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XXXII - Citseko
Par D-Code dans L'union du droit de vie T.1 : Un jeu parmi les débutants [Ecriture inclusive] le 12 Avril 2019 à 17:59Citseko Fraam
Rang : Argent
Héritier de la famille Fraam au service du clan Evarla
...bizarre. Citseko regarda Xutik s’éloigner, jusqu’à ce qu’il disparaisse au détour d’un couloir, en se demandant s’il ne ferait pas mieux de se soucier de ce qui été arrivait à Gec-Nüj. Bon, concentre-toi sur ton problème déjà. Il reprit son chemin. Citseko avait hésité longuement avant de décider de retourner à son activité. Meb avait bien sûr raconté à ses amis que son héritier d’argent avait fait équipe avec l’héritier des parias. Cela les avait bien fait rire et ils s’étaient étendus sur le manque de sagacité de Citseko. Meb s’était gardé de préciser que seuls, lui et son père, savaient à quoi ressemblait le chef des parias et son héritier. L’héritier d’or n’avait jamais pris la peine de les décrire à Citseko car, apparemment, cela n’aurait été d’aucune utilité. Pourquoi l’héritier des parias irait chercher un simple héritier d’argent plutôt que Meb ? De son côté, Citseko n’avait pas avoué que Cyrastès faisait également l’entraînement au couteau. D’une part parce que Meb n’avait probablement jamais fait attention au fait que Citseko avait une autre activité que le tira à l’arc et d’autre part, parce que l’adolescent n’avait plus l’intention de s’y rendre. Du moins jusqu’à la mi-journée où il avait commencé à se demander s’il pouvait se permettre d’arrêter un entraînement qu’il se jugeait nécessaire à cause de ça ? Sans compter que ceux qui organisaient l’activité pourrait être ennuyé par son départ soudain. Il avait donc décidé qu’il lui suffirait d’ignorer Cyrastès.
C’était la raison pour laquelle, l’héritier d’argent se dirigeait vers la salle en sachant que Meb désapprouverait s’il l’apprenait. Citseko ne pouvait pas se cacher non plus qu’il avait été déçu d’apprendre qui était Cyrastès. C’était la première fois qu’il avait eu le sentiment d’avoir un allié, Hiloy lui ayant raconté ce qui c’était passé durant le temps où il avait été inconscient. C’est sûr qu’il ne s’était pas démarqué par ses actions, consistant principalement à rester allonger sur un brancard, mais il n’en était que plus reconnaissant à l’héritier d’or de ne pas l’avoir abandonné.
Le garçon repéra Qegh sitôt qu’il entra. La jeune fille lui fit un signe de la main, l’invitant à la rejoindre. Sitôt qu’il fut près d’elle, l’héritière d’argent demanda :
-Tu sais ce qui se passe entre Elférad et ses héritiers d’argent ?
Citseko secoua la tête.
-Il paraît qu’Elférad est retourné dans la chambre de Gzadien et qu’ils ne sortent que pour les cours et les repas.
Citseko n’avait pu éviter de remarquer comme les autres, les surveillants qui s’étaient chargés de changer les affaires d’Elférad de chambre, sur la demande de celui-ci. Comme si il avait peur de se retrouver seul avec ses héritiers d’argent. Il énonça à voix haute autant pour Qegh que pour lui :
-On ne devrait pas faire de supposition sur leur situation. Si on doit savoir ce qu’il se passe, on le saura. Sinon…
-T’es pas curieux ?
Il haussa les épaules.
-Curieux de quoi ?
Un frisson parcourut tout le corps de Citseko en entendant Cyrastès. Qegh se referma de suite, ignorant pourquoi le garçon se mêlait soudain à la conversation, mais l’héritier d’argent lui fit face :
-Des histoires de classe.
Cyrastès lui envoya soudainement un coup de pied dans le tibia. Citseko se mit à sauter à cloche pied en tenant sa jambe douloureuse, tout en interrogeant l’héritier d’or du regard.
-Pourquoi tu m’as pas dis que tu faisais cette activité ?
Grimaçant encore de douleur, Citseko répondit :
-Je ne croyais pas que c’était important.
Cyrastès admit :
-C’est vrai.
L’héritier d’argent se redressa :
-Est-ce que tu ne devrais pas éviter de me parler ?
L’adolescent eut un sourire inquiétant :
-Plus maintenant que tu es là. Je me dis qu’on pourrait faire équipe pour l’activité.
Citseko se méfiait :
-Je n’ai pas l’intention de trahir Meb. Si tu veux des infos…
Cyrastès le fit taire d’un geste de la main et le coupa :
-Non, non. J’ai bien compris que tu étais le genre de gars qui la ferme même sous la torture…
Citseko eut un mouvement de recul tellement sidéré qu’un étranger sois conscient d’une chose dont son propre héritier d’or doutait totalement.
-Non, c’est pas pour ça. Je me dis que ça ferait bien chié Meb… et comme j’aime faire chier les gens…
L’héritier d’argent fixa un temps le large sourire de l’héritier d’or :
-dans ce cas, il me suffira de ne pas dire à Meb que l’on s’est vu. Ce qu’il ignore ne peut pas l’embêter.
-Tu veux dire qu’on est un secret ? Encore mieux.
Citseko aurait voulu répliquer, mais Cyrastès avait raison. S’il commençait à avoir des secrets pour son héritier d’or, la situation ne pourrait faire qu’empirer. Résolu, il affirma :
-Tu as raison. Je le lui dirais.
-Donc, on le fait chier.
A nouveau, Citseko ne sut quoi dire. Si Meb apprenait que Cyrastès lui avait parlé, qu’ils avaient fait équipe dans une activité, il serait furieux. Et, ce qui inquiétait sans doute plus l’héritier d’argent, il lui interdirait de revoir Cyrastès. Techniquement, il me l’a déjà interdit...
-Alors ?
-Pardon ?
-Tu préfères quoi ? On le fait chier ou on devient un secret.
Citseko savait qu’il n’avait qu’à prendre la troisième option. Ni l’un, ni l’autre. Tourner les talons, retrouver Qegh qui s’était éloignée et c’était tout. Les secondes années arrivèrent leur demandant de se rapprocher.
-Allez viens.
Que ce soit à cause des moqueries de Meb et ses amis ou du fait que Cyrastès semblait être le seul heureux de faire équipe avec lui, Citseko sentit monter la même certitude soudaine que lorsqu’il avait décidé de changer de chambre. Alors, il suivit l’héritier d’or sans plus se poser de question.
L’entraînement avec Cyrastès était d’un autre niveau qu’avec Qegh. Citseko n’eut jamais autant l’impression d’apprendre quelque chose que lorsqu’il fit paire avec lui. Avec Qegh, ils faisaient attention aux coups, retenaient leurs mouvements. Cyrastès y allait sans hésitation. Si bien que l’héritier d’argent se retrouva plus d’une fois poignardé avec un couteau factice. Cependant, Citseko finit par découvrir une faille qui lui permettait des contre-attaques. Habitué à se battre avec les lames attachées à son corps, Cyrastès faisait de trop amples mouvements des bras. Il tentait de parer en oubliant que la longueur de la lame n’était pas là, laissant la partie ordinairement couverte, à la merci de Citseko.
Lorsque l’heure se termina, il était en sueur et épuisé comme s’il avait couru tout ce temps. Paradoxalement, Citseko avait oublié les moqueries de Meb et il devinait qu’avec son épuisement physique, viendrait une bonne nuit de sommeil.
-On se retrouve la semaine prochaine, alors ?
Citseko hocha la tête. L’héritier d’or s’éloigna avec un dernier signe de la main. Le cœur léger, Citseko regagna sa chambre en ne songeant qu’à une douche brûlante et au moelleux de son matelas. Nsoah était à son bureau, recopiant avec minutie ses cours de la journée.
-Tu es content.
Citseko eut un demi-sourire :
-Comment tu le sais ?
-Je sais.
-D’accord.
L’adolescent prit ses affaires pour rejoindre la salle de bain. La nuit qui suivit s’écoula paisiblement et il se réveilla frais et dispo malgré quelques courbatures dans les bras. Il s’assombrit un peu en retrouvant Meb et ses amis au réfectoire, mais, ayant trouvé un nouveau sujet de discussion, ils l’ignorèrent superbement. Cela eut le bon point de lui éviter de mentir à Meb et il ne trouva pas lui-même, l’occasion d’aborder le sujet Cyrastès. La journée fut donc parfaite pour Citseko qui ne fut pas ennuyé en classe par les héritiers d’argent d’Elférad. Meb tenta bien d’en apprendre plus par son biais sur la situation des quatre garçons, mais comme aucun n’ouvrait la bouche, Citseko n’eut rien à lui apprendre. De plus, il ne voyait pas comment les interroger sans éveiller les soupçons. Ils devaient bien se douter que des questions circulaient dans la classe les concernant. Si cela n’avait été rien de grave, ils en parleraient. Lorsqu’il retrouva Nsoah dans leur chambre ce soir-là, il eut une idée et s’assit sur son lit :
-Nsoah ?
L’adolescent ne répondit pas, reprenant le recopiage au propre de ses cours, cependant, Citseko savait qu’il écoutait :
-Tu crois qu’il se passe quelque chose de grave avec le groupe d’Elférad ?
