• CHAPITRE 11

    Les cadavres des pirates furent brûlés. Noré se décida à rentrer lorsque l'odeur qui se dégageait du bûcher devint trop forte. Elle salua Hëdjik et partit à la recherche de Titian et Xilanos. Le premier se trouvait dans le dortoir, somnolant paisiblement. La jeune fille leva les yeux au ciel et le laissa dormir. Noré retourna vers la grande salle où avait eu lieu le dernier combat. Les tables et chaises étaient renversées, le sol rougi par le sang qui s'étendait encore en flaque suintante. Un peu partout, les frêles corps de fées mortes se changeaient en plume. L'adolescente regarda le spectacle sans rien ressentir. La fatigue la submergeait soudain et elle ne se sentait plus capable de rien. Elle envia Titian et hésita à retourner au dortoir pour récupérer un peu. Sans l'aide du moindre souffle d'air, les plumes s'envolèrent, tournoyant doucement vers l’extérieur. La jeune fille bailla, cachant sa bouche avec le dos de sa main, ouvrant de grands yeux, ce qui lui donna l'impression de se réveiller. Il n'y avait personne dans la pièce de l'arbre. Son cerveau marchant au ralentit, elle mit du temps à deviner où Xilanos pouvait se trouver. Elle finit par se souvenir qu'il avait dit d'enterrer les Auriens et Alianis derrière. Cela devait être derrière le bâtiment. Noré soupira à l'idée de faire demi-tour et de faire tout le tour. La jeune fille avait déjà commencé à repartir lorsque, se moquant intérieurement de sa bêtise, elle se rappela le passage derrière le tronc. Elle s'y glissa.

    Dehors, l'adolescente resta un moment debout attendant que l'air rafraîchit la réveille. A plusieurs mètres sur sa gauche, les lueurs tremblotantes des flambeaux transperçaient le jour mourant. Elle prit cette direction. Le son de pelle lui parvint avant qu'elle ne distingue les enfants et les femmes qui s'activaient à enterrer les derniers corps. Xilanos marchait aux côtés de l'Alianis brune qui semblait être la chef du groupe de femme. Ils discutaient tout en circulant entre les tombes fraîches. L'Aurien releva un temps la tête et l'aperçut. Il avait l'air soucieux. Noré lui lança un sourire de soutien, avant de s'éloigner pour s'asseoir contre un tronc d'arbre. Là, elle attendit qu'ils finissent leur sinistre besogne. Elle se releva en voyant les Auriens rentrer. Les Alianis, mise à part celle qui accompagnait Xilanos, retournèrent dans la forêt. La jeune fille suivit les enfants à l'intérieur, en passant par la cour. Le bûcher brûlait encore, l'odeur se renforça et Noré fronça le nez en passant à côté. Les Auriens restés dans la cour rentrèrent avec eux et Hëdjik rejoignit l'autre Alianis. Xilanos parla encore un peu avec elles. Puis, les femmes s'éloignèrent et l'Aurien rentra. Noré le suivit jusque dans la salle de l'arbre où il s'appliqua à graver des croix sur le tronc, une pour chaque morts.

    -On va manger. Tu devrais aller chercher le pirate.

    -D'accord.

    Noré se rendit au dortoir. Dans la grande salle, les enfants nettoyaient le sol, d'autres s'activaient près de la cheminée. Lorsqu'elle arriva dans le dortoir, Titian était assis en tailleur sur sa couverture. Il passa une main dans ses cheveux châtains :

    -Eh, en fait, je suis blessé.

    Elle écarquilla les yeux :

    -C'est vrai, j'avais oublié.

    -C'est gentil.

    -Mais, tu avais l'air d'aller très bien, alors je n'ai plus fait attention.

    -Bien sûr. C'est pas parce que ma cervelle dégouline de mon crâne que l'on va se faire des cheveux. Note le jeux de mot.

    Noré renonça à argumenter et s'approcha :

    -Ça n'a pas l'air si grave. Une petite ouverture tout au plus.

