• XIV - Elférad

    Elférad Juéllit

    Rang : Or

    Héritier de la grande famille Juéllit

     

    Les yeux sur la porte, Elférad tentait de calculer rapidement. Dix-huit survivants. Gzadien a quand même de grandes chances d'en faire partie. Mais une autre voix s'insinuait pour lui faire remarquer qu'il n'y avait aucune raison pour qu'il ne soit pas non plus l'un des deux morts.

    Les hélicoptères repassèrent au-dessus de leur tête pour atterrir de l'autre côté de la zone. L’héritier d’or se mit à courir. Lorsqu'il atteignit le lieu d'atterrissage, l'endroit était déjà rempli d'autres élèves qui attendaient de voir leurs amis. Les surveillants formaient une barrière, les empêchant de trop approcher. Sur sa droite, Elférad nota qu'un couloir avait été dégagé, qui permettrait de mener les blessés directement à la cabane servant d'infirmerie. La foule amassée devant les surveillants étaient déjà trop dense pour qu'il puisse espérer y voir quoi que ce soit.

    -La vache, y a trop de monde. On va rien voir.

    Elférad ignora la remarque de Matior et ordonna :

    -Dispersez-vous le long de la chaîne, essayez d'atteindre le premier rang. Sifflez si vous voyez l'un d'eux.

    Il allait s'élancer du côté du couloir quand Hiloy le retint en disant :

    -Falibi devrez aller avec toi.

    La jeune fille s'avançait déjà :

    -Oui, je suis plus grande. Je verrais plus facilement.

    Elférad resta une seconde surpris qu'elles veuillent aider, mais se ressaisit rapidement :

    -OK. Merci.

    Tandis qu'ils couraient tous deux vers la droite. Hiloy s'élança vers un autre point de la barrière suivit de Rafirin qui saisit Nsoah au passage :

    -Tu viens aussi toi.

    L'adolescent baissa les yeux vers la main qui agrippait son uniforme et ressentit le besoin de confirmer :

    -Oui, je suis grand aussi. Je peux voir loin.

    Elférad restait calme. La panique ne servait strictement à rien. De plus, même si toutes ses pensées étaient tournées vers Gzadien, il n'en oubliait pas pour autant Floï et Pihiliié. Ce n'était pas parce que la classe avait été annoncée intacte qu'il n'y avait pas de blessés. Il entra dans la masse des élèves, en s'excusant à tour de bras et s'arrêta quand il put voir suffisamment. L’adolescent se retourna pour s'assurer qu'il pouvait encore voir Falibi. La jeune fille avait passé quelques personnes plus grandes qu'elle ou de sa taille et avait trouvé une place qui lui permettait de voir aisément les élèves qui sortiraient des hélicoptères en face d'elle.

    Elférad reporta son regard vers l'avant. Dans ce genre de situation, l'ordre était toujours le même. Les blessés sortaient d'abord, puis on apportait les morts et ensuite, les indemnes. Elférad réalisa soudain une chose. Pourquoi n'ont-ils pas déjà annoncé les morts ? Pour l'autre classe, le nom de la personne décédée n'avait pas tardé à suivre l'annonce. Pourquoi cela n'avait-il pas été le cas, ici ? Le garçon imagina la réponse aisément quand il vit arriver les premiers blessés. Certains pleuraient, certains observaient les alentours d'un air hagard comme s'ils ne comprenaient pas où ils se trouvaient. Les premiers soins qu'on leur avait donné dissimulaient les blessures, mais le sang tachait déjà la majorité des bandages blancs. Elférad imagina la scène. Les hélicoptères en approche avaient aperçu les deux cadavres, mais une fois au sol, les surveillants avaient dû se trouver face à une Bestiole. L'évacuation avait dû se faire dans la panique et transmettre le nom des morts n'avaient pas été une priorité. Ils le confirmeront sans doute quand ils les mettront à l'infirmerie.

