• Chapitre 20

    Un adolescent était assis par terre, un livre sous les yeux. Quelques temps encore et il serait le sosie exact du Charon du présent. Il releva la tête quand le son frère entra dans la pièce.

    -ça va ?

    Le dieu lui sourit sans conviction. Milen s’installa sur le côté pour observer la scène. Le jeune Charon vit bien que quelque chose n’allait pas et s’apprêtait à demander une explication quand un autre dieu apparut à l’entrée.

    -Tu ne trouves pas cela bizarre, Minau ?

    L’interpelé fit face au nouvel arrivant :

    -Quoi donc ?

    Au moins, il ne s’appelle pas Lutinor. Le dieu qui restait à la limite de la pièce comme s’il craignait d’y entrer, posa un regard sur l’adolescent assis par terre. Celui-ci se redressa sous le regard du dieu.

    -Comment celui-ci est-il apparu ?

    Minau échangea un regard avec son jeune frère avant de répondre :

    -Je l’ai créé, bien sûr.

    Le dieu tapa dans ses mains :

    -Voilà, tu vois. Tu ne trouves pas cela bizarre d’être le seul à avoir fait cela ?

    Minau croisa les bras en fronçant les sourcils, montrant qu’il n’était pas vraiment disposé à discuter de ce sujet avec lui. Pourtant, il répliqua sèchement :

    -Je ne vous ai pas empêché de le faire.

    Le dieu fit un pas en avant, mais n’alla pas plus loin :

    -Non, mais c’est que personne n’a eu l’idée de le faire, à part toi.

    Minau secoua la tête d’un air exaspéré :

    -Qu’est-ce que tu veux Poulink ?

    Son interlocuteur fit un autre pas et cette fois, l’adolescent bondit sur ses pieds, stoppant aussitôt le dieu dans son avancé. Poulink recula en faisant un geste apaisant :

    -Je veux juste te faire remarquer que le monde que tu as créé se porte à merveille.

    Minau haussa les épaules :

    -Je sais bien et alors ?

    Poulink eut un sourire mauvais :

    -Alors ? nos mondes, je veux dire, ceux de tous les autres dieux ont fini par se détérioré, se détruire. Je suis fatigué de recréer le mien, tu sais. C’est la quatrième fois.

    Minau soupira :

    -En quoi ça me regarde.

    Cette fois, malgré l’attitude défensive du jeune Charon, Poulink refit un pas en avant :

    -Tu ne trouves pas bizarre qu’à nouveau, tu sois le seul pour qui cela marche ?

    Le dieu ne se laissa pas perturbé :

    -Tu veux que je m’en excuse peut-être ?

    Poulink secoua la tête :

    -Non, je voudrais que tu reconsidères la proposition que nous t’avons faite.

    Minau décroisa les bras et s’avança d’un air menaçant :

    -Je refuse. Trouvez autre chose.

    Poulink secoua la tête :

    -Tu l’as dit toi-même, tu la créés, tu n’as qu’à en faire un autre.

    Milen était perplexe, elle n’arrivait pas à comprendre ce qu’il se passait. Le jeune Charon intervint comme pour marquer sa présence :

    -Je ne veux pas venir avec vous.

    Poulink se tourna sèchement vers lui :

    -Tu n’as pas la parole !

    Minau bougea à peine un doigt et Poulink se trouva soudain par terre hurlant de douleur. Minau laissa durer quelque seconde avant de claquer des doigts :

    -Ecoute-moi bien. Vous ne disséquerez pas mon frère pour savoir comment il peut être ce qu’il est. Nous n’avons rien à voir avec le fait que vous n’arrivez pas à créer des humains qui tiennent la route.

    Poulink se redressa, furieux et tremblant :

    -Tu es un dieu, comme nous. Tu ne devrais pas le faire passer avant nous.

    Minau insista :

    -C’est mon frère. Alors va transmettre mon refus aux autres et j’apprécierais que vous ne me dérangiez plus pour ça.

    Le dieu se redressa, s’épousseta le plus naturellement du monde avant de se diriger vers la sortie. Il s’arrêta une dernière fois pour leur dire :

    -Vous avez conscience que les choses ne vont faire qu’empirer pour vous ?

