• XXVI - Elférad

    Elférad Juéllit

    Rang : Or

    Héritier de la grande famille Juéllit

     

    A un moment où un autre, ils devraient accepter qu’ils tournaient en rond depuis un sacré moment. Elférad et Neghttris s'étaient arrêtés, attendant que la seconde année qui les accompagnait ne décide à faire de même.

    L'héritier d'or avait d'une part été bien heureux de se retrouver dans un groupe avec l'un des siens. Bien sûr, il n'était pas naïf au point de s'imaginer que cela était dû au hasard. Les parents de son ami avait dû verser de l'argent au directeur pour veiller à ce que l'héritier d'argent soit avec lui. Avec tous les pots de vins qu'il doit recevoir, c'est à se demander ce qu'il fait encore comme directeur... en même temps, c'est une bonne planque. Le bémol était la présence de l'héritière d'or de seconde année qui avait aussitôt décrété qu'elle prenait la tête du groupe à cause de son âge. Elférad et Neghttris n'avaient pas lutté. Après tout, discuter des heures sur la question ne les aurait pas fait avancer. Ouais, mais là, on n'avance pas tellement non plus. La fille avait finit par s'arrêter devant le mur qui leur bloquait le passage.

    Ils s'étaient tous trois réveillés dans un tunnel, ce qui n'avait pas été pour faire plaisir à Elférad. Les néons s'allumant au plafond et l'entretien de l'endroit leur avait d'abord fait penser qu'ils étaient proche d'un refuge. Seulement, ils avaient marché, tourné, marché, tourné, encore et encore depuis des heures. Aucun d'eux n'avait décroché le moindre mot après que la seconde année se soit élue dirigeante. Elférad aurait voulu parler à Neghttris de la discussion qu'il avait eu avec Gzadien, mais il était hors de question de le faire en présence de l'héritière d'or.

     

    Les retrouvailles avec son amant ne s'étaient pas déroulées d'une façon aussi idyllique qu'il aurait pu l'imaginer. A peine la porte fermée qu'ils n'avaient pas perdu de temps en paroles inutiles et chacun avait lancé la conclusion à laquelle ils étaient arrivés après tous les événements qui leur étaient arrivés. Elférad s'était d'abord trouvé sans voix en entendant Gzadien annoncer qu'il se pensait menacé par ses parents. Au final, tout ce qu'il avait pu dire fut :

    -Mes parents à moi ?

    Gzadien avait hoché la tête. Découvrir qu’il était arrivé à la même conclusion que lui, sans qu’ils se soient consultés, l’avait émerveillé. Après tout, n'était-ce pas ses parents qui, fous de douleur à la mort de son frère, avait exilé toute une famille sans preuve de leur culpabilité ? S'ils avaient eu vent de sa relation avec Gzadien, ils auraient en effet pu agir de façon si absurde. Elférad avait déjà songé à tout ça, cependant, une opposition de taille lui avait soudain traversé l'esprit. Ses parents n’auraient pas envoyé un espion pour l’étrangler :

    -J’y ai songé aussi, mais est-ce que ça ne veut pas dire que mes parents auraient essayé de m'assassiner ?

    -L'espion s'est peut-être trompé. C'était sans doute moi qu'il visait.

    Elférad avait haussé un sourcil dubitatif :

    -Si j'avais été dans notre chambre, je veux bien. Mais il espérait trouver qui dans la chambre de Neghttris ?

    Gzadien n'avait su que dire. Quand, après un moment de réflexion, Elférad avait supposé que la seule autre option aurait été que les parents de l'héritier d'argent soient les responsables, celui-ci avait aussitôt détourné la situation contre ceux d'Elférad. Du blocage de son amant, l'héritier d'or en avait profité pour répéter :

    -Moi, je crois que c'est les tiens. L'espion a pu être envoyé par eux.

    Gzadien avait secoué la tête :

    -Ils n'auraient jamais eu l'argent pour arranger un truc pareil.

    -Ton clan les a peut-être aidé.

    L'héritier d'argent avait serré les lèvres. C'était au final, plus logique. Sa famille avait pu promettre au clan une place de choix s'ils arrivaient à se débarrasser d'Elférad. Une fois, l'héritier éliminé, ses parents se seraient probablement effondrés. Le clan Juéllit serait beaucoup plus vulnérables, plus facile à s'approprier. Finalement, quand ils avaient entendu les hauts-parleurs, ils n'avaient pu arriver à aucune conclusion. Ils s'étaient regardés un instant, comme pour se demander si c'était une blague, puis Gzadien l'avait embrassé et ils étaient sortis. Elférad ne s'était pas changé avant de se rendre à l'hôpital et portait encore son uniforme. Aussi, il fut arrêté par un surveillant avant même d'avoir atteint sa chambre. Sans même avoir pu voir ses amis, il avait été emmené dans une voiture et endormi.

     

    La présence de Neghttris était donc un véritable soulagement, même si celle de l'héritière d'or était plus inquiétante. Jusque là, les deux garçons avaient prétendu ne pas se connaître. Allez savoir comment la fille aurait réagit si elle avait compris qu'ils étaient dans le même clan. Elférad n'avait pas pour habitude de sous-estimer qui que ce soit. Elle pouvait très bien se montrer plus forte qu'eux deux réunis. Il avait donc choisi de l'observer un moment. Mis à part finir dans un cul-de-sac, on n'a pas vu grand chose.

    -Il y a une sorte d'échelle.

    Neghttris et son héritier d'or échangèrent un regard avant d'avancer jusqu'au mur. Il y avait en effet un semblant d'échelle grossièrement creusée dans la paroi. Elférad n'avait aucun doute que les prises ne seraient pas pratiques et les chances de se rattraper en cas de glissade, quasiment nulles. Après, le plafond n'est pas bien haut. La fille reprit :

    -Il doit y avoir un passage pour passer au sommet.

    Sans qu'aucune autre parole ne soit prononcée, Neghttris prit sur lui de s'engager le premier. Quand il ne put aller plus haut, l'héritier d'argent les informa :

    -Il y a un espace entre le mur et le plafond. On peut passer.

    Lorsqu'il vit qu'il commençait à se glisser dans un intervalle qui ne permettait que de ramper, Elférad fit de son mieux pour contenir son angoisse :

    -Fais gaffe à la descente quand même.

    Neghttris lui répondit, le souffle coupé par l'effort :

    -Il y a une corde de l'autre côté. Je l'ai.

    Il disparut et les deux héritiers d'or purent l'entendre bientôt marcher de l'autre côté. L'adolescente finit par demander :

    -Qu'est-ce que tu vois ?

    Neghttris répondit :

    -Un couloir, comme de l'autre côté.

    L'héritière d'or se tourna vers Elférad :

    -J'y vais ?

    Le garçon haussa les épaules :

    -Comme tu veux.

    Comme elle commençait à grimper, le garçon jeta un regard inquiet vers le couloir qu'ils allaient quitter. La lumière blafarde des néons donnait un aspect fantomatique aux alentours, comme si quelque chose allait surgir au coin, rampant ou courant droit sur l'adolescent. Elférad ne tenait pas à être seul trop longtemps à cet endroit. En observant ce couloir, une pensée le frappa soudain. Il se tourna vers le mur, revint au couloir en fronçant les sourcils. Pourquoi avoir mis un obstacle de ce genre si c'est le même couloir de l'autre côté ?

    -C'est quoi le but de ce mur ?

    -T'as dit quelque chose ?

    Réalisant que la fille était passée, l'adolescent grimpa l'échelle et se glissa de l'autre côté le plus rapidement qu'il put. Une fois avec les autres, il demanda aussitôt :

    -Vous ne trouvez pas ça bizarre qu'il y ait un mur de ce genre ici ? A quoi ça sert ?

    Neghttris se tourna vers l'obstacle à son tour, plongé dans ses réflexions. En revanche, l'héritière d'or répondit :

    -On doit être entré dans une zone de piège.

    Les deux garçons la dévisagèrent :

    -De piège ?

    Elle hocha la tête en scrutant le nouveau couloir avec attention alors que les deux garçons échangeaient un regard. Neghttris ajouta :

    -Pourquoi ils mettraient des pièges ? Le but des Grands Jeux est quand même de garder un maximum d'héritier. On a déjà les Bestioles, ce serait con de nous en remettre une couche.

    La jeune fille se tourna vers eux avec un air de pitié :

    -Ne me dites pas que vous y croyez encore ?

    Elférad ne put s'empêcher de se sentir honteux, même s'il ignorait pourquoi exactement. Les sentant perdu, l'héritière d'or reprit plus doucement :

    -Vous savez qu'à l'origine, l'école des héritiers n'est qu'une prise d'otage à peine déguisée. Les Grands Jeux étaient un moyen que le roi utilisait pour montrer son pouvoir de vie ou de mort aux clans.

    Neghttris acquiesça :

    -Oui, mais c'était à l'origine. Cela fait des siècles que cela a changé.

    Elle haussa les sourcils :

    -Vraiment ? Et qui te l'a dit ?

    L'héritier d'argent ouvrit la bouche pour répondre avant de s'arrêter et de se tourner vers Elférad. Celui-ci avait probablement la même réponse en tête. On apprend ça à l'école. L'adolescent finit par dire :

    -Nos parents nous en auraient parlé s'il y avait des pièges prévus.

    La fille répartit :

    -Qui te dis qu'ils en ont le droit ?

    Neghttris ajouta :

    -Personne ne laisserait venir ses enfants si l'école tentait de les tuer.

    -Qui te dit qu'ils ont le choix ?

