• Chapitre 1

    -Au voleur ! Au voleur !

    Noré n'avait plus de souffle, mais continuait de courir. Elle évita un homme qui sortait de chez lui, sans doute intrigué par tous ces cris et entra dans une rue à sa gauche. Elle alla tout droit jusqu'à rencontrer un mur, là, l'adolescente avisa un espace sur sa droite entre le mur et les maisons. Elle s'y glissa. Le passage assez étroit ne lui permettait pas de courir de face et elle espéra que cela ralentirait le marchand et les gardes. La jeune fille aperçut des caisses de légumes entassées et les escalada pour atteindre le haut du mur. Elle passa de l'autre côté avant de se laisser tomber. Une douleur lui paralysa les cheville, mais Noré se remit à courir sans attendre, claudiquant un peu. Elle sortit de cette nouvelle ruelle, traversa la grande rue et pris la petite rue juste en face. Apercevant une porte ouverte, l'adolescente en profita. Une vieille femme lâcha une cruche qui alla se briser au sol en la voyant entrer.

    Noré se figea, imaginant le spectacle que la pauvre femme venait de voir surgir chez elle. Une adolescente aux cheveux châtains, sales, des yeux vert-dorés fiévreux, portant une veste à capuche, trop grande pour elle, et un poignard à sa ceinture. Des affaires qu'elle avait volé plusieurs jours plus tôt. Sous son manteau, des bottes en fourrure, un pantalon enfoncé dedans, sa ceinture maintenait la veste fermé, le poignard y était attaché en évidence. Un sac en bandoulière complétait la tenue déjà usée par les voyages.

    Tandis que les lèvres de la vieille femme tremblées, hésitant à crier à cause de l'arme qu'elle voyait à la ceinture, Noré aperçut une porte juste en face et se jeta dessus. Dans sa précipitation, elle se prit le genoux dans un coin de table, mais poursuivit sa course. La porte donnait sur une petite cour bordée d'un muret de petite taille. Elle sauta par-dessus, s'éloigna sur la gauche pour se retrouver dans un cul-de-sac. Essoufflée et en sueur, l'adolescente se laissa glisser au sol sans craindre de voir ses poursuivants surgirent. Cela faisait un moment qu'elle ne les entendait plus derrière elle, même si la jeune fille avait été incapable de réaliser quand exactement. Noré repoussa de sa main, les mèches de cheveux hirsutes qui lui tombaient dans les yeux. A présent qu'ils avaient repoussé, ils lui couvraient la nuque et les oreilles. S'ils avaient été clairs, il fut un temps, maintenant, ils semblaient bien foncés à cause de la saleté.

    Noré resta sur place, sans s'inquiéter et patienta. La raison de son attente bondit du toit pour arriver juste devant elle. Légère et gracieuse, Soria lui sourit comme si sauter des toits étaient la chose la plus naturelle du monde. Ses longs cheveux noirs ondulaient dans son dos, sa peau matte rendait ses yeux lapis-lazuli encore plus frappant. La saleté et la crasse semblait n'avoir aucune emprise sur elle et Noré se demandait si c'était dût au fait qu'elle fut Saldrian. La jeune femme avait volé une grande cape rouge dont des ouvertures sur les côtés permettaient de passer les bras. Elle semblait adorer cette couleur, malgré les insistances de Noré pour qu'elle s'en débarrasse. Le rouge n'étant pas le meilleur moyen de passer inaperçu.

    -Tu as trouvé ?

    Soria hocha la tête. Aucun mot n'avait franchi ses lèvres depuis la mort de Titian ce dont Noré se souvenait encore avec effroi.