    Les deux frères restèrent silencieux attendant que le dieu s’ne aille. Le jeune Charon finit par dire :

    -Je vais voir comment va ton monde.

    Quand le jeune homme quitta la pièce, Minau se dirigea droit dur Milen qui sursauta :

    -Personne ne vous voit à part moi, n’est-ce pas ?

    Elle hocha la tête.

    -J’ignore ce qu’il va se passer, mais, m’aiderez-vous à sauver mon frère ?

    Milen se demanda comment elle pourrait faire ça. Elle n’était guère plus qu’un fantôme ici. Pourtant, elle hocha à nouveau la tête alors que sa vision commençait à s’effacer. Elle se réveilla avec un mauvais pressentiment.

     

    Lutinor était concentré sur ce que Milen venait de leur dire. Au moins, on n’a pas le même non. C’est bien la preuve qu’il n’est pas moi.

    -Ce n’est certainement pas une coïncidence si Lutinor et moi nous soyons retrouvés. Ce Minau a dû faire en sorte que cela arrive, d’une façon ou d’une autre.

    Milen se tordit les mains, soucieuse :

    -Mais pourquoi ?

    Lutinor supposa :

    -Peut-être que cela arrive maintenant parce quelque chose doit arriver.

    Charon le dévisagea sans le voir, réfléchissant :

    -Mais quoi ? Je n’ai entendu aucune rumeur, ni remarqué quoique ce soit de différent.

    Tout cela arrivant alors qu’il avait commencé à se comporter en dieu, était-ce cela qui avait tout déclenché ? Lutinor hésita encore un instant, avant de finalement demander :

    -Est-ce qu’il existe encore ? cet endroit que tu vois dans tes rêves.

    Milen se contenta de se tournait vers Charon en attendant qu’il réponde. Celui-ci fixa le petit dieu en se demandant où il voulait en venir et répondit :

    -Oui, c’est la ville vieille. Pourquoi ?

    Lutinor fit un pas en avant :

    -Peut-être qu’en y allant, cela nous aidera à comprendre. Minau a peut-être laissé un message pour nous… d’une façon ou d’une autre.

    Il se tut en rougissant sous le regard de ses deux amis. Finalement, Milen approuva d’un signe de tête :

    -Peut-être que cela déclenchera quelque chose, que cela me permettra de voir des détails que je n’avais pas noté en rêve.

    Charon fit la moue :

    -Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

    Lutinor fut déçu :

    -Pourquoi ça ?

    Le sans-âme expliqua :

    -Tu te souviens quand je t’ai dit que le monde des sans-âmes était un lieu sombre et sans lumière ?

    Lutinor hocha la tête en attendant la suite.

    -Certains deviennent fous. Quand cela arrive, les dieux les envoient dans la ville vieille d’où ils ne peuvent sortir.

    Milen parut surprise :

    -Mais, n’est-ce pas la demeure des dieux ?

    Charon secoua la tête :

    -Plus depuis longtemps. Elle est abandonnée.

    Lutinor s’attarda sur un autre point :

    -Les dieux surveillent les sans-âmes ?

    Le sans-âme approuva :

    -En cas de rébellion et pour mettre à part, donc, les éléments qui feraient de mauvais gardiens.

    Le petit dieu y réfléchit un instant avant de demander encore :

    -Et en quoi cela peut être dangereux ? Ils doivent en vouloir aux dieux et nous, eh bien, je veux dire, même moi, on ne peut pas dire que je sois un dieu.

    Charon eut un rictus :

    -Ils ne font plus la différence. Là-haut, ils s’entre-dévorent.

    Lutinor eut un frisson mais persista :

    -Je pense quand même que ce serait une bonne idée.

    Milen l’appuya :

    -Je suis d’accord. Si l’on veut espérer comprendre ce qu’il se passe, on ne peut pas se contenter de mes rêves.

    Charon dût se plier à cet argument. Il décroisa les bras, fit un tour sur lui-même, réticent à céder malgré tout, puis fini par dire d’un ton ferme :

    -Très bien, mais vous restez près de moi et faites exactement ce que je vous dis.

