• 4 - Hiloy - "Il faut que je fasse en sorte que les dix-neuf ennemis deviennent des amis"

    La Cinquième passa par sa chambre pour poser ses affaires et dormir un peu avant d'aller dîner. La jeune fille se figea en entendant toquer à la porte. C'est qui ça ? Elle resta immobile à passer toutes les possibilités dans son esprit. Une fille de sa classe ? Une du dortoir ? Un surveillant ?

     

    -C'est quand tu veux, mais nous, on voudrait bien maintenant.

     

    Hiloy alla ouvrir en reconnaissant la voix de Tefpiro. Les jumeaux aux tignasses multicolore se tenaient dans le couloir, souriant, les mains dans les poches. Elle avait à peine entrouvert qu'Oru poussait la porte pour entrer. Hiloy referma après eux :

     

    -Qu'est-ce que vous faites là ?

     

    Tefpiro observa la chambre avec intérêt avant de dire :

     

    -L'union, t'as oublié ?

     

    Ah, oui. Hiloy avait été tellement absorbé par ses cours que cette histoire d'union lui était sortie de la tête. Oru s'installa dans le fauteuil du bureau et s'amusa à le faire tourner, tandis que son frère tendait un rouleau de papier à Hiloy :

     

    -Tiens, c'est ta copie.

     

    La jeune fille ouvrit pour lire le court paragraphe qui se trouvait dessus. Comme l'adolescent le lui avait dit, il y était écrit qu'ils prêtaient serment de ne pas se mêler des histoires des autres sous aucune forme que ce soit. Chacun chez soi en somme. En bas de page, cinq signatures.

     

    -Donc, si je signe, cela veut dire qu'il n'y aura jamais de duel entre nous.

     

    Oru étala sur le bureau quatre autres feuilles identiques, alors que son frère acquiesçait :

     

    -Non seulement ça, mais tu n'aura pas à craindre que l'on veuille t'assassiner.

     

    Hiloy haussa les sourcils :

     

    -Pourquoi l'un de vous voudrait me tuer ? Je ne crois pas qu'aucun de vos clans ne veuille se retrouver dernier des cinq.

    Tefpiro sembla réfléchir :

     

    -Ah oui, c'est vrai.

     

    Il prit la jeune fille par le bras pour la mener jusqu'au bureau :

     

    -On fait ça surtout pour les autres. Ils sont paranos, tu sais.

     

    Sa sœur tapa deux fois du doigt sur la table et il réagit comme si elle venait de s'exprimer aussi clairement que n'importe qui :

     

    -C'est vrai, ils ont de quoi être parano. Tu verrais la tronche du premier...

     

    Oru lui envoya un coup de coude dans les côtes qui le plia en deux. Elle prit la main d'Hiloy et y mit un stylo. Tefpiro retrouva son souffle pour dire :

     

    -Faut que tu signes chacune des copies. Elles sont aux autres.

     

    L'adolescente commença à signer en demandant :

     

    -Pourquoi ils ne sont pas venus aussi ?

     

    -Je te l'ai dit, ils sont paranos.

     

    Hiloy finit de signer et se redressa en ajoutant :

     

    -Il n'empêche que ça n'arrange pas mes affaires. Mon père ne va pas être content.

     

    Le garçon haussa les épaules :

     

    -Tu trouveras bien autre chose. Tu devrais plutôt te préoccuper de ceux d'en-dessous.

     

    Il pointa le doigt vers le sol, mais Hiloy comprit bien qu'il parlait de tous les autres clans qui rêveraient de prendre la place d'un des cinq.

     

    -Vous êtes combien dans ta classe ?

     

    Surprise par la question, Hiloy mit un peu de temps à répondre :

     

    -Heu... une vingtaine, il me semble.

     

    Oru avait fait disparaître les papiers dans ses poches pendant que son frère continuait :

     

    -Un petit conseil. Dorénavant, considère que tu as dix-neuf ennemis qui t'accompagnent tous les jours.

     

    Ils allaient sortir, mais Hiloy les retint :

     

    -Je peux vous poser une question ?

     

    Tefpiro secoua la tête de droite à gauche, alors que sa sœur le faisait de haut en bas. Hiloy passa son regard de l'un à l'autre avant de tenter :

     

    -On nous a dit que demain, une activité commencerait. Vous savez en quoi elle consiste ?

     

    Les jumeaux s'entre-regardèrent avant de passer chacun un bras autour de ses épaules.