    Elles avaient hurlé toute la nuit à s'en arracher la gorge, plongeant les mains dans l'eau glacée alors que la fumée bleue disparaissait dans les profondeurs. Puis elles s'étaient retrouvés seules, frigorifiées dans l'obscurité. Elles s'étaient recroquevillées au fond de la barque sans se parler, sans se regarder, sans se toucher et avaient pleuré longtemps. La nuit était passée, un nouveau jour était arrivé et avec lui un ciel d'orage. Au moins, ce n'était déjà plus le ciel noir des Terres Sanglantes. Cependant, Noré l'avait fixé sans soulagement. Elles étaient restées inertes tandis que la barque les emmenait à une destination inconnue. Awoni leur avait dit qu'il suffisait de penser au lieu où l'on souhaitait arriver, mais cela faisait des heures qu'elles ne pensaient plus à rien.

    Noré se sentait brisé à l'intérieur. Malgré ses efforts, tout c'était déroulé comme elle l'avait vu. Le futur n'avait pas changé. La jeune fille s'était remémorée les lettres qu'elle avait lu dans le futur et repassée ce qui devait se dérouler ensuite. Soria la laisserait et elle trouverait Lyan. Ensuite, une révolte se mettrait en place et ils mourraient tous. Son regard s'était porté sur le bracelet et, pour la première fois, il était haineux. Jdosté et Titian l'avaient bien mise en garde, lui avaient dit qu'il ne lui apporterait rien de bon. Alors tant pis, elle n'irait pas trouver Lyan, elle ne laisserait pas Soria et la guerre pouvait bien éclater, elle s'en moquait. De toute façon, Noré ne se sentait plus le courage de poursuivre ce voyage. Près d'elle, Soria pleurait encore silencieusement, fixant le vide. Elle n'aurait su dire depuis combien de temps elles dérivaient, de même, lorsque l'embarcation s'arrêta, elle ignorait complètement où elles avaient atterri. Noré n'avait pas cherché à le savoir, Soria ne posa aucune question et ne s'étonna pas non plus de voir que la jeune fille ne cherchait plus à atteindre le siège. Elles n'avaient pas arrêté de marcher depuis, volant pour vivre. Le temps s'étant rafraîchit, il fallut voler des vêtements plus chaud que ceux que leur avait donné les Tiark. Elles marchaient sans but, Soria n'ouvrait plus la bouche et c'était ainsi depuis des semaines. Tout ce qui importait c'était qu'elles survivent, ensemble.

    Noré fouilla dans sa besace et sortit son butin. Quelques pommes et un morceau de pain :

    -C'est jour de fête.

    Soria s'assit près d'elle et commença à manger sa part, tandis que Noré demandait:

    -Ils partent aujourd'hui ? Il y a combien de groupe ?

    Son amie hocha la tête à la première question et leva un doigt pour répondre à la seconde. Avec la guerre plus proche de jour en jour, les brigands en avaient profité pour se multiplier sur les routes. Les frontières des Terres Sanglantes étaient plus affaiblies que jamais et des créatures en profiter pour passer en Métane. Cela avait été la panique au milieu des populations Métanienne. Les chevaliers circulaient en nombre dans les villes et les villages qui s'étaient fortifiés. Le plus grand fléau était les dragons. En fait, certains disaient qu'il n'y en avait qu'un, mais qu'il voyageait à une vitesse terrifiante, alors que d'autres affirmaient qu'ils étaient deux. Noré ne voyait pas l'intérêt de se poser la question. Qu'ils soient un ou deux, il fallait courir en les voyant. Une chance qu'ils soient si peu nombreux car sinon, toutes les îles de Métane auraient déjà été éradiqué. A défaut de pouvoir les arrêter, au moins avaient-ils trouvé un moyen de prévenir leur arrivé. Tous les habitants de Métane avaient vite fais de comprendre que s'il se mettait à pleuvoir des cendres, il valait mieux fuir sur le champs.