    Ces réflexions ne l'empêchèrent pas de dévisager chaque personne qui passait devant lui. Cependant, l’héritier d’or ne put les voir tous car un garçon se déplaça, lui bouchant la moitié de la vue. Ce n'est pas grave, si les autres l'avaient vu, ils auraient sifflé et Falibi m'aurait appelé. Il jeta un regard rapide vers la jeune fille pour vérifier qu'elle était toujours là. Celle-ci n'avait pas bougé. Il revint au passage, tentant de se décaler pour se dégager la vue. Les surveillants transportant les cercueil de fer dans lesquels se trouvaient les corps arrivèrent. Elférad tenta de deviner qui se trouvait là en se basant sur la longueur des boîtes. Ça sert à rien. Maintenant, il sentait sa gorge se nouer et les larmes lui monter aux yeux en voyant les cercueils être amenés à l'infirmerie. Cependant, l’adolescent se ressaisit. Il inspira profondément, ferma les yeux et ravala ses larmes. Ils vont le dire maintenant. Ça ne sert à rien. Un sifflement... puis deux. Il bloqua sa respiration. Lyert a trouvé Floï et Pihiliié. Mais en cet instant, il n'arrivait pas à s'en réjouir complètement. La masse des élèves avait commencé à se déplacer, tendant les bras vers les indemnes, désireux de rejoindre leurs amis. La chaîne des surveillants commença à fatiguer.

    -Elférad !

    Il se retourna pour apercevoir Hiloy qui tentait de l'atteindre, ballotté.e par la foule :

    -Je l'ai vu !

    Le cerveau du garçon lui semblait marcher au ralenti. Floï et Pihiliié ? Lyert a... attends, iel les connaît pas. Il commençait à réaliser quand la voix dans le haut-parleur annonça :

    -Weridas Mloufg. Zjuvc Yiyledmo.

    Les morts. Ça, ce sont les morts, donc...

    -Je l'ai, là-bas.

    Il vit Falibi pointer la direction d'un des hélicoptères et Hiloy se tourna vers elle :

    -Tu l'as trouvé aussi ?

    -Oui, il est près de l'hélicoptère sur la droite. Le deuxième en partant de la droite.

    Les surveillants avaient cédé. Une fois assurés que les engins étaient éteints et que tous les blessés et le personnel de soin avaient évacué la zone, ils laissèrent les élèves passer. Elférad se dirigea dans la direction indiquée par Falibi. Au fur et à mesure que les autres se dispersaient dans l'espace, il commença à y voir plus clair. Il trouva l’héritier d’argent appuyé contre l'un des engins.

    -Gzadien !

    L'adolescent se tourna vers le cri, permettant à Elférad de voir sa chemise couverte de sang. Il se raisonna avant de paniquer. Ce n'est pas le sien. Il aurait été envoyé à l'infirmerie sinon. Il accéléra le pas quand Gzadien fondit en larme en l'apercevant. Elférad le serra fortement contre lui :

    -Tu veux me dire ce qu'il s'est passé ?

    Gzadien lui rendit son étreinte, le visage au creux de son cou pour dissimuler ses larmes :

    -J'ai essayé.... de l'aider... mais, je savais pas.... je savais pas quoi faire... et le truc est revenu...

    Le reste se noya dans ses sanglots. Elférad s'agrippait à lui, s'en voulant d'être soulagé de pouvoir encore le voir pleurer. Quand ses larmes se tarirent, Gzadien s'écarta doucement. Il voulut s'essuyer les joues, mais arrêta son geste en apercevant sa main couverte de sang :

    -Merde, j'en ai partout.

    Elférad l'aida en utilisant sa manche.

    -T'aurais pas un mouchoir ?

    L'adolescent sourit en lui prenant la main :

    -Suis-moi.

    Gzadien se laissa guider vers la cabane où se trouvaient les cabines de douche. Elférad se dirigea vers l'immense armoire dans un coin de la pièce. Dedans se trouvait les tenues bleues, rangées par taille. Il en sortit une pour son petit-ami :

    -Tiens. Prends d'abord une douche. Les serviettes sont à l'intérieur. Je t'attends dehors.

    L’héritier d’argent acquiesça et Elférad attendit qu'il soit entré dans une des cabines avant de sortir. Il resta quelques instants assis devant la porte pour profiter de son bonheur, avant d'aller rejoindre ses amis.

    Neghttris, Matior et Lyert se trouvaient en compagnie de Floï et Pihiliié. Alors qu'il se dirigeait vers eux, il aperçut Hiloy, Falibi, Rafirin, Nsoah et Tahiya sur sa droite. Falibi commença à s'avancer vers lui, mais Hiloy la retint :

    -Non, laisse le tranquille.

    Elférad remercia mentalement lae Cinquième. Il n'avait pas vraiment envie d'être distrait de ce qu'il avait en tête. Lorsqu'il fut à la hauteur de ses amis, il demanda :

    -Qu'est-ce qui vous est arrivé ?