     

    -Tu sais quoi, Puînée ? On va manger ensemble. Dans l'état actuel des choses, tu es trop ignorante pour survivre et on s'en voudrait.

     

    Quand ils furent installés autour de leur dîner, Hiloy ne put ignorer les regards qui pesaient sur eux :

     

    -On attire un peu l’attention, non ? Ils vont croire que l'on complote, vous ne pensez pas ?

     

    Tefpiro haussa les épaules :

     

    -Garde à l'esprit que, pour eux, on aura toujours l'air de comploter. Bon, qu'est-ce que tu sais sur les activités ?

     

    Hiloy résuma :

     

    -Ma mère n'y a jamais participé et n'y a donc jamais trop prêté attention. Mon père ne me parle pas et mon précepteur n'est pas venu à cette école.

     

    Le jeune homme revint au premier point :

     

    -Ta mère t'a parlé des activités auxquelles elle a été obligé de participer ? On n'échappe pas à toutes, tu sais.

     

    L'adolescente secoua la tête :

     

    -Non. Elle n'aime pas en parler.

     

    Les jumeaux échangèrent un regard avant que le garçon reprenne :

     

    -Normal, au fond.

     

    -Pourquoi ?

     

    Il eut un sourire mystérieux :

     

    -Disons que certaines activités sont faites pour permettre aux autres de s'élever.

     

    Avant qu'elle n'ait pu demander de détails, Tefpiro enchaîna :

     

    -Pour celle de demain. Il s'agira du jeu des souhaits.

     

    Hiloy se penchait pour ne rien perdre de ce qu'il dirait ensuite.

     

    -Les secondes années pourront demander n'importe quoi aux premières années dès qu'ils en croiseront un.

     

    La jeune fille avait du mal à imaginer la situation :

     

    -On vous a demandé quoi à vous ?

     

    Ils la regardèrent avec surprise, puis Tefpiro répondit :

     

    -Bah, rien. On y a pas participé, nous. Et tu n'y participera pas non plus.

     

    -Mais pourquoi ?

     

    Le Quatrième haussa un sourcil :

     

    -Tu écoutes quand je te parle ?

     

    Hiloy se recula :

     

    -Bien sûr, mais je ne comprends pas pourquoi je n'y participerai pas.

     

    Il répliqua :

     

    -N'oublie pas les dix-neufs ennemis. Les activités sont des "jeux" qu'il est difficile de contrôler et de surveiller. Si tu veux te débarrasser d'un rival, c'est là que tu peux tenter ta chance. Sitôt que tu acceptes de participer, tu acceptes les risques.

     

    Hiloy ne trouva rien à redire, mais toutes ces informations lui tournèrent dans le crâne alors qu'elle allait se coucher. Si elle ne pouvait pas s'élever, au moins, dans l'immédiat, la Cinquième devait s'assurer de survivre. Pour cela, il faut que je fasse en sorte que les dix-neuf ennemis deviennent des amis. Hors, comment se rapprocher si elle se mettait à l'écart en ne participant pas aux activités ? Si Hiloy faisait face aux mêmes dangers que les autres, ils l'accepteraient plus facilement. Les héritiers des quatre pouvaient bien faire ce qu'ils voulaient, leur charge leur suffisait à eux. Elle se coucha, confortée dans la marche à suivre. Le jeu des souhaits, ce ne doit pas être si terrible.

     

    La Cinquième était déjà installée à sa table quand la sonnerie annonça le début des cours. Alors que l'enseignant s'apprêtait à fermer la porte, sa voisine entra précipitamment. L'héritière d'argent fit un grand sourire au professeur en le saluant et s'empressa de rejoindre sa place. En s'asseyant, elle croisa le regard d'Hiloy et lui sourit. Celle-ci s'empressa de l'imiter. Elle s'appelle Falibi... j'en suis quasiment sûr. Un coup de règle sur la table amena le silence.

     

    -Comme on vous l'a dit hier, une activité commencera aujourd'hui.

     

    Hiloy se crispa. Son cœur battait à cent à l'heure.

     

    -Il s'agit du jeu des souhaits.

     

    En chœur avec le reste de la classe, elle entendit sa voisine soupirer, tout en se reculant dans sa chaise comme si cela pouvait l'écarter de ce qui arriverait ensuite. L'enseignant commença à marquer différents points au tableau tout en les énumérant à haute voix :

     

    -Le jeu est simple. A partir de ce moment, chaque fois que vous croiserez un second année, il aura le droit de vous ordonner n'importe quoi et vous, vous aurez l'obligation d'obéir. Cependant, vous êtes en droit de refuser dans les cas extrême. Si la demande vous met mal à l'aise ou touche à la morale.

