• 7 - Elférad - "Dommage que tu ne veuilles pas souvent"

    Elférad Juéllit

    Rang : Or

    Héritier de la grande famille Juéllit

     

    Les yeux verts d'Elférad suivirent un instant la Cinquième qui allait s'asseoir. Ce ne doit pas être elle. Un coup de règle sur le bureau et il s'installa à sa table. Le cour débuta.

    Neghttris finit par étendre le bras pour dessiner sur le cahier de son ami. Elférad le laissa faire, copiant la leçon, mais ses pensées étaient ailleurs. Si ce n'est pas quelqu'un de la classe, ce doit être quelqu'un avec qui j'étais en classe avant. Un papier roulé en boule atterrit sur son bureau. Il l'ouvrit :

     

    On se retrouve dans ta chambre ce soir ?

     

    Il leva le pouce à l'intention de Lyert et Matior assis derrière lui. Neghttris pris le papier pour le lire et sourit :

    -Cool.

    -Les secondes années semblent particulièrement mécontents.

    Cette phrase attira l'attention de tous les élèves qui levèrent la tête pour observer leur enseignant. Avec un demi-sourire, celui-ci continua :

    -On entend dire que les premiers années sont peu enclin à jouer au jeu des souhaits.

    Matior, qui ne pouvait s'empêcher de l'ouvrir dès qu'il pouvait, leva la main en disant :

    -Je ne crois pas que cela change de d'habitude, si ?

    Un des surveillants qu'Elférad avait noté comme étant Mr Haerzif fit remarquer :

    -Ce n'est pas la peine de lever la main si tu comptes parler de toute façon.

    Matior pinça les lèvres sans répondre. Mr Irdrour reprit :

    -Non, c'est vrai. Mais vous semblez particulièrement doué pour vous cacher.

    Il y eut des échanges de félicitation dans toute la classe. L'enseignant y coupa court en annonçant :

    -Pour cette raison le jeu des souhaits va encore durer un petit moment. Elférad se joignit au concert de grognement. Ils pouvaient le faire durer autant qu'ils le voulaient, ça ne l'empêcherait pas de prendre ses jambes à son cou dès qu'il verrait ne serait-ce que l'ombre d'un brassard jaune.

    -De plus....

    Nouveaux râles dans la classe. Mr Irdrour leva les mains pour ramener le silence avant de continuer :

    -De plus, disais-je, nous commencerons les « Enfermements » la semaine prochaine.

    Cette fois, Elférad ne se joignit pas au mécontentement de la classe. Les Enfermements lui permettraient de sonder ses camarades en toute tranquillité. Il laissa échapper un petit sourire.

     

    -Pourquoi ils ont mis cet abruti au pouvoir ?

    Elférad quitta son devoir de math pour se tourner vers Gzadien :

    -Tu parles de qui ?

    L'adolescent passa une main dans ses cheveux oranges pour les ébouriffer tout en répondant :

    -La faction Pluierouse.

    Elférad ricana :

    -Bah, parce qu'ils se sont dit qu'un gamin de treize ans serait plus facile à manipuler qu'un gars de trente.

    Gzadien y réfléchit un instant et Elférad en profita pour ajouter :

    -Ils ne pouvaient pas savoir que ce gamin deviendrait un foutu malade.

    Son compagnon sourit :

    -Soit. J'accepte cette explication.

    Elférad retourna à ses math, non sans entendre Gzadien murmurer :

    -Ils sont quand même sacrément con.

    L’héritier d’or bailla, jeta un coup d’œil à son réveil et revint à ses devoirs. Gzadien vint passer ses bras autour de son cou et l'embrassa sur le sommet du crâne :

    -Ils viennent quand les autres ?

    Elférad haussa les épaules :

    -Comme d'hab. Quand ils veulent.

    L’héritier d’argent posa son menton sur son épaule :

    -Tu as trouvé quelque chose ?

    L'adolescent n'eut pas besoin de précision. Il savait exactement ce à quoi son amant faisait référence :

    -J'ai pas vraiment cherché, j'avoue. On a été poursuivi par des secondes années pendant la pause. Ça nous a occupé.

    Gzadien éclata de rire :

    -Qu'est-ce que vous avez fait ?

    Elférad haussa les épaules :

    -Ils te raconteront.

    A ce moment, on frappa à la porte. Gzadien allait ouvrir quand Elférad lui attrapa soudain la main :

    -Je ne leur ai rien dit. On ne leur dit rien tant qu'on en sait pas plus.