    Floï répondit :

    -On s'est retrouvé bloqués comme des cons.

    Neghttris précisa :

    -La manivelle.

    L'héritier d'or reprit :

    -Ouais. Ceux qui l'ont trouvé nous l'ont montré avant qu'on entre dans le dernier bâtiment. La manivelle est passée de mains en mains. On est entré et au moment où on arrivait, enfin, tout en haut, de ce foutu labyrinthe...

    Il ouvrit les mains comme un magicien qui vient de faire disparaître quelque chose :

    -Disparue.

    Elférad s'étonna :

    -Vous l'avez perdue ?

    Matior ne put s'empêcher de ricaner. Pihiliié lui envoya un coup léger pour le calmer. Ce qui eut pour résultat de l'énerver. Lyert les arrêta avant qu'ils ne se lancent dans une réelle bagarre. Floï les ignora, continuant de raconter :

    -Exact. Un abruti, on ne sait pas qui, un abruti l'a laissée dehors. Du coup, impossible d'ouvrir le toit. On est resté coincés, comme des nuls, jusqu'à ce qu'ils nous ouvrent.

    Elférad pointa l'infirmerie du pouce :

    -Du coup, tous les blessés ?

    -Ne sont pas de chez nous. C'est l'autre classe qu'ils ont ramené avec nous.

    Elférad hésita. Il pouvait demander à Gzadien ce qui leur était arrivé, mais il risquait de ne pas aimer ça. Ou je demande à Floï directement. Neghttris le sortit de l'embarras :

    -Tu sais ce qu'il leur est arrivé ?

    Floï hésita :

    -Pas trop. Juste des murmures qu'il y a eu pendant le trajet. Apparemment, ils étaient cernés par des Bestioles. Ils étaient sur les arbres, avec les passerelles. Ils n'ont pas pu descendre. C'est ce qui se dit en tout cas.

    Elférad frissonna en imaginant la scène, puis se tourna vers le buffet :

    -Merci, Floï. Je suis content que vous n'ayez rien. Désolé, il faut que j'y aille.

    Floï lança alors qu'il s'éloignait déjà :

    -Comment va Gzadien ?

    Elférad réfléchit à ce qu'il devait répondre, mais ne put que dire :

    -Je ne sais pas encore.

    Tout en courant au buffet, il aperçut une jeune fille en larme, agenouillée au sol. Personne ne semblait se préoccuper d'elle, mais en faisant plus attention, l’héritier d’or remarqua qu'elle n'était pas la seule. Submergé par le soulagement d'avoir retrouvé ses amis, il avait un instant oublié que les trois morts avaient aussi eu des amis. Je la connais. Il lui fallut encore une seconde pour réaliser qu'il s'agissait d'une fille de son club. Ce souvenir lui donna l'impression de venir d'une autre vie. Il aperçut Citseko qui faisait quelques pas vers elle, mais il fut devancé par le garçon au masque. Elférad se souvint sans vraiment savoir pourquoi que la première fois qu'il l'avait aperçut, il jouait avec son stylo. Elle lui avait demandé d'arrêter. Le garçon au masque dont il n'arriva pas à se rappeler le nom, aida la fille à se relever et l'emmena à l'écart. Coupé dans son élan, Citseko retourna auprès de Meb.

    Elférad retourna à l'assiette qu'il était en train de remplir avec tout ce qu'il pouvait. Ses amis ne tardèrent pas à le rejoindre et Neghttris eut un air amusé :

    -Tu ne trouves pas que ça fait un peu beaucoup ?

    Elférad répliqua :

    -S'il était bloqué dans un arbre, allez savoir quand il a mangé pour la dernière fois.

    Son ami lui fit doucement remarquer :

    -Ils leur ont probablement posé la question sur le trajet et ils leur ont sûrement donné quelque chose.

    L'héritier d'or respira profondément pour garder son calme :

    -Oui, mais peut-être que c'était pas suffisant.

    Lyert le regarda tranquillement :

    -Il s'énerve, il est inquiet.

    Elférad leva les yeux au ciel :

    -Je ne suis pas énervé.

    Neghttris lui prit son assiette des mains :

    -Si, tu l'es, mais c'est pas grave. On s'en occupe. Il est où Gzadien ?

    -A la douche.