    -Depuis quand tu t'y connais ? Je suis pas sûr que l'on apprenne beaucoup sur les blessures en se cachant derrière les portes.

    -Je vais chercher quelqu'un.

    -Pas l'autre.

    Elle sortit sans répondre. Xilanos venait à sa rencontre :

    -Alors ?

    -Il est blessé.

    -Gravement ?

    -Je vais ignorer cette pointe de joie dans ta voie. Non, une petite ouverture au crâne.

    -J'envoie quelqu'un.

    Il fit demi-tour en étouffant un juron. Le pirate fut soigné et put les rejoindre à table. Il s'installa près de Noré, croisa les bras sur la table et y planqua son visage.

    -Tu ne vas pas encore dormir ?!

    -J'ai perdu beaucoup de sang.

    Xilanos assit face à eux, ricana :

    -Tu parles.

    La jeune fille entendit un bruit sourd d'un choc sous la table.

    -Aïe !

    -Ça suffit vous deux, c'est pas possible, ça !

    Xilanos frotta sa jambe endolorie :

    -Mais, c'est lui, à chaque fois...

    Le pirate releva la tête :

    -Oh là, oh là, ça ne fait pas très chef responsable ce genre de phrase.

    Pour toute réponse, le jeune garçon lui présenta son point d'un geste menaçant.

    -Quand penses-tu que nous pourrons partir ?

    -Nanz et Touja, ceux que j'ai contacté pour vous ramener, ne sont pas encore arrivé.

    Titian s'étira :

    -Et comment il sait ça, le petit chef ?

    Avec une grimace, le garçon lui montra son collier.

    -Ah oui, c'est vrai. Très esthétique.

    -Ne va pas te faire une crampe de mâchoire en utilisant des mots compliqués.

    Noré reprit avant que la situation ne s'envenime :

    -Tu crois qu'ils seront là demain ?

    -Quand bien même ils arriveraient, les pirates doivent encore rôder dans le coin.

    Il jeta une regard insistant sur Titian. Noré repoussa son assiette vide, mit un coude sur la table et posa son menton dans sa paume. La grande salle était étonnamment silencieuse. Seul le choc des couverts emplissait l'air lourd de fatigue et de tristesse.

    -... la nuit.

    Elle revint à la discussion :

    -Pardon ?

    Xilanos répéta :

    -Je disais que je mettrais des sentinelles pour la nuit. Des fois qu'ils tenteraient une attaque durant notre sommeil.

    Titian bailla en se grattant la tête :

    -Pas la peine. Même les pirates ont besoin de dormir. Regarde-moi.

    -Tu ne m'en voudras pas d'ignorer ton conseil.

    -C'est tout à ton honneur.

    L'Aurien eut une grimace de dégoût, serra fortement les poings et décida de se lever :

    -Je vais m'occuper de ça. Si je reste, il y aura un autre pirate à cramer.

    -Tu menaces un homme blessé ? C'est honteux, tu... Hey, reviens ici ! Je suis en train de te parler l'air de rien !

    L'interpellé l'ignora royalement et alla retrouver Eliana. Noré posa ses deux mains à plat sur la table d'un geste résolu :

    -Bon, cette fois, je vais me coucher.

    -Mais bien sûr, va-t-en, laisse moi à la merci de ces gamins cannibales ! Voilà qu'elle m'ignore aussi maintenant. Je m'en fiche, j'ai des tas de chose à me dire.

    La jeune fille rejoignit sa couchette. Elle savoura l'instant où tous ses muscles se détendirent sous la couverture et ferma les yeux. Mais la nuit ne fut pas aussi reposante qu'elle l'avait espéré. Les cauchemars revinrent. Au prix d'un grand effort, elle ouvrit les yeux dans l'obscurité. La jeune fille resta allongée, fixant le plafond. Elle écouta les respirations calmes des enfants, accompagnées du ronronnement des fées blotties contre eux. Le souvenir de la fée écrasée sous la botte du pirate lui revint. Finalement, elle décida d se lever et de se rendre sur la passerelle de la veille, le temps que le sommeille revienne.