    Quand ses deux compagnons eurent approuvé, il ouvrit un portail.

    Ils passèrent dans un monde perdu au milieu des étoiles. Lutinor eut le vertige en voyant qu’ils se tenaient sur un sol suspendu dans le vide. Des escaliers s’éparpillaient en tous sens, menant à d’autre salles à moitié détruite. Les couleurs avaient disparu ne laissant que des pierres grises. Lutinor s’avança vers le bord et se pencha. Effrayé par l’obscurité qu’il aperçut en dessous, il recula avec un frisson. Faisant face à un des escaliers, Charon demanda :

    -Milen, as-tu une idée de la direction à prendre.

    Lutinor lança un regard interrogateur à la vieille femme qui semblait perdu :

    -Je ne reconnais pas. Dans mes rêves, tout est coloré, différent, enfin, vous l‘avez vu.

    Le sans-âme hocha la tête.

    -J’avais espéré qu’être sûr place t’aiderais à te repérer.

    Lutinor haussa les épaules :

    -On va devoir avancer au hasard alors.

    Charon conclu en montant les marches face à lui :

    -Il semblerait.

    Lutinor et Milen s’empressèrent de le suivre, peu désireux de rester à la traîne. Ils grimpèrent durant plusieurs minutes, si bien que le petit dieu finissait par se demander si l’escalier menait quelque part. Charon s’arrêta brusquement alors que Lutinor apercevait un vide devant eux. Milen qui se tenait derrière les deux jeunes hommes demanda :

    -Qu’est-ce qu’il se passe ?

    Lutinor lui répondit :

    -L’escalier s’est effondré… enfin, je suppose vu qu’on ne voit rien en bas… juste du vide.

    Il frissonna à nouveau avant de se tourner vers Charon :

    -On fait demi-tour ?

    Le sans-âme l’observa, à deux doigts de l’agacement :

    -Lutinor, tu es un dieu…

    Le jeune homme tapa dans ses mains pour lui couper la parole :

    -Je peux faire ce que je veux !

    Il sourit à Charon en attendant une quelconque réaction de satisfaction de sa part et dû se contenter d’un sourire. Allez, concentration. En vérité, il n’avait plus autant besoin de se concentrer qu’au début. Il se baissa, posa une main sur la dernière marche en état et prononça :

    -Retrion.

    L’espace vide se combla d’un escalier d’un jaune étincelant. Lutinor ouvrit de grands yeux :

    -J’ai encore fait une bêtise ?

    Charon avait l’air content :

    -Non, tu as restauré l’escalier tel qu’il était à l’origine.

    Le petit dieu bondit de joie :

    -Et ça c’est bon, hein ?

    Le sans-âme approuva :

    -C’est très bon.

    Lutinor lança un clin d’œil à Milen qui le lui rendit en riant. Charon reprit l’ascension. Ils atteignirent une nouvelle salle. Les colonnes qui en délimité le bord était en mauvaise état, écroulé et effrité.

    -Si je remettais tout comme c’était avant, Milen pourrait se retrouver plus facilement.

    Charon s’empressa de répondre :

    -Non, surtout pas.

    Sa réaction fit sursauter les deux amis qui s’entre-regardèrent avant que la vieille femme ne demande :

    -Mais pourquoi cela ?

    Le sans-âme cessa de guetter les alentours pour expliquer :

    -Ce que Lutinor vient de faire, un dieu standard ne peux y arriver si facilement.

    Il fixa le petit dieu :

    -J’ignore ce que cela pourrait faire si tu recommençais à une si grande envergure.

    Lutinor n’insista pas. Ils observèrent les alentours avant de prendre un nouvel escalier. Ils arrivaient au deuxième palier, quand ils entendirent un hurlement. Lutinor se figea :

    -ça, ce n’est pas bon.

    Charon chercha d’où venait le cri, sourcils fronçaient sous la concentration. Un nouveau hurlement se fit entendre. Milen fit volte-face :

    -Cela vient de derrière cette fois.

    Lutinor demanda à Charon sur un ton bas comme si cela pouvait les empêcher d’être repérer :

    -Ils sont plusieurs ?