    Une ombre passa sur le visage de Gzadien qui acquiesça en silence. Le temps d'ouvrir la porte, il avait retrouvé son sourire. Lyert, Matior et Neghttris entrèrent en criant comme des fous.

    -Alors ? On faisait des cochonneries ? Lança Matior avec un large sourire et un regard plein de sous-entendu.

    Sans quitter sa feuille des yeux, Elférad répliqua :

    -Toujours plus que toi.

    Pour faire taire les ricanements, Matior lui lança :

    -Hey, j'ai n'importe quelle fille si je veux.

    Et à Elférad de répliquer du tac au tac :

    -Dommage que tu ne veuilles pas souvent.

    Lyert et Gzadien ne cherchèrent plus à cacher leur hilarité devant un Matior qui prenait une mine boudeuse. Neghttris jeta un regard par-dessus l'épaule d'Elférad :

    -Tu fais quoi ?

    -Devoir de math.

    Heureux de pouvoir l'attaquer sur un autre sujet, Matior lança :

    -Tu ne l'as pas fini ?

    Elférad posa calmement son stylo, se tournant sur sa chaise pour lui faire face :

    -Matior, mon ami, en cet instant précis, tu me fais chier au-delà de toute imagination. J'apprécierais, de tout mon petit cœur, que tu fermes ta gueule afin que je puisse terminer mes devoirs. Merci.

    Il revint à son bureau et reprit son stylo. Gzadien se tourna vers Matior avec un grand sourire :

    -Veuillez agréer, monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

    Lyert conclut :

    -Signé Elférad.

    Matior secoua la tête :

    -Vous parlez si bien.

    Neghttris décida de passer aux choses sérieuses :

    -Tu as demandé de nouveaux trucs ?

    Il parlait à Elférad, mais Gzadien répondit pour lui :

    -Oui, on les a rangé en bas de l'armoire.

    Tout en parlant, il ouvrit le meuble et s'accroupit pour accéder à une boîte en carton. Il sortit également trois bouteilles de soda. Les trois amis poussèrent des cris de joie. Dans la boîte, ils trouvèrent différentes variétés de biscuit. Ils allaient se jeter dessus, mais quelques mots de l'héritier d'or les freina dans leur élan :

    -Mangez pas tout. Mes parents vont finir par se demander si on ne passe pas notre temps à faire la fête.

    Gzadien répliqua :

    -Mais nous sommes des adolescents en pleine croissance. Il faut qu'on mange.

    Lyert approuva :

    -Il a raison. C'est pour notre bien.

    Elférad mit un point finale à son devoir avec une certaine satisfaction, ferma son stylo et le balança sur son bureau :

    -Fini !

    Il eut droit à de faibles applaudissements de la part de ses amis. Ils s'installèrent au sol, tandis qu'Elférad sortait un jeux de carte d'un tiroir :

    -On joue à quoi ?

    -Comme d'hab, fut la réponse de Matior.

    Les cartes furent distribuées et la partie commença. Matior ne tarda pas à lancer la discussion :

    -Alors, Lyert, des filles canons dans ton cour de danse ?

    Lyert ricana :

    -Les clubs n’ont pas encore ouvert, comment tu veux que je le sache ?

    Matior eut un sourire moqueur :

    -Après toute ces années, tu peux bien nous avouer que c'est la seule raison pour laquelle tu fais de la danse.

    Neghttris croqua un biscuit :

    -Mais non, tu sais bien qu'il n'y a que Qegh dans sa vie.

    Elférad pouffa derrière ses cartes et Gzadien en remit une couche en demandant l'air de rien :

    -D'ailleurs, tu l’a revu ?

    Lyert les dévisagea tous d'un air blasé :

    -Ha, ha. Je suis sûr qu'Elférad t'a dit qu'elle était dans notre classe.

    Gzadien joua la surprise en passant un bras autour des épaules de l’héritier d’or :

    -Tu me l'as dit ?

    Elférad plaqua son jeu contre lui en lui lançant un regard réprobateur :

    -Essais pas de tricher en la jouant mignon, toi.

    Gzadien accentua sa mimique :

    -Comment ? M'accuser, moi ? Je suis outré.

    Elférad décolla à peine son jeu pour jeter un coup d’œil à ses cartes avant de jouer :

    -Ou très con. En tout cas, je ne pense pas avoir fait allusion à Qegh.

    Il lança une carte et observa les réactions des autres avec un grand sourire. Lyert joua à son tour, en espérant que l'on ne s'attarderait pas plus sur le sujet. En relevant la tête, il vit que malheureusement, tout le monde semblait attendre. Il finit par lâcher :

    -Oui, c'est bon. Elle a foutu des punaises dans mes poches, cette conne.