    Xilanos y était déjà installé, les jambes se balançant dans le vide. Un sourire heureux lui vint naturellement. Elle vint  s'asseoir près de lui :

    -Cauchemars ?

    -Oui, et toi ?

    -Trop de question.

    Noré n'insista pas. Comme la veille, la pleine lune éclairait la mer d'une lueur blafarde.

    -Xilanos, que vont faire les Auriens qui ont perdu leur fée ?

    -Ils se lieront à de nouvelles fées ou à celles qui ont perdu leur Aurien.

    Un silence s'installa entre eux. La jeune fille respira profondément et remonta ses jambes contre son torse et les emprisonna dans ses bras. Noré posa sa tête sur ses genoux et la tourna vers le garçon qui lui lança un sourire, gêné d'être ainsi observé.

    -Cette femme, c'était vraiment ta mère ?

    -Non, c'est à cause d'une légende. Tu veux que je te raconte ?

    -S'il te plaît.

    -Alors, voilà. Il y a très longtemps, en Métane, alors que ce n'était qu'une seule telle, vivaient un homme, sa femme et son fils. Puis, la guerre fut déclarée et l'homme dût partir. Des mois s'écoulèrent, mais il ne revenait pas. Un jour, la femme apprit que son mari était mort et que l'armée ennemie marchait vers leur ville. Alors, elle prit son jeune fils et s'enfuit. Dans le village voisin, elle rencontra d'autres veuves avec leurs enfants. Apprenant que l'armée avançait, elles décidèrent de suivre la femme et de partir. Les femmes et les enfants marchèrent des jours et des jours, recueillant de plus en plus de veuves et d'orphelins. Mais, alors qu'ils atteignaient les forêts du Nord, l'armée les rattrapa. Dans la confusion, femmes et enfants furent séparés et s'enfuirent dans la forêt. La femme fut rattrapée dans sa fuite. Un cavalier l'attaqua, elle évita le coup et réussit à s'emparer du bouclier attaché au cheval. Puis, elle y fit refléter les rayons du soleil et le pointa sur les yeux de l'homme. Celui-ci hurla et s'enfuit. Aussitôt, les autres femmes attaquèrent à leur tour, s'emparant des boucliers et éblouissant les ennemis. Elles furent sauvées. Les enfants, quant à eux, avaient réussi à semer leurs poursuivants, mais s'étaient perdus. La nuit était tombé. Le fils leva les yeux au ciel et aperçut le croissant de lune. Comme tu dois le savoir, les croissants de lune ne durent que trois nuits en Métane.

    Noré acquiesça.

    -Le fils prit cela pour un signe et décida de suivre cette direction et de marcher droit vers la lune. Les autres enfants le suivirent. Au bout d'un moment, ils arrivèrent au pied d'un arbre immense. Le fils émerveillé posa les mains sur le tronc et aussitôt, des centaines de fées en jaillirent. Ils furent sauvés à leur tour. Les années s'écoulèrent sans que les enfants ne revirent leurs mères. Lorsqu'un jour, la femme tomba malade et se vit contrainte de quitter la forêt, ne possédant aucune médecine. Elle quitta les autres et sur la route, elle rencontra un jeune garçon de quinze ans qui chassait. La femme reconnut son fils. Lorsqu'il apprit que sa mère souffrante devait s'ne allait, il décida à son tour de quitter la forêt pour l'accompagner. Ainsi, ils quittèrent leur refuge et on ne les revit jamais. Fin.

    Xilanos découvrit son front :

    -La marque en croissant de lune noir montre qu'elle nous protège depuis la nuit où elle guida les enfants vers l'arbre. De même que le cercle blanc, sur le front des Alianis, représente le soleil comme leur protecteur.

    -J'ai une question.

    -Vas-y.

    Elle eut un air moqueur :

    -Comment tu expliques qu'elles aient fait fuir les soldats si facilement ?

    -C'est une légende, les faits se sont un peu perdu. Mais il est possible que les ennemis de cette guerre furent les Vemepyres.

