• Chapitre 29

    Un long silence s'ensuivit. Il avait parlé d'une façon naturelle. Comme si ce qu'il disait été normal, qu'il n'y avait rien à faire pour y échapper. Les hommes firent demi-tour et celui qui leur avait parlé ajouta :

    -Venez. Nous nous sommes réunis dans le bâtiment central. 

    Les trois amis s’entre-regardèrent s'interrogeant les uns les autres du regard pour savoir s'ils croyaient ce que venait de dire l'homme. Pour Noré, c'était impossible. Même si cela l'était, ils réussiraient à s'en sortir. Ses compagnons avaient toujours trouvé une solution. Elle resta sur ses gardes, prête à tout. Mais quand Titian ouvrit la bouche, ce fut pour dire d'un ton las :

    -Allez, on les suit.

    Ils marchèrent côte à côte à la suite des hommes. Le bâtiment en question était adossé à la muraille. Pas plus haut que les autres, mais plus large. Un grand escalier faisait face à la porte et se divisait en deux pour servir l'unique étage existant. Les portes étaient en bois. Elles donnaient l'impression qu'un simple coup de pied pouvait les faire s'effondrer. L'air était empli de voix gémissantes. Une odeur de pourriture et d'excrément les assaillit. Toute la bâtisse puait la souffrance et la mort. Elles suintaient des murs pour se déverser sous leur pied en un flot invisible. Les hommes ouvrirent une porte qui donnait sur un petit escalier. Sur le sol, les malades étaient alignés le long des murs. La lueur grisâtre du jour passait par de petites fenêtres situaient vers le plafond, ce qui devait signifier que la pièce était en sous-sol. Titian s'étira en baillant, puis dit :

    -C'est en les enfermant dans une cave que vous pensez les mener sur la voie de la guérison ?

    L'homme, qui semblait être le chef, se tourna vers eux le regard désapprobateur :

    -Cette pièce réuni les seuls survivants de la ville. Ici, nous attendons la mort en priant pour que les réserves de potion ne s'épuisent pas trop rapidement.

    Soria demanda presque avec ironie :

    -Et ceux qui livrent les potions, vous les enfermez aussi ?

    Il répliqua :

    -Non, ils laissent le chargement en dehors de la ville et nous les ramenons. Ce qui est assez risqué vu que l'odeur des cadavres attirent les Tiarks.

    Noré laissa échapper :

    -Des cadavres ?

    En même temps, l'image de la montagne informe et le son des mouches s'imposa à son esprit. Elle fit le rapprochement et comprit, enfin, la réaction de ses compagnons. Le pirate se gratta la tête en disant :

    -Aaah, alors c'est vous qui avez posé les pièges à la sortie du bois.

    -En effet.

    L'homme pointa un petit espace vide au fond de la pièce :

    -Allez là-bas et n'en bougez pas.

    -C'est demandé si gentiment.

    Noré aurait voulu le prendre à part pour lui parler. Ils n'allaient quand même pas rester là ? Obéir sans rien dire ? Pourtant, docilement, Titian se dirigea vers le coin qui leur fut assigné. Soria suivit. Alors, n'ayant plus le choix, elle fit de même. On leur donna trois draps relativement petits et ils s'assirent contre le mur. Soria prit Noré contre elle. Titian s'approcha de la jeune femme, passa son bras autour de ses épaules et la ramena vers lui. Elle se laissa faire. Ils restèrent ainsi, blottis les uns contre les autres.

    -On fait quoi maintenant ?

    -Je ne sais pas, Noré.

    Les paroles de Titian tombèrent comme du plomb. Noré se sentit vidée de ses forces. Elle n'avait plus envie de se rebeller. Elle attendrait avec eux, sans savoir où cela les mèneraient. Les habitants les dévisageaient avec effroi, murmurant entre eux. Lorsque la nuit vint, ils apprirent que la nourriture, comme les potions, se faisait rare et qu'ils en seraient donc privés. Titian voulut se lever; probablement pour assommer le chef du village, mais Soria le retint:

    -Ça ne sert à rien. Qu'est-ce que tu vas faire, seul contre tout un village ?