     

    Il fit face à sa classe pour ajouter :

     

    -Par exemple, mesdemoiselles, si l'on vous demande de vous déshabiller, vous pouvez refuser.

     

    Falibi ricana alors qu'un héritier levait la main :

     

    -Par contre, les garçons, on s'en fout, nous...

     

    L'enseignant l’empêcha de continuer :

     

    -Bien sûr, cela compte pour les garçons aussi.

     

    Tandis qu'il parlait, l'un des surveillants passait dans les rangs avec un pot. Le temps de cette activité, ils devaient renoncer à leur blasons. Cela permettait d'éviter le favoritisme des alliés ou l'acharnement des ennemis. Hiloy fit tourner le blason entre ses doigts avant d'avancer la main vers le pot. Lorsqu'elle la vit faire, Falibi arrêta son geste en lui saisissant le poignet, tandis que le surveillant écartait le récipient en disant :

     

    -Non, vous n'avez pas à participer.

     

    Sa voisine ajouta :

     

    -C'est vrai, les cinq ne participent pas.

     

    Hiloy hocha la tête :

     

    -Je sais, mais je veux jouer aussi.

     

    Le surveillant lança un regard perdu à l'enseignant. L'autre homme et la femme qui complétaient leur équipe se rendirent au bureau où un conciliabule entre les quatre eu lieu. Falibi se tourna vers Hiloy qui observait les adultes avec une certaine appréhension. Pour la rassurer, sa voisine lui sourit en disant :

     

    -Je crois que c'est la première fois qu'un des cinq veut participer.

     

    A ce moment, l'enseignant annonça :

     

    -Vous pouvez participer puisque vous le souhaitez, cependant, l'école ne sera pas responsable de ce qui pourrait vous arriver.

     

    Hiloy acquiesça :

     

    -D'accord.

     

    Le surveillant ramena le pot et elle y laissa tomber son blason. Le cours commença avec quelques murmures concernant le comportement de la Cinquième. Celle-ci se doutait qu'ils s'imaginaient sans doute qu'elle avait un plan, que cela n'annonçait rien de bon, mais Falibi souriait. C'est bon signe ou pas ?

     

    A la pause, Hiloy resta un instant à réfléchir à ce qui risquait d'arriver sitôt qu'elle mettrait un pied dehors. Il lui sembla que Falibi voulut lui dire quelque chose, mais le temps que la Cinquième lève la tête, l'héritière d'argent se ravisa et sortit. Hiloy choisit d'abord d'attendre encore avant de se dire qu'il serait bien qu'elle brise la glace avec sa voisine. Après tout, si on doit passer une année côte à côte, c'est peut-être bien la première personne que je dois avoir en alliée. Hiloy se leva donc et retrouva Falibi qui se dirigeait vers la bibliothèque en chantonnant. Le bâtiment était en vue quand des sifflements attirèrent son attention. L'adolescente dût se décaler pour apercevoir un groupe de fille qui se tenait un peu plus loin et faisait des signes à Falibi. Le regard de d'Hiloy descendit sur les brassards à leur bras. Et merde. Quelque part, Hiloy fut tout de même soulagée que cela ne tombe pas sur elle.

     

    -Première année !

     

    Falibi attendit la suite avec patience.

     

    -Où vas-tu ?

     

    Elle répondit d'une voix forte pour être sûre d'être entendu sans avoir à s'approcher :

     

    -A la bibliothèque.

     

    Les filles se consultèrent avant que l'une d'elle ne finisse par lancer :

     

    -Va jusqu'à la porte en pas chassés.

     

    Hiloy poussa un soupir de soulagement. Ce n'est pas si terrible. Falibi sourit :

     

    -OK.

     

    Elle s'exécuta. Une fois à destination, elle se tourna vers le groupe pour voir s'il lui fallait accomplir autre chose. Les filles applaudirent en riant avant de s'éloigner. Hiloy s'empressa de la suivre, veillant à rester hors de vue des secondes années.

     

    La Cinquième passa la pause au milieu des livres sans trouver le courage d'aborder Falibi. Elle retourna en classe à la sonnerie, sans se presser, marchant toujours derrière sa voisine de table. Hiloy n'osa pas, non plus, lui adresser la parole en cours, de peur d'être repérée par l'un des surveillants.

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