    Malgré ces dangers, Noré ne restait jamais bien longtemps au même endroit, sachant que les pirates la poursuivait toujours. Elle n'avait pas eu de nouvelles d'eux depuis qu'ils avaient tenté d'attaquer les sorcières. Pourtant, elle était sûr qu'ils ne lâcheraient pas l'affaire. C'était sans doute le seul bémol de son plan. IIl semblait que les pirates la pourchasserait jusqu'à la fin de sa vie ou de la leur. Elle voulait trouver une île loin de toutes les autres où elles pourraient se cacher en attendant que la guerre passe. Soria se leva, coupant court à ses pensées :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    La Saldrian montra le soleil, signe que le groupe qui quittait la ville partait bientôt. Noré la suivit en mâchant le dernier bout de son pain. Elles rejoignirent la rue principale sans peine et même si la crainte de croiser ses anciens poursuivants l'étreignait, elles atteignirent le groupe à temps. Le nombre de voyageur était assez important et en attendant que tout le monde soit réunis, elles allèrent s'asseoir contre le mur d'une des maisons. Quelques minutes à peine et un homme se mit à parler d'une voix forte pour se faire entendre :

    -Bien, je rappelle les consignes de sécurité. On reste groupé, on ne traîne pas et on évite de se charger.

    Noré se leva, suivit de Soria et rejoignit le groupe. Après une dernière vérification, ils se mirent en marche en silence. La jeune fille veilla à ce que son amie reste près d'elle. Les voyageurs jetaient des regards inquiets en tous sens. Ils finirent par atteindre les montagnes et Noré se dit que c'était le bon moment pour quitter le groupe. Elle se mit sur la pointe des pieds pour tenter d'apercevoir une cavité qui aurait pu les héberger elle et sa compagne, au moins pour une nuit. Son ventre criait de nouveau famine après quelques heures de marche, mais il y avait de fortes chances pour qu'elles ne mangent pas ce soir. L'adolescente se tourna pour héler Soria, quand un enfant s'écria :

    -Il neige ! Il neige !

    Noré se figea et, avec les autres, leva les yeux au ciel. Des nuages, tombait une étrange pluie et une femme cria soudain :

    -C'est des cendres ! Courez ! Courez !

    Les hurlements se mirent à fuser, tous se bousculant dans leur fuite. Noré gardait l'équilibre avec difficulté, alors qu'elle cherchait Soria du regard. La jeune femme surgit de la foule à ses côtés et lui attrapa l'épaule. Elles se mirent à courir essayant de traverser le groupe pour atteindre les abords de la montagne. L'adolescente n'avait pas aperçu de grotte jusque là, mais elle espérait qu'en s'approchant, les cavités seraient plus visibles. Au-dessus d'eux, un rugissement fit trembler la terre, l'ombre du dragon se dessinait derrière les nuages. Le vent provoquait par le battement de ses ailes les atteignit. Noré ne s'attarda pas à se retourner, elle venait d'apercevoir un homme qui appelait pour faire entrer les gens dans une grotte qu'il désignait du doigt. Sa voix était couverte par les hurlements et beaucoup passèrent devant lui sans le voir, aveuglé par la terreur. La jeune fille se précipita vers lui, toujours accompagnée de Soria et s'engouffra dans l'abri.

    Elles couraient sans se retourner et ne s'arrêtèrent pas lorsqu'une lumière jaillit des parois et suivit leur progression comme pour les guider. Soria avait freiné un instant, mais Noré lui avait saisi le bras, l'obligeant à suivre. Finalement, elles débouchèrent dans une salle immense dont partait quatre autres tunnels. Les membres du groupe qui les avaient précédé s'étaient arrêtés au milieu comme s'ils hésitaient sur le chemin à suivre.

    -Quelqu'un connaît ces grottes ?

    Le silence accueillit la question de l'homme. Il fit face aux quelques personnes présentes :

    -Il fau....

    Un rugissement se répercuta sur les parois du tunnel lui coupant la parole. Une femme tremblante dit d'une voix presque hystérique :

    -Le dragon, il est dans le tunnel !

    Noré tressaillit et jeta un coup d'œil inquiet vers le tuyau qu'ils avaient emprunté. Un jeune homme rétorqua :

    -Non, c'est pas possible. C'est trop petit pour lui.