Le garçon savait que Nsoah n’avait pas adressé la parole aux héritiers du clan Juéllit, mais il comptait sur son intuition pour avoir quelques informations.
-Oui.
Malgré tout ce qu’il s’était imaginé, Citseko sursauta en entendant la réponse :
-Vraiment ? Comment tu le sais ?
-Cela se voit. Ils sont en colère.
Citseko prit le temps de se remémorer les quatre garçons durant la journée :
-Tu veux dire qu’ils se sont disputés ?
-Elférad ne le sait pas.
-Quoi donc ?
-La raison de leur colère.
-Ils ne lui ont pas dis ?
-Tu vas tout répéter à Meb ?
Citseko hocha la tête, puis réalisant que Nsoah ne l’avait pas vu puisqu’il était toujours penché sur son cahier, il dit à haute voix :
-Oui.
L’adolescent cessa d’écrire pour faire pivoter son siège vers lui :
-Mais tu ne lui as pas dis que tu avais un secret.
Citseko se cacha derrière un livre alors que Nsoah continuer de fixer le bord du lit. Il fut soulager d’entendre toquer à la porte, mais tomba des nues quand Cyrastès s’engouffra dans la pièce.
-Je demande asile.
Nsoah se leva d’un bond pour informer l’héritier d’or :
-Bonjour. C’est ma chambre. Je suis Nsoah.
L’adolescent au masque leva les yeux sur le visage souriant pour dire en imitant son ton :
-Bonjour. Ce n’est pas ma chambre. Je suis Cyrastès.
Citseko lui jeta un regard réprobateur, mais Nsoah souriait toujours :
-Je t’aime bien.
-Calme-toi. On vient de se rencontrer.
Le dépassant, Cyrastès alla s’installer au bureau de Citseko. Celui-ci retourna sur son lit, l’air inquiet :
-Qu’est-ce qu’il se passe ?
L’héritier d’or soupira :
-Ma fiancée qui me gave.
Une intuition soudaine traversa l’esprit de Citseko qui eut un demi-sourire :
-Toute cette histoire pour embêter Meb, ce ne serait pas plutôt parce que tu avais nulle part où te planquer ?
-Je dirais que ce fut une combinaison de deux facteurs.
-Mais comment tu as su où était ma chambre ?
-Je t’ai suivi hier.
Comment j’ai fait pour ne pas le remarquer ? Nsoah qui s’était rassis à son bureau énonça avec une pointe d’amusement :
-Hier, Citseko était content.
Cyrastès imita le ton enfantin de l’adolescent :
-C’est vrai ? Pourquoi ?
Citseko chercha à savoir si Nsoah n’était pas blessé du comportement de l’héritier d’or, mais il était retourné à ses cours en souriant. Rien ne laissé penser qu’il avait seulement entendu la question.
-Cyrastès ! Ouvre ! Je sais que t’es là !
Dès que le premier coup avait été porté à la porte, Citseko avait bondit de son lit. C’était une chose d’accueillir un ennemi dans sa chambre, une autre de l’annoncer à tout l’étage. Angoissé à l’idée que Meb n’ait entendu la fille crier, il jeta un coup d’œil discret dans le couloir lorsqu’elle entra à pas furieux dans la chambre. Citseko referma vite la porte au même moment où Nsoah annonçait :
-Je m’appelle Nsoah. C’est ma chambre.
L’adolescente, que Citseko avait reconnu comme étant l’une des filles de leur activité, l’observa avec dédain une seconde avant de lancer à Cyrastès :
-T’as fini de jouer au con ?
L’héritier d’or reprit l’air de Nsoah :
-Il s’appelle Nsoah et c’est sa chambre.
Cette fois, Citseko se rapprocha du garçon pour lui murmurer :
-Ne te moque pas de lui, s’il te plaît.
Cyrastès fronça les sourcils alors que Nsoah annonçait encore :
-Lui, je l’aime bien.
Citseko eut un air attendri envers l’héritier d’argent qui semblait sincèrement ravi de la présence de Cyrastès. Celui-ci eut un sourire de défi pour Citseko :
-Tu vois ? Il m’adore.
Nsoah corrigea :
-Je t’aime bien. Ce n’est pas pareil.
-La différence est infime, Soupirail.
L’héritier d’argent rappela doucement :
-Je m’appelle Nsoah.
Cyrastès haussa les épaules :
-Peu importe.
La fiancée de l’héritier d’or finit par intervenir :
-Je vous dérange ?
Cyrastès hocha vigoureusement la tête, ce qui provoqua la colère de la jeune fille :
-Il faut qu’on parle sérieusement.
L’héritier d’or répliqua avec espoir :
-On divorce ?
-Faudrait qu’on soit marié crétin. Viens, ce serait mieux de parler seul à seul.
Cyrastès s’affala sur son siège :
-Je ne peux pas. Trop fatigué.
Citseko observa leur échange avec un demi-sourire si peu discret que l’héritier d’or finit par lui demander :
-Qu’est-ce qui te fait marrer, toi ?
Détournant le regard, l’héritier d’argent répondit :
-Vous me rappelez un couple de ma classe.
Nsoah avait pensé la même chose et ajouta :
-Lyert et Qegh, ils se font des blagues aussi.
Cyrastès n’eut pas l’air content :
-Je ne sais pas ce que font vos Lec et Qyer, mais il ne s’agit pas de blague ici.
Nsoah corrigea :
-Lyert et Qegh.
-Peu importe.
La jeune fille tapa dans ses mains :
-On peut se concentrer deux secondes ? Cyrastès ?
-Ouuuuuuui ?
-Tu viens ?
-Nnnnnnnooooon.
Citseko intervint timidement :
-Tu devrais y aller.
L’héritier d’or croisa les bras :
-Pourquoi ?
Citseko désirait simplement que l’adolescent sorte au plus vite, s’inquiétant de plus en plus d’une éventuelle visite de Meb.
-Il n’est pas là.
L’héritier d’argent interrogea Cyrastès du regard :
-Meb. Il est dehors avec ses copains. Je peux rester du coup.
Un grand sourire étira ses lèvres qui ne fut pas au goût de sa fiancée :
-Si tu ne veux pas partir, on va parler ici. Je m’en moque.
L’héritier d’or l’invita à s’installer sur le lit de Citseko d’un geste du bras. L’adolescente alla s’asseoir avant même que l’héritier d’argent n’ait pu dire quoique ce soit. Notant son embarras, Nsoah l’invita :
-Tu peux t’asseoir sur mon lit. C’est le mien, mais je te le prête.
Citseko le remercia et alla s’installer, veillant à ne pas froisser les draps. Nsoah s’assit à côté de lui en continuant d’observer le couple, aux anges.
-Tu vas le faire ou pas ?
-Non. Ton plan est naze.
L’adolescente s’offusqua :
-Mon plan fonctionnera très bien.
-Non, c’est naze.
-Tu as une meilleur idée ?
Cyrastès se redressa :
-Oui. Tu laisses tomber. Attends que l’année soit terminée et on verra avec les parents.
-Je ne peux pas laisser passer ça.
-Tu ne vas pas le laisser passer, tu vas simplement agir intelligemment. Tu crois quoi ? Qu’elle ne se doute de rien ? Elle sait que tu risques de faire quelque chose….
-Si tu m’aides, ça marchera.
L’héritier d’or secoua la tête :
-Non, je te dis. On serait dix que ça ne marcherait pas. On ignore trop de chose. Elle a des alliés, tu as trouvé lesquels ?
L’adolescente se leva :
-Si ce n’est que ça qui te fais peur, je ferais mieux de trouver un autre allié, en effet.
Elle quitta la pièce d’un pas décidé. Quand la porte claqua, Citseko et Nsoah se tournèrent vers Cyrastès qui semblait soucieux. Se sentant observé, l’adolescent les dévisagea :
-Quoi ?
Citseko demanda doucement :
-Tu as besoin d’aide ?
-Pourquoi ? J’ai pas l’air de gérer la situation ?
Nsoah souriait toujours :
-C’est dur quand on est amoureux.
Citseko retint un rire alors que l’héritier d’or lâché :
-Je croyais que tu m’aimais bien, toi.
Cyrastès se leva en soupirant :
-Bon, je vous laisse. Il faut que je réfléchisse.
Citseko le laissa partir en essayant de percer le sens de la discussion qui venait de se dérouler.
-Cela fait un clan allié pour la guerre.
L’héritier d’argent se tourna brusquement vers Nsoah :
-Comment tu sais ?
Le garçon haussa les épaules :
-Tu y pensais.
Citseko fixa l’adolescent en cherchant à deviner comment il avait pu savoir à quoi il pensait.
-Tu va à la guerre ?
Le ton triste et inquiet de Nsoah poussa Citseko à confier :
-Non, non. Il y a des tensions… mais c’est vrai que ça ne m’étonnerait pas, en fait.
La dernière fois que Meb et son père étaient revenus d’une rencontre avec le chef et l’héritier du clan des parias, tout semblait sous-entendre que la situation avait encore empiré.
-Donc, tu ne vas pas à la guerre tout de suite. Si tu veux que je t’aide pour la guerre, je peux.
Citseko eut un demi-sourire en sachant que le garçon ne savait probablement pas de quoi il parlait :
-Merci. C’est gentil de proposer, mais, mis à part les parents de Meb et Cyrastès, je ne crois pas qu’on y puisse grand-chose.
