• Chapitre 13

    -Il faut que j'y aille.

    Lyan sursauta :

    -Quoi ? Déjà ?

    Titian sourit :

    -Oui, déjà. Ça fais un moment qu'on parle quand même.

    Lyan n'avait pas vu le temps passé. Rien de ce qu'il avait pu dire n'avait influencer la décision de son fils. Il chercha quelque chose à raconter qui retarderait son départ, mais, rien de bien intelligent ne lui vint à l'esprit, alors, quand Titian se leva, il fit de même. A l'extérieur de l'auberge, le vent s'était levé et l'air s'était rafraîchît. Il referma sa cape et son fils rentra la tête dans ses épaules, mettant les mains dans ses poches.

    -Je te raccompagne.

    Le garçon ricana :

    -Voilà qui m'émeut.

    Ils marchèrent doucement, en silence. Sur les quais, il ne restait que quelques passants. Certains navires avaient repris le large ne laissant que des espaces vides entres ceux qui étaient restés, donnant au port les allures d'une gueule édentée. La masse rouge du navire pirate se dressait toujours menaçante. Alors qu'ils se trouvaient encore à plusieurs mètres, Titian lui fit face :

    -Il vaut mieux que l'on se sépare ici.

    -Oui, je crois aussi.

    Il reprit son fils dans ses bras :

    -Tu m'envoies des nouvelles, hein ?

    -Promis, souvent. Enfin, si tu me lâches.

    Ils se séparèrent et en s'éloignant à reculons, le pirate demanda :

    -Je les envoie où ?

    -Septième anneaux du ciel. 

    -Oh, Monseigneur.

    Il singea une révérence avant de lui tourner le dos et courir vers son navire. Lyan le regarda s'éloigner le cœur lourd. Ils avaient surtout discuté de la vie de son fils et n'avaient pas abordé celle de Lyan. Il n'avait pas pu lui parler de la résistance, des nouvelles de Kalia et de tout ce qui s'était déroulé depuis. Il finit par hausser les épaules. Après tout, il le reverrait. A présent, Lyan devait surtout se soucier de rentrer au siège dans les plus bref délais.

    Il trouva un cheval et rentra au galop. Une fois chez lui, Lyan ne s'arrêta pas un instant et écrivit une lettre à Kalia pour lui raconter ses retrouvailles. Puis, avec regret, il dut retourner à sa routine, bien qu'il ne tint en place qu'avec grandes difficultés. Le soir même il s'empressa de retrouver Pakt pour tout lui raconter. Ils parlèrent jusqu'à ce que la nuit fut bien avancée et lorsqu'il retourna chez lui, il se sentait heureux, soulagé d'un poids considérable.

    Comme promis, Titian lui écrivit souvent, en profitant pour l'informer des divers ports où ils accostaient. De cette façon, ils pouraient se revoir si Lyan pouvait se le permettre, car il tenait à éviter de trop attirer l'attention sur ces étranges trajets. Lors de ces rencontres, il put lui raconter tout ce qu'il n'avait pas eu le temps de lui dire. Suite à cela, Titian commença à chercher le lien qu'il y avait eu entre le capitaine aux cheveux océans, sa mère et l'empereur. Sans informer Lyan de la manière dont il s'y prit, il lui fit part de ses découvertes.

    Daron faisait parti d'une de ses nombreuses relations qu'avaient la famille de Xiline. Ils se connaissaient bien et comme Daron avait toujours eu l'ambition de devenir empereur, ils s'étaient entendus. Xiline se rapprocha du pirate aux cheveux océans afin de s'assurer un allié avec peu de scrupule. Le jour du sacrifice, elle fut envoyée avec un des hommes du capitaine pour tuer l'empereur. Comme elle l'avait si gentiment expliqué à Lyan, il lui suffisait d'attendre que le lien se tue, puis ils seraient entré pour tuer l'empereur. Daron, qui avait usé de son influence et de celle de la famille de Xiline, s'était déjà assuré un groupe de soutien. Xiline devait ensuite s'enfuir sur le navire pirate, pendant que Daron s'occupait du reste. Quant à la question de savoir pourquoi il n'y avait aucun gardes ce matin-là et pourquoi rien n'était fais pour arrêter le pirate, c'était tout simplement parce qu'il bénéficiait de la protection du nouvel empereur. Fort de ces révélations, Lyan en informa la résistance.