    Une perspective qu'Elférad n'aurait jamais cru possible. Un nouveau regard à Neghttris avant qu'il ne demande :

    -Que doit-on faire alors ?

    L'adolescente retira une de ses bottes :

    -On va commencer simple. Je vais voir si ça déclenche quelque chose quand j'envoie ma chaussure.

    Une fois son projectile de fortune en main, elle leur fit signe de reculer :

    -Contre le mur. On ne sait pas l'ampleur de ce qui va se produire.

    A ce point-là. L'héritière d'or jeta sa botte le plus loin possible et ils attendirent un quelconque événement. Au bout d'une minute, Neghttris glissa :

    -Ça a l'air sûr.

    La fille plissa les yeux, puis décida de s'avancer pour aller chercher sa chaussure, restant méfiante. A peine fut-elle éloignée de trois pas que toutes les lumières s'éteignirent. Elférad tâtonna aussitôt pour actionner la lampe de sa tablette. Un regard à ses côtés lui permis de discerner la lumière provenant de l'appareil de Neghttris. Ils rejoignirent la fille qui nouait ses lacets dans l'obscurité.

    -Tu sais ce que cela signifie ?

    Elle leva la tête, plissant les yeux dans la lumière de la lampe d'Elférad qui baissa le bras :

    -Les lumières qui s'éteignent ? Rien de bon, j'en ai peur.

    Neghttris demanda :

    -Est-ce qu'une Bestiole pourrait se trouver là ?

    La jeune fille se releva :

    -C'est possible. On reste groupé.

    Évidemment. Ils progressèrent avec précaution dans un silence que l'obscurité rendait encore plus étouffant. Au bout d'une bonne vingtaine de minute de marche, Elférad annonça :

    -Hey, il y a un couloir là.

    Les deux autres revinrent à sa hauteur pour observer cette nouvelle possibilité en silence. Finalement, Elférad demanda :

    -Qu'est-ce qu'on fait ? On continue tout droit ou on va là ?

    Comme l'héritière d'or faisait passer son regard d'un couloir à l'autre en se mordillant la lèvre, Neghttris proposa :

    -On peut continuer tout droit. Au moins voir jusqu'où ça va.

    Elférad acquiesça :

    -OK.

    Il jeta un regard à la jeune fille qui hocha la tête. Comme ils se remettaient en marche, il continua de l'observer jusqu'à ce qu'il ose dire :

    -Tu n'as pas l'air bien.

    Elle eut un rire jaune :

    -On va se prendre un truc. C'est obligé.

    Les deux garçons se tendirent dans l'attente d'un danger imminent, mais ils avancèrent encore une trentaine de minute sans encombre. Cette fois, c'est la voix de Neghttris qui lança :

    -Il y a un couloir sur la droite.

    Ils ralentirent à peine, l'adolescente décrétant :

    -On garde notre idée. On va tout droit. Ignorez-les.

    Encore quelques minutes avant que, cette fois, ce ne soit elle qui ne s'arrête au milieu du couloir :

    -Attendez, attendez.

    Le ton pressant et le bras étendu pour leur bloquer le passage les stoppa plus que ses paroles. Elférad posa les yeux vers le faisceau de lumière au sol :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    -Une différence de niveau.

    Dans l'obscurité, les deux garçons échangèrent un regard par réflexe, avant de s'approcher d'elle pour mieux y voir. Ils distinguèrent en effet un écart de moins d'un centimètre entre le sol où ils se tenaient et le reste du couloir. Neghttris était un peu perplexe :

    -Et ça peut être mauvais ?

    L'héritière d'or commença à bouger sa lampe pour observer le reste du sol :

    -Cela peut être un piège.

    Neghttris avait suivi la fine ligne marquant la différence de niveau de sa lumière et annonça :

    -D'accord, mais ça fait tout le couloir, alors on fait quoi ?

    Elférad proposa naturellement :

    -On fait demi-tour et on prend un des couloirs qu'on a passé.

    Après avoir vérifié d'elle-même que l'héritier d'argent ne s'était pas trompé, la jeune fille approuva :

    -Oui, c'est plus prudent.

    Alors qu'Elférad s'écartait pour la laisser passer, il entendit un déclic :

    -Qu'est-ce que...

    Il n'eut pas le temps de baisser les yeux que le sol se déroba sous ses pieds. Sans comprendre ce qu'il venait de se passer, l’adolescent se retrouva à dévaler à toute vitesse un tuyau aux parois lisses. La surprise et le choc bloquaient ses cris dans sa gorge et, malgré ses efforts, Elférad ne put ni arrêter, ni ralentir sa chute. Il ne pouvait distinguer que de la pierre dans l'agitation affolée de sa lampe.

    Soudain, il fut éjecté du tunnel, planant dans le vide. Son cœur lui remonta dans la gorge alors qu'il chutait. Déjà, l’héritier ne voyait plus le trou par lequel il était passé, noyé dans les ténèbres. Puis, son corps rencontra une surface élastique qui s'enfonça sous la puissance de sa chute, avant de le propulser à nouveau vers le haut.

    -Pu...

    Elférad retombait déjà, remontait encore. Ces rebonds durèrent une bonne minute avant que l'adolescent ne sente que la distance qui le séparait de ce qu'il imaginait être un trampoline ne diminue. L’adolescent bondit de moins en moins haut avant de s'arrêter enfin. Allongé sur le dos, nauséeux et le cœur battant à ses tempes, Elférad prit un petit moment avant de faire quoi que ce soit. D'où ça leur est venu de foutre un trampoline ici ?

    Lorsqu'il fut à peu près sûr que son estomac avait retrouvé sa place, le jeune homme se releva. Il doit y avoir une fin à ce truc. L'héritier d'or se dirigea vers un des bords dans l'espoir de pouvoir descendre, s'éclairant avec sa tablette. Seulement, quand l'héritier d'or finit par rejoindre le mur, il put voir que la toile était attachée à la pierre par d'épais ressorts. Celle-ci était tellement tendue qu'il ne pouvait pas espérer se glisser entre le mur et la toile. Malgré tout, Elférad tenta d'éclairer ce qui se trouvait en-dessous et fut à peine surpris de ne rien distinguer. OK, il y a forcément un moyen de sortir. Le garçon longea le mur en espérant y trouver une échelle comme celle qu'ils avaient emprunté plus tôt. Au bout d'une heure de recherche, il dût accepter le fait qu'il avait fait tout le tour sans rien découvrir. L'héritier d'or leva la tête pour tenter de voir si, par miracle, il ne pouvait pas distinguer une quelconque sortie que le trampoline lui aurait permise d'atteindre. Même en levant le bras le plus haut possible, la lumière ne put traverser l'obscurité et rien ne lui laissa penser qu'il pouvait sortir par là. Reste la toile.

    Elférad choisit de traverser la salle dans la largeur en espérant trouver quelque chose. Vers ce qu'il supposait être le centre, l’adolescent aperçut un gouffre.

    -Oh, génial.

    L’adolescent s'arrêta au bord, l'esprit vide et fatigué. Devait-il vraiment passer par là ? L'héritier se pencha légèrement pour voir s'il n'y avait pas d'escalier. Ne distinguant, à nouveau, rien qui puisse lui permettre de descendre, il s'assit sur le bord. Je dois sauter dedans ? Hésitant, il commença à se laisser glisser, s'appuyant sur ses bras, mais en sentant ses jambes battre le vide, l'adolescent s'empressa de revenir sur le bord :

    -Non, non, non, non, pas moyen. Ça va pas être possible.

    Assis en tailleur, le dos voûté, il regarda encore les ténèbres alentours avec un désespoir grandissant. Ce pouvait-il que cette salle ne soit faite que pour le pousser à abandonner et à retirer son bracelet ? Qu'il n'y ait en réalité aucune sortie ? Elférad plongea son regard dans le gouffre. Il y a peut-être un autre trampoline en bas. Il releva de nouveau la tête en se demandant ce que pouvait faire Neghttris. L'héritier d'or n'avait entendu aucun appel venant d'au-dessus. Il devait être profondément sous terre ou bien le tunnel était devenu inaccessible une fois qu'il avait été aspiré. Dans tout les cas, je n'ai pas d'espoir à avoir de ce côté là. Je ne vois pas comment il pourrait me retrouver de toute façon. Après plusieurs minutes d'immobilité, il prit conscience du froid qui l'entourait. Il faut que je bouge. Elférad se leva pour refaire un tour en se disant qu'il avait déjà de la chance de ne pas être tombé directement dans le gouffre en sortant du tunnel. Dans l'obscurité totale, le jeune homme ne pouvait pas situer à quel endroit il avait atterri et à quelle distance il s'était donc trouvé du gouffre. Une chance que ce soit plat, si cela avait été en pente, j'aurai pu rouler jusque là-dedans.

    Elférad s'arrêta après cette réflexion, le sourcil froncé. Comment ça peut être plat ? Au vue de l'immensité de la salle, la toile aurait dû être enfoncée au centre, mais à aucun moment il n'avait eu l'impression qu'il y eut une pente. Si c'est droit, ça veut dire que quelque chose soutient. L'héritier d'or revenait déjà sur ses pas et s'allongea au bord du gouffre pour voir ce qui se trouvait sous la toile. Il aperçut des poteaux de métal qui se noyaient dans l'obscurité. Mais si ça tient, c'est qu'il y a un sol en bas. L'adolescent ne douta pas qu'il pourrait attraper un des poteaux et se glisser tout du long jusqu'en bas. Cependant, l’héritier se demandait tout de même la distance qui le séparait du sol. Non, parce que c'est mignon, mais si je fatigue, je vais lâcher et ça ne m'avancera pas beaucoup… ou trop du coup. Une minute à peser le pour et le contre avant de se résoudre à se lancer. Mes choix sont quand même extrêmement limités. Il se laissa de nouveau glisser le long du bord jusqu'à se trouver suspendu dans le vide. Le garçon se balança pour nouer ses jambes autour d'un des poteaux, puis il lâcha un bras qu'il referma sur le métal et laissa glisser sa deuxième main.