Nsoah se plongea dans ses pensées et Citseko en profita pour retourner sur son lit afin de reprendre ses devoirs.
Le lendemain, Citseko eut quelques difficultés à ne pas révéler à Meb la discussion qui avait eu lieu entre les fiancés. En effet, si le clan des parias était renforcé par cette alliance, il était de son devoir d’en informer son héritier d’or. Seulement, il trouva de nombreuses excuses tout au long de la journée pour ne pas ouvrir la bouche. Il ne pouvait pas parler en classe, il ne pouvait pas parler alors que Meb discutait avec ses amis etc.… A la fin des cours, il récupéra le sac de son héritier d’or qui partait jouer et monta faire ses devoirs tout en se disant qu’il lui dirait le lendemain. Citseko s’était à peine installé que des coups frénétiques se firent entendre à sa porte. Aussitôt inquiet, l’héritier d’argent attendit de voir qu’il n’y avait aucun danger pour ouvrir.
-Météore, ouvre.
Cyrastès avait parlé bas, mais ces coups avaient clairement attiré l’attention. Citseko se rassura en se disant que Meb était dehors, tout en courant ouvrir :
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Il faut que tu viennes.
Le ton pressant et le regard fuyant de l’héritier d’or inquiétèrent l’adolescent :
-Quoi ? Quoi ? Pourquoi ?
-C’est l’autre furie. Elle sait que tu es d’un clan ennemi et elle arrive.
Citseko se décomposa :
-Mais pourquoi ?
Cyrastès le tira par le bras :
-Pas le temps. Viens.
Citseko eut une pensée pour ses devoirs, mais il voulait également comprendre ce qu’il se passait. Si la fiancée de Cyrastès devenait une menace, il devait régler la situation aussitôt. Lorsque le garçon l’entraîna à l’extérieur, le fit courir jusqu’au bâtiment des classes et jusqu’à l’arrière de celui-ci, Citseko se doutait déjà de quelque chose. Il se fout de moi. Bloqués par la faune luxuriante qui avait fini par pousser entre les bois et les murs, Cyrastès dût s’arrêter. Reprenant son souffle, Citseko attaqua :
-Ce n’est pas drôle. J’ai des devoirs à faire, tu sais.
L’héritier d’or insista :
-Tu aurais préféré faire face à la furie ?
-Oui. S’il y a un problème, c’est mieux. Je préfère régler le problème avant que ça n’atteigne Meb.
Cyrastès haussa les sourcils :
-Sérieux ?
L’héritier d’argent hocha la tête en espérant que cela lui permettrait de regagner sa chambre, mais l’adolescent haussa les épaules :
-OK, je le saurais.
Sur ce, il fit sortir ses lames de ses manches. Aussitôt, Citseko le plaqua au mur pour le dissimuler aux regards des passants :
-Qu’est-ce que tu fais ? Si un surveillant te voit ou qu’on te dénonce…
Cyrastès rit :
-En général, on évite de s’en prendre au gars armé et les surveillants, franchement.
Citseko le garda contre le mur, jetant des regards inquiets aux alentours :
-Mais pourquoi tu les as ? Ça ne te sers à rien, là.
L’héritier d’or prit un air malheureux :
-Je me sens seul sans elles.
Il repoussa Citseko d’une bourrade et ajouta en se tournant vers le mur végétal :
-Et pour ce qui est de leur utilité….
Avec quelques mouvements des bras, il leur dégagea un passage :
-Viens, suis-moi.
Citseko secoua la tête :
-Non, mes devoirs.
Cyrastès revint sur ses pas pour lui attraper le bras :
-Pense à la furie. Il faut se cacher.
Il dégagea le passage jusqu’à une veille fenêtre.
-On va entrer là.
-C’est interdit.
L’héritier d’or n’eut qu’à forcer pour ouvrir :
-Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
Citseko regarda autour de lui :
-L’emplacement ? Si on avait le droit d’entrer, ils auraient nettoyé le coin, non ?
Cyrastès se pencha à l’intérieur :
-C’est le bâtiment des classes. On y entre tous les jours.
-De l’autre côté oui, là où c’est aménagé. Là, ce doit être fermé pour une raison.
L’adolescent sauta le rebord :
-Viens.
L’héritier d’argent secoua la tête :
-Non, je reste là.
-Pourquoi ?
Ne voulant pas admettre qu’il craignait de se faire prendre à l’intérieur, il répondit :
-Je monte la garde, si tu veux.
Cyrastès fut amusé :
-Tu crois que les buissons vont vendre la mèche ?
Citseko ne l’écoutait pas vraiment. A se retrouver ainsi au milieu des broussailles, un souvenir avait refait surface. L’héritier d’argent tentait de percevoir la présence d’un garde. C’était plus loin. Presque au niveau du dortoir des troisièmes années, si je me souviens bien. En plus, si ça se trouve, ils sont partis. Ils étaient peut-être juste là temporairement.
-Qu’est-ce qu’il y a ?
Citseko ouvrit de grands yeux surpris :
-Quoi ?
-T’as vu quelque chose dans les bois ?
L’héritier d’argent hésita à mentir. S’il lui disait qu’il avait vu un garde, Cyrastès sortirait probablement. Ou il choisira de se planquer à l’intérieur. Citseko était mal à l’aise de le voir ainsi, tranquillement appuyé au rebord de la fenêtre comme s’il était chez lui.
-Je crois qu’on devrait y aller. Je dois faire mes devoirs.
-Et la furie ?
-Je ne crois pas qu’elle soit au courant de quoi que ce soit.
Cyrastès fronça les sourcils :
-Tu me traites de menteur ?
Citseko s’empressa de répondre :
-Non, non, c’est juste qu’elle n’a pas l’air d’être dans le coin et je ne crois pas qu’elle nous aurait suivit jusque là.
Cyrastès sourit :
-Détends-toi, je déconne. T’as raison, j’ai menti. Mais qu’est-ce que t’as vu ?
L’héritier d’argent choisit de repartir sans prolonger le dialogue. Quelque chose me dit qu’on en sortira pas sinon.
-Où tu vas ?
Citseko fut soulagé de le voir ressortir pour le suivre :
-Je vais faire mes devoirs.
-Oh… mais je m’ennuie moi.
-Je m’en doute, mais je ne peux pas traîner avec toi pour l’instant.
-Quand t’aura fini tes devoirs ?
-Non.
Le laissant là, l’adolescent retourna tranquillement à sa chambre en se disant qu’il pouvait travailler dehors. Le temps de prendre ses affaires et celles de Meb, il était de retour sur la pelouse. Citseko s’installa, s’organisa puis commença en soupirant d’aise. Un déferlement de livres et de cahiers dérangea toute son organisation. Le garçon leva des yeux interrogatifs à Cyrastès :
-On fait les devoirs et après, on va chercher ce que t’as vu. Ça marche ?
Citseko resta bouche-bée pendant que l’héritier s’asseyait et rassemblait ses affaires. Il se ressaisit pour observer les alentours, mais, répondant à son interrogation, Cyrastès affirma :
-Meb est pas là. Il est de l’autre côté.
L’héritier d’argent n’était pas pour autant rassuré :
-Mais il pourrait venir par ici.
Cyrastès haussa les épaules :
-T’aura qu’à dire que c’est moi qui me suis incrusté.
Ce ne serait que la vérité.
-T’as besoin de quelque chose ?
L’héritier d’or sourit :
-Que tu finisses tes devoirs qu’on puisse aller voir ce qu’il y a dans les bois.
-Il n’y a rien dans les bois.
-J’ai vu ta tête.
-Je me suis juste souvenu de quelque chose. Ça n’a rien à voir.
Cyrastès appuya sa tête sur son poing :
-De quoi tu t’es souvenu ?
Citseko planta son regard dans le sien comme s’il voulait le persuader qu’il n’était pas dupe :
-Pourquoi tu fuis ta fiancée ? C’est à cause de ce dont vous avez parlé hier ?
Cyrastès fit une grimace :
-Tu ne serais pas en train de détourner le sujet ?
-Ce n’est pas moi qui est déboulé dans ta chambre pour t’embarquer sans raison.
-C’est moi qui suis en train d’éviter un sujet ?
Citseko n’était pas d’humeur à suivre ses plaisanteries :
-Si tu ne veux pas parler, c’est pas grave, mais je préférerais que tu fasses tes devoirs plus loin. Je ne tiens vraiment pas à ce que Meb nous voit ensemble.
L’année est bientôt terminée, je ne veux pas ajouter un autre point noir à la liste de mes mauvaises actions. L’expression de l’héritier d’or était maintenant sérieuse :
-Tu promets de ne rien raconter à Meb ?
Je ne suis plus à ça près. Citseko ne tenait certainement pas à avoir d’autres secrets, mais si Cyrastès était venu le trouver, c’était sans doute qu’il n’avait personne d’autre à qui se confier.
-Oui, promis.
-Juré sur la tête des Cinq que si tu romps ton serment tu devras faire un duel avec le Troisième les yeux bandés ?
L’héritier d’argent hocha la tête, mais comme Cyrastès l’invitait à répéter d’un geste de la main, le garçon s’exécuta sagement :
-Je le jure sur la tête des Cinq que si je romps mon serment je devrais faire un duel avec le Troisième les yeux bandés.