    Matior lui donna une tape dans le dos :

    -OK, on te retrouve devant la cabine.

    Elférad voulu reprendre son assiette, mais Neghttris l'écarta :

    -Non, on t'a dit qu'on s'en occupe. Laisse faire les gens rationnels.

    Je suis tout à fait rationnel. Cependant, il savait que ses amis n'agissaient pas ainsi sans raison et peut-être qu'au fond, il n'était pas si rationnel. Le jeune homme obéit donc et alla sagement s'asseoir devant la cabane. Il était à peine assis que Gzadien sortait. Elférad se leva aussitôt :

    -Ça va ?

    Gzadien se mit à geindre :

    -Non, j'ai même pas eu droit à un bisous.

    L'inquiétude d'Elférad s'évanouit aussitôt :

    -T'as quel âge, franchement.

    Gzadien ouvrit les bras :

    -L'âge des bisous. Hein ? Oui ? Non ?

    Elférad finit par obéir de bon gré. Ses amis arrivèrent quelques secondes plus tard :

    -Vous dites si on dérange. On ira manger dans un coin.

    L'héritier d'or s'arracha à l'étreinte de Gzadien :

    -Vous avez apporté à manger ?

    Matior répliqua :

    -Évidemment, tu croyais qu'on faisait quoi ?

    Il lui donna l'assiette qu'il avait en main, tandis que Neghttris donnait la sienne à Gzadien. Lyert leur donna un verre à chacun en disant d'un air guindé :

    -Voilà. S'il n'y a rien d'autre pour votre service.

    Elférad prit le même ton pour répondre :

    -Non merci, vous pouvez disposer.

    Ils s'installèrent à même le sol, tandis que leurs amis s'éloignaient pour les laisser tranquille. Gzadien commença à manger avec délectation :

    -Ah, ça fait du bien.

    Elférad mangea du bout des lèvres au cas où Gzadien aurait encore faim quand il aurait fini son assiette. Il mourrait aussi d'envie de savoir exactement ce qui lui était arrivé, mais le garçon savait que lui poser la question le rebuterait. Ils mangèrent donc en silence.

    -Tu n'as pas faim ?

    Elférad lui tendit son assiette :

    -J'ai déjà mangé, en fait. Tu veux le reste ?

    Gzadien eut un sourire :

    -Le reste ? Toute l'assiette, oui.

    Elférad leva les yeux au ciel :

    -Tu la veux ou pas.

    L'adolescent vint s'asseoir tout près de lui pour lui passer un bras autour de ses épaules :

    -Je vais bien. Enfin, je vais mieux.

    Elférad le dévisagea intensément pour déceler la moindre trace de mensonge :

    -Si tu veux parler....

    Gzadien l'embrassa :

    -Je sais, mais là non.

    -OK.

    Lyert revint vers eux quelques minutes plus tard :

    -Ils vont commencer à nous laisser sortir.

    Elférad se redressa :

    -Pour de vrai ? Maintenant ?

    L’héritier d’argent secoua la tête :

    -Non, ils revérifient notre état de santé avant. Matior et Neghttris y sont, là...

    Leur deux amis les rejoignirent à cet instant. Elférad leur lança quand il les aperçut :

    -Alors ? Faut faire quoi ?

    Neghttris lui répondit :

    -Rien. Ils t’auscultent pour être sûrs que t'es pas blessé ou malade. Il faut que vous y alliez. C'est notre classe qui passe.

    L’héritier d’or se leva :

    -Lyert, mon ami, allons-y.

    L’interpellé l'attendit avant de se diriger vers la cabane infirmerie. A l'entrée, un surveillant leur demanda leur nom, puis, après un examen rapide, ils purent ressortir. La femme qui venait de les ausculter les informa, en leur donnant une petite fiche rouge :

    -C'est votre permission de sortie. Donnez-la aux surveillants près de la petite porte.

    Une fois dehors, ils trouvèrent leurs amis qui les attendaient devant la cabane. Neghttris demanda :

    -Vous êtes libres, vous aussi ?

    Ils montrèrent leur fiche pour preuve et Elférad leur dit :

    -Vous pouvez y aller, les gars. Je vais attendre que Gzadien soit passé.

    L’héritier d’argent rouspéta :

    -Va-t-en donc, je te dis que je vais bien.

    Elférad leva un doigt pour corriger :

    -A peu près bien. Ce n'est pas assez.