    L'adolescent relâcha sa prise pour glisser, mais.... trop vite, trop vite, trop vite... il resserra sa prise pour ralentir et finit par s'arrêter dans une grimace de douleur à cause du frottement du métal contre son corps. Les yeux fortement fermés, Elférad commença à se murmurer précipitamment :

    -OK, OK, OK, OK, ça va. Tout va bien.

    Lorsqu'il releva les paupières, le jeune homme ne put rien découvrir de nouveau. Toujours l'obscurité. Un coup d'oeil vers le bas ne le renseigna pas plus sur la distance qui le séparait du fond. Elférad respirait profondément pour garder son calme. Il posa son front sur le métal froid et referma les yeux en écoutant son souffle :

    -Putain, je déteste ma vie.

    Après une dernière inspiration, il relâcha sa prise et se remit à glisser. Lorsqu'il lui sembla qu'il prenait trop de vitesse, Elférad freina et s'arrêta à nouveau. Ses muscles déjà fatigués obéirent avec plus de difficulté. Quand il fut enfin à l'arrêt, l'héritier d'or reposa son front brûlant sur le poteau en bafouillant :

    -Je déconnais, OK, je déteste pas ma vie. C'était pour rire. Alors soyez sympa, faites que le sol soit juste là.

    Le cœur au bord de l'explosion, il tenta un regard vers le bas. Rien. L’héritier revint au poteau :

    -OK, c'est pas grave, de toute façon...

    Elférad lança un regard vers le haut comme s'il avait espéré pouvoir remonter, mais il n'y voyait pas plus au-dessus de lui.

    -OK, OK, on recommence. Calmement.

    Il repartit et s'arrêta plusieurs mètres plus bas. Elférad sentait que ce serait la dernière fois. Il n'aurait pas la force de tenir bien longtemps. Crispé sur sa prise, les yeux toujours fermés, il recommença à respirer profondément en marmonnant :

    -Je vais pleurer.

    Quand il réussit à se ressaisir, le jeune homme baissa le regard sans rien distinguer de nouveau :

    -OK, j'ai pas peur, j'ai pas peur.

    Il prit une dernière inspiration et... C'est quoi ça ? Elférad retint son souffle pour mieux distinguer les sons qui lui provenaient, fouillant dans sa mémoire pour réussir à y coller un quelconque objet. Une cascade ? L'image qui se présenta à son esprit semblait bel et bien pouvoir s'associer avec ce qu'il entendait. Putain, ça finit dans la flotte ? Il resserra son emprise en geignant :

    -Y a une Bestiole, je suis sûr qu'il y a une Bestiole.

    Une autre part de lui commença à se faire entendre qui lui glissa qu'au moins s'il venait à tomber, il avait une chance de s'en sortir. Mais je suis sûr qu'il y a un truc. Ses bras tremblaient, il allait lâcher. T'as pas le choix de toute façon.

    -Putain d'enfoiré.

    Une nouvelle inspiration et il se refit glisser. Cependant, cette fois, l’adolescent ne réussit pas à se ralentir. Ses membres fatigués refusaient d'obéir. Ne pouvant rien faire d'autre, Elférad se crispa, en fermant les yeux, pour attendre l'impact. Il chuta encore un moment et quand le bruit se fit si énorme qu'il emplit tout l'espace, Elférad osa un regard vers le bas. Il eut le temps de voir un courant puissant d'une eau noire qui circulait entre les poteaux. Non. A peine entré dans le liquide, il fut arraché de sa prise et propulsé droit vers un autre poteau qu'il se prit en plein visage. Il entendit son nez craquer, une douleur lui explosa dans le crâne et le sang inonda sa bouche.

    A moitié assommé, l’héritier fut ballotté dans le courant, tournant, virant, incapable de dire où se trouvait la surface et le fond. Son bras se brisa sur une saillie, lui arrachant un hurlement qui lui fit boire la tasse. Un coup dans le dos finit de lui faire lâcher le peu d'air qu'il avait réussi à tenir. Se débattant inutilement, Elférad fut à nouveau propulsé contre une paroi où une pierre lui déchira la jambe. Il se retrouva expulsé dans une énorme gerbe d'eau à l'intérieur d'une caverne. Retrouvant ses sens dans une eau calme, l'héritier d'or se débrouilla pour regagner la surface. Il sortit sa tablette pour tenter d'apercevoir le bord et s'y dirigea lentement, avec précaution. Quand ses pieds rencontrèrent le sol, il se laissa tomber à genoux, de l'eau jusqu'aux épaules. Essoufflé, gelé et l'estomac plein d'eau, il prit une minute de repos :

    -Merci, mon Roi. Ça va aller.

    Ne reste pas là, allez. Sors. Obéissant à sa pensée, le garçon se traîna plus qu'il ne marcha jusqu'à se retrouver au sec. L’adolescent était tellement concentré sur l'idée de s'éloigner de l'eau qu'il ne prêta pas attention aux alentours. Enfin, il s'allongea avec des larmes de soulagement et de douleur.

    Le garçon sursauta quand une main se posa sur son épaule. Elférad n'eut plus la force de lever le bras pour éclairer la personne qui se penchait sur lui. Mais même par la silhouette il pouvait affirmer que ce n'était pas Neghttris.

    -Tu m'entends ? Serre ma main si tu m'entends.

    Elférad remarqua que le nouveau-venu avait glissé sa main dans la sienne et il rassembla ses forces pour fermer les doigts.

    -Je vais te donner quelque chose à avaler.

    L’héritier sentit une pilule passer ses lèvres, puis de l’eau qui le fit tousser.

    -Avale.

    Elférad s’étouffa à moitié en obéissant, pour se dire ensuite que ce n’était pas une bonne idée. En même si c’est du poison, est-ce que j’ai vraiment le choix ? Il arrivait à peine à bouger.

    -Tu peux parler ?

    Elférad hocha la tête.

    -T'as pas envie de parler ?

    Nouvel hochement de tête. L'adolescent était méfiant et préférait observer ses faits et gestes avant de dire quoique ce soit. Ce n'est pas comme si je pouvais me défendre de toute façon. Il sentit même ses yeux se fermer tout seul. Au moins, si je meurs, je ne m'en rendrais pas compte.

    On le secoua légèrement :

    -Hey, debout. T'endors pas.

    Elférad posa le regard sur l’adolescent qui lui essuyait le visage d’un air concentré :

    -Les soins commencent à faire effet.

    Des soins ? En pilule, ça n’existe pas. Cependant, L’adolescent se rendit bien compte qu’il n’avait plus mal.

    -T’es qui ?

    -Lorti G’as. Un ami de Citseko.

    Ses yeux commencèrent à se refermer.

    -Ah...c’est bizarre.

    Elférad dut réfléchir un instant à la raison de ses paroles. Je sais que c’est bizarre, mais quoi ?

    -Je crois qu’il y a quelque chose dans l’eau.

    Cela réveilla l’héritier d’or qui rouvrit les yeux et tenta de se redresser. Lorti G’as le repoussa au sol :

    -Attention, tes blessures.

    -Mais t’as vu un truc ?

    -Non. Je suppose…

    J’en ai un peu marre là, quand même. Le calme de son nouveau compagnon l’empêchait de paniquer :

    -Il faut bouger, non ? Au cas où ?

    Lorti G’as fixa encore un instant l’étendue d’eau avant de dire :

    -Ne t’endors pas. Je vais voir.

    Voir quoi ? Elférad vit la lampe de la tablette de l’adolescent disparaître. Restant immobile dans la pénombre, il réalisa qu’il avait froid, puis ferma les yeux.

    La sensation de tomber le réveilla en sursaut. Un instant paniqué, Elférad réalisa vite qu’il ne tombait pas, mais qu’on le traînait.

    -Il y a quelque chose alors ?

    Lorti G’as l’appuya contre un mur avant de faire défiler les menus de sa tablette :

    -Je crois bien.

    -Et on ne devrait pas en profiter pour partir ?

    -La fuite n’est pas forcément la meilleur idée.

    -Ah oui ?

    -En fonction de la Bestiole, oui.

    Cela m’a toujours semblé un bon point de départ pourtant. Dans le même temps, il se rappela les insectes sortis de la sphère lors de leur premier Grand Jeu. C’est vrai qu’il ne fallait pas bouger à ce moment-là.

    -Tu peux bouger ?

    Elférad tenta de se redresser, mais s’arrêta vite :

    -Je sens plus ma jambe. C’est normal ?

    Lorti G’as ne quitta pas sa tablette des yeux pour répondre :

    -Cela arrive. Ça va passer. J’espérais que ce serait déjà le cas.

    L’héritier d’or leva le regard vers la cascade :

    -C’est que tu envisages la fuite quand même.

    Lorti G’as hocha la tête :

    -Mais si tu ne peux pas courir, on va trouver autre chose.

    -Ah oui ?

    Comment il fait pour rester si calme quand même ? Il continuait de faire des recherches sur sa tablette.

