehiodrik fermer les yeux et s’étioler morceaux par morceaux jusqu’à disparaître complètement. Des cris de panique lui firent tourner la tête vers l’entrée où les dieux et divinités s’enfuyaient à toutes jambes. Enfin, le son s’arrêta et le Sans-âme pu se redresser et faire face au petit dieu, libéré.

    -T’es toujours pas mort, décidément.

    Charon avait la gorge sèche, cherchant en vain un moyen de se protéger, mais tous ses sorts et incantations semblaient avoir déserté sa mémoire. Le trompeur était très fasciné par la situation :

    -Pas la peine de paniquer. Tu n’aurais pas dû survivre à ce que tu viens d’entendre et pourtant…

    Comment c’est possible ? Wehiodrik n’a pas survécu, pourquoi moi ? Il se prit un bloc de pierre en pleine poitrine et vola sur plusieurs mètres. Pendant qu’il crachait son sang en cherchant de l’air, le dieu s’avança :

    -Bon, ce n’est pas un bouclier. Procédons avec méthode tu veux ?

    Charon hurla en voyant son bras prendre feu, mais se ressaisit assez pour l’éteindre avec un sort. Il se releva avant que le dieu n’est le temps de lancer une nouvelle attaque. Rassemblant les forces qui lui restaient, il forma un bouclier tandis que des pointes d’acier lui fonçaient dessus. Elles furent détournées, mais le barrage faiblit avec les efforts que le Sans-âme dû fournir pour le maintenir.

    -Si tu triches, les données ne seront pas bonnes. Arrête-ça.

    Charon se sentit à nouveau décoller du sol pour atterrir violemment sur le trône où son genoux se déboîta. Le Sans-âme se réfugia derrière le dossier pour réfléchir, se concentrant sur sa respiration pour se calmer.

    -Reviens, on n’a pas fini les expériences.

    Charon l’écouta marchait tranquillement dans la vaste salle, continuant de lui parler pour le faire sortir. Pourquoi il ne vient pas me chercher ? En fait, il n’a même pas besoin de venir pour me tirer de là. Pourquoi je suis encore là ? Cela provoqua un enchaînement de question. Pourquoi les dieux ont pu s’enfuir avant d’être anéanti ? Comment ils ont pu le tenir immobile si longtemps s’il avait la capacité de se libérer ? Pourquoi avoir laissé parler Wehiodrik ? Pourquoi il ne l’a pas tué directement en arrivant d’ailleurs ? Pourquoi tuer Milen d’abord ? N’aurait-il pas dû se débarrasser des plus menaçants comme Wehiodrik ou moi ? Bon, moi, il y a l’air d’avoir un problème… mais justement. Le Sans-âme pouvait sentir la puissance du dieu d’origine et rien ne pouvait lui être impossible. Pourtant aucune de ses actions ne semblent logique. Charon risqua un œil hors de sa cachette. Le dieu continuait de marcher en sifflotant, attendant que le jeune homme daigne le rejoindre. Pourquoi je suis encore là ? Il se leva, se tenant au dossier du trône pour soulager sa jambe blessée. Le dieu sourit :

    -Ah, bah, voilà.

    Sans le quitter des yeux, Charon posa sa main sur son genoux pour se soigner. Le dieu ne bougea pas. Il fit de même avec son bras brûlé et ses côtes cassées. A aucun moment, le dieu ne fit un geste pour l’arrêter. Quand le Sans-âme se fut totalement soigné, il demanda :

    -Pourquoi m’avoir laissé faire ?

    -Parce qu’il faut que tu tiennes. Nous venons à peine de commencer.

    -Pourquoi ne pas me soigner vous-même alors ?

    -Je me suis laissé emporté.

    Charon étendit les bras :

    -Nous pouvons continuer.

    Le dieu lui fit signe d’approcher et le Sans-âme sourit :

    -Vous devriez pouvoir m’atteindre de là où vous êtes. Pourquoi ne pas me faire voler ?