    Gzadien eut un sourire ironique en regardant les autres :

    -Il préfère rester avec moi, plutôt que de partir avec vous. Je suis son préféré.

    Les trois autres le regardèrent d'un air blasé :

    -Chouchou.

    -Oui, je sais.

    Elférad les observa une seconde, avant de se diriger vers la porte :

    -C'est bon, je me casse.

    Gzadien tendit le bras vers lui :

    -Mon amour ? Tu me quittes comme ça ? Youhou ? Elf ?

    Elférad l'ignora continuant de s'éloigner les mains dans les poches. Neghttris prit un air mauvais :

    -C'est nous les chouchous.

    Gzadien ricana :

    -Que tu crois. Il vous feinte. Il va revenir, vous allez voir.

    Ils attendirent, plantés au même endroit, tandis qu'Elférad continuait sa route.

    -Il va revenir. Il ne me laissera pas comme ça.

    Matior finit par dire :

    -Je ne veux pas briser tes rêves, mais étant donné qu'on vient de le perdre de vue, je commence à avoir des doutes.

    Gzadien fit la moue, mais son visage se transforma quand il vit reparaître Elférad. Celui-ci ne prit pas la peine de revenir vers eux et leur cria :

    -Vous venez au lieu de faire les cons ?!

    Les quatre adolescents répondirent en chœur :

    -Désolés !

    Ils se dirigèrent vers lui, alors que Matior marmonnait :

    -Faire les cons, faire les cons. Ça le dérange pas quand c'est lui qui fait le con.

    Ils ricanèrent tous discrètement, mais même ainsi, cela attira l'attention d'Elférad qui se tourna vers eux :

    -Qu'est-ce que vous avez encore ?

    Ils secouèrent la tête sans répondre. Le groupe arriva à la porte menant à l'extérieur. Deux surveillants attendaient patiemment l'arrivée des élèves. Elférad s'arrêta :

    -Bon, on se retrouve tout à l'heure.

    Neghttris regarda autour de lui :

    -Tu parles à qui ?

    Elférad soupira :

    -A toi, crétin. Allez-y.

    Matior croisa les bras :

    -On veut pas partir, nous.

    Lyert ajouta :

    -C'est vrai, ça. Tu ne nous demandes même pas notre avis. On n’est pas des esclaves, tu sais. On a des droits.

    Matior éprouva le besoin d'appuyer ses dires :

    -Ouais, alors !

    Elférad prit un air épuisé :

    -Vous n'en avez pas marre ?

    Gzadien ouvrit les bras et l'héritier d'or alla s'y lover :

    -Oh, ça va aller.

    Ses trois amis ne tardèrent pas à ajouter leurs étreintes à celles des deux garçons :

    -Mais oui, ça va aller.

    Neghttris tint à préciser :

    -On arrête d'être con, promis.

    Finalement, ils attendirent ensemble que Gzadien passe son examen. Une fois tous munis de la fiche rouge, ils se présentèrent aux surveillants et purent sortir. De l'autre côté de la porte, des voitures attendaient les héritiers. Ils s'arrêtèrent sur le geste d'un homme qui observait la dispersion des adolescents auprès des voitures. La priorité était, bien sûr, donnée aux héritiers d'or. Enfin, il fit signe à Elférad :

    -La voiture en bout de ligne.

    Le garçon hocha la tête :

    -A tout à l'heure les gars.

    Il entra dans la voiture qu'on lui avait désigné. Une fois assis, on lui banda les yeux, puis il sentit qu'on lui retirait le bracelet.

    Ce n'est que lorsqu'on le fit descendre de voiture et qu'on lui retira le bandeau qu'il eut véritablement le sentiment que le Grand Jeu était terminé. L’adolescent resta un instant immobile à observer les bâtiments de l'école. Il n'avait pas vraiment fait le compte des jours passés dans le Grand Jeu, mais le jeune homme lui semblait bien que cela faisait des mois. Une pensée lui vint soudain. Merde, j'avais pas des devoirs à faire ? On n’a pas une excuse en cas de Grand Jeu ? Il s'approcha du bâtiment d'accueil et s'assit sur les marches pour attendre ses amis. Elférad remarqua la présence d'autres personnes, qui restait là pour la même raison que lui. Sauf celui-là. Son regard se fixa sur un adolescent de seconde année qui parlait à tous ceux qui étaient présent un par un. Elférad remarqua qu'il évitait les filles et se demanda ce qu'il pouvait bien raconter. Vu qu'il vient vers toi, il y a des chances pour que tu le saches bientôt. En effet, une fois à sa hauteur, l'adolescent lui demanda :

    -Je peux voir ton blason ?

