• Chapitre 23

    Noré sauta aussitôt sur ses pieds et courut vers la lumière de la fée qui s'était remise à voleter en tous sens à une vitesse folle. Alors qu'elle approchait, un impact violent la projeta en arrière, lui coupant le souffle. Un peu étourdi, la jeune fille mit une seconde à prendre conscience de la créature qui se penchait pour la mordre. D'un geste involontaire du bras, l'adolescente la frappa de son poignard. Il y eut un autre de ces cris étranges et Noré cherchant à frapper de nouveau, vit son assaillant reculer. Une fine ligne rouge se dessina sous son oreille et le haut de son cou. La jeune fille ne s'attarda pas, se remit sur ses pieds et reprit sa course. Lorsqu'elle les atteint, Xilanos luttait avec une créature qui lui avait grimpé sur le dos et tenter de lui arracher le cou. Sur le sol, Algol se débattait tant bien que mal contre deux autres assaillants. Noré saisit l'un d'eux et tenta de l'éloigner du Vemepyre, mais la créature était vive, sa peau glissante et la jeune fille ne réussissait pas à la maintenir.

    -Ton poignard ! Donne-le moi !

    Trop concentré sur l'idée de retenir la créature sans se faire mordre, Noré se demanda pendant une seconde de quoi Algol voulait parler. Voyant l'éclat de la lame dans la lumière fugace de la fée, elle lâcha l’arme et le roi s'en saisit vivement. Il l'enfonça dans le crâne de la créature qui essayer de lui saisir le bras, puis se tourna rapidement et traversa le corps squelettique que Noré tenait. Ensuite, celle-ci se redressa pour voir si Xilanos avait besoin d'aide, mais il se tenait debout près du cadavre de celle qui l'avait attaqué. Il se tourna vers eux :

    -Elles ne sont pas très solides. Un coup de botte bien placé et c'est fini.

    Algol se redressa en grimaçant de douleur :

    -H'ic oe doxxi mi vayvi niw naccixeiw ! Paxmif!

    (j'en ai marre de toutes ces conneries! Bordel!)

    Ce à quoi Xilanos répondit en scrutant les ténèbres qui les entouraient, sa fée tremblante agrippait à son cou :

    -Quoi que tu es dis, il y a de fortes chances que je sois d'accord.

    Tout comme lui, Noré cherchait la moindre trace d'une présence ennemi, mais tout était silencieux. Alors, l'Aurien dit à sa fée :

    -Sort par un des puits, va chercher les sorcières. Qu'elles le veuillent ou non, elles seront bien obligées de venir nous chercher.

    La petite créature s'envola aussitôt, les plongeant totalement dans les ténèbres. La voix ironique d'Algol se fit entendre :

    -Une idée sublime et maintenant, on peut savoir pourquoi elle a mis autant de temps à te venir ?

    -Les sorcières nous ont clairement dit qu'elles ne tenaient pas à s'approcher des marais plus que nécessaire.

    -Oh, alors elles vont probablement nous abandonner là.

    Noré réagit :

    -Bien sûr que non, elles vont venir.

    -Pourquoi elles feraient cela ?

    Elle ne trouva rien à répondre et Xilanos choisit ce moment pour lancer :

    -On ne va pas rester là, elles risquent de revenir. En plus, il sera plus facile pour les sorcières de nous ramener si on les attend dans un des puits.

    Noré répliqua :

    -Si on bouge on est sûr de...

    L'obscurité du couloir leur apporta le cri strident des créatures qui leur glaça le sang. Algol agrippa brusquement le bras de Noré, ce qui la fit sursauter :

    -Aide-moi, elles arrivent.

    A tâtons, elle passa son bras autour de ses épaules et se releva.

    -Xilanos ?

    -Par ici.

    Algol la guida :

    -Je le vois, avance.

    Elle obéit et sentit bientôt la main de l'Aurien lui frôler le visage :

    -C'est bon, on peut y aller.

    Le son de sa voix provenait désormais de la droite d'Algol. Ils se mirent en marche aussi vite qu'ils le pouvaient, même s'ils savaient pertinemment qu'ils ne pouvaient rien contre la vitesse de leurs adversaires. Algol les guidait du mieux qu'il pouvait, mais les créatures ne tardèrent pas à être sur eux. Xilanos fut soudain emporté. Il poussa un cri et tenta de s'accrocher à Algol qui chuta, mais Noré tint bon. L'Aurien réussit à s'agripper à son bras :

    -Aide-moi !