    Au siège, la situation ne s'annonçait pas sous un meilleur jour. Daron s'était créé un conseil qui lui était tout dévoué et Lyan ne doutait pas qu'il n'y ait pas une seule personne dans le huitième anneaux qui ne lui soit pas fidèle. Il agit comme il put à son niveau et commença à faire circuler la rumeur que l'empereur soutenait les pirates, autant pour augmenter les effectifs de la résistance que pour fragiliser son pouvoir sur les anneaux inférieur. Mais bientôt, Lyan s'aperçut que des membres de la garde étaient remplacés, des membres des sphères et anneaux rétrogradés. Il ne faisait aucun doute que l'empereur se doutait de l'existence de la résistance et qu'il se débarrassait de personne au hasard espérant les toucher. Cela n'eut que peu de conséquences, car les membres ne se connaissaient pas, hormis la personne qui les avaient recruté. Lyan ignorait toujours qui était à leur tête et s'en arrangeait très bien. Mis à part Mr Mou, il n'aurait pu trahir personne. La preuve de l'ignorance de l'empereur fut que Lyan, lui, ne fut jamais rétrogradé, ni inquiété. Il se demanda néanmoins si cela n'était pas pour le garder sous surveillance. Mais comme rien ne se produisait et qu'il restait prudent, Lyan finit par ne s'en soucier que très peu.

    Il continua d'écrire à Kalia, mais vint un jour où les réponses ne lui parvenaient plus. Il questionna le messager à qui il confiait ses lettres, un homme de confiance que lui avait présenté Salel. Celui-ci lui dit qu'il ne recevait tout simplement plus de lettre et Lyan se demanda ce qui pouvait avoir causé ce changement. Sa première idée fut qu'elle s'était mariée et l'avait oublié lui et ses promesses. Non seulement c'était la première chose qu'il lui vint à l'esprit, mais Lyan pria pour que ce ne soit que cela. Ses illusions furent vite brisées, lorsque l'empereur annonça que Kalia avait été retrouvé. Il s'attendit à ce qu'on la ramène au siège, que la cérémonie se déroule, mais ce ne fut pas le cas. Un message de la résistance lui parvint dans lequel on l'informait froidement de sa mort. La nouvelle l'avait effondré et sans le soutien de Salel, il se sentit perdu. Cependant, Lyan s'interdit de se confiner chez lui et de se remettre à boire. Il devait faire comme si de rien était et continuait de travailler, mais il était rongé d'inquiétude pour Noré. Qu'allait-elle devenir ? Où était-elle ? L'avaient-ils emprisonné ? Puis, une autre nouvelle lui vint. Une marque était apparue sur la carte qui se déplacé. Chaque soir, Lyan faisait les cents pas, stressé et effrayé. Qui avait mis le bracelet ? Bien sûr, ce ne pouvait être que Noré. Savait-elle seulement ce que cela représenté ? A présent, l'empereur enverrait sûrement des hommes à ses trousses. Il attendit avec impatience sa prochaine rencontre avec Titian, voulant lui demander si le capitaine aux cheveux océans était impliqué. Lorsqu'enfin ils purent se voir, le jeune homme l'informa que le capitaine avait été chargé de trouver le bracelet et son porteur. Il ignorait comment mais le capitaine semblait connaître les déplacements qu'indiqués la carte. Même si le jeune pirate était maintenant second, il n'était pas dans la confidence.

    -Il faut que tu trouves le porteur en premier.

    -Et comment je fais ça ? Je prend une barque, j'accoste le premier bateau, inspecte tous les voyageurs et rentre ni vu ni connu ? Ah non, attend on a pas de barque.

    -Bien sûr que non. Il faudrait seulement que tu trouves un moyen pour chercher le bracelet parmi les personnes que vous emprisonnerez. Si le capitaine veut le trouver, il faudra bien qu'il attaque des bateaux, non ?

    -En supposant que le porteur prenne la mer. Il est peut-être encore en Sinia sans intention d'en bouger.

    Lyan insista :

    -Toujours est-il que le capitaine ne restera pas sans rien faire si l'empereur lui a donné des ordres. Il ne sait pas qui il cherche, nous nous en avons une petite idée.

    -Ah bon ? 

    -Oui, je pense qu'il pourrait s'agir de Noré.