    -On fait quoi s’il faut courir ?

    L’adolescent se leva alors pour se rendre près de l’eau. C’est peut-être pas une bonne idée ça. Elférad massa sa cuisse en espérant réveiller les sensations de sa jambe. Inquiet, il s’adossa à la paroi pour se lever. Sans oser parler trop fort, le garçon demanda :

    -Tu vois quelque chose ?

    Lorti G’as parcourut la surface de l’eau avec sa lampe et revint vers lui :

    -Il y a quelque chose.

    Le cœur de l’héritier d’or s’accéléra :

    -Tu l’as vu ?

    -Non, mais y a des marques sur les bords.

    Lorti G’as passa le bras d’Elférad autour de ses épaules pour le soutenir. L’héritier d’or remarqua alors différents tunnels qui entraient dans la grande cave où ils se trouvaient.

    -On va par où ?

    Lorti G’as pointa un passage de la tête :

    -Là.

    Il a choisi au hasard, je pense. Tandis qu’ils progressaient dans le tunnel et que les sensations revenaient dans sa jambe, Elférad se ragaillardit. S’étant complètement ressaisit, les idées plus claires, il se rappela des paroles de Lorti G’as qui lui avaient paru étranges.

    -Je peux te poser une question ?

    Concentré sur le chemin qu’ils suivaient, son compagnon hocha la tête.

    -Comment tu sais que je connais Citseko ?

    -Il m’a parlé de toi.

    Elférad tenta de mieux distinguer l’expression de l’adolescent dans la pénombre. Je vais avouer, c’est pas vraiment comme ça que j’imaginais un ami de Citseko.

    -D’où tu as eu ces pilules de soins ?

    Lorti G’as posa son doigt sur ses lèvres pour lui signifier de faire silence. L’héritier d’or pinça les lèvres. La Bestiole pourrait nous entendre ? Ils finirent par s’arrêter en arrivant au bout de leur tunnel. Veillant à parler à voix basse :

    -C’est un cul de sac ?

    Ils passèrent leurs torches sur le mur avec attention jusqu’à trouver une crevasse. Lorti G’as annonça :

    -Je crois que c’est le passage.

    Elférad fit une grimace angoissée :

    -On peut faire demi-tour sinon.

    Lorti G’as commença à se glisser dans la faille :

    -Comme tu veux.

    Comme je veux, mais sans toi, si je comprends bien. L’adolescent hésita, mais il ne se voyait pas continuer seul. Sa lanterne lui permit de distinguer la tignasse beige du garçon qui ne portait pas de veston. L'héritier d'or ne pouvait donc pas dire s'il était héritier de chef ou d'une famille commune. Encore moins son clan en l'absence de blason. Il a perdu sa veste ou il a fait exprès de l’abandonner ? Il dût passer de profil dans le fin espace qui traversait la pierre et il fut soulagé de voir que la sortie ne se trouvait qu'à quelques pas. Ils descendirent avec précaution l'éboulis qui les mena au sol.

    Elférad sursauta d’effroi quand des coups de feu résonnèrent dans la caverne où ils venaient d’arriver. Il éteignait déjà sa tablette quand Lorti G’as se retourna pour lui murmurer :

    -Eteinds.

    Dans le noir et le silence, ils attendirent avec angoisse. D’autres coups de feu se firent entendre en même temps que des flashs provoqués par les lampes des tablettes apparurent. Ils sont bien trop loin pour nous voir. Cependant, les pas de course et les cris se rapprochaient clairement. Lorti G’as le poussait déjà vers la faille :

    -On fait demi-tour.

    Avec plaisir. L’adolescent retraversa sans hésitation en sens inverse, mais une sensation bizarre l’accueillit à la sortie. Il baissa les yeux vers ses pieds pour justifier son impression :

    -Le sol était déjà mouillé avant ?

    Il sentit Lorti G’as le tirer en arrière par son veston. De nouveau dans la faille, Elférad fonça dans son compagnon qui s’était arrêté dans le passage. L’héritier d’or interrogea à voix basse :

    -Qu’est-ce qu’il se passe ?

    -La Bestiole fait monter l’eau.

    Quoi ? Elférad baissa les yeux par réflexe bien qu’il n’y ait rien à voir. Qu’est-ce qu’on va faire ? Si on avance on risque de se faire tirer dessus, si on recule, on finit noyer… on aurait pas le temps de prendre un autre chemin avant la montée des eaux ? Ça ne va pas si vite que ça, si ? Il se tourna de façon à voir le visage de son compagnon, en espérant qu’il aurait une illumination, mais celui-ci s’était adossé à la paroi et fermait les yeux. Ça a l’air d’aller de son côté. Il porta son regard vers le bout du passage. On pourrait aussi revenir dans la grotte. Peut-être que les autres sont partis.

    -Hé…

    Lorti G’as ouvrit les yeux :

    -On va revenir dans la salle et courir droit devant. C’est de là que les autres venaient. Il doit y avoir une sortie.

    Comme cela correspondait à peu près à ce qu’il avait pensé, Elférad ne se tut et suivit l’héritier dans l’étroit passage. Ils déboulèrent dans le vaste espace comme des balles, courant droit devant. Il est rapide. Lorti G’as avait déjà parcouru la moitié de la grotte que l’héritier d’or avait à peine quitter la faille. Il accrocha son regard à la lampe déjà lointaine de l’adolescent, la sienne n’étant pas assez forte pour éclairer si loin. Concentrant son faisceau sur le sol pour éviter un obstacle quelconque, le garçon aperçut un corps qu’il évita avec soin, la gorge serrée. Mais c’est pas vrai. Ils ont vraiment péter un plomb ? Entendre des coups de feu était une chose, imaginer qu’ils aient pu réellement blessé ou tué quelqu’un était autre chose. Elférad ne courrait pas à pleine vitesse de peur de tomber et, de plus, il avait le pressentiment que les tireurs n’étaient plus présents. Un regard en coin vers les ténèbres qui les entouraient lui fit revoir son pressentiment. Ils peuvent très bien se cacher dans le coin. Ils pourraient être juste à côté que tu ne les verrais pas… mais il leur faut des lampes pour y voir. C’est pas des surhommes non plus, tu verrais les lampes. Ces quelques secondes d’inattention suffirent pour lui faire perdre son guide de vue. Il est allé tout droit, il devrait… Elférad atteignit le bout de la caverne et se trouva bloqué par la roche. Il doit y avoir un passage. Il ne s’est pas volatilisé.

    Un sifflement lui fit lever la tête. Sa lampe aveugla Lorti G’as qui se détourna en lui faisant signe. Je dois grimper ? Elférad détailla la roche avec attention pour découvrir des prises creusées à même la pierre. L’adolescent commença son ascension avec précaution. Comment il est monté si vite lui ? Il saisit la maint tendu de Lorti G’as qui l’aida à se hisser dans le nouveau couloir.

    -Fais gaffe, c’est pas haut.

    Elférad rentra instinctivement la tête dans les épaules le temps de voir ce qu’il entendait par « pas haut ». Lorti G’as, voûté, s’enfonça sans attendre dans le boyau obscur. L’héritier d’or suivit veillant à garder la tête basse. Quelques mètres plus loin, il le vit disparaître dans un éclaboussement. C’est pas bon ça. Lorsqu’à son tour, il arriva au bout du tunnel, l’adolescent vit le sol en contrebas, recouvert d’eau. Lorti G’as évoluait dedans en toute sérénité alors même que l’eau lui arrivait aux genoux. Elférad resta prudemment à l’embouchure du passage :

    -Comment l’eau a pu arriver là ?

    Lorti G’as lui répondit en continuant de passer sa lampe sur les murs à la recherche d’un passage :

    -Il doit y avoir plusieurs Bestioles de ce genre.

    -C’est à dire ?

    -C’est comme des poissons qui gonflent. En gonflant, ils font monter le niveau de l’eau.

    -Super. Et t’as pas peur qu’il y en ait d’autre qui viennent te choper pendant que tu patauges là-dedans ?

    Lorti G’as avait découvert trois passages déj, mais aucun ne semblait le satisfaire et il continuait sa recherche :

    -Est-ce que rester au sec serait plus utile ?

    Elférad se demanda si ce n’était pas une pointe mesquine à son endroit, mais le ton du garçon était si neutre qu’il était impossible d’en être sûr. Dans le doute, l’héritier d’or se laissa glisser dans l’eau en retenant une grimace quand l’eau glacée emplie ses chaussures.

    -Par là.

    Lorti G’as s’était enfin arrêté sur un tunnel à leur droite. La seule différence notable avec les autres, c’était que le sol remontait, leur donnant une chance de se rapprocher de la surface. Et i n’y aura pas d’eau là-dedans. Les deux garçons s’engagèrent dans le passage.

    La montée se fit de plus en plus ardue au fur et à mesure de leur progression. Le visage brûlant, en sueur, Elférad s’efforçait de respirer profondément en espérant chasser un point de côté tenace. La fraîcheur des lieux qui l’avait fait frissonner jusque là semblait avoir disparu. L’humidité était étouffante et semblait se resserer sur eux comme une toile gluante. Après un énième regard désespéré vers le sommet qui ne semblait jamais arriver, Elférad retira son veston et le noua autour de sa taille. Alors qu’il s’exécutait, il réalisa qu’il lui manquait quelque chose et s’exclama :

    -Merde, mon sac.

    Il se retourna comme s’il pouvait s’attendre à le voir poser sagement derrière lui, mais Lorti G’as coupa court à ses espoirs en disant :

    -Tu ne l’avais pas quand je t’ai trouvé.