    Il se rassis, l'air boudeur, en murmurant :

    -C'est vraiment n'importe quoi.

    Noré ferma les yeux pour ne pas avoir à subir le spectacle du dîner. Sans même s'en rendre compte, serrée contre Soria, elle s'endormit.

    Lorsqu'elle se réveilla, la jeune fille était en sueur et sans force. Elle vit Soria près d'elle qui lui caressait le front, le regard inquiet. Les trois draps étaient sur elle. Titian au centre de la pièce parlait à l'homme qui les avait renseigné la veille. Ils discutaient si fort qu'elle pouvait entendre ce qu'ils disaient :

    -Elle a de la fièvre !

    -Je sais, mais elle n'aura pas de potion. Vous n'aurez rien, on vous l'a dit.

    -Ça me ferait mal !

    -Vous ne devriez pas être ici ! C'est de votre faute, assumez-la !

    L'homme tituba sous le coup de poing que Titian venait de lui envoyer dans la figure. Partout dans la salle, les hommes se levèrent pour l'attaquer, mais le pirate retourna près de Soria en les ignorant. La jeune femme leva les yeux vers lui :

    -Rien de rien ?

    Il s'accroupit près d'elle et se gratta la tête :

    -Rien de rien. On va se marrer.

    Puis, il regarda Noré, mais celle-ci s'était rendormie. Dans la journée sa fièvre augmenta encore et elle fut prise de tremblement plus ou moins violents. Deux cadavres furent évacués de la salle. Lorsque la nuit vint, un sifflement se fit entendre. Noré grimaça sans se réveiller et plaqua ses paumes contre ses oreilles pour le faire taire. Mais cela ne s'atténua même pas un peu. Le sifflement était dans sa tête. Aigu et persistant. Peu à peu, une douleur s'installa dans son crâne, proportionnellement à la hausse du sifflement. Quelques minutes plus tard, elle se mettait à hurler.

    Toute la salle se réveilla lui ordonnant de se taire. Soria la redressa et la serra contre elle en lui soufflant des mots de réconfort. Noré hurlait et pleurait. Elle aurait voulu se fracasser le crâne contre un mur pour que la douleur et le sifflement s'en aillent, mais elle n'avait pas la force de bouger. Quand à Titian, il s'était avancé dans la pièce, la dague dans la mains droite, le revolver dans la gauche :

    -OK, là d'où je suis je vois quatre solutions. Un: l'un de vous me passe un peu de potion et tout le monde vit heureux ses dernières heures. Deux : je vous tue tous. Après vous avoir bien fait souffrir, bien sur, abréger vos souffrances n'est pas ma priorité. Trois : on la laisse hurler. Autant dire adieu tranquillité. Quatre : je la tue. Alors, mesdames et messieurs, procédons par élimination. Trois et quatre, hors de question, reste un et deux. Je vote deux.

    Sur quoi, il tira sur un des hommes, le blessant à l'épaule. Celui-ci cria et sa femme hurla. Tremblante, elle s'avança vers le pirate, une fiole en main. Il fit la grimace :

    -Oh...la une alors, bon, d'accord.

    Il prit la potion et retourna près de ses compagnes. Il glissa quelques gouttes dans la bouche de l'adolescente. Immédiatement, la douleur et le sifflement disparurent. La jeune fille se dit que c'était sans doute le moment le plus merveilleux de sa vie. Soria s'inquiéta :

    -Ça va mieux ?

    N'ayant pas encore la force de parler, Noré hocha la tête.

    -Rendors-toi.

    Elle ferma les yeux en attendant le sommeil. Soria dit au pirate :

    -Va rendre la potion.

    -Pourquoi ?

    -Parce que c'est cet homme qui risque de nous empêcher de dormir, maintenant.

    Titian grimaça, se leva et alla rendre la fiole à la femme. Celle-ci était occupée à soigner l'épaule de son mari. Quand elle vit le pirate approcher, elle se recroquevilla. Il lui tendit la fiole. Après, un instant de méfiance, elle la lui arracha des mains. Titian retourna se coucher près de Soria.