    Il releva les yeux de son verre pour fixer son fils :

    -Tu te souviens d'elle ?

    -Petite, potelée, chauve et hurlante, oui, un vague souvenir.

    -Elle doit avoir treize ans à présent.

    Titian parut perplexe :

    -C'est ça l'information ? Une fille de treize ans avec un bracelet d'argent ? Mais c'est parti, on peut déjà sonner les trompettes de la victoire.

    Lyan eut un pâle sourire :

    -Tu essaieras de la trouver ?

    Il hocha la tête :

    -Je vais faire mon possible.

    Il le quitta, l'humeur plus sombre encore et les jours qui s'écoulèrent le mire au supplice. Quand enfin on lui transmit une lettre de Titian, il s'attendait au pire. Son fils lui annonçait, d'une écriture hâtive et maladroite, qu'il avait trouvé Noré et avait fui avec elle. Il lui parlait également de sirène et de bandit de façon si décousue que Lyan n'y comprenait rien. L'écriture n'était pas son point fort, mais il réussit à déchiffrer un passage dans lequel le pirate avoué avoir perdu Noré, ce à quoi il ajoutait que ce n'était qu'une perte provisoire. Lyan ne put s'empêcher de s'inquiéter et il dût attendre des mois avant d'avoir d'autres nouvelles.

    La nouvelle lettre l'informait qu'ils étaient sur l'île du siège, à Firelame, grâce aux Auriens. Titian ne décrivait rien de la façon dont il avait trouvé Noré et de la façon dont les Auriens s'étaient retrouvés mêlé à ça. Il demandait à Lyan de venir la chercher, car les pirates les poursuivaient. Pour lui faciliter la tâche, il ferait en sorte de rester dans cette ville jusqu'à son arrivée. Pour ce qui était de ce que savait sa soeur, cela était proche du rien. Sa mère lui avait dit de garder le bracelet et de trouver Lyan sans plus de précision. Titian, lui-même, ne lui avait rien raconté car il tenait à savoir s'il était de taille face à ses anciens camarades. Lyan haussa un sourcil dubitatif et relut ce passage pour être sûr d'avoir bien compris. Décidément son fils le surprendrait toujours. Cependant, Lyan fut d'avis de ne rien dire à la jeune fille. Cela risquait de compliquer la situation si elle paniquait. Après tout, personne n'aimerait être sacrifié et de plus, elle serait plus en sécurité auprès de lui. Il reposa la lettre et calcula mentalement le temps qu'il avait fallu au messager pour arriver. Sachant qu'à Firelame ils avaient encore des griffoniers, ce qui était plus lent. Il devait allé chercher sa fille sur le champ, en espérant qu'il ne soit pas déjà trop tard. Il se leva, sortit de chez lui et se rendit aux écuries, sella un cheval, sans prendre le temps de prévenir qui que ce soit de son départ, et partit. Lyan serait sans doute interrogé à son retour. Il était déjà étonné que ses escapades ne lui aient pas apporté plus d'ennui. Il galopa sur la route qu'il avait fini par connaître par cœur

    Lorsqu'il fut en ville, Lyan se rendit dans l'auberge dont lui avait parlé Titian et stoppa net en apercevant des hommes entassaient des cadavres dans la rue. Des chevaliers tenaient les badauds à l'écart, formant un périmètre autour de l'auberge. Lyan scruta les morts, cherchant à apercevoir le corps d'une jeune fille ou de Titian. Lorsqu'il tenta de s'approcher, un des chevalier l'arrêta :

    -Désolé, on ne peut pas vous laisser passer, le temps que la rue soit dégagée.

    -Je suis Lyan Zilla, du septième anneaux du ciel.

    -C'est le siège qui vous envoi ?

    Sans se démonter, il affirma de la manière la plus naturelle :

    -Oui, bien sûr, qu'est-ce que je ferais là sinon ?

    L'homme le laissa passer et il se précipita vers les corps mais il n'y avait aucune traces de ses enfants. Lyan entra donc dans l'auberge, pour en interroger les propriétaires. Il tomba sur une femme potelée qui semblait furieuse.

    -Excusez-moi, vous savez qui est le propriétaire de cet endroit ?

    -Pourquoi ?

    Elle avait presque crié de colère et il eut un mouvement de recul :

    -Je cherche deux personnes. Un pirate et une jeune fille.