    Elle agrippa la manche du garçon et tenta de l'attirer vers lui quant une créature lui sauta au cou. Noré hurla en se débattant à l'aveuglette. Avec rapidité, la créature se glissa dans son dos et emportait par le poids, la jeune fille tomba. Elle entendit des os craquer lorsqu'elles touchèrent le sol, à côté d'elle. Sur sa droite, Algol appelait :

    -Par ici.

    Noré sentit la main du garçon tâtonner. Il lui saisit d'abord la jambe et remonta jusqu'au bras, puis elle ne sentit plus rien et entendit le garçon dire :

    -Je la tiens.

    Alors elle sentit un frôlement près de son cou, puis entendit le couteau se planter dans la chair de la créature à quelques centimètres de son oreille. Elle se dégagea aussitôt de l'étreinte du cadavre et, tremblant de tout son corps, appela d'une voix étranglée :

    -Xilanos ? Xilanos, tu es toujours là ?

    Comme il ne répondait pas, elle commença à paniquer :

    -Xilanos où es-tu ?

    -Calme-toi, il ne doit pas être bien loin.

    -A la vitesse où vont ces saloperies, il peut être n'importe où.

    A cet instant, une main tira son haut et elle cria prête à attaquer, mais Xilanos la calma :

    -C'est moi. Ce n'est que moi.

    -Où tu étais ?

    -Nulle part, je me suis assommé contre la paroi en écrasant l'autre bestiole.

    Noré chercha la main du garçon et s'y cramponna :

    -Très bien, on ne bouge plus maintenant, d'accord ? On arrête, on ne bouge plus, d'accord ?

    Algol répondit :

    -J'approuve. Si vos sorcières doivent venir, autant les attendre ici.

    Alors, Xilanos finit par acquiescer aussi.

    -Algol, ça va aller ?

    -Oh, moi je n'ai pas bougé du sol depuis que je suis tombé, c'est confortable. Par contre, vous deux, j'espère que vous avez de bonnes jambes.

    Noré l'espéra aussi et l'attente commença. Ils restèrent silencieux et immobiles dans le noir. Le seul moyen que la jeune fille avait de savoir qu'ils étaient tous là, était la main de Xilanos dans la sienne et la respiration d'Algol près d'elle. Elle se concentra sur ses deux détails pour oublier ses jambes. Elle mourrait d’envie de s’asseoir, mais concentrer toute ses forces à rester immobile. La fée avait-elle seulement trouvé les sorcières ? Que feraient-ils si elles les avaient abandonné ? Ils ne pouvaient pas rester là indéfiniment. La voix fatidique d'Algol rompit le silence :

    -Mangerons-nous ou serons-nous mangés ? C'est une question à laquelle il serait temps de répondre, vu que vos amies n'ont pas l'air pressé.

    Xilanos répondit d'un ton agacé :

    -Continue de la fermer, Algol.

    -J'espère que vous n'avez pas un gros appétit. Je me demande si cette eau est potable.

    -Algol !

    Le Vemepyre reprit plus sérieusement :

    -Je dis juste que, si vos sorcières ne se décident pas, on est mort ! On meurt si l'on reste sur place, on meurt si l'on bouge. On est tout ce qu'il y a de plus mort !

    -C'est qui l'optimiste, maintenant ?

    Noré tenta de tempérer :

    -Peut-être qu'elles sont loin. On a pu marcher un bon moment avant que les créatures n'attaquent. Elles vont sans doute mettre du temps à nous trouver.

    Il y eut un silence et comme ils ne semblaient pas décidé à répondre, elle s'impatienta :

    -Alors ? On retente d'atteindre un puits ?

    -D'accord.

    -Non.

    Xilanos fut exaspéré :

    -Tu te plains si on se tait, tu te plains si on cherche une solution. La situation est simple, ou on reste ou on bouge. Alors, tu te décides !

    -Je décide de me taire. 