Après cela, Cyrastès s’approcha de lui pour parler bas, bien qu’ils soient isolés des autres adolescents qui profitaient du soleil :
-Ma fiancée à une rivale. L’héritière d’un clan rival. C’est pour cela qu’on a été fiancé. Mon clan les aide contre eux, leur clan aide le mien….
Il laissa sa phrase en suspens et Citseko acheva sans difficulté :
-Contre le mien.
-Exact.
Marquant qu’il suivait d’un hochement de tête, Cyrastès reprit :
-Depuis le début d’année, la furie n’a qu’une idée en tête, assassiner l’héritière rivale. Cela porterait un sacré coup au clan et nous n’aurions qu’à les achever… en quelque sorte.
-Tu l’en empêches ?
-Comme je peux. Cette rivale a des alliés, c’est sûr et la furie s’en est fait aussi. D’où le problème, combien de bordel d’héritiers sont réellement impliqués maintenant ?
Citseko hocha de nouveau la tête. Cela avait clairement dépassé la simple rivalité entre deux héritières.
-Je lui ai dit de d’abord s’assurer du nombre avant de continuer son projet. Mais elle devient intenable. Elle tient à s’en occuper avant la fin de l’année.
-Tu veux attendre, en parler aux parents parce que tu ne sais pas combien de clan son décès pourrait affecter.
Ce fut au tour de l’héritier d’or de hocher la tête :
-Exact. On ignore combien de ses alliés nous tomberont dessus après et on a assez d’une guerre potentielle sur les bras. Sans vouloir t’inquiéter,
Citseko secoua la tête :
-Non, non, je comprends.
-Je sais qu’elle va agir sous peu. Je ne sais pas comment, sous quelle forme. Si elle ne va pas opter pour un duel ou un assassinat sauvage. Elle n’a pas d’argent pour un espion, mais un de ces alliés, peut-être.
-Tu ne connais pas ses autres alliés ?
Cyrastès avait l’air de plus en plus soucieux :
-Elle a arrêté de me parler d’eux et des détails quand elle a compris que je ne marcherais pas. Elle a accepté de vraiment réfléchir à tout ça, mais plus la fin de l’année approche, plus elle s’impatiente.
Citseko se plongea dans ses pensées et le voyant silencieux, l’héritier d’or le poussa doucement de l’épaule :
-Alors ? T’as une idée ?
-Je ne sais pas si c’est une bonne idée.
L’héritier d’or haussa les épaules :
-C’est une idée toujours. Toujours mieux que moi.
-Si ta fiancée ne veut pas écouter, parle à la rivale.
Cyrastès se redressa en fronçant les sourcils :
-La rivale ? Je lui dis qu’on veut la tuer ?
-Peut-être pas. Pas exactement. Je ne sais pas trop. Juste la prévenir peut-être. Enfin… ce serait bien de savoir dans quelle disposition elle est par rapport à ta fiancée. Peut-être qu’elle s’en moque complètement de ce qu’elle veut faire.
-Pourquoi veiller à avoir tant d’allié alors ?
-Elle a peut-être agi pour le bien de son clan, sans penser à ce que trafiquait ta fiancée.
Ce fut au tour de Cyrastès de se plonger dans ses pensées. Après une minute de réflexion, il admit :
-Je suppose que ça vaut le coup de tenter quelque chose de ce côté.
Un instant, puis il rassembla ses affaires :
-Bon, je te laisse te relaxer. Il faut que je réfléchisse tranquillement.
Il se leva :
-Mais je n’oublie pas cette histoire de forêt.
-Je n’ai rien vu.
-C’est ça.
Citseko eut un sourire, amusé de l’idée fixe de l’héritier d’or, puis se concentra sur ses devoirs. Il devrait finir les siens et avancer ceux de Meb avant que celui-ci ne le retrouve et avec tout le temps perdu, il n’était pas sûr d’y arriver.
Les jours défilèrent dans une nouvelle tranquillité. Gec-Nüj ne revint pas en classe, la tension entre les quatre héritiers du clan Juéllit était toujours présente, mais pour le reste, tout semblait avoir repris son cours normal. Désormais, Citseko s’entraînait systématiquement avec Cyrastès lors de leur activité. L’héritier d’or ne parla plus des problèmes de sa fiancée. En fait, de ce que l’héritier d’argent pouvait en voir, ces deux-là se parlaient à peine ou seulement pour s’envoyer des piques. L’adolescent s’amusait toujours à les voir, se rappelant Lyert et Qegh en début d’année. Citseko se garda de la moindre remarque ou allusion concernant l’affaire, car il jugeait que cette histoire ne le concernait plus, à moins que Cyrastès ne veuille relancer le sujet. Celui-ci ne revint pas déranger Citseko en-dehors de l’heure d’activité, ce qui soulagea l’héritier d’argent et lui laissa penser que tout était peut-être réglé.
Cette idée fut détrompée lorsque Cyrastès fut marqué absent lors de l’activité. Citseko se joignit à Qegh et sa partenaire, mais ne put se concentrer sur ce qu’il faisait. Finalement, comme il laissait tomber son couteau pour la quatrième fois, Qegh s’impatienta :
-Qu’est-ce que tu as aujourd’hui ?
-Rien, pardon.
Il hésita avant d’ajouter :
-Je me demandais pourquoi Cyrastès était absent.
-Il est peut-être malade.
C’est vrai. C’est sans doute aussi bête que ça. Cependant, un mauvais pressentiment continuait à lui tordre le ventre. J’irais le voir après… sauf que je ne connais pas son numéro de chambre. Il ne fit rien de bon le reste de l’heure, mais se résolut à demander aux secondes années s’ils connaissaient les chambres des héritiers qui suivaient leur activité.
-Non, on a pas accès à ce genre de détail.
Citseko baissa les yeux, déçu, ce qui toucha la seconde année qui demanda :
-Pourquoi ? Tu cherches quelqu’un ?
-Cyrastès. Le garçon au masque.
Le visage de la jeune fille s’assombrit :
-Oh, lui.
Elle échangea un regard avec l’autre seconde année qui répondit à sa place :
-Il a une cérémonie d’adieu. Le directeur nous a prévenu.
Citseko reçut un choc. Une cérémonie d’adieu ? Pour qui ? La réponse s’imposa avant même qu’il ne finisse de formuler sa pensée. Prenant son sac au passage, Citseko se dirigea à grands pas vers le lieu, situait sur le chemin des bâtiments des troisième années. Ils connaissaient tous l’endroit même si personne n’y allait jamais que par obligation. En retrait du chemin, la bâtisse grise n’avait rien d’attrayant. Haute de plafond, des vitres immenses en faisaient le tour. Citseko s’arrêta avant d’entrer. Se tordant les mains, il se demandait s’il faisait bien d’être là.
Le temps du trajet, il avait eu tout le loisir de s’imaginer que la fiancée de Cyrastès avait pu mourir parce qu’il lui avait conseillé de parler à sa rivale. Si l’héritier d’or l’avait fait, s’il avait mis en garde la fille, celle-ci aurait pu préférer prendre les devants au lieu de chercher un autre moyen de régler la situation. Tu ne peux pas rester planté là éternellement. Entre. Tu verras bien. Si ça se trouve, il y a des amis avec lui et tu pourras partir. Il faut juste voir comment il va. Doucement, Citseko monta les quelques marches et ouvrit la lourde porte de bois.
La chaleur l’étouffa aussitôt. Le soleil couchant tapait en plein sur les vitres et malgré la fraîcheur qui commençait à se faire sentir dehors, l’intérieur était un véritable sauna. L’adolescent passa outre, se focalisant sur la boîte à taille humaine au centre de la pièce, recouverte d’un drap au blason de la défunte. Au pied de la table en marbre, Cyrastès était affalé. L’héritier d’argent passa entre les chaises et bancs disposés en cercle autour de l’espace central et vint s’asseoir face à l’adolescent. Celui-ci, les yeux dans le vide, ne donna pas l’impression d’avoir remarqué sa présence. Seuls, tous les deux, silencieux, la chaleur commença à sérieusement peser sur Citseko. L’héritier d’or était en sueur, la peau rougie. De toute évidence, il était là depuis un moment. Plus d’une heure s’il est venu avant l’activité.
Citseko ne s’estimait pas le droit de lui adresser la parole. Il lui semblait qu’il ne connaissait ni Cyrastès, ni sa fiancée suffisamment pour se permettre un mot de réconfort. Le garçon continuait de se triturer les mains en se disant qu’il n’avait pas sa place ici et il gardait l’idée que ce décès pouvait être de sa faute. Paradoxalement, l’absence de réaction de Cyrastès lui faisait penser qu’il devait rester. Par contre, cette chaleur… je sais pas c’est qui le con qui a eu l’idée de mettre tant de vitres, mais franchement… Citseko s’en voulu aussitôt d’avoir des pensées aussi triviales en cet instant, mais il ne pouvait s’en empêcher. La soif commença aussi à se faire ressentir. Il faut que je sorte, c’est plus possible. Il dévisagea Cyrastès qui n’avait pas bougé un muscle et culpabilisa de nouveau. Il faut que je le sorte d’ici. Il va finir par fondre. Pour la première fois, il leva les yeux vers le cercueil. Ce n’était qu’une boîte vide. Les corps étaient aussitôt rapatriés aux parents, ne laissant pour la cérémonie d’adieu qu’un cercueil inhabité aux amis qui voulaient offrir un dernier adieu. Citseko ne prit pas la liberté de proposer à Cyrastès de partir. S’il voulait rester, c’était son droit et peu importe l’inconfort de Citseko, celui-ci n’avait pas l’intention de perturber l’héritier d’or pour si peu. Mais la déshydratation ne fera de bien ni à l’un, ni à l’autre.