    -Vous les connaissez ?

    La menace qui planait dans sa voix l'incita à la prudence :

    -Non, pas personnellement. Le siège m'a chargé de les retrouver.

    -Pour les arrêter, je suppose. Pas étonnant, vous avez vu ce qu'ils ont fait ? Je peux vous dire qu'ils ont bien fais de s'être évaporé avant que je me réveille, parce que là...

    Sa voix montait dans les aigus au fur et à mesure que la colère l'emportait, mais il la coupa tout de même :

    -Attendez, vous voulez dire que ce carnage à eu lieu dans la nuit ?

    -Evidemment, ils ne se seraient pas permis en plein jour.

    -Et personne ne s'est réveillé ?

    Prise au dépourvu, la femme chercha que répondre avant de lancer :

    -Quand on entend crier et courir partout, on ne sort pas de sa chambre à moins d'être suicidaire. C'est une réaction normale.

    Refusant de s'attarder sur la question, Lyan ressortit, chercha encore d'autres informations, interrogea les personnes alentours mais sans succès. Déçu et l'estomac noué, il reprit son cheval et rentra. Tout ce qu'il pouvait faire à présent, c'était d'attendre d'autres nouvelles de Titian, en espérant que tout irait bien.

    Le temps passa inexorablement et il tentait d'occuper son esprit comme il le pouvait, mais Lyan revenait sans cesse à ses enfants. Et puis, un beau jour, il reçu une lettre de Salel. Cela le rassura en partie car il disait avoir vu Noré et l'avoir mise en sûreté auprès d'un peuple de sa connaissance. En revanche, ce qui le rassuré moins s'était de la savoir en Terres Sanglantes et que son ami ne faisait aucune allusion à Titian. Ce soir-là, allongé dans son lit, Lyan ferma les yeux et chercha à refaire le parcours de sa fille. Comment avait-elle pu passer de Firelame aux Terres Sanglantes ? Si près du siège et de lui et maintenant si loin. Il ne pouvait pas écrire à Salel, car si la correspondance était assurée vers la Métane, il était peu probable que sa lettre atteigne les Terres Sanglantes. A nouveau, il devait attendre et la résistance ne fut plus suffisante pour s'occuper l'esprit, malgré les messages qu'il recevait de temps en temps.

    Une nuit, il fut réveillé par un violent mal de crâne. Grimaçant, il ouvrit les yeux et au lieu de voir sa chambre, il vit l'océan. Lyan chercha à comprendre ce qu'il lui arrivait, intimement persuadé que ce n'était pas un rêve. Quant il tourna sur lui-même, le jeune homme se trouva face à la muraille d'enceinte du siège et il cherchait encore à comprendre quand la douleur s'estompa soudain. Lyan se retrouva debout, face au mur de sa chambre. Il le toucha pour s'assurer qu'il était bien réveillé, mais ce qu'il venait de voir lui avait semblé tout aussi réel. Lyan avait senti les effluves marines, l'eau sous ses pieds. Frissonnant, il se recoucha, trop fatigué pour y réfléchir sur l'instant. Le lendemain, son aventure de la nuit lui paraissait tellement flou qu'il décida de ne plus y prêter attention. Mais comme la journée commençait, un pressentiment le tirailla. Et s'il était arrivé quelque chose ? Ce genre de rêve ne lui était jamais arrivé, peut-être était-ce une manière qu'avait trouvé son inconscient pour lui dire quelque chose ? Pour se débarrasser du doute qui le tourmentait, Lyan décida de se rendre au lieu qu'il avait vu, l'enceinte du siège qui s'enfonçait dans la mer et sortit.

    Le soleil était caché par des nuages menaçants, donnant un aspect sinistre à cette journée. L'homme passa les portes et marcha le long du mur, droit vers l'océan. Il plissa les yeux en distinguant une forme sur la plage, continua d'avancer en pensant qu'il s'agissait sans doute de débris rejetaient par les vagues. Mais plus il approchait, plus il lui sembla discerner un corps, un corps d'homme. Un mauvais pressentiment l'étreignit et finalement, Lyan se mit à courir lorsqu'il reconnut Titian. Le garçon était échoué, ses nombreuses blessures pansaient par d'étranges algues. Tandis qu'il se penchait sur son fils, un son lui fit lever la tête. L'océan semblait bouillir et dans les remous, il apercevait de temps en temps, d'immenses queue de poissons. Il empoigna son fils et le tira complètement hors de l'eau, en appelant à l'aide, les deux gardes de l'enceinte. Lorsque ceux-ci le rejoignirent au pas de course, les sirènes avaient disparu. Lyan veilla à ce que la marque O sur la gauche du cou du garçon, qui le désignait comme second d'un capitaine pirate, soit caché. Puis, il s'adressa aux gardes :

    -Portez-le et suivez moi.