    Noré sentit la main de l'Aurien se crisper sur la sienne et l'entendit marmonner des injures. Elle tenta encore :

    -Tu ne voulais pas que l'on cherche à manger, Algol ?

    -J'ai changé d'avis. On reste là sans bouger.

    A nouveau, le silence s'installa et soudain, Xilanos demanda :

    -Algol, qu'est-ce que tu vois ?

    Noré se redressa imperceptiblement et tous ses muscles se tendirent en l'attente de la réponse du Vemepyre. Celui-ci ne répondit pas avant un bon moment et ce fut pour dire :

    -On est bien là.

    Elle frissonna. De toute évidence, il voyait quelque chose. L'adolescente espéra de tout cœur voir apparaître les sorcières. Dans l'obscurité, elle finit par apercevoir une lueur bleutée qui grossissait.

    -Xilanos ! Ta fée, c'est ta fée !

    -J'ai vu.

    La petite créature fonça droit sur l'Aurien et ronronna fortement en s'agrippant à ses cheveux. Brusquement, une lumière vive envahit le tunnel et Noré dût fermer les yeux en grimaçant de douleur. Elle leva le bras pour s'en protéger et plissa les yeux pour tenter de distinguer ce que cela pouvait être. Elle aperçut une sphère de métal volante dont jaillit la voix de la sorcière qui les avait accompagné :

    -Noré ? Xilanos ? Vous m'entendez ?

    La jeune fille répondit :

    -Oui, on vous entend. Où êtes-vous ? Vous devez nous aider.

    -On va vous envoyer des cordes, mais il faut que vous veniez dans le puits.

    Algol lança :

    -Lequel ?

    Et Xilanos répartit dans le même temps :

    -On ne peut pas bouger, des créatures nous attaque.

    Il y eut un silence, puis la sorcière répondit :

    -On va trouver un moyen.

    Puis, il n'y eut plus rien, mais la sphère resta à flotter devant eux, les éclairant toujours. Noré en profita pour voir comment aller Algol et aperçut le Vemepyre assis au sol, appuyait sur ses bras, le regard fixait derrière elle.

    -Par toutes les fées de la forêt.

    Noré sourit en entendant l'expression de Xilanos, mais en voyant sa pâleur, alors qu'il regardait dans la même direction que le Vemepyre, elle reprit son sérieux. Avec appréhension, la jeune fille jeta un regard par-dessus son épaule. À moins d'un mètre d'eux, immobile et froide comme des statues, une dizaine de créature attendait, guettait le moindre mouvement de l'eau. Elles s'étendaient dans le tunnel comme si elles avaient été figé en pleine course. Noré demanda d'une voix blanche :

    -Depuis combien de temps sont-elles là ?

    Algol répondit :

    -Depuis tout le temps que l'on a attendu. Elles se sont arrêtées lorsque l'on a plus bougé.

    Noré détourna le regard et fixa la sphère en attendant le secours des sorcières. Elle fit de son mieux pour ignorer les créatures dans son dos, alors qu'au contraire, Xilanos et Algol les fixaient avec attention. Sans doute s'attendaient-ils à ce qu'elles se mettent soudain en mouvement et les attaquent. Plus tard, peut-être quelques minutes, mais pour les trois qui attendaient ce fut une éternité, une corde apparut près de la sphère, volant comme elle dans les aires. Algol l'aperçut et ouvrit des yeux ronds :

    -Qu'est-ce que c'est que cela ?

    Fatiguée, affamée et à bout de patience, Noré ricana et répondit avec agacement :

    -Une sphère qui vole, ça ne t'étonne pas, mais une corde.

    -Toi, la ferme.

    Elle leva les yeux au ciel avant de dire avec plus de calme :

    -Regarde bien, elle est bleue. Ce doit être les sorcières qui l'ont fabriqué.

    -Et donc ?

    -Donc, dis-toi que cela n'a rien d'étonnant si elle vole.

    La voix de la sorcière jaillit de nouveau de la sphère :

    -Nous vous avons envoyé une corde. Elle est réglée sur votre présence, donc elle ne devrait pas tarder à vous trouver.

    Xilanos se retourna vers la sphère, l'air perplexe :

    -Réglée sur notre... bien, on ne va pas demander d'explication maintenant. Comment elle marche ?