    Elférad bloqua. Bah merde, je l’ai perdu quand ? Il se repassa tous les événements depuis sa chute dans le tunnel, sans réussir à se rappeler s’il l’avait encore une fois sur le trampoline. Lorti G’as ne l’attendait pas et continuait son ascension lente et régulière. L’héritier d’or s’empressa de se remettre en route. Sans sac, il était dépendant du bon vouloir de son compagnon qui possédait eau et nourriture.

    Quand, après ce qui leur sembla une éternité, ils

    arrivèrent à une surface plane, Lorti G’as proposa une pause, tendant sa bouteille d’eau à Elférad sans qu’il est à demander. Après avoir bu une longue gorgée, l’héritier d’or demanda :

    -Tu crois qu’on finira par en sortir de cet endroit ?

    -Si on a pu nous faire entrer…

    C’est sûr, mais ils auraient pu nous donner une carte. Il baissa les yeux sur sa tablette. Mis à part son emplacement, rien n’était marqué. Ni tunnels, ni grottes n’étaient indiqués. Une fois que Lorti G’as ce fut désaltéré à son tour, il rangea sa bouteille, ferma son sac et annonça :

    -On y va.

    Le couloir qu’ils suivaient à présent fit une légère courbe sur la droite avant de déboucher dans une nouvelle salle. Plus petite que les précédentes. Lorti G’as avança sans hésiter vers le premier passage qu’éclairé sa lampe, mais Elférad s’arrêta en sentant une goutte lui tomber dans le cou. En levant sa torche, il put voir que le plafond brillait d’humidité et gouttait d’un peu partout. Sur le sol, des flaques avaient commencé à se former. L’adolescent s’empressa de suivre son compagnon en lui disant :

    -Il y a de l’eau qui goutte ici. Je pense que ça va s’inonder assez vite.

    -J’ai vu. On ne doit pas traîner.

    Le deux garçons accélérèrent le pas, passant de tunnel en boyau, de salle étroite en grotte immense. Cependant, l’eau semblait toujours les devancer. Chercher la sortie n’était pas une priorité aux yeux d’Elférad. La seule chose qu’il avait en tête, c’était de trouver un endroit assez élevé pour éviter la noyade. Ils allaient au hasard des passages sans avoir l’impression d’avancer ou de reculer. Chaque espace leur paraissait nouveau, seul l’eau toujours présente, inondant plus ou moins leur passage leur paraissait dangereusement familière.

    Bien que la faim le tenaillait depuis un moment, Elférad n’osait pas demander de la nourriture. Lorti G’as gardait son statut de guide et paraissait toujours concentré sur la route à suivre. Si bien que l’héritier d’or n’osait plus lui adresser la parole. Pourtant, un espoir naquit lorsque, marchant dans un couloir plus large, des voix leur parvinrent. Elférad soupira en souriant :

    -Ah, cool. Si on s’allie, on pourra…

    Lorti G’as ne fit pas un geste pour l’arrêter lorsqu’il s’avança, mais dit tout de même :

    -Ne sois pas si confiant.

    L’héritier d’or s’arrêta pour lui faire face :

    -Comment ça ?

    -Ils peuvent nous attaquer.

    -Pourquoi ils feraient ça ? On ferait mieux de s’entraider. Ils n’ont aucunes raisons de nous attaquer.

    Lorti G’as le dévisagea un temps d’un regard scrutateur et intimidant :

    -Et ceux qui tiraient tout à l’heure, quelles raisons avaient-ils ?

    Elférad détourna les yeux, gêné :

    -Ils avaient un compte à régler… peut-être. Moi, je n’ai de problème avec personne, donc…

    Le garçon passa près de lui :

    -Vraiment ?

    -Bah oui… tout le monde n’a pas de problème tu sais.

    Il le rattrapa en trois enjambées. Au détour du passage, trois lampes furent visibles. Venant clairement dans leur direction. Lorti G’as avait déjà éteint sa lampe et murmurait à Elférad :

    -Tu y vas, alors ?

    L’héritier d’or était hésitant maintenant. De toute évidence, il y avait des armes cachées dans ce labyrinthe, sinon, comment y aurait-il pu avoir des coups de feu. Dans l’obscurité, il pouvait les surprendre et qui lui disait que les trois arrivants n’étaient pas à bout de nerfs et prêt à sauter sur tout ce qui bouge ? Elérad n’aurait pas voulu l’admettre, mais la prudence de Lorti G’as lui parut soudain le choix le plus évident. Sans rien dire, il éteignit sa tablette et se cala contre le mur. Les trois continuaient d’avancer. La discussion se fit de plus en plus distincte au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient. Bientôt, les deux adolescents purent deviner qu’ils se disputaient sur la marche à suivre. J’ai peut-être bien fait de ne pas m’en mêler, en effet. Cependant, ils étaient sur la trajectoire du petit groupe et, à moins qu’ils ne réussissent, par chance, à échapper aux faisceaux des lampes, ils allaient se faire repérer à un moment ou un autre. Malgré tout, Lorti G’as ne semblait pas décidé à bouger. Il semblait attendre tranquillement de se faire repérer. Peut-être qu’ils ne lui semblent pas dangereux finalement.

    Ce n’est qu’à cet instant qu’Elférad sentit le sol trembler. Pensant d’abord qu’il imaginait des choses, ils erraient dans l’obscurité depuis tellement longtemps qu’il n’aurait pas étonné d’avoir des hallucinations. Quand les vibrations se firent de plus en plus forte, au point que le trio s’arrêta à quelques mètres d’eux pour observer les alentours, Elférad comprit que c’était bien réel. Qu’est-ce qu’il se passe ? Un fracas de tonnerre liquide empli le couloir venant de leur gauche. Après un temps d’hésitation, le groupe repartit en courant. L’héritier d’or et Lorti G’as s’élancèrent également sans avoir besoin de se consulter. Quelque chose d’énorme et de dangereux approchait et il valait mieux ne pas rester à attendre de voir de quoi il s’agissait. Elférad suivait les lampes qui bougeaient au rythme de la course de ceux qui les précédé. S’ils rebroussent chemin, ils savent où aller. Lorti G’as semblait se fier à la même idée vu qu’il courait déjà au devant de l’héritier d’or. Encore un peu et il les rattrape. Le bouillonnement terrifiant était sur leurs talons. L’air se raréfiait, l’humidité augmentait et leur peur avec. Elférad fixait son regard sur les lumière tout devant pour ne pas regarder derrière lui. Il n’entendait plus son souffle, plus ses pas. Rien que le tonnerre effroyable prêt à le dévorer au moindre faux pas, au moindre ralentissement. L’adolescent sentait ses veines battre à ses tempes, une douleur dans la gorge, ses vêtements trempés collés à lui, ses jambes qui le faisaient souffrir à chaque pas. Tout son corps criait l’abandon et il ne comptait que sur son esprit pour avancer encore.

    Puis, une lumière illumina soudain le tunnel. Une lumière qui n’était pas celle d’une torche ou d’un néon. Une lumière à la forme rectangulaire qui lui fit plisser les yeux. C’est une porte. Ils ont ouverts une porte. La voix de Lorti G’as se fit entendre dans un cri :

    -Attendez ! Laissez ouvert !

    Les trois silhouettes se découperont dans l’ouverture. L’une tourna la tête, une autre ferma la porte. Lorti G’as poussa un grondement rageur et Elférad l’entendit foncer sur la porte dans l’espoir de l’enfoncer. Comme plus aucune lumière n’arriva dans le couloir, l’héritier d’or devina le résultat avant de le rejoindre. Il trouva le garçon accroupit au sol, fouillant son sac avec frénésie. Elférad tenta de cogner du poing contre la porte en suppliant qu’on leur ouvre. Froidement, Lorti G’as affirma :

    -Ils n’ouvriront pas. Ils ont trop peur.

    -Mais moi aussi j’ai peur !

    Il fut étonné de sa voix éraillée qui résonnait d’épuisement et de frayeur. Il n’en pouvait plus, voulait sortir ou mourir. Il réalisa qu’à cet instant, cela ne ferait plus de différence.

    Lorti G’as se releva pour le tourner d’autorité vers lui. L’héritier d’or sentit passer un élastique large autour de son crâne et un masque de plonger lui couvrir le visage. Il observa Lorti G’as d’un air étonné. Celui-ci expliqua d’un ton précipité :

    -Économise l’oxygène. Si tu veux retirer le masque appui sur le bouton de la bonbonne, ça empêchera l’air de s’échapper. Laisse toi porter.

    Elférad tâtonna pour comprendre que le poids du masque était alourdi par une petite bombe d’oxygène fixé au bas du masque. Un mouvement dans le faisceau de sa lampe lui fit regarder sur le côté. L’immense flot de liquide furieux arrivait dans une avalanche d’écume. Elférad eut à peine le temps d’inspirer pour pousser un cri qu’il se retrouva projeté contre le mur et perdit connaissance.

    Il retrouva ses sens en plein tourbillon. Le premier réflexe de l’adolescent fut de tenter de nager ou de retrouver un minimum de contrôle, mais il ne fit que s’épuiser inutilement. Le conseil de Lorti G’as lui revint et il cessa tous mouvements. Ballotté par les flots, Elférad ferma les yeux. S’il devait finir fracasser sur un rocher ou dans la gueule immonde d’une Bestiole, il préférait autant ne pas le voir venir. Au lieu de cela, le garçon se concentra sur son souffle, s’efforçant de respirer calmement pour économiser l’air. Inspire, expire, inspire, expire. Toute ses pensées se résumèrent à ses deux mots pendant un temps incalculable. Il lui sembla qu’il perdit à nouveau connaissance un instant avant que tout ne se calme soudainement.