    Elle se redressa :

    -Hëdjik a parlé d'eux aussi. Qui sont-ils ?

    -Eh bien, je sais juste ce que les légendes racontent. Apparemment, à une époque ils tentèrent d'envahir la Métane et  ils ne supportent pas la lumière, parce qu'ils vivent sous terre. C'est tout ce que je sais. Satisfaite ?

    Noré acquiesça. Il sourit.

    -Donc, les Alianis sont vos mère à cause de l'histoire.

    -Chaque Aurien à la sienne. La mienne est leur reine, bien entendu.

    -Bien entendu.

    Il poursuivit :

    -Elles doivent nous protéger et nous leur devons obéissance. Leur autorité sur les Auriens qui les ont choisis est telle qu'elles peuvent faire annuler un de mes ordres, si elles le jugent à l'encontre des intérêts de leur enfant.

    -C'est déjà arrivé ? Qu'elles annulent un de tes ordres ?

    Il fut offusqué :

    -Non ! Bien sûr que non.

    Xilanos l'observa en silence avant de reprendre :

    -Hëdjik t'as protégé durant ce combat, par conséquent, elle t'a choisi comme son enfant.

    -Mais, je ne suis même pas Aurienne.

    -Peu importe. Tu es une enfant, c'est tout ce qui importe ici.

    Noré resta un moment perplexe. Elle n'avait pas vu les choses sous cet angle. La jeune fille reporta son regard au loin, songeuse. Xilanos s'allongea et elle resta encore dans ses réflexions, avant de s'étendre à son côté. La tête en arrière, au bord de la passerelle, elle eut de nouveau ce sentiment d'envol.

    -Tu me donnes la main ?

    L'adolescent avait redressé son bras et lui souriait. Noré fit mine d'hésiter avant de lui donner. Ils reposèrent leur bras entre eux et restèrent sans bouger à observer le ciel. Elle ignorait le temps qui s'était écoulé quand Xilanos se releva en annonçant qu'il allait dormir et l'invita à faire de même. De retour sous sa couverture, elle ferma les yeux, attendant de s'endormir.

    -Noré.

    Elle chercha d'où pouvait provenir l'appel.

    -Noré.

    Son esprit tourna encore un peu avant de traverser les rêves et de rapprocher de la réalité. La jeune fille se réveilla. Xilanos était penché sur elle :

    -Il y a une réunion dans la grande salle. Il faut que vous veniez.

    Elle hocha la tête, se frotta les yeux et se redressa. Le garçon donna un violent coup de pied dans les jambes de Titian :

    -Debout !

    Le pirate bondit sur ses pieds, son poing fendit l'aire, Xilanos l'évita. Les jambes encore empêtrées dans sa couverture, Titian manqua perdre l'équilibre.

    -Je vous attends là-bas.

    Le jeune chef sortit. Noré enfila ses chaussures, s'étira :

    -Bonjour, Titian.

    Il ne lui répondit pas, occupé à se débarrasser de sa couverture à coups de pieds. Lorsqu'il s'en sortit, il suivit la jeune fille vers la sortie. Noré se demandait sur quoi portait cette réunion. Dans la grande salle, assis au sol, sur les chaises et les tables, les Auriens et Alianis parlaient dans un brouhaha incompréhensible. Xilanos s'avança lui prit la main et la conduisit devant la cheminée où se tenait déjà la reine des Alianis, Hëdjik, Eliana et sa mère. Titian resta près de la porte dans une attitude permettant à tous de voir son ennui. Peu à peu, le silence s'installa. Xilanos parla d'une voix forte pour couvrir les dernières bribes de conversations :

    -Touja et Nanz sont arrivés au cour de la nuit. Ils nous ont informé que le bateau du pirate aux cheveux océan a jeté l'ancre à l'orée de la forêt. Il semble se préparer pour une nouvelle attaque.

    Eliana lança sans hésiter :

    -Alors, nous allons nous préparer aussi.

    -Non !