    Noré était d'accord. A bien y regarder le tunnel était assez étroit. Le rugissement devait venir de l'extérieur. L'homme reprit la parole :

    -Je pense que nous devrions rester ici, le temps qu'il s'en aille.

    Une femme répliqua :

    -Et comment saura-t-on qu'il est parti ?

    -Que voulez-vous faire d'autre ? On ne sait pas où mène ces tunnels. Si cela ce trouve c'est un vrai labyrinthe.

    La femme ne trouva rien à redire et un autre homme demanda :

    -Qu'est-ce qu'on fait alors ?

    -On s'installe et on attend.

    Noré entraîna Soria dans un coin isolé, opposé du groupe. La jeune femme s'assit et attendit docilement. L'adolescente observa les alentours. Les lumières du tunnel s'étaient éteintes dès qu'elle avait pénétré dans la caverne. De plus, le sol ici était terreux et les murs rocheux, ce qui était normal, mais il lui avait semblé que dans le tunnel, c'était différent. Pressée de s'éloigner du dragon, elle n'avait pas vraiment fait attention. Les derniers fuyards entrèrent et rejoignirent les autres, qui s'était assis sagement dans un coin. Lorsqu'il fut certain qu'aucune autre personne n'entrerait, l'homme qui s'était fait chef par la force des choses, lança :

    -Allez ! On met en commun tout ce qu'on a pu sauver. Si on doit attendre que le dragon s'éloigne, il faut qu'on s'unisse...

    Noré n'écouta pas le reste du discours. Elle était curieuse de voir d'où était venu cette lumière dans les tunnels. De plus, elle n'avait pas l'intention d'attendre ici et préférait partir à la recherche d'une autre sortie. Donc, la jeune fille choisit un passage au hasard et entra. Aussitôt, les parois s'allumèrent comme la première fois. Elle vit que le tunnel était blanc à nuance bleuté. Noré voulut se baisser pour toucher le sol, voir en quoi il était fait, mais une vision stoppa son geste. A côté de son reflet se tenait une femme en robe blanche, tachée de sang, un voile cachant son visage. La jeune fille regarda sur la paroi de droite et de gauche, ainsi qu'au plafond, qui n'était pas très élevé. Trois femmes portant des robes différentes, mais toutes blanches, couvertes de sang et un voile sur le visage. Toutes se tenaient immobiles, tournaient dans la direction que Noré suivait. La jeune fille fit quelques pas timides et les femmes l'accompagnèrent. Elles illuminaient son chemin sans paraître agressives. L'adolescente ignorait ce qu'elles étaient. Même sa mère n'avait jamais fait mention de guides lumineux dans une grotte. La jeune fille se demanda si elles venaient des Terres Sanglantes. Quoiqu'il en soit, cela était une chance pour elle, car elle pouvait dès lors chercher une sortie en pleine clarté. Noré commença à s'aventurer, gardant une certaine appréhension à l'égard de ce que pouvait cacher le tunnel. Alors qu'il se poursuivait en ligne droite jusqu'à présent, elle se trouva bientôt face à un croisement. Ne voyant aucune différence entre les deux passages, elle prit à droite. Immédiatement, l'adolescente se retrouva dans un noir absolu. Surprise, elle avait sursauté, les sens en alertes, le cœur manquant un battement. Restant sur place, Noré prit le temps de se calmer et de réfléchir. Les femmes avaient disparu, mais elle ignorait pour qu'elle raison. La jeune fille fit un pas en arrière, la main sur la paroi en espérant retrouver le tunnel par lequel elle était arrivée. Les femmes reparurent et Noré dut fermer les paupières suite au changement soudain de luminosité. Elle observa les femmes et nota qu'elles s'étaient tournées dans la direction opposée.

    -Vous voulez que j'aille à gauche ? C'est ça ?

    Noré se retourna mais avant de se mettre en marche, elle demanda :

    -Rassurez-moi, vous n'avez pas l'intention de me foutre dans la merde ?

    Et comme personne ne lui répondit, elle reprit sa marche en soupirant :

    -Bon, bah me rassurez pas alors.

    Empruntant l'autre tunnel, Noré marcha un moment, plus méfiante envers ces étranges guides. Il lui vint à l'esprit qu'elle aurait pu faire demi-tour, retourner auprès de Soria, mais son envie de voir où les femmes la menaient, prenait le dessus. Soudain, elle se rendit compte qu'un son lui parvenait. Il lui fallut un certain temps avant de reconnaître une forte respiration, mais il lui sembla entendre des sanglots, également. Elle ralentit le pas cherchant dans sa mémoire ce qui pouvait combiner ces deux sons. Le tunnel faisait un coude et l'adolescente jeta un œil prudent après le tournant.

    Un dragon dormait dans la salle où débouché le couloir. La lumière du jour éclairait la pièce et la jeune fille supposa qu'il ne devait pas y avoir de plafond, pouvant aussi expliquer comment le dragon était rentré. Noré fit un pas en arrière et à nouveau, la lumière disparut.

    -Ça va, ça va. J'ai compris.

    A contre-cœur, Noré se dirigea vers le dragon. Plus elle avançait, plus elle était persuadée d'entendre quelqu'un pleurer. Finalement, la jeune fille entra dans la salle. La créature se trouvait à deux mètres d'elle. L'endroit était gigantesque, ouvert sur le ciel nuageux. La bête se tenait dans un renfoncement au centre. Noré resta éloigné du bord et, sans bouger, jeta un regard aux alentours. En cherchant l'origine des sanglots, elle finit par apercevoir un petit enfant cachait derrière un rocher sur sa gauche.

    Alors que l'adolescente réfléchissait à la manière d'agir, le garçon l'aperçut. Il cessa de pleurer, la regardant avec espoir. Noré vit qu'il commençait à se lever pour la rejoindre et, craignant qu'il ne se fasse remarquer du dragon, elle le fit se rasseoir d'un geste de la main. Puis, la jeune fille plaça son index sur ses lèvres pour qu'il ne fasse pas de bruit. L'enfant l'imita et ne bougea plus. Elle resta encore un peu sans bouger, le temps de trouver du courage avant de commencer à avancer, concentrée sur sa respiration et le bruit de ses pas. Noré avait l'impression que tout autour d'elle était devenue silencieux et qu'elle-même faisait un boucan incroyable. Le dragon respirait fortement, à un rythme régulier, envahissant l'air d'un souffle chaud et moite. Lorsqu'elle fut à moins d'un mètre du garçon, celui-ci tendit les bras vers elle, ouvrant et fermant les poings comme si cela avait pu la faire avancer plus vite. Une fois devant lui, Noré se baissa et l'enfant s'agrippa à son cou. Elle se releva difficilement, déséquilibrée par le poids de l'enfant. La jeune fille fit demi-tour avec précaution, le garçon resta silencieux. Elle s'efforçait de ne pas regarder le dragon de peur de voir une iris gigantesque fixait sur elle. Le son de son souffle résonnait toujours dans tout le lieux, régulier et profond. L'adolescente ne voyait que l'entrée du tunnel, comptant ses pas pour concentrer son esprit. De nouveau dans le tuyau, les femmes reparurent. Noré fit encore quelques pas à allure modérée afin de s'éloigner suffisamment du dragon. Chaque enjambée faisait battre son cœur d'une vague de soulagement. Elle passa le tournant, posa l'enfant à terre, lui prit la main et ils se mirent à courir. La jeune fille fit confiance aux femmes pour la rediriger vers son point de départ, car tous les tunnels se ressemblaient et elle ne pouvait pas prendre le temps de réfléchir à la direction. Le dragon s'était peut-être réveillé et s'il soufflait ses flammes dans le tunnel, elles les grilleraient facilement. Cependant, ils avaient tourné et, courant à présent en ligne droite, elle aperçut le bout du tunnel.

    Noré réduisit l'allure pour ne pas attirer l'attention des autres survivants qui s'était installé dans la grotte et se sentit soulagé en apercevant Soria, toujours assise. Elle vit la surprise dans son regard lorsqu'elle aperçut l'enfant. La jeune fille s'approcha sans jeter un regards aux autres, puis dit en s'efforçant de reprendre son souffle :

    -Soria, bébé. Bébé, Soria.

    La jeune femme sourit et mit le garçonnet sur ses genoux comme si c'était la chose la plus naturelle à faire. Bien qu'elle ne lui posa aucune question, Noré ressentit le besoin de préciser :

    -Je l'ai trouvé à côté d'un dragon endormi. J'ignore comment il a pu se retrouver là.

    Observant le groupe agglutinait à quelques mètres, elle ajouta :

    -Je devrais probablement demander s'il n'est pas à l'un d'eux.

    Comme Soria ne répondait toujours pas, elle s'avança d'un pas résolu vers le cercle formé par les survivants :

    -J'ai trouvé un gamin dans un tunnel. Il serait pas à l'un d'entre vous par hasard ?

    Ils s'entre regardèrent mais aucun ne répondit. Noré haussa les épaules et fit demi-tour. Un des hommes se leva et la suivit :

    -Eh, vous pourriez nous rejoindre.

    Noré stoppa et lui fit face :

    -Non merci.

    -Et ton amie ? 

    -Non plus.

    L'homme lui jeta un regard de pitié, ce qui rendit Noré instantanément folle de rage. Elle ne voyait pas en quoi le fait de rester à l'écart était ses affaires. De quel droit il décidait ? Elle serra les poings, essayant de se contrôler, tandis que l'homme lançait à Soria :

    -Eh ! Tu voudrais pas nous rejoindre ?

    Soria resta concentré sur le garçon sur ses genoux, mais Noré répliqua :

    -Non, elle ne veut pas.

    -Ce n'est pas à toi que je parle.

    -Tu es en train de le faire.

    La course dans les tunnels et la fuite devant le dragon l'avait mise à bout de nerf. Elle voulait qu'on les laisse tranquille et commençait à craquer. L'homme resta un instant fixe à la regarder :

    -Tu te prends pour qui là ?

    Noré pointa le groupe du doigt et tapa du pied comme si elle s'adressait à un chien désobéissant :

    -Retourne d'où tu viens ! Allez !

    La fureur se peignit sur le visage de l'homme et il leva la main pour la gifler. Par réflexe, elle ferma les yeux et entendit un sifflement. Le coup ne vint pas, mais l'homme se mit à hurler. Ouvrant les yeux, Noré vit un poignard planté dans son poignet. Soria s'était levée et, d'un pas tranquille, vint récupérer son arme. Cela arracha un nouveau cri à l'homme et Noré prit rapidement le poignet de la Saldrian :

    -On ferait mieux de ne pas s'attarder.

    Elle jeta un regard vers le tunnel qui menait à l'extérieur. Si le dragon était encore endormi dans les tunnels, ils avaient une chance de pouvoir sortir. Cependant, il fallait traverser le groupe de survivants pour l'atteindre et certain commencé déjà à se lever pour voir ce qu'il se passait. Rapidement, l'adolescente observa les autres tunnels et exclu de suite celui qu'elle avait exploré, de peur que les guides ne les amènent de nouveau sur le dragon. Sans lâcher Soria, la jeune fille prit la main de l'enfant et se lança dans un nouveau tunnel. Les autres avaient rejoint le blessé et, incrédules, regardèrent partir les trois comparses.

    Le trio marchaient vite, ignorant comment réagiraient les survivants. Ils pouvaient très bien leur courir après ou les laisser à leur sort. Lorsqu'ils se furent un peu éloigné, Noré lâcha ses compagnons, mais le garçon lui rattrapa la main, le pouce de l'autre fourré dans sa bouche. Elle allait lui dire de la lâcher quand son attention fut attiré par le reflet du garçon sur la paroi. D'autres femmes se tenaient près de lui, près de chacun d'eux. Douze guides en tout. Si avec ça ils ne trouvaient pas la sortie... A moins qu'elles ne soient de connivence pour les envoyer à la mort. Soria caressait la paroi, les sourcils froncés, cherchant sans doute à comprendre ce que les femmes en blanc pouvaient être. Noré lança :

    -Mesdames, si vous nous trouvez une sortie sans risque, je vous en serais éternellement reconnaissante. Qui sait, je vous offrirais peut-être même un sacrifice...hein, bébé ?

    Le garçon sourit sans comprendre l'allusion. Noré essaya de percevoir un quelconque changement chez les femmes, mais celles-ci restaient fixes, tournaient dans la même direction. La jeune fille soupira et se remit en marche, l'enfant agrippait à elle et Soria flânant derrière. Les tunnels défilèrent, identiques et vides. Ils marchèrent longtemps, devant fréquemment faire demi-tour lorsque les femmes disparaissaient signifiant qu'ils prenaient une mauvaise direction. En fin de compte, ils débouchèrent dans un cul de sac dont le fond s'orné d'une échelle de fer. Noré leva la tête pour essayer de voir où cela mené, mais l'échelle se perdait dans les ténèbres.

    -Qu'est ce qu'on va se marrer.

    Soria lui ébouriffa les cheveux et commença à monter.

    -Bon, bah en route. Allez, bébé.

    Noré s'accroupit et l'enfant vint aussitôt se loger dans ses bras. Elle se releva doucement sans attraper le garçon. Celui-ci sentant qu'elle ne le soutenait pas, serra encore plus fort ses bras autour de son cou, agrippant ses vêtements et noua ses jambes autour de sa taille. L'adolescente commença à grimper à l'échelle, jetant un regard à Soria qui continuait sa route tranquillement.

    L'ascension fut longue et, plusieurs fois, Noré s'arrêta, épuisée. Dans ces moments-là, le garçon s'accrochait à l'échelle et continuait de monter doucement. Soulagé de son poids, la jeune fille avait l'impression de récupérer plus vite. Quant elle allait mieux, elle rattrapait le garçon, qui s'accrochait de nouveau à elle. Soria avait une grande avance et Noré croyait même l'entendre siffloter. Les femmes dans les parois volaient en rond autour d'eux. L'adolescente s'efforçait de ne pas regarder en bas, se concentrant sur chaque barreaux, les épaules et les bras douloureux.

    Finalement, un carré de lumière se dessina au-dessus de sa tête. Soria venait d'atteindre le bout. Encourageait par la vue de la sortie, la jeune fille se risqua à accélérer. Lorsqu'elle en fut proche, elle vit Soria penchée au-dessus d'elle, tendant les bras. La jeune femme se saisit du garçon, qui lâcha Noré et se laissa emporter jusqu'à l'extérieur. Lorsque l'adolescente sortit, elle s'écrasa au sol, les yeux clos avec la ferme intention de ne plus en bouger. Cependant, en entendant le garçon courir et Soria s'éloigner, Noré se résigna à observer les alentours. Ils n'étaient pas à l'extérieur comme elle l'avait cru, mais dans une immense salle où s'alignaient de gigantesques étagères. La Saldrian et le garçon étaient entrés dans les allées et en observaient le contenu. Noré se décida à se lever. Aucune lumière n'éclairait la pièce à part une immense vitre qui parcourait le mur derrière elle. La jeune fille regarda dehors et vit une grande plaine. Les herbes hautes étaient secouées violemment par le vent.

    Noré essayait encore de situer à peu près où pouvait se situer le bâtiment, quand le garçon hurla et revint vers elle au pas de course. Il alla s'accrocher à sa taille, tandis que Soria les rejoignait, alertée par le cri. Noré observa l'allée que le garçon avait fuit. Un son lui parvint, quelque chose ou quelqu'un approchait. Les deux jeunes femmes sortirent leur poignards.

     

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