    Elférad attendit un instant avant d’ouvrir les yeux, afin d’être certain qu’il ne serait plus emporté. Quand il crut bon de lever les paupières, il se trouva cerné de ténèbres et de faisceaux lumineux. Il n’y avait plus un bruit, plus un mouvement que le lent déplacement des lumières. Elférad resta immobile à se laisser flotter, profitant du silence et du calme retrouvé. Cependant, assez vite, l’adolescent se redressa, conscient que sa réserve d’air ne durerait pas éternellement. Il faut que je sorte. L’héritier d’or n’avait pas fait deux brasses que son faisceau s’arrêta sur le corps noyé d’une héritière d’argent. Les yeux vides grands ouverts, les cheveux d’or flottant autour de son crâne comme les rayons d’un soleil éteint. Elférad eut un haut le coeur et se recula brusquement, fonçant dans une chose qu’il devina être un autre cadavre, mais il refusa de se retourner pour vérifier. A la place, il ferma les yeux. Idiot, toutes ces lumières viennent de tablettes. Il n’y a que des morts ici. Tu es entouré de cadavres. Mais il va falloir avancer ou tu finiras comme eux. Pense à ton oxygène. Calmé, l’adolescent rouvrit les yeux. Cette fois, lorsqu’il observa les ténèbres et le lent déplacement des faisceaux de lumière, Elférad frissonna d’horreur. Ils étaient nombreux, trop nombreux. Allez, bouge. Il nagea vers le haut, en retenant ses larmes, ne pouvant s’empêcher de sursauter chaque fois que sa lumière tombait sur un nouveau corps. Il y en a trop, il y en a trop.

    L’héritier d’or s’arrêta pourtant auprès du corps d’un garçon car celui-ci, contrairement à ceux qu’il avait vu jusque là, saigné. Ce n’était pas grand-chose et Elférad ne l’aurait probablement pas remarqué s’il n’avait pas été obligé de s’approcher pour éviter un autre cadavre qui flottait à proximité. La blessure ne fut pas non plus difficile à trouver. Une pointe avait traversé le coeur de l’héritier et le maintenait en place. Oh, merde, c’est quoi ça encore. Une autre voix le pressa de continuer et d’ignorer cet élément. Ce n’était probablement rien, une étrangeté de la nature qui avait fait pousser des pieux au milieu de nulle part. Par ce que les murs sont sacrément loin quand même.

    Il n’avait rien vu qui pu le renseigner sur la dimension de l’endroit. Même les lampes des corps n’éclairaient furtivement que d’autres cadavres avant de se perdre dans l’obscurité. Cela lui avait fait se dire qu’il se trouvait dans l’une des grottes immenses semblable à celles qu’il avait déjà traversé. Par conséquent, la présence de cette pointe était curieuse. A moins qu’elle soit, très, très longue et qu’elle me mène à un mur. Pourtant, en y regardant de plus près, Elférad devait admettre que cela ne ressemblait pas tellement à de la pierre. Face à ce nouvel élément, son instinct le poussa à s’éloigner et suivre sa première idée qui était de monter.

    Elférad avait progressé de plusieurs mètres quand le mouvement vif d’un faisceau lumineux attira son attention. Le seul autre qui bougeait de cette manière, c’était le sien. Cela veut dire qu’il y a quelqu’un de vivant ? Quelqu’un qui nage… à moins que ce ne soit accroché à une Bestiole… malgré cette dernière idée, Elférad se mit en direction de cette lumière qui semblait, d’ailleurs, se diriger vers lui.

    Il n’existe pas de mots pour exprimer le soulagement et le bonheur extrême qu’il ressentit en reconnaissant les yeux de flammes sous le masque. Putain, Lorti, merci mon Roi ! Une fois rejoint, l’héritier pointa le haut de son doigt et Elférad acquiesça pour montrer qu’il avait la même idée. Les adolescents se remirent à nager. Comme ils s’élevaient, ils découvrirent un agglutinement de cadavres qui leur indiquait clairement qu’ils arrivaient au plafond. Elférad dût vaincre sa répugnance pour continuer, mais Lorti ne ralentit même pas. Une poche d’air pouvait se cacher là-haut. Imitant son camarade, l’héritier d’or passa entre les corps, seulement pour rencontrer la pierre aussitôt. Il n’y a rien. Elférad s’empressa de repartir, attendant Lorti G’as un peu plus bas. Celui-ci ne tarda pas à le rejoindre et pointa le doigt vers le côté. Est-ce qu’on devrait essayer de trouver un tunnel ? On aura assez d’air ? Les deux héritiers se dirigèrent dans ce sens. Ils croisèrent une nouvelle pointe ce qui rappela à Elférad le cadavre croisé plus tôt. Il y en a combien en tout ? Lorti G’as le retint soudain et l’héritier d’or chercha le problème avec inquiétude. Il ne tarda pas à le voir. Une surface écailleuse gigantesque se trouvait à quelques mètres d’eux. C’est de la que sortait les piques. Il fallut un moment au garçon pour réaliser ce dont il s’agissait. Puis, quand il comprit, il lui fallut un autre moment pour accepter ce que c’était. C’est pas possible. On nous a ramené dans le nid de la Bestiole ? Il jeta un regard en biais vers Lorti G’as qui restait immobile. Il attend de voir si ça bouge ? En tout cas, c’est ce que je fais. Son compagnon se remit à nager et ils firent le tour de la grotte avec un désespoir grandissant. La Bestiole occupait tout le bas de la grotte, bouchant tous les accès aux différents tunnels. Elférad finit par s’arrêter, se demandant ce qu’ils pouvaient faire ensuite. Lorti G’as semblait également réfléchir à la situation car il ne bougeait plus. Finalement, il saisit le bras de l’héritier d’or pour attirer son attention. L’adolescent mima un pistolet avec sa main, puis pointa le sac d’un des corps. Se souvenant des coups de feu qu’ils avaient entendu, Elférad réalisa que certains de ces héritiers avaient potentiellement trouvé des armes. Mais il veut faire quoi ensuite ? Tuer la Bestiole en espérant qu’elle se dégonfle ? Son esprit lui représenta un ballon de baudruche se vidant de son air en virevoltant dans tous les sens. Ça m’étonnerais que ça se passe comme ça. Malgré ses doutes, tout comme Lorti G’as, il s’approcha du sac à dos le plus proche, faisant abstraction comme il pouvait, du corps de l’autre côté. La fouille fut infructueuse.

    Trois sacs plus tard, le garçon n’était pas plus avancé. Il allait vers le quatrième lorsque une lumière rouge apparut sur sa bouteille d’oxygène. C’est quoi ça ? Une alarme ? Je suis bientôt à court c’est ça ? Bien que l’inquiétude commençait à sérieusement grandir en lui, il n’en fouilla pas moins le sac avec attention. Cela lui permit de dénicher un canif. Je ne suis pas sûr que cela me sois bien utile par contre. Il se tourna vers Lorti en espérant que sa recherche aurait été plus fructueuse, mais le garçon était maintenant hors de portée de sa torche. En revanche, il pouvait apercevoir la petite lampe rouge de Lorti G’as malgré la distance. Ça sert à rien de rester sur place. Elférad repartit en quête d’une arme plus intéressante. Cependant, cette petite lumière rouge devenait obsédante. Il faut vraiment qu’on sorte. Il faut vraiment que je sorte. Malgré tous ses efforts, c’était la seule chose à laquelle il pouvait penser et ses fouilles s’en ressentait. L’adolescent faisait ce qu’il pouvait pour se dépêcher et c’est juste avant de passer à un autre qu’il aperçut une pointe dépasser de la couverture de survie de celui qu’il était en train de fouiller. Il retira une flèche qui ne lui sembla pas plus engageante que son canif. Elférad entreprit de rejoindre Lorti aussi vite qu’il le pouvait. Il ignorait si sa trouvaille serait utile, mais il avait bon espoir que ce soit le cas. A peine eut-il récupéré le flèche que Lorti G’as se dirigea sur la Bestiole. Il s’accrocha à un des pics et fit signe à Elférad d’en faire autant. L’adolescent n’hésita pas à planter la pointe à plusieurs reprises dans la peau écailleuse jusqu’à provoqué une réaction.

    La créature se mit en mouvement. Les pics enfonçaient dans la pierre, s’arrachèrent, entraînant de larges morceaux de paroi avec elles. Des fissures se propagèrent sur toute la surface de la caverne, annonçant un effondrement bien trop proche pour que les garçons puissent espérer y échapper. Mais cela, Elférad n’en avait pas conscience. Serrant la pic de toutes ses forces, il faisait tout ce qu’il pouvait pour ne pas se retrouver éjecter. La Bestiole s’agita avec force, se dégageant de la roche, se dégonflant peu à peu. L’héritier d’or sentit son cœur se gonfler d’espoir. L’eau ne devrait pas tarder à baisser s’il prend moins de place. Il leva les yeux pour essayer de voir si le niveau diminué et bien lui en prit car il put voir les roches qui leur tombaient dessus. Prenant appui sur la Bestiole, il se propulsa vers Lorti. Celui-ci devina le danger en le voyant arriver et s’éloigna.