    -Enroulez-la autour de vous et elle vous emportera.

    -Cela me paraît un peu incertain comme solution. Je crains surtout la négociation des virages.

    -Nous n'avons pas vraiment eu le temps de chercher.

    Noré demanda :

    -Elle ne s'enroulerait pas toute seule par hasard ? Parce que si on la fait tomber à l'eau, les créatures nous attraperons.

    -Dès que vous la toucherez, elle cessera de voler. Tirez dessus lorsque vous serez tous attachés et nous la relancerons de notre côté.

    -Attendez, si elle touche l'eau, nous, on est mort.

    Il y eut un court silence, puis la sorcière dit :

    -On va veiller à ce qu'elle reste tendu.

    Nouveau silence et au bout d'un temps, Noré demanda :

    -Est-ce que l'on y va ?

    Le garçon haussa les épaules et à cet instant, la voix de la sorcière se fit entendre :

    -C'est bon, allez-y.

    Les trois compagnons s'entre-regardèrent avec inquiétude, puis Xilanos tendit le bras et saisit le bout de la corde. Noré retint son souffle, s'attendant à voir la corde tomber dans l'eau, mais elle resta tendu au-dessus. La jeune fille entendit l'Aurien expirer doucement avant d'attirer doucement la corde vers lui. Lorsqu'il eut une assez bonne longueur, il s'en entoura la taille, fit un nœud et la tendit à Noré. Celle-ci fit de même, mais au moment de faire le nœud, elle dit :

    -C'est trop court.

    Ils retirèrent la corde, Xilanos en ramena encore, puis recommença. Noré pu s'attacher, mais Algol se trouvait un peu plus loin, les mains dans l'eau. Il les regarda d'un air intéressé en disant :

    -Et maintenant ?

    L'adolescente fixa la corde comme si elle pouvait lui donner une réponse. Xilanos finit par dire :

    -Noré, tu vas te pencher le plus possible. Algol, tiens-toi prêt à attraper la corde.

    Elle lui jeta un regard interrogatif :

    -Tu peux être plus explicite ?

    -A mon signal, Noré tu lances la corde à Algol qui l'attrape, pendant que je tire pour signaler aux sorcières de nous ramener. Si on est assez rapide, on ne se fera peut-être pas avoir.

    Algol hocha la tête :

    -J'ai intérêt à m'accrocher. C'est ce qui s'appelle s'accrocher à la vie.

    Il eut un sourire mauvais, alors que Noré se répétait de ne pas rater son envoi :

    -Si je ne lance pas la corde assez loin ?

    -Je meurs et je reviendrais d'entre les morts pour te bouffer.

    A voir son expression, il était clair qu'il ne plaisantait pas. Pourtant, elle insista encore :

    -Peut-être que les sorcières pourraient nous envoyer une autre corde.

    -Dans combien de temps ? Je commence à avoir des crampes, alors tu m'envois cette corde et on en parle plus.

    Xilanos coupa court à la discussion en disant :

    -Prêts ?

    Noré eut bien envie de répondre non, mais cette situation ne pouvait pas durer éternellement. Elle se pencha le plus doucement qu'elle put pour diminuer la distance un maximum.

    -On y va.

    Elle lança et vit Algol attraper la corde à deux mains avant de décoller. Dans la même seconde, les hurlements se répercutèrent dans le tunnel, amplifiés et terrifiants. Un virage se dessina devant eux et Noré le vit se rapprocher avec appréhension. Elle ferma les yeux, s'agrippa à la corde de toutes ses forces et rentra la tête dans les épaules. Devant, elle entendit Xilanos crier de douleur, puis se fut son tour. Son épaule et sa tête se fracassèrent contre la paroi. Elle lâcha la corde d'une main, sans même réfléchir et se massa le crâne. Elle dût laisser retomber son bras car une douleur à l'épaule le paralysa. Derrière elle, Algol se cramponnait à la corde de toutes ses forces. Pour son plus grand soulagement, elle voyait déjà le bout du tunnel et la lumière diffuse du jour qui tombait dans un puits. Dans quelques secondes, ils seraient sortis. A une vitesse vertigineuse, ils commencèrent à remonter le puits. Pourtant, ce ne fut pas assez rapide.

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