L’héritier d’argent se leva, laissant son sac au cas où Cyrastès aurait des doutes sur son retour. Il trouva un second souffle en retrouvant l’air frais et courut jusqu’à la cafétéria pour acheter deux bouteilles d’eau. Il but la moitié de la sienne sur le chemin du retour.
De nouveau dans l’endroit étouffant, Citseko approcha l’héritier d’or sans trop savoir comment lui proposer l’eau. Il n’osait toujours pas prononcer un mot, craignant de se montrer plus blessant que réconfortant sans le vouloir. Finalement, il plaça la bouteille devant les yeux du garçon qui ne sembla pas la voir. Inquiet, Citseko déboucha sa bouteille pour verser délicatement le reste de l’eau sur la tête de l’héritier d’or en murmurant :
-C’est juste pour te rafraîchir un peu. Pardon.
Il grimaça sous l’impression que ses mots emplissaient la pièce. Cyrastès ouvrit la bouche pour aspirer l’air comme un noyé qui retrouverait la surface. Clignant des yeux, il se tourna vers l’héritier d’argent. Citseko s’empressa d’ouvrir la deuxième bouteille d’eau et de lui tendre en s’excusant encore. Cyrastès prit de longues gorgées pendant que Citseko retournait à sa place. Quand il eut finit de boire, l’héritier d’or posa la bouteille près de lui, sans prendre la peine de la fermer. Puis, les deux garçons se fixèrent un bon moment. Citseko se demandait s’il ne devait pas s’excuser pour le conseil qu’il avait donné, ne devait-il pas au moins demander si cela avait un rôle à jouer dans la mort de l’adolescente ? A force de penser à cela, il sentit les larmes lui monter aux yeux.
-Je n’ai pas suivi ton conseil.
Citseko battit des paupières, surpris d’entendre la voix enrouée de Cyrastès :
-Pardon ?
Ils murmuraient tous les deux même s’il n’y avait personne qu’ils puissent déranger.
-Je n’ai pas suivi ton conseil. Je ne suis pas allé lui parler. Je pensais que j’avais le temps.
Malgré lui, Citseko laissa échapper un soupire de soulagement que l’héritier d’or remarqua :
-Ce n’est pas ta faute. Même si je lui avais parlé, ça n’aurait pas été ta faute.
Citseko s’empressa d’effacer les larmes qui s’échappaient aux coins de ses yeux. Il renifla avant de dire :
-Je suis désolé. Je sais que c’est égoïste, mais j’arrivais pas à penser à autre chose.
Cyrastès eut un léger sourire :
-Je sais. Ta tête en dit long, tu sais.
Non, je ne savais pas. Il ramena ses jambes contre lui et fixa ses genoux, trop gêné par son attitude pour oser continuer à regarder Cyrastès en face. Un nouveau silence s’installa entre eux.
-Ce n’est pas elle qui l’a tué.
Citseko releva la tête :
-La rivale ?
Cyrastès avait vidé sa bouteille et jouait distraitement avec en parlant :
-Oui. Apparemment ce n’est pas elle. Un allié sans doute.
-Tu sais lequel ?
-Il y en a tellement.
Citseko n’osa pas demander s’il avait l’intention d’enquêter, s’il avait l’intention de la venger. Est-ce qu’il lui a seulement dit ce qu’il ressentait pour elle ? Il aurait voulu que ce soit le cas. Il avait toujours été clair, à ses yeux, que le couple partageait plus que de simples petites disputes théâtrales. Après encore un long moment de silence, Citseko reprit conscience de la chaleur qui les entourait.
-Tu ne crois pas que l’on devrait sortir ? Juste prendre un peu l’air, devant et on revient.
Cyrastès leva le regard vers les vitres :
-Tu crois qu’ils l’ont fait exprès ? Pour qu’on finisse par partir de nous-même ?
Citseko nota les yeux brillants de larmes, mais fit semblant de rien en répondant :
-Peut-être, mais on est pas obligé de partir. On va juste devant la porte pour se rafraîchir.
Comme l’héritier d’or ne semblait pas prêt à bouger, Citseko proposa :
-Je peux rapporter des bouteilles si tu préfères.
Cyrastès commença soudain à pleurer :
-Y a personne dans cette foutue boîte.
Citseko s’efforça de se contenir. On ne peut pas être deux à pleurer. D’une voix à peu près maîtrisée, il réussit à dire :
-Je sais.
-Alors pourquoi je peux pas partir ?
Citseko ne sut que répondre et préféra garder le silence. Il laissa pleurer Cyrastès jusqu’à ce qu’il se calme, attendit encore quelques minutes avant d’oser demander :
-Est-ce que tu veux venir avec moi chercher des bouteilles d’eau ?
Cyrastès s’essuya le visage avec sa manche, puis hocha la tête. Citseko se leva, attendit que l’héritier d’or l’imite avant de ramasser sac et bouteilles. Ils marchèrent lentement vers la porte, passèrent le seuil et s’arrêtèrent juste devant. Citseko proposa encore :
-Tu peux m’attendre ici, si tu veux. Je reviens avec l’eau.
-Si je pars, ils vont l’emmener.
Bien que ce ne soit pas une question, Citseko hocha la tête :
-C’est pour ça, si tu préfères, tu peux rester là et je vais chercher les bouteilles.
L’adolescent gardait les yeux sur les marches et pendant un instant, Citseko crut bien qu’il replongerait dans son mutisme. Alors, l’héritier d’argent descendit les marches et une fois en bas, demanda encore, patiemment :
-Tu veux venir ou tu veux rester ?
Un autre instant s’écoula où ils se fixèrent en silence. L’un attendant la décision de l’autre. Quand Cyrastès commença à descendre les marches, Citseko rappela :
-Cela ne me dérange pas d’y aller seul. Je peux te retrouver là.
L’héritier d’or secoua la tête en le rejoignant, les yeux au sol :
-Non. On ne revient pas.
-T’es sûr ?
Cyrastès releva la tête d’un air résolu :
-Oui. C’est une boîte vide.
Il prit la direction de la cafétéria, Citseko près de lui. Le retour au milieu des autres héritiers lui parut étrange. Le bruit, les rires, les jeux. Citseko eut le sentiment de sortir d’un véritable tombeau et de revenir au milieu des vivants.
Lorsqu’ils poussèrent les portes de la cafétéria, la première chose que Citseko aperçut fut Meb et ses amis. Une seconde, il oublia de respirer. Cyrastès s’avança de quelques pas avant de se rendre compte que l’héritier d’argent ne suivait plus :
-Qu’est-ce qu’il y a ?
Citseko ne répondit pas, obnubilé par Meb qui les avait aperçu et se dirigeait vers eux à pas furieux :
-Tu peux m’expliquer ce que tu fous ?!
Cyrastès se retourna, ne laissant passer aucune expression sur son visage en apercevant son ennemi. Citseko se ratatina en espérant devenir soudain invisible. Les yeux au sol, il écouta Meb qui continuait de le réprimander comme un enfant :
-Tu peux m’expliquer ce que vous faites ensemble ?! Tu peux me rappeler ce que je t’ai dis à la fin du Grand Jeu ?!
Citseko marmonna :
-Je ne devais plus le voir, mais c’est particulier…
-J’en ai rien à foutre !
Cyrastès lâcha brutalement :
-Ma fiancée est morte.
Meb détacha son regard de l’héritier d’argent pour le porter vers l’héritier d’or :
-C’est une blague ?
Citseko vit les larmes poindre aux yeux de Cyrastès. Meb sembla culpabiliser une seconde, mais il se ressaisit rapidement pour ordonner sèchement à son héritier d’argent :
-Viens.
L’adolescent ne le suivit pas tout de suite. Il jeta d’abord un regard inquiet et interrogateur vers Cyrastès. Celui-ci lui fit un signe de tête :
-Ça va aller. Merci pour tout.
-Citseko !
L’héritier d’argent se précipita, culpabilisant de laisser Cyrastès seul. Il garda toutefois un œil sur lui jusqu’à ce qu’il quitte la salle après avoir acheté une bouteille d’eau.
-C’était lui ?
Gondémàr posa la question avant même que Meb et Citseko ne soient assis.
-Oui, c’est lui.
-Et toi, qu’est-ce que tu foutais ?
L’héritier d’argent ne sut que répondre et préféra s’asseoir en silence. Dsouphan mit son grain de sel :
-Je suppose que tu lui parlais pas pour lui prendre des infos. Ça ne t’a sûrement pas traverser l’esprit.
Gondémàr ajouta :
-C’est vrai que, quitte à désobéir à son héritier d’or, se serait con que ce soit utile.
Meb intervint :
-C’est exceptionnel pour le coup.