    La créature se tordit de douleur sous le poids des pierres. Le mouvement provoqua un courant qui repoussa les garçons. Elférad réussissait à peine à se stabiliser qu’il commença à manquer d’air. Lorti G’as le tira vers le bas et le jeune homme le suivit en supposant que l’agitation de la Bestiole avait dû dégager des tunnels. Dans le faisceau de sa lampe, il vit passer une nageoire bien trop gigantesque à son goût. Trop lents à l’éviter, les deux garçons se retrouvèrent à nouveau propulsés dans l’espace. Cette fois, ce fut Elférad qui réussit à récupérer Lorti G’as pour le diriger vers une sortie. Il n’avait pas atteint le sol que l’héritier d’or commença à étouffer. Désespérément, il ouvrait et fermait la bouche en recherche d’air, quand Lorti G’as apparut pour échanger leurs bouteilles d’oxygène. Il en a encore ? Elférad s’inquiéta aussitôt de le voir avec une bouteille vide, mais son compagnon lui fit signe d’avancer, sans montrer le moindre signe de manque d’air. Aussi vite qu’ils le purent, ils se dirigèrent vers le premier tunnel à leur portée. Elférad était à peine entré qu’il fut pousser en avant pas le courant provoqué par des roches tombant pour boucher l’entrée.

    Ils dérivèrent un moment dans le tunnel avant que le manque d’eau ne les arrête. Elférad resta un moment immobile, refusant de croire qu’un nouveau désastre n’allait pas lui tomber dessus dans la minute. Cependant, Lorti G’as lui retira son masque en demandant :

    -Tu va bien ? Pas de casse ?

    Elférad pointa sa lampe sur lui ce qui eut pour effet de détourner la tête :

    -Qu’est-ce que tu fais ?

    -Comment ça se fait que tu respires encore ?

    -Je suis bon en apnée.

    Lorti se leva, tanguant sous le poids de ses vêtements mouillés et transi de froid :

    -Bouge vite ou tu vas geler.

    Elférad obéit bien qu’il n’aurait pas dit non à quelques heures de repos. Un frisson le secoua des pieds à la tête. J’ai froid, de froid, de froid de sa mère de fils de…

    -Détends-toi, t’auras moins froid.

    Ta gueule, franchement, ta gueule. Elférad serra les mâchoires pour arrêter de claquer des dents. Son ventre gargouilla pour couronner le tout. J’ai froid, j’ai faim, j’en ai marre. Marchant dans l’obscurité, il commençait à désespérer de revoir un jour le soleil. Lorti G’as lui tendit soudain une bouteille d’eau :

    -Tiens, bois.

    -J’ai pas soif.

    -Bois quand même.

    Luttant contre sa frustration, bien conscient que cela ne ferait qu’aggraver la situation. Sa mauvaise humeur était grimpé aussi vite que le danger semblait s’éloigner. Je peux même pas utiliser ma veste… Il baissa soudain les yeux sur sa taille pour se rendre compte qu’il avait effectivement perdu son veston. Je vais pleurer je crois… ce ne sera que la troisième fois aujourd’hui… non, deux… quatre ? L’adolescent se concentra sur cela, se repassant tous les événement depuis qu’il avait perdu son groupe, pour oublier tout l’inconfort de sa situation présente.

    Lorsque Lorti bifurqua soudainement, Elférad s’étonna car le tunnel se poursuivait aussi tout droit. Il le suivit malgré tout, trottinant pour le rattraper :

    -Pourquoi tu tournes ?

    -Il y avait des bruits.

    -Quel genre ?

    -Je n’ai pas vraiment chercher…

    Il s’arrêta et Elférad devina qu’il entendait à nouveau quelque chose. L’adolescent tendit l’oreille pour essayer de capter un son. Il murmura de crainte d’être entendu par ce qui se trouvait au-devant d’eux :

    -C’est des pas, non ?

    Lorti G’as hocha la tête. Bon signe ou pas ? L’héritier d’or tenta de décrypter l’expression de son compagnon dans la pénombre. Comme celui-ci semblait hésiter, Elférad décida :

    -On devrait y aller quand même. Il faut qu’on avance au bout d’un moment.

    Que ce soit ce qu’il venait de dire ou sa décision propre, Lorti G’as se dirigea droit devant lui d’un pas résolu. OK, on y va alors. Une fille ne tarda pas à apparaître dans le faisceau de leur lampe. Elle leva la main pour se protéger de la lumière. Elférad baissa son tablette, contrairement à Lorti G’as qui demanda :

    -Qu’est-ce qu’il y a de ton côté ?

    Elle ne répondit pas, le regard perdu. Elle n’a pas l’air blessé, alors pourquoi elle est couverte de sang. Lorti G’as allait insisté, mais Elférad s’approcha bloquant la lumière qui gênait l’héritière :

    -Derrière, il y a un tunnel qui mène à une Bestiole, mais si tu tournes à gauche au bout de celui-ci, il y en à un autre mais on ne sait pas où il va et il y avait quelque chose dedans.

    La fille fixa son regard sur lui, sans pour autant avoir l’air d’écouter.

    -Tu as soif ?

    Elférad se tourna vers son camarade et l’encouragea d’un signe de tête. Lorti G’as rechignait à s’avancer, alors l’héritier d’or revint vers lui :

    -Est-ce que tu peux me passer la bouteille, je te la rendrais.

    -Ce n’est pas le problème. Je n’ai presque plus d’eau.

    Elférad pinça les lèvres comprenant sa réserve. Il fit un pas vers la fille, avant de retourner vers le garçon :

    -Juste un petit peu ? Je ne boirais plus.

    Le regard de Lorti G’as fut très clair et il revint vers l’héritière, l’air contrit :

    -Je suis désolé. On a plus d’eau… mais…

    La fille passa près de lui pour continuer sa route. Elférad la retint par la manche :

    -Attends, tu ne crois pas que l’on devrait rester ensemble ?

    Il avait à peine pût finir sa phrase que la fille avait fait volte-face soudainement. Elle attaque. Elférad recula d’un pas, près à se défendre, quand Lorti G’as la tira un arrière, l’empêchant de porter son coup. En deux secondes, il immobilisa la fille, la désarmant dans le même élan. L’héritier d’or ramassa le couteau à beurre :

    -Tu peux la lâcher. Je ne crois pas qu’elle sache vraiment ce qu’elle fait.

    -J’en ai bien conscience.

    Il l’assomma d’un coup sur la nuque. Elférad le regarda poser la fille au sol :

    -Je pensais qu’on pourrait essayer de la résonner.

    Lorti G’as retira son bracelet et le glissa dans sa poche.

    -Tu crois qu’ils viendront la chercher ici ?

    -Quand le jeu sera terminé.

    -C’est plutôt dangereux. Il y a des Bestioles, des inondations…

    Lorti G’as reprit la route sans répondre. Non, sérieusement.

    -On ne peut pas la laisser là. Je suis sérieux.

    Comme il continuait, l’héritier d’or insista :

    -On devrait au moins la mettre dans un endroit sûr.

    Lorti G’as disparut de sa vision. C’est pas grave. J’ai qu’à la porter. Elférad prit la fille dans ses bras et marcha vite en espérant rattraper son compagnon. L’héritier d’or soupira de soulagement lorsqu’il aperçut le dos de l’adolescent. Celui-ci jeta un regard par-dessus son épaule :

    -Voyons combien de temps tu peux tenir, maintenant.

    -On doit bien sortir à un moment.

    -Pas forcément.

    Elférad choisit de l’ignorer à son tour. Cependant, arrivés à une nouvelle grotte, il s’écroula dès que Lorti G’as proposa une pause. Je soupçonne qu’il fasse ça pour moi. Il pourrait continuer lui. L’héritier d’or ne savait pas exactement comment juger son compagnon. Il lui avait sauvé la vie plus d’une fois en peu de temps. Quoiqu’en fait, j’ai plutôt l’impression que ça fait des jours qu’on traîne dans le noir. Cependant, il ne ressentait aucun attachement de la part du garçon. Comme s’il l’aidait par obligation. Il observa avec attention l’adolescent qui explorait la grotte.

    -Lorti G’as ?

    -Hmm ?

    -J’étais en train de me demander pourquoi tu m’aider.

    Le garçon ne sembla pas l’entendre, mais Elférad continua malgré tout :

    -Mis à part moi, tu n’as pas l’air de vouloir aider qui que ce soit.

    -Tu étais blessé, pas tellement une menace.

    -Elle non plus.

    -Elle a tenté une attaque.

    -Je pourrais attendre le bon moment.

    Lorti G’as lui fit face :

    -Je te connais. Tu ne le feras pas.

    Elférad eut un sourire moqueur.

    -Citseko t’as dit ça ?

    Lorti G’as se contenta de hocher la tête.

    -Je crois pas vraiment que tu connaisses Citseko. Tu t’en rends compte, je pense.

    -Tu es bavard maintenant.

    -Je suis guéri et on est tranquille. Je le dis que c’est le moment.

    Lorti G’as l’aveugla avec sa torche :

    -Ce n’est pas plutôt pour te reposer plus longtemps ?

    Oups. Il est fort.

    -Si c’est ça, ce n’est pas la peine. Elle est partie.

    Elférad se retourna brusquement pour voir qu’il disait vrai. Il se leva aussitôt :

    -Elle est où ?

    -Elle a rampé un peu, puis elle a prit le tunnel.

    L’héritier d’or était sans voie :

    -Et tu la laissais faire ? T’as rien dit ?

    Il haussa les épaules pour montrer que sa réponse était évidente. Elférad ne put que le dévisager, bouche bée.

    -On repart.