    Elférad hésita une seconde avant de répondre :

    -Pourquoi ?

    -Je veux juste m'assurer que je m'adresse à la bonne personne.

    Ah, bah, c'est pas moi. Je ne vois pas ce qu'il pourrait me vouloir. Il tira sur la chemise bleue pour mettre son blason en avant. Le jeune homme plissa les yeux :

    -Donc, tu es Elférad Juéllit ?

    A nouveau interdit, l’héritier d’or finit par se lever avec précaution, prêt à toute éventualité :

    -Pourquoi ?

    Il lui tendit un papier :

    -On m'a dit de te transmettre ça.

    Elférad fixa la note avec méfiance. Ça va pas recommencer. Avant de faire le moindre mouvement, il demanda :

    -Qui t'as dit de me le donner ?

    L'adolescent haussa les épaules :

    -J'en sais rien. C'était glissé sous la porte de ma chambre quand je suis revenu de mon Grand Jeu.

    Il commençait à s'impatienter, mais Elférad n'en avait pas fini :

    -Il y avait un mot pour t'expliquer comment me trouver ?

    Le seconde année soupira d'agacement :

    -Oui, y avait un mot. Tu prends ça ou non ?

    Sentant qu'il était à deux doigts de partir, Elférad saisit le papier tout en demandant :

    -Tu peux juste me dire ce que disais le mot exactement ? C'est très important.

    Le visage tendu de l'héritier d'or toucha l'adolescent qui prit le temps de répondre :

    -Ça disait que je devais trouver l'héritier d'or appelé Elférad Juéllit, portant en blason une aiguille entourée d'un fil. Il était dit que je pourrais le trouver en train d'attendre ses amis à la sortie du Grand Jeu. Et comme tout le monde attend ici, je suis venu direct.

    -OK, merci.

    L'adolescent s'éloigna, laissant Elférad qui fixait le mot comme s'il s'agissait d'une bombe. Il songeait à ce que le messager venait de lui dire. C'est beaucoup trop précis. C'est pas possible que ce soit quelqu'un qui ne nous connaisse pas. L’adolescent finit par se décider à ouvrir la note :

     

    Cela fait un moment que Gzadien enquête, non ?

    Comment expliques-tu qu'il n'ait encore rien trouvé ? A moins qu'il ne veuille rien te dire.

    Mais, es-tu seulement sûr qu'il ait enquêté sur quoique ce soit ?

     

    L’héritier d’or relut le mot deux, trois fois avant que ses amis n'arrivent.

    -Elférad ? Qu'est-ce que tu fais ?

    L'adolescent glissa précipitamment le mot dans sa poche à l'approche de Neghttris :

    -Rien. Je vous attendais.

    Son ami eut l'air amusé :

    -Je t'ai vu ranger quelque chose dans ta poche. C'est quoi ? Une déclaration ?

    Elférad secoua la tête :

    -Sois pas bête.

    -C'était quoi alors ?

    L'héritier d'or hésita avant de répondre :

    -Rien. Un papier trouvé par terre.

    Neghttris devint soupçonneux :

    -Trouvé par terre ? Et tu le mets dans ta poche ?

    Elférad devina où il voulait en venir et para :

    -Il n'y a pas de poubelle dans le coin. J'allais pas le laisser traîner.

    -Laisser traîner quoi ?

    Matior arriva, passant son regard de l'un à l'autre :

    -Hein ? Laissez traîner quoi ?

    Elférad répondit :

    -Un papier que j'ai trouvé.

    -Ah ? Tu veux pas le jeter ?

    Neghttris répondit en gardant les yeux sur Elférad :

    -C'est toute la question.

    L'héritier d'or s'énerva :

    -Mais, vous pouvez me laisser deux minutes ? Que j'ai le temps de bouger ? Vous venez à peine d'arriver que vous me faites déjà chier.

    Lyert les rejoignit à cet instant :

    -Pourquoi il est pas content ?

    Neghttris répondit :

    -Une histoire de papier.

    Lyert se tourna vers Elférad, inquiet :

    -Quoi ? T'as encore reçu une note ?