    Le visage du trompeur s’altéra un instant :

    -Tu n’as pas à me donner d’ordre.

    -Lutinor acceptait plutôt facilement que je lui donne des ordres.

    Le dieu eut un rire glacé :

    -Mais je ne suis pas Lutinor.

    -Non, mais c’est son corps.

    Le trompeur grimaça :

    -C’est le mien. Recréé grâce à des choses que tu ne pourrais même pas comprendre.

    -Recréé, il n’est plus à vous.

    -Tu crois que ce corps refuse de te blesser ? Pourtant je l’ai déjà fait.

    Charon hocha la tête :

    -C’est vrai. Mais Lutinor n’aurait jamais oser s’approcher d’un trône plus que la distance réglementaire. C’est quelque chose qu’il avait bien retenu. Pour ce qui ait de me blesser, pourquoi ne pas me tuer ?

    Le dieu commençait à fulminer :

    -J’ai besoin de toi pour m’amuser. Tu as toujours été plus solide que les autres après tout.

    -Ce corps n’est pas habitué à votre puissance. Vous n’avez pas la force de me tuer.

    -J’ai pu tuer Wehiodrik.

    -Oui et plus rien depuis. De même, lorsque vous avez tué Milen, vous n’avez pas eu la force de vous libérez avant un moment.

    Le dieu croisa les bras :

    -Je serai en train de me recharger d’après toi ? Tu devrais prendre garde.

    Charon se contenta de commencer une incantation. Peu à peu, le sol se couvrit de marais et de fleur. Le ciel qui les entourait disparu, dissimulé par les arbres et la végétation. La salle prit l’aspect du marais, le jour où Lutinor l’avait recouvert de fleurs multicolores en cadeau à Charon. Lorsque le Sans-âme se fit un chemin à travers les plantes, il trouva le petit dieu en pleine contemplation. Le regard brillant et le sourire innocent.

    -Lutinor.

    Le garçon se tourna vers Charon et son sourire s’agrandit en demandant :

    -Tu vas me tuer maintenant ?

    Le Sans-âme déglutit avec difficulté :

    -Tu ne crois pas pouvoir garder le contrôle ? Si je te ramène à la maison.

    Lutinor secoua la tête :

    -Non. Il hurle déjà. Je n’étais pas censé être de toute façon.

    -Il n’avait pas prévu qu’un corps puisse se former une âme.

    Le petit dieu acquiesça. Charon continuait de le dévisager guettant le moindre changement, espérant qu’il n’y en ai pas.

    -Au moins, tu es sauvé.

    Le Sans-âme tressaillit quand il vit le regard se vider, mais quand le dieu d’origine reparut, le Sans-âme vit les mains invoquer une incantation sans que le trompeur ne s’en rende compte. Lorsque celui-ci se précipita sur Charon, écumant de rage, des plantes se dressèrent, traversant le dieu de part en part.

    Le Sans-âme écoutait le son de sa respiration, les yeux sur la flaque de sang qui s’agrandissait sous le corps suspendu de Lutinor. Le marais disparu peu à peu. Le corps tomba, celui de Milen reparut un peu plus loin et Charon étouffa de douleur et de larmes.

     

    Gardia s’approcha avec précaution du temple. Elle n’avait pas pu voir qui avait traversé le portail et, bien qu’elle doutait qu’un ennemi ait pu atterrir directement dans le marais sans déclencher ses pièges. La gardienne jaillit dans le temple, prête à l’attaque, mais se figea en apercevant Charon et les corps de Lutinor et Milen.

    -Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

    Le Sans-âme mit en place un bouclier conservateur autour des corps. La jeune fille baissa les yeux sur son poignet. Les anneaux s’étaient effacés sans qu’elle ne s’en rende compte. Elle demanda encore :

    -Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

    Ayant terminé sa tâche, Charon se redressa pour lui faire face :

    -Tu veux venir avec moi ?

    -Où ça ?

    -Je vais récupérer ma barque. Pour les ramener.

    FIN

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