    Vers où, on sait même pas où on est. Sa mauvaise humeur revint à la charge et il jeta un regard à sa tablette pour penser à autre chose. Il plissa les yeux en voyant un détail qui n’était pas là plus tôt, pour vérifier qu’il n’avait pas d’hallucinations. Une fois certain, l’adolescent s’écria :

    -Neghttris est dans le coin !

    Son humeur noire s’évapora.

    -Neghttris ?

    -Mon héritier d’argent.

    -Je sais qui c’est.

    Elférad le transperça du regard :

    -C’est Citseko qui t’en a parlé, je suppose.

    Lorti G’as se contenta de demander :

    -Est-ce que c’est une bonne nouvelle ?

    -Tu plaisantes ? C’est Neghttris, évidemment que c’est une bonne nouvelle.

    Le regard du garçon le mit mal à l’aise et il semblait hésiter à parler. Ça a l’air grave. Je ne l’imaginais pas capable d’hésiter. Lorti G’as finit par prendre la parole :

    -Tu devrais te méfier. Il n’a plus confiance en toi.

    Elférad tenta de le détailler dans la faible lumière que lui procurait sa lampe :

    -T’es qui exactement ?

    L’adolescent resta immobile, augmentant le sentiment de malaise de l’héritier d’or. Ça suffit.

    -Merci pour tout. sincèrement. Mais je vais retrouver mon héritier d’argent.

    -Dis lui de dire bonjour à ses parents pour moi.

    Elférad se secoua, prenant la direction de la flèche sur sa carte :

    -OK, je vais faire ça.

    Il quitta l’endroit assez précipitamment.

    Toujours frigorifié et affamé, Elférad retrouva Neghttris après une marche qui lui parût bien longue. Il avait à peine aperçut les cheveux noirs de l’adolescent qu’il courut en appelant son nom. L’héritier d’argent fit un bond, effrayé et surpris, avant de réaliser qu’il s’agissait de son ami. Elférad le serra fortement dans ses bras :

    -Oh, je suis tellement content ! C’est tellement la merde, si tu savais.

    Il le relâcha pour voir qu’il savait probablement déjà. Neghttris avait un visage vide d’expression :

    -J’ai une vague idée, oui.

    -T’es blessé ?

    Il secoua la tête. Avant de dire :

    -Je sais comment sortir par contre.

    Elférad ouvrit des yeux ronds :

    -C’est vrai ? Comment ?

    -Viens.

    L’héritier d’argent lui prit la main pour qu’il la pose contre la paroi.

    -Il y a des signes gravés à certains endroits. Ils indoquent la direction à prendre.

    -Tu as réussi à les interpréter ?

    -Avec Gaishou, on a réussi.

    -Gaishou ?

    -La seconde année qui était avec nous.

    -… elle est où ?

    -Morte.

    Comme Neghttris ne semblait pas disposé à en parler, Elférad continua de chercher le signe dont il lui avait parlé.

    -Là. Regarde.

    Elférad pointa sa lampe, mais Neghttris lui révéla :

    -Ils ne se voient pas à la lumière, tu dois toucher.

    L’héritier d’or baissa sa lampe et tendit la main :

    -On dirait un cercle… avec un S dedans.

    -On doit suivre ce mur et cherchait un signe à la prochaine intersection.

    Ils suivirent cette procédure dans le silence. Elférad n’osa même pas demander s’il avait à manger. Pour la première fois, il avait l’impression qu’ils progressaient réellement et l’adolescent se persuada qu’il pourrait attendre la sortie. Ce n’était sûrement plus loin.

    Combien de temps ils marchèrent ? Elférad l’ignorait. La seule chose dont il avait conscience, c’est qu’ils avaient commencé à monter depuis un moment et qu’au bout, il ne pouvait y avoir que la lumière. Ils se retrouvèrent bloqués par une trappe qu’ils soulevèrent ensemble. La lumière réconfortante du jour les brûla. Les yeux plus fermés qu’ouverts ils s’extirpèrent du tunnel, de la petite cabane pour se laisser tomber au soleil. Oh, la chaleur ! J’avais oublié, je crois bien. Je bouge plus, c’est fini. Il s’endormit.

    Elférad se réveilla en sursaut, pressentant une nouvelle menace. Pourtant, une fois debout, il ne vit rien que le soleil couchant, la cabane et le monde qui s’ouvrait à ses pieds. L’héritier d’or s’approcha du bord, intrigué. Une pente abrupte se terminé dans un sous-bois.

    -Comment on va faire pour descendre ?

    Neghttris était assis contre le mur de bois et lui indiqua un passage à côté de la cabane :

    -Par là, je pense.

    Elférad vont s’asseoir près de lui :

    -Est-ce que t’aurais à manger ?

    L’héritier d’argent secoua la tête :

    -Plus rien.

    Ils restèrent un instant en silence, Elférad hésitant à lui demander ce qui lui était arrivé. Ce fut Neghttris qui posa la question :

    -Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?

    L’adolescent ne se fit pas prier pour raconter ce qui lui était arrivé en détail. Quand il eut terminé, un seul élément sembla intéresser son ami :

    -C’est qui exactement ce Lorti G’as ?

    -Eh bien…….. j’en sais rien. Il a des trucs bizarres que j’ai jamais vu. Des pilules de soins, des masques de plongée avec des bouteilles d’oxygène… je suis parti quand il a commencé à me dire des trucs bizarres aussi.

    -Comme quoi ?

    Elférad avoua avec un petit sourire, espérant alléger l’effet de ses paroles :

    -Que tu n’avais plus confiance en moi, que je devais me méfier.

    -Et tu l’as cru.

    L’héritier d’or se redressa, surpris du sérieux de sa réponse. Neghttris ne le regardait pas, le regard au loin, il semblait épuisé.

    -Bien sûr que non !

    -T’es pas dur à convaincre pour ce genre de chose en général.

    Elférad fronça les sourcils, commençant à s’impatienter :

    -A quel moment ?

    Neghttris tourna les yeux pour croiser son regard :

    -Quand Gzadien m’a accusé pour les notes.

    -T’es sérieux, on en a déjà parlé. Je pensais qu’on t’avais peut-être fait pression. Je sais que tu me ferais pas ce genre de chose. J’ai confiance.

    Il eut un ricanement cynique :

    -Tu parles.

    Je suis crevé, j’ai la dalle, c’est pas le moment de chouiner. Tu m’emmerde. L’énervement revint à la charge et Elférad se leva :

    -A quel moment j’ai pas eu confiance ? D’accord, j’ai eu des doutes, et encore, pas longtemps, pour les notes. Je t’ai parlé, tu m’as dit non, je t’ai cru ! On était coincé, on avait plus d’idée. En plus, si vraiment j’avais pensé que ce pouvait être vraiment vrai, tu crois que j’aurais pris le risque de déménager dans ta chambre ?!

    Neghttris bondit sur ses pieds :

    -Tu ne nous a pas parlé des notes au début ! Tu as magouillé dans ton coin ou avec Gzadien les trois-quart du temps ! Tu ne nous parles plus !

    -J’ai pas voulu que vous ayez d’emmerdes ! Gzadien était impliqué des le départ lui !

    La voix de Neghttris se brisa dans un hurlement :

    -C’EST NOUS TES HÉRITIERS D’ARGENT !!

    Elférad recula, le dévisageant comme s’il le voyait pour la première fois. C’est pas bon. On est complètement vidé. Ça devient n’importe quoi.

    -Écoute, Neghttris, je crois qu’on devrait se poser, se taire pendant deux minutes.

    Neghttris le poussa violemment :

    -Ta gueule ! Je veux plus t’écouter !

    Une nouvelle poussée.

    -Si tu nous avais fait confiance, on en serait pas là. T’aurais dû nous dire ce que t’avais l’intention de faire avec Gzadien.

    Quoi ? Neghttris commença à s’agiter, marchant de long en large en parlant, passant ses mains dans ses cheveux frénétiquement. Tout comme lui, il était sale. Une des lanière de son sac était déchirée. Ce que l’héritier d’or avait prit pour des traces de boue et saleté sur ses mains, pouvait aussi bien être du sang séché.

    -Si tes parents avaient fait confiance aux nôtres, au lieu de faire pression, de s’en prendre à nos familles pour favoriser celle de Gzadien.

    Il a pété un plomb.

    -Attends, tu t’embrouilles. Je comprends pas…

    -J’ai dit ta gueule !

    La nouvelle poussée fut encore plus forte que les deux premières et Elférad chuta en arrière. Seulement, son dos mit bien longtemps à toucher le sol. Il atterrit durement avant que son corps ne se mettent à dévaler la pente. Culbutant contre les obstacles, un coup au crâne l’aveugla un instant. C’est un tronc qui arrêta sa descente. Elférad cracha, ouvrant les yeux sur un lit de feuilles mortes. Désorienté, il ne comprit pas où il se trouvait. Le son d’une glissade et de pas derrière lui l’obligea à essayer de se retourner. Traversé de douleur, l’adolescent ne réussit pas à bouger totalement. Neghttris ? C’est Lorti G’as qui apparut dans son chant de vision. A peine l’avait-il rejoint que le garçon lui retira sa tablette et le saisit pour essayer de le relever. Elférad réalisait à peine ce qu’il se passait :

    -Attends, il faut que je parle à Neghttris.

    Lorti G’as passa son bras autour de ses épaules et le traîna plus qu’autre chose pour l’éloigner de l’endroit. Lorsqu’un coup de feu retentit, Lorti G’as ne ralentit pas.

    « Chapitre 303 - Les carnets »

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