    Ils obéirent et il les guida jusque dans ses appartements. Il leur montra l'ancienne chambre de Titian :

    -Mettez-le dans cette chambre.

    Ils le déposèrent sur le lit, puis informèrent Lyan qu'ils devaient retourner à leur poste et lui proposèrent d'aller chercher de l'aide. Il accepta et l'un d'eux alla chercher un médecin, alors que l'autre retourné à la porte de l'enceinte. Lyan recouvrit le garçon de sa couverture et attendis avec angoisse l'arrivée du médecin. Titian n'avait pas repris conscience quand celle-ci entra et resta en fascination devant les algues.Elle s'assit et observa les plaies, tandis que Lyan tournait autour en se rongeant les ongles.

    -C'est passionnant. Ces algues semblent avoir nettoyé et même commencé à cicatriser les plaies.

    -Veuillez m'excuser, mais je m'en fous. Je veux juste savoir s'il va bien.

    -Il va bien. Comme je viens de vous le dire ces algues lui ont sauvé la vie. Il est hors de danger.

    -Vraiment ?

    -Puisque je vous le dis. Pourrais-je prendre un échantillon de ses algues pour mon étude personnelle ?

    -Si vous voulez. Mais vous n'allez rien faire alors ?

    -Je peux vous donner une poudre à mélanger avec de l'eau au cas où il aurait des douleurs. J'ignore ce que cette algue peut provoquer.

    -D'accord, d'accord. Donnez m'en.

    Le médecin lui tendit un petit sachet, pris son prélèvement et partit. Lyan resta près de son fils tout le reste de la journée et de la nuit. Au matin, il dut aller au travail, mais autant dire qu'il n'y était pas. Lyan passa son temps à triturer tout ce qui lui tombé sous la main en pensant à son fils. Et s'il se réveillait en son absence ? Mais lorsqu'il rentra le soir, il trouva Titian comme il l'avait laissé. Il fallut plusieurs jours avant qu'il ne se réveille. Le garçon ouvrit les yeux dans un brusque sursaut, réveillant son père assit près de lui. La douleur que ce mouvement avait fait jaillir, l'empêcha de se redresser et il retomba sur son oreiller en grimaçant, les yeux écarquillés. Lyan l'apaisa et une fois qu'il fut tranquillisé, Titian raconta avec difficulté ce qui lui était arrivé.

     

    A ce moment du récit, son père se tourna vers Titian. Le pirate était recroquevillé sur les dernières marches de l'escalier et il semblait bien à Noré que c'était la première fois qu'elle le voyait effrayé.

    -Tu veux poursuivre ?

    Le garçon se contenta d'un hochement négatif de la tête, alors Lyan raconta à sa place :

     

    Une fois attirait sous l'eau, l'étrange fumée bleue l'avait enveloppé. Il avait saisit le poignard dans sa botte et avait tenté de toucher la tentacule qui lui tenait la cheville. La lame se brisa. Il se contorsionna alors pour essayer de la toucher et sentit ses doigts entrer en contact avec une matière dur comme de la pierre. Le pirate chercha dans sa mémoire, un animal ayant des tentacules de ce genre, lorsqu'une douleur vint pulvériser son bras. Il hurla, quelque chose entrait dans sa chair. Il réussit à s'en saisir et l'arracha. Titian fixa avec surprise l'énorme larve blanchâtre qui gigoter dans sa main. Ses yeux commençant à devenir douloureux, il les ferma quelques secondes jusqu'à ce qu'une douleur dans son dos le refit hurler. Une autre larve fusa et vint se planter dans sa jambe. Sous le choc et la douleur, le pirate lâcha celle qu'il tenait encore en main. Il les sentait creuser un passage entre ses muscles jusqu'aux os.