Citseko devina qu’il culpabilisait probablement de son comportement. Cependant, Gondémàr fit remarquer :
-Ouais, mais une exception après une exception, ça finit par devenir une habitude. Il faut que tu lui fasses comprendre dès maintenant.
Meb se tourna vers Citseko avec un regard lourd de menace :
-Mais il a compris, n’est-ce pas ?
L’héritier d’argent hocha la tête. Est-ce qu’il ne risque pas de retourner à la cérémonie d’adieu maintenant qu’il est seul ? Ils ne vont quand même pas le mettre dehors s’il veut revenir, si ? Et s’il se planque dans un coin et ne bouge plus ? Il va peut-être juste retourner dans sa chambre ou retrouver des amis. La vision de la grande salle vide s’imposa à son esprit. Où avaient été ses amis à ce moment-là ? Ils étaient peut-être déjà parti. Je pourrais peut-être essayer de le retrouver après. Voir comment il va. C’est con, je ne lui ai pas demandé le numéro de sa chambre.
Autour de lui, la discussion continuait, mais il n’arriva pas à se concentrer. Son inquiétude le rongea si bien que dès que Meb lui permit de rejoindre sa chambre, Citseko s’éclipsa pour retourner au bâtiment des cérémonies.
La porte était fermée. L’héritier d’argent resta les bras ballants ne sachant que faire ensuite. Après avoir tourné toutes les options dans sa tête, il conclut que sa seule réelle solution était de retourner sagement dans sa chambre. S’il a besoin, il viendra me voir, non ? Il l’a déjà fait. Sauf s’il n’ose pas à cause de Meb. De toute façon, tu ne peux rien faire d’autre pour l’instant. Si encore tu savais où il aimait traîner ou le numéro de sa chambre.
Il avait fait le chemin retour sans vraiment s’en rendre compte, plongé dans ses réflexions, essayant de se rassurer. Citseko entra dans sa chambre, triste et déçu. Il s’étonna de voir que Nsoah n’était pas là, alors que l’adolescent était toujours le premier rentré. Son cœur manqua un battement lorsqu’il découvrit un corps sur son lit. La surprise passée, Citseko fut submergé de soulagement en reconnaissant Cyrastès. L’héritier d’argent rassembla les chaussures éparpillées et les posa correctement au pied du lit. En relevant les yeux, il croisa le regard de l’héritier d’or qui marmonna d’une voix endormie :
-Je me suis dis que tu voudrais pas que je reste seul.
Citseko eut un sourire qu’il voulut rassurant :
-Tu as eu raison.
L’héritier d’argent suivit le regard de Cyrastès qui dévia pour fixer un coin de la chambre. Il y découvrit Nsoah, prostré.
-Lui, il est pas bien là.
L’héritier d’or referma les yeux et sembla s’endormir aussitôt. Citseko s’approcha de Nsoah. Il n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche que l’héritier d’argent levait la tête pour fixer le pied du lit, les yeux brillant de larmes :
-Il est triste.
Citseko s’agenouilla près de lui pour lui parler doucement :
-Oui, mais je crois qu’il ne veut pas qu’on le sache.
Nsoah grimaça de douleur :
-Mais ça fait mal.
Citseko ne comprenait pas exactement comment l’adolescent percevait les autres, mais il avait remarqué que certaines de ces choses qu’il percevait semblaient le faire souffrir physiquement.
-Tu veux que j’appelle Tahiya ?
-Non, il faut que tu restes là où je peux te ressentir,
Citseko supposa qu’il lui demandait de rester à côté de lui et s’adossa à son bureau. Puis, comme il lui parut que cette situation allait durer un certain temps, le garçon attrapa ses cours pour commencer ses révisions. Les cours à proprement parlé étaient terminés. A présent, la classe consistait en préparation des examens.
L’adolescent ne tarda pas à sentir ses yeux se fermer. Les mots s’embrouillèrent, il sauta des passages, dû relire un paragraphe avant d’estimer qu’il était inutile de lutter. Baillant à s’en décrocher la mâchoire, l’héritier d’argent remarqua que Nsoah s’était endormi. Citseko le poussa doucement du bout de son crayon, sachant qu’il n’appréciait pas les contacts, et l’appela dans un murmure. Ce fut suffisant pour que le garçon se redresse.
-Tu devrais aller dormir dans ton lit. Tu vas avoir des courbatures.
Nsoah se frotta le visage en baillant :
-Il est dans ton lit.
Citseko jeta un regard par-dessus son épaule pour voir que Cyrastès était toujours endormi :
-Oui, j’irai dormir à l’hôpital.
Nsoah se leva et sortit pour se changer dans la salle de bain. Malgré ce qu’il venait de dire, Citseko n’était pas très motivé pour parcourir les quelques mètres qui le séparés de l’hôpital. Mais tu veux dormir où ? Sur le sol ? Il observa la fine moquette. Pourquoi pas ? L’adolescent remit ses affaires sur son bureau et s’y installait quand Nsoah revint pour se glisser dans son lit.
-Bonne nuit, Citseko.
-Bonne nuit.
Le garçon éteignit les lumières et revint à son bureau sur lequel il croisa les bras pour poser sa tête. Malgré l’inconfort de la position, il s’endormit en quelques minutes. Une main le secoua pour le réveiller :
-Va dans ton lit. Je vais y aller.
Citseko observa Cyrastès dans un demi-sommeil, encore trop inconscient pour vraiment saisir ce qu’il lui disait. Cependant, l’héritier d’or le tirait doucement par le bras :
-Allez, au lit.
Citseko continuait de le dévisager en essayant de mettre le doigt sur ce qu’il trouvait étrange. Ce n’est qu’une fois debout qu’il réalisa de quoi il s’agissait :
-Oh, mais la porte est fermée. Il fait nuit.
Cyrastès continua de le guider vers le lit :
-C’est bientôt l’heure.
Il l’aida à retirer ses chaussures et l’encouragea à s’allonger pendant que Citseko insistait :
-Mais tu peux dormir encore un peu, alors. Je peux rester au bureau. Ça ne me dérange pas.
-Je sais, je sais.
Au chaud sous sa couette, il lutta pour rester réveillé tandis que l’héritier d’or s’asseyait au bureau. Le voyant qui jetait un œil à ses cahiers, Citseko demanda :
-Vous avez exactement les même cours que nous ?
L’héritier d’or se tourna vers lui :
-Mais dors. Tu vas pas tenir en classe sinon.
-Je vais te tenir compagnie en attendant que la porte s’ouvre.
Cyrastès haussa un sourcil :
-Je parie que tu dormiras avant.
Je crois aussi, en fait. Il eut un sursaut en se souvenant d’une question importante :
-C’est quoi le numéro de ta chambre ?
-Tu profites d’un homme à terre pour lui soutirer des infos ?
Citseko se défendit :
-Non, non, pas du tout. C’était…
L’héritier d’or eu un rire sans âme, mais un rire tout de même :
-Je sais. Détends-toi. Dors.
Comprenant qu’il ne répondrait pas, Citseko sentit ses paupières s’alourdir. Cependant, il réussit encore à souffler :
-Tu veux profiter d’un homme à terre pour fouiller mon bureau ?
Si Cyrastès entendit la question ou s’il réagit, Citseko n’aurait pu le dire car il s’endormit à cet instant. Ce fut de nouvelles secousses qui le réveillèrent. Il ouvrit les yeux pour découvrir le visage de Nsoah et le ciel qui s’éclaircissait à la fenêtre. J’ai loupé mon réveil ! Une pression lui enserra soudain la poitrine à cette idée et il se redressa en panique. Ses yeux tombèrent sur l’horloge lui permettant de réalisait qu’il n’avait dormit qu’une minute de plus que d’ordinaire.
-Tu ne t’es pas réveillé, alors je t’ai réveillé.
-Merci, Nsoah.
-Cyrastès est parti.
Sur ces paroles, l’adolescent fit son sac et sorti. Citseko réalisa dans le même temps qu’il avait dormi habillé et qu’il s’endormirait probablement en classe. Après s’être lavé, changé et préparé, il rejoignit Meb et ses amis pour le petit-déjeuner. Le garçon ne pouvait s’empêcher de regarder alentours si il n’apercevait pas Cyrastès. Étonnement, il réussit à rester réveiller malgré l’ennui des révisions. Citseko avait parfois le sentiment qu’il était le seul de la classe à travailler. Ou c’est juste l’ambiance générale qui donne cette impression. Les quatre héritiers du clan Juéllit ne semblaient pas s’être réconcilié et Neghttris ne faisait que dessiner sur son cahier. Falibi était régulièrement rappelé à l’ordre par les surveillants car elle discutait avec Laxo. Indilk semblait broyer du noir. Comme à son habitude, en même temps. Après une observation discrète de la salle au complet, il lui parut que tous les autres étaient concentrés. Ou ils dessinent comme Neghttris.
-Les yeux au tableau, s’il vous plaît.
Dans un bruissement de papier et un mélange de soupirs, les adolescents se redressèrent, changeant de position mais tous avec une expression d’ennui profond. Citseko nota avec soin l’exercice proposait par l’enseignant, repoussant ses pensées qui ne concernaient pas les révisions.