    Sa mère s'adressa à la reine :

    -Vigle, les pirates sont nombreux et puissants, je refuse qu'Eliana mène un autre combat.

    -J'approuve.

    Hëdjik s'avança. Noré se souvint de ce que lui avait appris Xilanos. Si l'Alianis était à présent sa mère, elle se demandait si elle devrait lui obéir.

    -Ma reine, Noré n'est pas une Aurienne, ce n'est même pas une Métanienne. Ce combat pourrait lui être fatal.

    Eliana chercha du soutien auprès de son chef. Celui-ci se tenait les bras croisés, les yeux au sol et se décida à répondre :

    -Je suis d'accord. Cela fait longtemps que nous n'avions pas lutté sur notre propre sol.

    -Xilanos, sais-tu comment ils vous ont trouvé ?

    -Non, mère, je n'ai qu'une vague idée.

    Noré nota le regard discret qu'il jeta vers Titian. Hëdjik demanda :

    -Ne penses-tu pas qu'ils auraient pu vous suivre, lorsque tu es arrivé avec Noré et son ami ?

    -Non, je les aurais remarqué.

    -OK, OK.

    Titian intervint pour la première fois. Sans bougeait de son emplacement, il répliqua avec hargne :

    -Avant que ça ne me retombe dessus, je te vois venir, petit chef, ce n'était pas moi.

    Xilanos lui fit face :

    -Comment nous auraient-ils trouvé, sinon ? Des années que personne n'approche nos forêts et voilà, que soudain, toute une bande nous trouve aussi facilement que s'ils avaient eu une carte.

    -Si j'avais voulu leur montrer votre position, j'aurais foutu le feu à la forêt.

    -Et tout aurait cramé, toi y compris.

    -Eh bin, tu vois, j'y aurais même pas pensé.

    A cela, Xilanos ne trouva rien à répliquer. Vigle posa une main sur son épaule :

    -N'avais-tu pas prévu de les faire partir avec Nanz et Touja ?

    -Si, mais avec les pirates...

    -Attendons qu'ils attaquent. Les Alianis répliqueront pendant que les Auriens les escorteront par l'autre chemin.

    Il approuva d'un signe de tête. Noré fut soulagé de savoir qu'elle échapperait à un autre combat. Cependant, Eliana protesta :

    -Chef, les Auriens n'ont jamais renoncé à un combat. Nous avons toujours été vainqueur.

    Sa mère la coupa :

    -D'ordinaire oui, mais sans notre soutien aujourd'hui, les Auriens auraient disparu.

    -Je suppose qu'on aurait trouvé une solution et on aurait pu gagner sans vous.

    -Eliana.

    Le ton était tranchant La petite regarda Xilanos, celui-ci poursuivit avec une pointe de colère dans la voix :

    -Un chef ne suppose pas, il sait ou ne sait pas. Et ne t'avises plus de dénigrer les Alianis.

    Elle s'inclina et s'excusa. Xilanos continua :

    -C'est décidé. Dès le premier signe d'une attaque de leur part, on les fait embarquer. Je vais prévenir Nanz.

    -Quoiqu'il en soit, si l'on savait pourquoi les pirates pourchassent Noré, cela nous aiderait sans doute.

    Le regard que jeta Xilanos à Hëdjik montra qu'il s'était aussi posé la question. La jeune fille se demandait si elle devait répondre et remarqua le coup d'oeil furtif que la reine jeta sur son bracelet.

    -Je préfère que Noré et Titian quittent l'île le plus tôt possible.

    Hëdjik n'insista pas. Vigle jeta un regard sur l'assemblée dans l'attente d'une objection ou d'une question. Comme personne ne se manifestait, elle conclut :

    -Très bien. Préparez-vous et reposez-vous.