    Le reste de la nuit se passa aussi paisiblement que le permettaient les circonstances. Au matin, quatre malades ne se réveillèrent pas. Noré ouvrit les yeux avec difficulté. Des gens criaient. Elle fit de son mieux pour focaliser son attention sur la cause des cris. Soria et Titian étaient debout près d'elle, lui tournant le dos. Face à eux les habitants de la ville. Elle se redressa avec difficulté. Les effets de la potion ayant diminués, une douleur raidissait ses muscles. Elle reconnut trois des hommes qui les avaient amené ici. L'archer qui leur avait parlé n'était plus là. Une femme hurla alors, plus fort que les autres :

    -Pourquoi vous n'êtes pas malade ?!

    Un autre ajouta :

    -Vous êtes des monstres ! On ne veut pas de ça chez nous !

    La foule lança des cris d'approbations. Soria était agrippé au bras de Titian. Connaissant la jeune femme, Noré se dit que c'était plus pour empêcher le pirate de faire un massacre que par peur.

    Titian lança :

    -Chez vous ?! Me faites pas rire, vous êtes tous déjà mort ! Cette ville peut d'ores et déjà être considérée comme disparu !

    Soria lui donna un coup de pied au tibia. Le garçon grimaça, se frotta la jambe et la regarda en se demandant ce qu'il avait encore fait de mal. La foule furieuse et apeurée, s'avança pour se saisir du couple.

    -C'est vous qui nous avez rendu malade !

    Cette fois, c'est Soria qui répliqua :

    -Ne soyez pas stupide, vous l'étiez avant notre arrivée. Ça n'a rien de surprenant de voir des gens rester sains alors que d'autres sont malades.

    La foule s'avançait toujours. Noré tenta de se lever, terrifiée à l'idée d'être séparée de ses compagnons. Mais elle retomba aussitôt. Finalement, tout ce qu'elle put faire fut d'agripper un pan de la robe rouge de Soria. Le geste attira l'attention de la jeune femme qui oublia les malades. Une femme en profita pour s'emparer de son bras, mais Titian lui saisit le poignet et la sépara de Soria d'un geste brusque et violent. La femme cria de douleur et le pirate lui cracha au visage :

    -Ne nous touchez pas ! Bande de Lépreux !

    Ignorant la menace, un homme surgit derrière lui et l'assomma avec un bâton. La Saldrian l'attrapa avant qu'il ne s'écroule sur le sol. Elle leva un bras pour se défendre :

    -Arrêtez, c'est bon.

    -Suivez-nous.

    -Et Noré ?

    La jeune fille attendit la réponse avec angoisse.

    -On s'occupera d'elle.

    -Dans quel sens ?

    La foule s'empara d'eux sans répondre. Noré observa ses amis se faire emmener hors de la pièce. Avant de sortir, Soria jeta un regard inquiet vers la jeune fille, puis la porte se referma. A présent, la pièce était vide. Mis à part les malades les plus atteints qui ne pouvaient plus bouger, malgré la potion. Noré resta un instant sans bouger, l'esprit vide. Soudain, elle se résolut à agir. Elle secoua la tête vigoureusement comme pour se réveiller. Elle ignorait ce qui leur arriverait, mais elle savait que rester ici n'aiderait personne. Une douleur lui traversa les os quand l’adolescente essaya de bouger les jambes. Elle ne pourrait pas bouger, à moins de reprendre de la potion. Elle chercha du regard la fiole la plus proche. Rampant péniblement, elle s'en approcha. Son propriétaire, une jeune femme qui ne devait pas être beaucoup plus vieille qu'elle, semblait dormir. La sueur collait des mèches de cheveux à son front et elle était d'une pâleur effrayante. Doucement, Noré prit la potion et en but quelques gouttes. La douleur disparu et ses forces lui revinrent. Elle remit la potion à sa place, se leva. Alors qu'elle allait s'éloigner, elle hésita. Ne ferait-elle pas mieux de prendre la potion ? Après tout, la jeune fille ne savait pas combien de temps duraient ses effets. Et si elle se retrouvait de nouveau mal face à un des villageois ? Elle refusa de prendre le risque. Noré s'empara de la fiole et la glissa dans sa poche. Elle sortit de la pièce discrètement.

    Il n'y avait personne dans les couloirs. L'adolescente se glissa dehors et traversa le couloir qui menait hors du bâtiment. Comme elle arrivait à la porte, elle entendit le son caractéristique d'une porte en fer que l'on referme. Cela venait de plus loin, après l'entrée. Espérant que ce bruit signifiait que Soria et Titian étaient mis en prison, plutôt que tués, elle réfléchit. La seule idée qui lui venait était de partir pour aller chercher de l'aide, persuadée que seule elle ne pourrait pas les libérer. Elle était malade et désarmée. Bien consciente de n'avoir aucune chance, Noré sortit. Une fois dehors, elle s'arrêta. De là où elle était, elle pouvait voir l'arche dont la herse était fermée. Elle repensa à l'idée de Titian, d'escalader. Elle considérait encore cette option, lorsque le son des mouches se distingua à son oreille restée en alerte. La jeune fille repensa à la montagne qui atteignait le haut de la muraille. Cela serait sans aucun doute plus facile à grimper. Noré inspira profondément et courut jusqu'à l'immense mur. Elle retrouva sans peine la masse informe. Plus elle s'en approcha, plus l'odeur devint insoutenable. Finalement, le tas pris peu à peu les formes des corps qui le composaient. Elle stoppa à quelques centimètres du tas, une main plaquée sur la bouche en espérant que cela l'empêcherait de vomir. Un instant, l'adolescente redouta à mettre son plan à exécution. Cependant, elle ne pouvait se permettre de perdre du temps. Qui sait ce qu'ils étaient en train de faire subir à Soria et Titian. Elle se ressaisit. Essayant de ne pas observer les cadavres en détail, elle leva la tête et vit un bras un peu en hauteur. Noré avança la main pour s'en saisir et commencer son escalade. Mais à la dernière minute, sa main retomba et elle la frotta contre les vêtements que les Vemepyres lui avait donné. Une chemise, un pantalon et des souliers noirs. Elle respirait par à-coups. Les larmes lui étaient montées aux yeux et elle trépigna sur place comme une enfant qui ne veut pas faire ce dont il est obligé de tout façon. La jeune fille regarda autour d'elle, espérant qu'une échelle apparaîtrait. Mais comme il n'y avait rien, elle s'efforça à penser à ses compagnons et avança de nouveau la main.

    Noré saisi le poignet du mort. La peau molle et glacial lui tira une grimace de dégoût. Elle ne regarda pas où elle posa le pied. Celui-ci s'enfonça de quelques centimètres avant de s'arrêter. Elle imagina un ventre, mais ne baissa pas les yeux. La jeune fille avança son autre main pour agripper des cheveux au-dessus d'elle. Montant son autre jambe, elle lâcha prise avec sa première main. Elle fixait la main noyée au milieu des cheveux, espérant qu'ils ne se détacheraient pas du crâne. Si bien que l'adolescente ne regarda pas à quoi s'agrippait son autre main. Elle sentit quelque chose de dur contre ses doigts. Avant même de se dire qu'elle ne devait pas regarder, elle observait sa main agrippée au menton d'un enfant, les doigts dans la bouche. Le visage en putréfaction, déjà à moitié dévoré par les vers et les rats. Noré retint un hurlement, persuadée qu'elle ne ferait que vomir. Elle fixa son regard vers le sommet et reprit son ascension, au bord de l'évanouissement. Des nuages de mouches s'élevaient à son passage. A un moment, son pied glissa sur de la peau en lambeaux et elle faillit dégringoler toute la pente. Après avoir réussi à se rattraper, le cœur en folie, elle avait reprit sans s'arrêter. Enfin, Noré arriva sur le mur de pierre.

    La jeune fille se tint à genoux, les joues striées de larmes, ne se souvenant plus quand elle avait commencé à pleurer. Elle frotta ses vêtements auxquels s'étaient accrochés des bouts de chair, des cheveux et des asticots, à grand coups de main. Noré voulait essuyer ses larmes, mais elle refusa d'approcher ses mains de son visage. L'odeur avait imprégné ses vêtements, ses cheveux. Elle eut un haut-le-cœur. Sentant son corps tressaillir, elle vomit par-dessus le mur. Elle resta penchée quelques secondes, pleurant encore. Puis, l'adolescente se redressa, soufflant fort entre ses dents. Lorsqu'elle fut un peu plus maîtresse d'elle-même, Noré regarda au bas de la muraille. Plusieurs mètres la séparaient du sol et rien qui pourrait amortir sa chute. Elle décida d'avancer à la recherche d'un endroit plus accessible en se mettant debout. Le mur était assez large pour qu'elle puisse marcher sans craindre de perdre l'équilibre. L'adolescente progressa assez rapidement, désireuse de s'éloigner le plus vite possible des cadavres. Arrivée derrière le bâtiment central, où se trouvaient les habitants, elle vit que le sol était en pente jusque dans le bois qui longeait ce côté de la muraille. Les arbres avaient perdus leur feuille et les branches de certains s'étendaient jusqu'à la façade du mur.

    D'un revers de la main, Noré chassa les mouches qui s'obstinaient à la suivre. Ensuite, elle s'accroupit. De sa main droite, elle se tint au bord intérieur de la muraille, avec l'autre elle tenta d'attraper une branche en se penchant le plus possible. Sans résultat. La jeune fille mit donc sa jambe gauche dans le vide espérant pouvoir se pencher plus. Mais, même ainsi, elle ne put que frôler le bout d'une branche. Noré pensa un instant à se laisser glisser contre le mur, mais elle estima le risque de lâcher prise beaucoup trop évident. L'adolescente se remit debout et fixa les branches. Tandis que les mouches bourdonnaient à ses oreilles, elle réalisa qu'il lui faudrait sauter. Si elle se ratait, elle estima, vu la hauteur, qu'elle risquait quelques os cassés. Bien qu'effrayée, elle n'allait pas rester à attendre qu'on la trouve. La peur au ventre, Noré recula au maximum, se pencha en avant et compta jusqu'à trois. Elle resta sur place. Elle recompta et finit pas se murmurer, en colère contre elle-même :

    -Allez ! Trois ! Mais trois, putain ! Maintenant ! Trois !

    Finalement, la jeune fille s'élança. Un pas, le pied à moitié dans le vide, elle se propulsa, les bras tendus. Elle atterrit dans les branches, en saisit une et pendant quelques secondes, ne bougea pas. La branche céda sous son poids. Noré chuta, griffée et giflée pas les fins morceaux de bois. Battant des bras, elle réussit à attraper une nouvelle branche qui finit par céder également. Elle tomba à nouveau et atterrit sur le dos au sol. Avant qu'elle n'ait pu se relever, l'adolescente fut entraînée dans la pente, plus rude qu'il ne lui avait semblé depuis la muraille. Noré tournait sans cesse, sans pouvoir s'arrêter. Les bras levés pour se protéger le visage. Son genoux se cogna contre une pierre. Elle retint un cri. Elle entendait le bruit des vêtements qui se déchiraient, la douleur ponctuelle lorsqu'elle tombait sur des pierres ou des morceaux de bois cachés par les feuilles mortes. Enfin, sa chute prit fin dans un amas de fougère.

    Noré resta allongée sur le côté. Les jambes repliées. Avec effort, elle regarda ses mains. Sales, écorchés. Elle les reposa et ne bougea plus. Les mouches avaient disparu. Pendant un temps, elle fixa les fougères, le corps parcourut de douleur. Repensant à la potion des sorcières, la jeune fille fouilla sa poche. La fiole était fissurée, mais pas brisée. Comme le sifflement reprenait doucement dans sa tête, avec des gestes lents, elle la déboucha, prit une goutte et la referma. Épuisée, elle ne prit pas la peine de la ranger et la garda en main. L’adolescente se remit à regarder les fougères, écoutant le vent. Essayant d'oublier les morts qu'elle avait dut piétiner, elle s'endormit en pleurant.

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