    Le sans-âme continuait à hésiter entre les deux directions, puis, quand un troisième cri se fit entendre, il s’élança dans un des escaliers :

    -Restez pas là !

    Lutinor s’élança à sa suite suivit de Milen qui éprouva plus de difficulté à suivre le rythme.

    -Charon, attend ! Milen, n’arrive pas à monter si vite.

    Le sans-âme jeta un regard par-dessus son épaule et s’arrêta quand il vit Lutinor revenir en arrière pour aider la vieille femme.

    -Dépêchez-vous !

    Lutinor tendit la main à Milen au moment où il aperçut deux ombres derrière elle. Il ouvrit des yeux horrifiés. Les créatures étaient gigantesques, de forme humaine. Cependant, seul leur visage était encore humain. Leurs bras et leurs jambes étaient maigres et disproportionnés.

    -Heu… Charon…

    Une boule de feu frappa les deux créatures qui reculèrent, malgré leurs doigts pointus plantés dans le sol pour se retenir. Lutinor passa un bras autour de la taille de Milen et mi tirant, mi soulevant, il la fit monter les marches jusqu’à Charon qui envoyait boule de feu sur boule de feu. Une fois à sa hauteur, Lutinor lâcha l’oracle :

    -Continu de monter.

    Charon lui jeta un regard avant de dire :

    -Toi aussi, qu’est-ce que tu veux faire là ?

    Lutinor eut un demi-sourire, puis il trancha l’air de sa main. Les créatures hurlèrent quand l’une d’elle perdit un bras et que l’autre fut tailladé au torse. Cette fois, elles arrêtèrent leur progression un temps. Le visage de Lutinor rayonna de fierté, mais Charon coupa court à son instant de gloire en lui saisissant le bras pour l’entraîner vers le palier suivant. Ils rattrapèrent Milen et, la soutenant chacun d’un côté, gravirent les dernières marches menant au palier.

    La salle dans laquelle ils arrivèrent été si sombre qu’ils ne purent distinguer le mur qui leur faisait face, s’il y en avait un. Lutinor fit un tour sur lui-même :

    -Vous voyez un escalier ?

    Milen secoua la tête, se tordant les mains d’angoisse :

    -Non, peut-être au bout…

    Charon leva la main pour la faire taire. Ils obéirent attendant de savoir ce qu’il se passait, mais ils n’eurent pas besoin de précision du sans-âme. Lutinor sentit son sang se glacer en entendant une respiration dans les ténèbres au bout de la pièce. Charon leur fit soudain face, levant le bras. Lutinor vit une barrière de protection s’étendre entre le sans-âme et ses compagnons. A cet instant, des millions de fils noirs s’emparèrent de Charon. Sans hésiter, Lutinor traversa la barrière, la main tendue vers son ami. Le jeune homme eut le temps de croiser son regard avant d’être emporté et englouti par l’obscurité. Il faut de la lumière. Le mot s’imposa de suite à son esprit. Il leva le bras. Un trait de lumière en jaillit, illuminant la pièce. Lutinor resta abasourdi en découvrant qu’elle était entièrement vide. Où est Charon ?

    -Lutinor !

    Le petit dieu se tourna vers Milen. Les deux créatures venaient d’atteindre le haut de l’escalier. Lutinor tendit le bras vers la vieille femme pour l’entourer d’un bouclier. Il aperçut à temps, un bras surdimensionné avançait vers lui. Lutinor recula d’un bond, attaquant dans le même mouvement et le bras tomba tandis que son propriétaire hurlait. A présent, chaque créature avait un bras en moins. Le petit dieu ne voulut pas attendre pour attaquer de nouveau, mais il se rendit compte qu’il ne pouvait plus avancer.

    En baissant les yeux, il vit d’autre fils noir s’entourer autour de ses jambes. Il eut le temps de crier :

    -Milen !

    Avant que le sol ne semble s’effondrer sous ses pieds et qu’il se sente tomber à travers l’espace. Il vit le palier s’éloigner de lui sans qu’il pût rien faire avant d’atterrir lourdement dans la pièce du dessous. Le souffle coupait, le dos douloureux, sa vision devint flou et il perdit connaissance.

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