    Titian s'agita dans tous les sens, hurlant, paniquant, fou de douleur. Il réussit à arracher celle sur sa jambe, mais ne pouvait atteindre celle dans son dos dont la moitié avait déjà disparu sous sa chair. Son sang s'échappait de sa jambe et de son bras. Les larves dont il s'était débarrassé revinrent à la charge et l'une se planta dans sa hanche. Il allait se saisir de l'autre, lorsque quelque chose s'enroula autour de son bras droit. Derrière le voile de douleur et le peu de conscience qui lui restait, il crut deviner une langue, longue et fine comme celle d'un serpent, qui lui brûlait la peau. La larve en profita pour se loger dans son épaule. Il se débattait furieusement. Il n'avait plus d'air. La langue tira brusquement son bras sur la droite, mais la tentacule raffermi sa prise. Sa cheville se brisa, son épaule se déboîta. Une autre langue jaillit s'enroulant autour de son corps, le bout en pointe de flèche, se planta dans sa nuque. Les brûlures lui rongeaient les chairs. Elle tenta de l'attirer en arrière, mais ni l'autre langue, ni la tentacule ne voulurent céder. Pendant que les larves commençaient à le grignoter de l'intérieur, que son propre sang l'enveloppait, que ses côtes se brisaient, Il s'évanouit enfin.

    Titian s'était légèrement réveillé lorsque les sirènes étaient en train de le soigner, mais incapable de bouger ou de parler. La reine entra directement dans sa tête et lui rappela simplement sa promesse de tuer le capitaine aux cheveux océans. Cependant, s'il s'avérait qu'il en était incapable, la prochaine fois, elles le laisseraient mourir. La reine avait ensuite transmis ses images à Lyan pendant son sommeil espérant lui faire comprendre où il devait se rendre. Puis, elles avaient abandonné Titian sur le rivage.

    Lorsqu'il raconta son récit à son père, Titian tremblait de tout son corps. Lyan ne posa pas plus de question, préférant attendre qu'il se remette un peu. Il s'assura qu'il ne manquait de rien, lui interdit de quitter la chambre et dût reprendre sa routine. Il entendait parfois son fils se lever la nuit à cause de cauchemars, mais refusait de reparler de ce qui lui était arrivé, sentant que c'était une discussion que son fils refuserait. En revanche, ils discutèrent plus en détail de ce qu'ils avaient fais chacun de leur côté. Titian s'attarda sur les Alianis car la reine avait reconnu le bracelet et avait commencé à en parler à Noré. Il avait réussi à l'en empêcher, mais plus tard, avec une pierre que Noré utilisait pour parler avec les Auriens, il contacta l'Alianis. Il dût tout lui expliquer, gagnait sa confiance et obtenir sa promesse de ne rien dire.

    -Comment pouvait-elle connaître la signification du bracelet ? Seuls le siège et les chevaliers le savent.

    Titian haussa les épaules :

    -Je ne sais pas. Elle était peut-être au siège avant.

    Lyan réfléchit. Un membre de la résistance qui se serait enfui ?

    -Tu connais son nom ?

    -Vigle.

    L'image du jeune homme qui prenait soin de lui apparut du fond de ses souvenirs. Il est devenu femme ? Il ne se souvenait pas de ses traits avec précision, mais il sourit en disant :

    -Tu la connaissais déjà avant. Elle s'était occupée de toi un soir. C'était un chevalier à l'époque.

    Le pirate s'était gratté la tête :

    -Pas le souvenir.

    Titian avait continué à tenir Noré dans l'ignorance, afin qu'elle continue sa route. De son côté, Lyan avait reçu un message de la résistance qui l'informait que la marque sur la carte avait commencé à s'effacer dernièrement. La jeune fille avait sans doute enlevé le bracelet et leur chance de la retrouver s'amincissait au fur et à mesure que le temps passé. Ils espérèrent tous deux qu'elle ne renoncerait pas à atteindre le siège. Et puis, quelques jours à peine après cette discussion, ils apprenaient qu'une jeune fille arrêtait avait été convoqué par l'empereur. Qui d'autre pouvait intéressé autant Daron si ce n'était Noré ? Alors, Lyan avait parlé du passage qui permettait de sortir de la tour discrètement et demanda à Titian d'aller la chercher sans se faire repérer dans la mesure du possible.

    « Conte : Première neigeDouzième battement »

    Tags Tags : , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :