• Ils firent volte-face pour découvrir le trio qui s'était caché derrière la porte. Tefpiro enchaîna en demandant :

    -Pourquoi vous nous suivez ?

    Xutik et Gec-Nüj échangèrent un regard en se demandant quelle excuse donner quand Hiloy intervint :

    -Je les connais. Ils sont dans ma classe.

    Iel pointa Xutik du menton :

    -C'est lui qui a failli être tué.

    L'adolescent leva les bras :

    -N'exagérons rien. C'était plutôt une tentative d'enlèvement.

    Gec-Nüj se sentit obligé de préciser :

    -Il est dans le déni.

    Tefpiro mit les mains dans les poches :

    -On en a rien à foutre.

    Sa sœur lui envoya un coup de coude, ce qui ne l'empêcha pas de reprendre :

    -Vous êtes là à cause de ce dont on parlait ?

    Xutik demanda innocemment :

    -Vous parliez de quoi ?

    Une ombre passa sur le visage du Quatrième qui incita Gec-Nüj à intervenir avant que son héritier d'or ne se retrouve encastré dans un mur :

    -On n'a rien entendu.

    Tefpiro posa son regard sur lui :

    -Même pas quand j'ai crié ?

    Un coup sur l'arrière du crâne le fit grimacer. Il se tourna vers sa sœur dont il décrypta l'expression :

    -Oui, je sais. C'est ma faute. Mais fallait pas m'énerver. Et au cas où vous auriez des doutes, je suis toujours énervé.

    Guère ému.e, Hiloy restait focalisé.e sur les deux garçons :

    -Vous avez entendu quand il a crié ?

    Gec-Nüj joua la prudence en avouant :

    -Oui, il a parlé d'une union.

    Il y eut un silence que Tefpiro brisa en soufflant :

    -Voilà, voilà, voilà.

    Xutik se mit en avant :

    -Cette union dont vous avez parlé, elle doit rester secrète ?

    Tefpiro eut un air soupçonneux :

    -Pourquoi ?

    L'adolescent sourit d'un air innocent :

    -Justement, j'ai besoin d'info.

    Le Quatrième haussa les épaules :

    -Ce n'est pas un secret. Nous avons formé une union, tous les six. Ça ne concerne que nous et ça n'a d'influence sur personne d'autre.

    Gec-Nüj dit avec ironie :

    -On doit, bien sûr, vous croire sur parole.

    Tefpiro eut un sourire mauvais :

    -Je m'en fous que vous y croyez où pas. C'est comme ça.

    Hiloy intervint soudain :

    -Vous cherchez des info sur quoi ?

    Le Quatrième ricana en glissant :

    -Quand je dis "n'a pas d'influence sur les autres", c'est relatif... depuis qu'iel a débarqué.

    Hiloy l'ignora pour répéter sa question à laquelle Gec-Nüj hésita à répondre. Xutik ne s’embarrassa pas autant et répondit franchement :

    -Je veux savoir qui a ordonné mon attaque et pourquoi.

    Tefpiro claqua des doigts :

    -Voilà des questions intéressantes. Bonne chance.

    Il tournait les talons, mais Gec-Nüj prit la relève en s'adressant aux adolescents :

    -On nous a dit que Weikom avait des informations.

    Le Quatrième se figea alors qu'Oru faisait la grimace. Hiloy se tourna vers les jumeaux :

    -Vous connaissez un Weikom ?

    C'est Xutik qui répondit :

    -Weikom est l'héritier du deuxième clan.

    Gec-Nüj reprit la parole, un peu surpris :

    -Attends. Tu es entré.e dans une union dont tu ne connais pas personnellement tous les membres ?

    Avant qu'Hiloy ne puisse répondre, Tefpiro intervint :

    -On va arrêter là, hein. Faut qu'on y aille.

    Il allait repartir quand Xutik lança :

    -Vous pouvez nous dire où trouver Weikom ?

    Tefpiro revint :

    -Et si vous engagiez un espion, plutôt ?

    Gec-Nüj reprit la parole :

    -Pourquoi ? C'est quoi le problème avec ce Weikom.

    Tefpiro ne semblait pas disposé à répondre, mais Oru présenta son carnet au garçon. Malgré le regard désapprobateur du Quatrième, Gec-Nüj lut à son ami :

    -Les infos ne sont pas gratuites.

    Il échangea un regard avec Xutik avant de dire :

    -Oui, ça on s'en doute un peu.

    Tefpiro se frotta le front, agacé :

    -Non, ce n'est sûrement pas ce que vous imaginez. Avec lui, c'est info pour info.

    Xutik croisa les bras :

    -Alors quoi ? On lui donne une info, il nous en donne une ? Ça me paraît équitable.

    Oru secoua la tête et son frère précisa :

    -Non, il n'y a que lui qui donne des infos. Mais, il vous en donnera une qui n'aura apparemment rien à voir avec vous.

    Les deux amis furent perplexes :

    -Dans quel but ?

    Tefpiro les pointa du doigt :

    -Ah ha ! Vous saisissez le problème. Personne ne connaît le but de Weikom à part lui-même.

    Xutik ne voyait pas vraiment le problème :

    -Comme tout le monde, non ?

    -Pas vraiment. Les infos qu'il donne ont parfois des conséquences et c'est pas de celles qui font plaisir.

    Hiloy finit par se tourner vers Oru :

    -C'est pour ça que tu ne m'en a pas parlé ?

    L'adolescente acquiesça. Gec-Nüj, toujours attentif, demanda à lae Cinquième :

    -T'as besoin d'info toi aussi ?

    Hiloy ne chercha pas à dissimuler, en fait, l’héritier d’argent commençait à se demander si cela lui venait même à l'esprit :

    -Je cherche qui a poussé la fille.

    Xutik s'exclama :

    -Toujours ?! On pensait que tu avais lâché.

    Son ami se retint de faire remarquer que le "on" ne concernait que lui et demanda :

    -Et vous avez accepté de l'aider ?

    Tefpiro pointa sa sœur :

    -Elle, oui. Moi, non.

    Xutik nota :

    -Et malgré le fait que Weikom puisse avoir des informations intéressantes, vous préférez faire sans.

    Tefpiro appuya l'affirmation en disant :

    -Oui, il est angoissant à ce point-là.

    Xutik ne tint pas compte de ces paroles et demanda :

    -Vous savez où on peut le trouver, du coup ?

    Les jumeaux échangèrent un regard avant que Tefpiro ne dise :

    -Essayez le couloir du troisième étage de notre dortoir. Celui qui a vu vers les bâtiments des classes. Vous direz pas qu'on ne vous a pas prévenu.

    Gec-Nüj s'inclina avant de partir, forçant Xutik à faire de même. Celui-ci n'était pas habitué à saluer de cette manière. Au fur et à mesure qu'ils approchaient du dortoir des secondes années, Xutik sentit un nœud dans son estomac qui prit de l'ampleur :

    -La vache, j'angoisse trop.

    Gec-Nüj fit de son mieux pour paraître serein, alors que lui-même sentait peser une certaine pression :

    -Pourquoi ?

    -C'est comme si j'allais rencontrer une célébrité.

    Son ami sourit :

    -En même temps, c'est un peu ça.

    Alors qu'ils montaient les marches, Gec-Nüj reprit :

    -D'ailleurs, tant qu'à faire, tu devrais essayer de le draguer lui. Si tu l'épouses, on sera directement numéro deux. C'est quand même autre chose.

    Xutik se mit à réfléchir sérieusement à la question. Seulement... comment on drague les garçons ? Les filles, c'était facile. Des fleurs et de l'argent. Mais nous, on est plus complexe. Il ne se voyait pas offrir des fleurs au Second. Il se tritura le crâne un moment avant de demander :

    -Si un garçon te draguait, il faudrait qu'il t'offre quoi pour que tu t'intéresses à lui ?