Pendant deux jours, il n’eut pas de nouvelles de Cyrastès et estima qu’il était prit aussi par ses devoirs. L’héritier d’argent avait pris l’habitude de travailler dans la cours intérieur du dortoir, entre deux colonnes des couloirs de passages. Ceux-ci formaient un carré autour d’un espace herbeux inondé de soleil. Jambes croisés, assis au bord du passage qui le gardait à l’ombre, ses affaires sur l’herbe devant lui, Citseko était assez satisfait. Son organisation lui permettait d’y voir clair et même si certains points de cours l’inquiétaient, il savait qu’il aurait le temps d’y revenir. Décidé à prendre une pause, il refermait son cahier quand un poids se fit sentir dans son dos. Quelqu’un s’appuyait contre lui et ignorant de qui il s’agissait, Citseko se figea :
-C’est qui ?
-C’est moi.
Il se détendit en reconnaissant Cyrastès et chercha Meb du regard par automatisme.
-Il est en train de jouer. Il joue tout le temps, lui ? Jamais il bosse ?
Citseko eut un sourire. Et toi ? Qu’est-ce que tu fais là ? Cyrastès ajoutait déjà :
-Tu me diras, je suis pas en train de bosser non plus.
L’héritier d’argent tenta de se tourner, mais l’adolescent appuyait son dos contre le sien de tout son poids :
-Tu vas bien ?
-Oui. Pourquoi ?
Citseko se demanda s’il devait lui dire qu’il parlait d’un air absent, éteint. En même temps, il a des raisons de ne peut pas se sentir bien et de ne pas travailler. L’adolescent regretta de ne pas savoir quoi dire pour le consoler. Il préféra garder le silence en attendant de voir ce que voulait l’héritier d’or. Seulement, celui-ci ne prononça pas un mot de plus. Le silence qui s’éternisait ne dérangea pas Citseko. Il se perdit dans la contemplation des rayons du soleil sur l’herbe.
-Du coup, Dsouphan, c’est un copain de Meb ?
L’héritier d’argent battit des paupières en sortant de sa rêverie :
-Dsouphan ? Tu le connais ?
-Tu essais de me soutirer des informations encore.
Citseko eut un sourire :
-C’est toi qui a commencé en demandant s’il connaissait Meb.
-C’est une question rhétorique. Je me doute qu’ils sont amis puisque je les ai vu jouer ensemble. Toi, tu me demandes une information nouvelle.
L’héritier d’argent se défendit :
-Non, c’est pareil. Puisque tu connais son prénom et que tu me parles de lui, alors qu’il traîne avec deux autres héritiers, je me doute que tu le connais déjà.
-C’est vrai.
Il attendit un peu avant que Cyrastès ne se lance :
-Nos clans sont dans la fabrication de masque.
-Une rivalité de production alors.
-Pas tellement. Ils sont pourris les leurs. Mais ils ont pris la grosse tête parce que, apparemment, l’un des Cinq leur aurait passé des commandes.
Citseko s’étonna :
-C’est vrai ?
Cyrastès eut un raclement de gorge dédaigneux :
-Tu parles.
Sujet à éviter donc.
-Pas étonnant qu’ils se soient joint au clan de Meb.
C’est alors que la porte du passage d’en face s’ouvrit et Citseko vit passer le groupe d’Hiloy accompagné d’Elférad. De surprise, il se redressa ce qui attira l’attention de Cyrastès :
-Qu’est-ce qui t’arrive ?
-Rien, rien.
Cependant, l’héritier d’or eut le temps d’apercevoir le petit groupe :
-C’est Abîme, non ?
Citseko ne put que hocher la tête en espérant qu’il passerait à autre chose. Il ferma les yeux avec une teinte de désespoir quand Cyrastès se leva d’un bond :
-Viens, on les suit.
L’héritier d’argent lutta d’un ton suppliant :
-Non, pourquoi faire ?
Cyrastès lui saisit le poignet pour le tirer doucement :
-Pour s’occuper, viens. Ça va être amusant.
Citseko pesa de tout son poids en arrière :
-Non, non. Ça ne nous regarde pas.
L’héritier d’or le lâcha pour soupirer :
-Je suis désolé. C’est juste que j’ai besoin de me changer les idées.
Citseko le soupçonnait de faire un peu de comédie malgré un fond de sincérité.
-Tu ne veux pas que je te dise ce que j’ai vu dans les bois plutôt ?
Dans la seconde, Cyrastès se retrouva assis face à lui :
-Je suis tout ouïe.
-Un garde.
Ils se dévisagèrent un instant, puis l’héritier d’or répéta :
-Un garde.
Citseko hocha la tête.
-Un garde, garde ?
Nouvel hochement de tête.
-Et ?
L’héritier d’argent haussa les épaules :
-Il m’a dit de rentrer.
Cyrastès était visiblement déçu :
-T’es sûr qu’il ne cachait pas un monstre.
-Je ne pense pas, non.
-C’était quand ?
Citseko n’essaya pas de se souvenir de la date exact :
-Il y a longtemps déjà.
Cyrastès fit la moue, puis se releva :
-On les suit maintenant.
-Quoi ?
L’héritier d’or courut pour retrouver le groupe d’Hiloy. Citseko hésita une seconde avant de le suivre. Après tout, s’il n’avait pas attiré l’attention du garçon sur eux, il n’aurait pas eu l’idée de les espionner. S’il se fait prendre, il faudra bien que j’explique que c’est ma faute. Il ramassa ses affaires et courut le rejoindre, mais le garçon n’était pas bien loin. Arrêté dans l’entrée du bâtiment, il se demandait probablement quel chemin le groupe avait emprunté.
-On les a perdu. On devrait se remettre au travail, tu ne crois pas ?
Cyrastès sourit :
-On va enquêter.
Sur ces paroles, il sortit du bâtiment pour rejoindre les jardins extérieur :
-Où est-ce qu’ils allaient, à ton avis ?
-Mais pourquoi tu veux le savoir ? Ils vont peut-être juste réviser…
-T’as un problème avec les révisions. Il faudrait voir à corriger tes obsessions.
-A t’écouter j’ai beaucoup de chose à corriger.
-Ne t’inquiètes pas. Un jour, tu seras parfait. Pas autant que moi, mais quand même.
Citseko rit discrètement tandis que Cyrastès continuait à tourner en rond en cherchant l’inspiration. L’héritier d’argent devinait qu’il n’avait aucune raison de s’intéresser soudain à lae Cinquième, mais comme il l’avait dit, juste un besoin de s’occuper.
-On peut aller dans les bois pour voir pourquoi le garde était là, si tu veux ?
Cyrastès lui fit face :
-Si ça fait longtemps, il ne doit plus rien avoir d’intéressant.
Citseko se mordit la lèvre. Mais je ne veux pas espionner lae Cinquième. Cyrastès prit soudain un air de conspirateur :
-Ou peut-être qu’il y a bien un monstre et qu’ils étaient envoyés pour le garder.
L’héritier d’argent vit bien qu’il plaisanter et poursuivit sur un ton de confidence :
-Tu veux dire une Bestiole ?
-Exactement. La reine des Bestioles. C’est ce qui leur permet de les contrôler.
-Mais pourquoi ils seraient partis maintenant ?
Ils y réfléchirent un instant avant que Citseko ne propose :
-Peut-être parce que c’est la fin de l’année. Ils l’ont rangé.
-Dans un tiroir, bien plié.
Citseko éclata de rire à cette image :
-Oui, sans doute.
-Tiens, en voilà une autre de Bestiole.
Citseko se retourna pour voir de qui il parlait et son sourire disparut lorsqu’il se retrouva face à Meb. Avant que l’héritier d’or ne put exprimer sa colère, Cyrastès apostropha le garçon qui l’accompagnait :
-Alors, Dsouphan, comment ça va ?
Aussitôt, ses trois amis oublièrent Citseko pour se tourner vers l’interpellé:
-Tu le connais ?
Dsouphan rougit sous l’effet de la colère :
-Mais non !
Cyrastès eut l’air choqué :
-Comment ça ? Ça me blesse ce que tu dis là.
Même Chalien commença à interroger le garçon tandis que Citseko se tournait vers Cyrastès pour articuler un remerciement sans prononcer un son. L’héritier d’or fit un geste signifiant qu’il demandait s’il devait partir. Citseko hocha la tête, puis Cyrastès articula, comme il l’avait fait, sans prononcer aucun son :
-Ça va aller ?
Nouvel hochement de tête. Comme l’héritier d’or s’éloignait, Citseko inspira profondément avant de se décider à faire face à Meb et ses amis. Ceux-ci étaient encore offusqués de découvrir que Dsouphan n’avait pas mentionné connaître Cyrastès. Le ton entre Gondémàr et Dsouphan avait particulièrement augmenté et ce dernier mit fin à cette situation en déclarant fermement :
-C’est une rivalité de clan, c’est pas comme si on était pote, c’est bon !
Meb était silencieux, bras croisé, mais quand Chalien fit remarquer que Cyrastès était partit, il fit volte-face. Citseko manqua s’étrangler quand il le saisit au col pour le tirer violemment :
-Viens par là toi.
Gondémàr retrouva sa bonne humeur en déclarant :
-Ça va barder.
Meb ramena l’héritier d’argent dans la cour intérieur :
-Qu’est-ce que tu fous, encore ?! T’en as pas marre de faire des conneries ?! Tu réfléchis un peu ?! Tu fous tout le monde dans la merde là !