    Le visage de Neghttris changea soudain. Elférad le remarqua. Il a compris. Avant que son ami n'ouvre la bouche, il lança :

    -Non, c'est un truc que j'ai trouvé par terre. C'est rien.

    Enfin, Gzadien arriva et Elférad tourna les talons :

    -Parfait. On bouge ?

    Gzadien s'étonna de l'humeur du garçon et demanda au trois autres :

    -Qu'est-ce qu'il a ?

    Elférad marchait à grands pas. Tout en se demandant ce qu'il devait faire de la note. Il aurait voulu en parler à Gzadien, mais l'état dans lequel s'était trouvé l’héritier d’argent à la descente de l'hélicoptère lui faisait penser que ce n'était pas vraiment le bon moment. Derrière lui, il entendit Neghttris lui lancer avec une pointe de défi :

    -T'as pas un papier à jeter ? Y a une poubelle juste là.

    Celui-là, alors. Quand il en aura marre de faire le malin. Il s'approcha de la poubelle désignée et y jeta le papier.

    Les garçons se retrouvèrent dans sa chambre à sortir boissons et biscuits. Matior sortit également son jeu de carte de sa poche :

    -Fêtons notre survie les gars.

    Ils s'y appliquèrent en jouant, mangeant et buvant jusqu'à ce qu'ils s'écroulent. Elférad jeta un regard un peu désespéré aux bouteilles de soda vide et aux paquets de gâteaux éventrés.

    -Eeeeeeet va encore falloir faire du stock.

    Il chercha un soutien alentours, mais Matior et Lyert dormaient à même le sol, tandis que Neghttris et Gzadien s'étaient octroyés chacun un lit. Elférad alla s'asseoir près de Gzadien. Celui-ci semblait dormir paisiblement.

    -Tu me le montres ?

    Elférad soupira :

    -Te montrer quoi Neghttris ?

    -Le papier que t'as fait semblant de jeter.

    Elférad glissa les doigts dans les fins cheveux oranges de Gzadien :

    -Je ne vois pas de quoi tu parles.

    Neghttris se leva pour venir s'asseoir à côté de lui :

    -Je sais que tu l'as gardé. Montre-moi.

    Elférad continua de jouer avec les cheveux du garçon endormi, alors Neghttris proposa :

    -Tu veux que je te fouille ?

    L'héritier d'or ricana :

    -C'est que tu le ferais en plus.

    Il sortit le papier de sa poche. Après en avoir pris connaissance, Neghttris soupira :

    -Tu crois que c'est le même ?

    -Je ne vois pas qui d'autre.

    Il rapporta ensuite ce que lui avait raconté le seconde année sur le mot qui avait accompagné la note. Neghttris tomba du même avis que lui en disant :

    -C'est beaucoup trop précis comme renseignement.

    -Je suis d'accord.

    L’héritier d’argent lui rendit le mot :

    -Et pour ce que ça raconte, t'en penses quoi ?

    Elférad lui fit face :

    -Comment ça ?

    -Tu crois que ça peut-être vrai ? Gzadien n'aurait pas enquêté ?

    L'héritier d'or le dévisagea avec surprise :

    -Tu poses sérieusement la question ? Tu crois qu'il faisait quoi pendant tout ce temps ?

    Son ami leva une main pour l'apaiser :

    -Je n'ai rien dit. Je me demande juste pourquoi on t'a écrit ce message en particulier.

    Elférad haussa les sourcils :

    -Pour la même raison qu'on a écrit les autres. J'en sais rien.

    Neghttris hésita avant de dire :

    -J'ai encore une question. Il te tient au courant de ce qu'il découvre ?

    -Non, mais ce n'est pas nouveau.

    Matior grommela :

    -Du coup, on enquête aussi ou on attend ?

    Elférad lui envoya un coup de pied :

    -Depuis quand t'écoutes, toi ?

    Ce fut Lyert qui répondit :

    -Moi, ça fait un moment.

    Neghttris retint un rire quand Gzadien ajouta :

    -Tu veux pas recommencer à tortiller mes cheveux ? C'est rigolo.

    Elférad les incendia :

    -MAIS Y A PERSONNE QUI DORT DANS CETTE PIAULE ?!

    Ils se redressèrent tous, bâillant, s'étirant, tout de même à moitié endormi. Matior tendit la main :

    -Fait voir le mot.