    -Un ami intelligent.

    Xutik grimaça un sourire :

    -Comme t'es rigolo.

    Gec-Nüj lui saisit le bras pour l'arrêter :

    -Il est là.

    Ils restèrent figés au bout du couloir à observer l'adolescent accroupi, les bras croisés sur le bord d'une fenêtre. La bande jaune et blanche le long de son bras ne laissait aucun doute sur son identité. Xutik sentait son cœur battre la chamade. Il ignorait pourquoi, mais il était intimidé alors même que Weikom n'avait rien fait. Lae Cinquième et les jumeaux étaient au bas de l'échelle, supérieurs à lui, certes, mais accessibles. Les trois premiers avaient une aura mystérieuse. On les voyait rarement, ils ne se mélangeaient pas aux autres. Alors, se trouver là, en présence du Second, Xutik se sentit privilégié et incroyablement insignifiant.

    Weikom, le menton posé sur ses bras, faisait battre le rythme à ses trois doigts métalliques. Le son attira l'attention des deux garçons qui notèrent que le pouce, l'annulaire et l'auriculaire de la main droite lui manquaient. A la place, des prothèses de métal se mouvaient aussi naturellement que s'ils faisaient partie de son corps depuis sa naissance. Le voyant si inspiré par le paysage, Xutik se demanda ce qu'il regardait, mais cela ne dura qu'une seconde car lorsque Weikom tourna la tête vers eux. L'héritier d'or vit que ses yeux étaient fermés par une longue et large cicatrice. Celle-ci lui barrait le visage de la tempe droite à la gauche, maintenant ses paupières closes. Deux autres partaient des coins de sa bouche pour remonter le long de ses joues jusqu'aux coins de ses yeux. Xutik se demanda si l'auteur de ces blessures était le même ou si l'étrange triangle gravé dans le visage du garçon était le fruit du hasard.

    -C'est pour quoi ?

    Xutik sursauta. Il voulut répondre, mais sa voix resta coincée dans sa gorge. Gec-Nüj non plus, ne put parler et le temps que l'un et l'autre se ressaisissent, Weikom s'était levé. Il marcha lentement vers eux, faisant tinter ses doigts métalliques sur le mur. Il reprit de sa voix douce et apaisante :

    -Soyez pas si angoissés. Y a juste à répondre à la question. Y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses.

    Les deux garçons se sentirent rassurés de le voir si disposé à discuter et Gec-Nüj répondit :

    -On vient pour des renseignements. On nous a dit que vous étiez celui qui pouvait nous informer.

    Weikom eut un sourire, un sourire d'enfant qui contrastait avec ses cheveux blancs qui le vieillissait tant :

    -Vraiment ? Qui vous a dit ça ?

    Ne voyant pas de raison de le cacher, Xutik raconta :

    -J'ai entendu parlé de vous par Elférad et c'est Indilk qui lui en a parlé. Ce sont des garçons de notre classe.

    -Je sais.

    Les deux amis échangèrent un regard se demandant l'un l'autre comment il pouvait savoir, mais ils se retinrent de poser la question. Si ce que Tefpiro disait été vrai, alors, la moindre information avait un prix. Et s’il savait, pourquoi nous l’avoir demandé ? Il voulait voir si on dirait la vérité ? Weikom tendit la main :

    -Vos blasons.

    Après l'arrêt du jeu des souhaits, ils avaient pu les récupérer et ce fut un soulagement général. Xutik avait eu l'impression de récupérer son nom. Aussi, l'idée de s'en séparer même pour un instant, ne lui plut guère. Il devinait que c'était pareil pour son ami car il ne fit pas un mouvement pour obéir. Calmement, Weikom expliqua :

    -J'ai besoin de vos blasons pour m'assurer de votre identité. Je vous les rends de suite.

    Il ne vint pas à l'idée aux deux adolescents que Weikom put être en train de leur mentir. Il se dégageait du Second, un air de sincérité et de tranquillité qui pouvait éteindre n'importe quelle méfiance.


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