    Toute la pièce se mit en mouvement comme un animal gigantesque. Seul Xilanos restait immobile, plongé dans ses pensées. Noré prit le parti de le laisser tranquille et retourna au dortoir. Elle s'allongea et resta à fixer le plafond, se remémorant tout ce qui lui était arrivé. La peur, cachée derrière une caisse pour ne pas être vu des pirates. La souffrance dans la mine. Noré ne réussit pas à se souvenir exactement de cela et s’aperçut qu'elle avait perdu la notion du temps. Un Aurien s'approcha d'elle avec un plat de fruit. La jeune fille s'empara de deux pommes, le remercia et mordit à pleine dent. Autour d'elle d'autres enfants étaient venus s'allonger, discuter à voix basse. Lorsqu'elle sentit qu'elle allait s'endormir, elle se releva, refusant de dormir alors que les pirates pouvaient arrivés à tout moment.

    Noré sortit du bâtiment en passant par le passage derrière le tronc et aperçut, plus loin dans la forêt, Xilanos, Vigle et Hëdjik. Observant de loin, elle ne pouvait entendre ce qu'ils disaient. Xilanos dit quelque chose à Hëdjik et s'agenouilla. Après un regard à Vigle, la Rhosay s'assit en tailleur face à l'enfant. Celui-ci l'imita. La reine Alianis sourit. Elle remplit avec une gourde attachée à sa ceinture, un bol qu'elle avait en main et le présenta à Hëdjik. Celle-ci mit les mains sur son cœur et les referma. Puis, comme si elle tenait quelque chose, les fit glisser dans le bol où elle les rouvrit. Vigle but alors une gorgée et déversa le reste sur la tête du garçon. Puis, ils se relevèrent et la reine prit la tête d'Hëdjik dans ses mains, mit son front contre le sien, dit quelque chose et la relâcha.

    Comme ils se dirigeaient vers la porte, Noré se précipita à l'intérieur. Persuadée qu'elle n'était pas sensé voir ce qui venait de se passer. Jetant un regard par-dessus son épaule, pour voir s'ils arrivaient, elle fonça droit sur Titian. Le garçon grommela et bailla en se grattant la tête.

    -Qu'est-ce qu'il t'arrive au juste ? Tu as des problèmes de vision ? Je ne suis pas minuscule pourtant.

    Xilanos et les deux Alianis rentrèrent.

    -Du moins pas autant que lui. Pourquoi tu ne lui marches jamais dessus à lui ?

    L'Aurien leva les yeux au ciel, refusant de comprendre de quoi il parlait.

    -J'ai contacté Nanz. Il se tient prêt.

    -D'accord.

    Vigle s'adressa à Noré :

    -J'aimerais te parler en privé.

    La jeune fille suivit la reine dans la grande salle vide. Vigle fit signe à ceux qui s'y trouvait encore, de sortir. Elle s'appuya contre une table et fixa Noré en silence. Elle sembla hésiter avant de demander :

    -Noré, que sais-tu du bracelet que tu portes ?

    -Pas grand-chose. Ma mère me l'a donné.

    Elle dut faire un effort pour se remémorer les paroles de la sirène :

    -Et on m'a parler d'une histoire de lien.

    -Le fait que tu puisses être le lien ?

    -Je crois que c'était ça, oui.

    Vigle s'accroupit devant Noré pour être à sa hauteur et lui prit les épaules :

    -Bien, écoute-moi attentivement, Noré, ce bracelet est d'une importance capitale. Autant que celui qui le porte. Il se pourrait que tu puisses empêcher la guerre entre nos deux nations.

    Un moment sans voix, elle s'écria :

    -Quoi ?! Mais comment....

    -Chut, écoute-moi. Peu de gens savent quel est le rôle de ce bracelet et celui de son porteur, mais tu dois savoir une chose. Tant que tu le porteras, nombreux sont ceux qui te pourchasseront.

    -Pourquoi ? C'est quoi son rôle ?

    L'Alianis plongea son regard dans le sien.

    -Je n'en sais pas plus, mais, toi, tu le sauras tôt ou tard. En attendant, ne fait confiance à personne et je dis bien... personne.

    En prononçant ce dernier mot, son regard avait dérivé. Noré le suivit et aperçut Titian dans l'embrasure de la porte.

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