    Éclats de rire. Neghttris revint au jeu pour abattre une carte et demanda :

    -Je suis sûr que tu as déjà prévu une réplique.

    Lyert eut un sourire mauvais :

    -Dès que l'occasion se présente, je lui pique ses godasses.

    Matior approuva :

    -Pas mal.

    Lyert en profita pour détourner le sujet

    -Et toi, Matior ?

    Le garçon scrutait ses cartes avec attention :

    -Quoi moi ?

    -Tu as recroisé Pihiliié ?

    Sans s'émouvoir, Matior répondit :

    -Non, pas de nouvelles. Il doit enfin savoir où est sa place.

    Elférad ricana :

    -Ou il ne t'a pas encore trouvé, tout simplement.

    Matior se contenta de dire :

    -C'est possible.

    Au fur et à mesure que la partie avança, la discussion évolua vers d'autres thèmes. Ils relatèrent des souvenirs d'enfance, parlèrent de leurs enseignants dans les écoles publiques, se racontèrent de blagues et les différents moyens qu'ils avaient développé pour éviter les secondes années. Lorsque la dernière bouteille de soda fut ouverte, Neghttris lança :

    -Vous vous sentez prêt pour les Enfermements ?

    Lyert haussa les épaules :

    -Ça dépend avec qui on se retrouve, quoi.

    Une voix dans le haut-parleur annonça le compte à rebours. Matior gronda :

    -Merde, déjà ?

    Elférad se leva en s'étirant :

    -Allez, tout le monde dehors.

    Lyert, Neghttris et Matior aidèrent à ranger avant de sortir. Gzadien rangea la boîte dans l’armoire, pendant qu'Elférad constatait les dégâts :

    -Va falloir que je redemande des bouteilles à mes parents.

    Gzadien vint le prendre dans ses bras :

    -Tant que ce n'est pas de l'alcool, je ne crois pas qu'ils vont s'inquiéter.

    Elférad l'embrassa :

    -T'as raison. On s'en fout.

    -J'ai pas dit ça.

    Il l'ignora pour préparer son sac.

     

    Lorsque son réveil sonna, Elférad le saisit sans ouvrir les yeux et le jeta le plus loin possible en espérant le faire taire. Loupé. Le son strident lui parvenait encore. Il grogna en mettant sa tête sous l'oreiller. Gzadien choisit cet instant pour lui sauter dessus :

    -Allez, debout, debout.

    Emprisonné dans les bras du jeune homme, Elférad grommela :

    -T'es lourd.

    Gzadien lui embrassa l'oreille en murmurant:

    -C'est pas ce que tu dis d'habitude.

    -Je vais éviter de te dire ce que je pense en ce moment, ça te ferais trop de peine.

    Gzadien s'agenouilla, gardant les bras fermement replié autour du torse d'Elférad et rassembla ses forces pour le soulever. En voyant son oreiller tomber et le matelas s'éloigner, celui-ci se mit à geindre :

    -Non, je veux pas.

    Gzadien fit un rire maléfique :

    -Tu n'as plus le choix, désormais.

    Il l'embrassa sur la nuque et dit rapidement :

    -Je vais à la douche.

    Il descendit du lit d'un bond pour courir dans la salle de bain. Un avantage des héritiers d'or. Ils avaient une salle de bain privée. Elférad resta amorphe un moment, assis, à fixer le mur. Comment il fait pour être si énergique dès le matin ? Il bailla, geignit encore pour la forme et se laissa couler hors du lit. Gardant les yeux fermés, il enfila un caleçon et un T-shirt. A l'odeur, il comprit qu'il n'avait pas pris un des siens :

    -Gzadien ! Je trouve pas mon T-shirt !

    La réponse ne tarda pas :

    -Tu l'as cherché au moins ?

    Elférad soupira :

    -Ça veut dire que je dois ouvrir les yeux.

    Il avait parlé trop bas pour que le jeune homme puisse l'entendre, mais celui-ci lança :

    -Sinon, tu pourrais faire un truc de dingue et en mettre un propre.

    Grommelant toujours pour lui-même, Elférad répliqua :

    -Mais ça veut dire qu'il y en aura plus à traîner. Ça va vraiment devenir bordélique.

    Ce fut un frottement qui lui fit ouvrir les yeux. Il se tourna aussitôt vers la porte. Un papier avait été glissé dessous. Elférad se précipita, ouvrit la porte à la volée et atterrit dans le couloir.

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