Citseko garda les yeux baissés et son manque de réaction finit par épuiser Meb qui reprit plus calmement :
-Je comprends que ça doit être difficile pour lui en ce moment, mais réfléchis. Pourquoi il vient te voir ? Il sait que tu es mon héritier d’argent. Il essait de t’apitoyer pour te ranger de son côté, que tu lui files des informations.
Citseko marmonna :
-Je n’aurais rien d’intéressant à lui apprendre.
Meb se remit en colère :
-Qu’est-ce que t’en sais ?! Des trucs qui ne paraissent pas importants pourraient lui être intéressant. C’est pas parce que les gens sont gentils qu’ils t’aiment bien, tu sais ? C’est un manipulateur.
Citseko se souvint de Cyrastès lors du Grand Jeu. La façon dont il avait manipulé l’autre héritier d’or lui laissait penser que Meb avait raison. Mais je m’en suis rendu compte qu’il le manipulé. Je m’en rendrais compte s’il me manipulait aussi. Sauf si c’est justement parce que c’est moi qui suis concerné que je ne le vois pas. C’est toujours la personne concernée qui ne se rend compte de rien.
-Mais j’ai vraiment pas l’impression qu’il m’utilise.
Comme il parlait trop bas, Meb s’approcha :
-Quoi ?
-Les circonstances sont particulières. Je ne pense pas qu’il en profite pour chercher…
-Mais si ! Justement ! Le fait que tu penses ça montre que tu t’es fait avoir.
Citseko n’était pas d’accord mais pour couper court à la discussion, il hocha la tête :
-Tu as sans doute raison.
-Sûrement oui. Alors, à partir de maintenant, tu le laisses se démerder, c’est clair ?
L’héritier d’argent espérait simplement que Cyrastès n’avait pas suivi son plan d’espionner lae Cinquième.
-Je pense que tu devrais aller dans ta chambre, histoire de te remettre les idées en place.
Citseko n’avait aucune raison de ne pas suivre ce conseil, bien qu’il aurait préféré partir à la recherche de l’héritier d’or pour s’assurer qu’il ne faisait pas de bêtise. T’es pas son père non plus. Qu’est-ce que t’y peux s’il fait n’importe quoi ? Donc, il retourna dans sa chambre sous le regard scrutateur de Meb.
Citseko retint un sursaut en apercevant Cyrastès assis au sol entre son bureau et celui de Nsoah. Revenu de sa surprise, il ferma la porte en demandant l’air de rien :
-Je pensais que tu courais après lae Cinquième.
Cyrastès leva les yeux de ses affaires de classe qu’il avait apparemment jugé nécessaire de ramener :
-J’ai bien compris que t’étais pas pour.
L’héritier d’argent eut un demi-sourire et l’observa un temps, debout devant la porte. Je dois lui dire de partir. C’est un ordre, ce n’est pas comme si j’avais le choix. Si Meb le découvre je suis mort. Lui rendant son regard, Cyrastès semblait attendre. Il vient de perdre sa fiancée et son alliée, on ne peut pas le renvoyer comme ça. Il imaginait l’héritier d’or seul, abandonner dans un coin sans savoir vers qui se tourner. Tu dramatises. Il ira probablement vers ses amis… pourquoi il ne le fait pas maintenant d’ailleurs ? Meb aurait raison ? Il veut me mettre dans la merde ?
-Tu as quelque chose à me dire ?
Fatigué d’attendre, Cyrastès avait pris les devants. Dans le même temps, Citseko prit sa décision :
-Non, rien.
Il alla s’installer à son bureau pour ranger ses affaires. Cyrastès ne le quittait pas des yeux :
-T’es sûr ?
Citseko hocha la tête. L’héritier d’or s’appuya contre le mur :
-Tu veux me faire croire que Meb ne t’a rien demandé par rapport à moi ?
-Non. Il m’a dit de ne plus rien avoir à faire avec toi.
Cyrastès eut un sourire :
-Pas très original.
Citseko ne put s’empêcher de partager son sourire. C’est vrai qu’il se répète. Comme Cyrastès continuait de le fixer, il finit par baisser les yeux vers lui :
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Tu ne vas pas me mettre dehors ?
-Pas si tu as besoin d’aide, non.
Il espérait que Cyrastès serait encouragé à lui dire ce qu’il attendait exactement de lui, mais l’héritier d’or se contenta de le dévisager avec gratitude. Nsoah réagit soudain en annonçant :
-Il travaille dans notre chambre.
Cyrastès confirma :
-Oui, je révise. T’as vu ça ?
Il montra ses feuilles de cours à Citseko qui sourit :
-Oui, j’ai vu.
Un poing s’abattit sur la porte les figeant tous les trois. Nsoah se leva pour ouvrir avant que les deux autres adolescents ne puissent réagir. Ils échangèrent un regard qui exprimait la même interrogation : Et si c’était Meb ?
-C’est ma chambre…
-Je sais.
Citseko reconnut aussitôt la voix de son héritier d’or et sentit sa gorge se serrer au point qu’il ne put déglutir. Meb se campa au milieu de la pièce, les yeux sur Cyrastès :
-Je ne suis même pas étonné.
Cyrastès s’était ressaisit et avait retrouvé son air nonchalant :
-De quoi ?
Meb ne daigna pas jeter un regard à son héritier d’argent :
-Que tu sois là. Après tout, cela fait déjà cinq bonne minutes que j’ai dis à Citseko de ne plus se laisser avoir. Il a toujours eu la mémoire courte.
Cyrastès fronça les sourcils :
-Se faire avoir ? Pourquoi ?
-Tu crois que je ne sais pas que tu traînes avec lui pour avoir des informations sur moi ? T’es vraiment pas doué. C’est un truc qui a été utilisé des milliards de fois.
Cyrastès leva la main dans un geste apaisant :
-Alors, je ne sais pas ce que tu as en tête, mais moi, je suis là pour voir mon ami.
Meb éleva le ton :
-Citseko n’est pas ton ami.
Cyrastès hocha la tête :
-OK, moi je parle de Soupirail.
Meb était confus :
-Soupiquoi ?
Nsoah s’avança :
-On est ami. Je l’aime bien.
Cyrastès eut un large sourire :
-Il m’aime bien.
Puis, il eut soudain l’air songeur :
-Bien que je ne sache pas vraiment d’où ça lui vient.
Meb leva les yeux au ciel avant d’enfin s’adresser à Citseko :
-Est-ce qu’il faut que j’en vienne à ordonner que tu reviennes dans ma chambre ? Il faut que je te surveilles ? Tu me prends pour ton père ?
L’héritier d’argent avait fixé ses mains dès que l’adolescent était entré. Il n’en détacha pas ses yeux tandis qu’il lui posait ces questions. Ce n’est que lorsque Cyrastès reprit la parole qu’il bougea légèrement.
-Vous étiez dans la même chambre ?
Meb répliqua sèchement :
-Qu’est-ce que ça peut te faire ?
-Rien. Je me demandais juste pourquoi deux héritiers du même clan faisaient chambre à part. Il s’est passé quelque chose ?
Nsoah se mêla soudain à la discussion :
-Tahiya ne partage pas ma chambre.
Citseko lui fit doucement remarquer :
-C’est parce que c’est une fille, Nsoah.
L’adolescent haussa les épaules, retournant à son bureau. Ignorant l’intervention des deux héritiers d’argent, les deux autres garçons se fusillaient du regard. Cyrastès semblait s’amuser de la situation, mais Meb se tourna soudain vers Citseko :
-Tu vois ? Tu vois ce que je veux dire ? Il veut des informations.
Cyrastès se mit à rire :
-Calme-toi, je me laisse porter par la discussion, c’est tout.
-Ta gueule !
Citseko vit Cyrastès se figer. Son regard changea imperceptiblement et l’héritier d’argent ne pensa qu’aux lames dans ses manches. Il se décida à intervenir avec calme :
-Ce n’est pas nécessaire de changer de chambre, Meb. Je ne lui adresse pas la parole et il n’est là que pour Nsoah.
Meb secoua la tête :
-Tu me prends pour un abruti ?
Citseko croisa son regard :
-Jamais. Mais c’est la fin de l’année. Ils n’accepteront probablement pas d’autres changements de chambre.
L’héritier d’or sembla peser le pour et le contre, passant son regard sur les trois adolescents avant de déclarer d’un ton menaçant :
-Prépare-toi à une sacré discussion après l’école. Tu ferais bien de profiter de ces derniers jours.
Citseko ne s’y trompa pas. Il savait qu’il ne porterait pas l’argent l’année suivante. Il retournerait probablement dans une école commune à la prochaine rentrée.
-Qu’est-ce qu’il raconte ? Il va te priver de sortie ?
L’héritier d’argent entendit la sincère inquiétude sous le ton plaisantin de Cyrastès, mais il se contenta de sourire :
-Rien. Rien de sérieux.
Citseko porta son regard sur la fenêtre, vers les arbres de la forêt qu’il distinguait. Il se dit qu’il ferait bien de profiter le plus possible des jardins. Il n’y en a probablement pas dans les écoles communes. Ses yeux s’accrochèrent à un mouvement. Lae Cinquième et son groupe entraient dans les bois.
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