    Gzadien se frotta les yeux en ajoutant :

    -Ouais, montre-le.

    Elférad lui répondit d'un ton sans équivoque :

    -Toi, non. Interdit.

    L'héritier d'argent s'insurgea :

    -C'est quoi ce favoritisme ? Je suis plutôt concerné si j'ai bien compris.

    Lyert l'appuya :

    -C'est vrai, ça sert à rien de le cacher. Tu finiras par lui en parler de toute façon.

    Elférad s'affala sur Gzadien, fatigué :

    -Vous êtes épuisants aujourd'hui. Vous le savez ?

    Matior n'en démordit pas :

    -Bon, tu nous le files ce mot ?

    L'héritier d'or se redressa :

    -Neghttris, je peux te parler ?

    Il se rendit dans la salle de bain. Neghttris échangea un regard avec les trois autres. Lyert murmura :

    -Pas bon, ça.

    Matior se rallongea :

    -Bonne chance.

    Gzadien haussa un sourcil :

    -C'est con d'avoir survécu à ton premier Grand Jeu pour finir comme ça.

    Neghttris grimaça en se levant :

    -Merci du soutien.

    Elférad l'attendait, appuyé contre le lavabo. L'héritier d'argent tenta de détendre l'atmosphère en disant :

    -Tu crois que Hiloy, iel a droit à une baignoire en plus ?

    Son ami ignora la question, ferma la porte et, bras croisés, lui annonça :

    -J'apprécierais que tu me laisses gérer les choses à ma manière.

    Neghttris mit les mains dans ses poches :

    -J'ai rien dit.

    Elférad lui fit face :

    -Rien dit ? Tu as parlé du mot....

    Neghttris l'arrêta d'un geste :

    -Attends, je ne savais pas qu'ils étaient réveillés.

    -Tu l'aurais fait de toute façon. Les sous-entendus pour voir si je jetterais le papier, juste pour que je vous en parle.

    Son ami répliqua :

    -Parce qu'il faut que tu nous en parles.

    Elférad accentua chaque syllabe avec un geste de son index et son pouce pincés :

    -Je n'ai pas à en parler, si je n'en ai pas envie. Ce n'est pas à toi de décider. Il ne t'est pas venu à l'esprit que je n'avais pas envie de mettre Gzadien au courant de suite ?

    Neghttris ne prit pas en mal l'énervement de son ami et se contenta de sourire :

    -Gzadien commence à déteindre, non ?

    Le regard de l'héritier d'or lui fit reprendre son sérieux :

    -Franchement, Elférad, à quel moment tu as géré ? Tu m'as dit toi-même que Gzadien s'en occupait tout seul. Il te cache peut-être des choses. C'est peut-être pour ça qu'il ne te dit rien.

    Elférad aurait voulu être capable de le contredire, mais il connaissait trop son copain pour savoir que c'était possible.

    -De plus, il serait plus logique que ce soit Matior, Lyert et moi qui nous en occupions, non ? Héritiers d'argent, tout ça.

    -Tu sors ça que quand ça t'arrange.

    Neghttris acquiesça :

    -C'est vrai. Mais, je pense aussi que l'on devrait faire nos recherches de notre côté.

    Elférad le fixait avec le même regard :

    -Tu ne fais pas confiance à Gzadien ?

    -Ça n'a rien à voir. Il a peut-être négligé une piste ou il est passé à côté de quelque chose.

    L'héritier d'or réfléchit un instant :

    -OK. Ne t'en mêle pas, compris ? Je gère.

    Neghttris demanda :

    -Mais si je découvre des trucs pas hasard, je te le dis ou pas ?

    Elférad étendit les bras avant de les faire retomber le long de son corps :

    -Non, mais vous avez quoi aujourd'hui, là ? Évidemment que tu me le dis.

    Son ami sourit en glissant :

    -Bien, maître.

    L'héritier d'or fit mine de lui envoyer un coup de pied avant de sortir. Le décompte commença à cet instant et Matior râla :

    -Non, veux rester là !

    Elférad lui lança :

    -Ta gueule ! Fous le camp !

    Lyert ne se laissa pas déstabiliser :

    -T'es fatigué, non ?

    Matior lui confirma :

    -Il est complètement crevé.

    Neghttris leur fit signe de se lever :

    -Les gars, on y va. Il n'est pas d'humeur.

    La seconde suivante, les deux héritiers d'argent étaient debout. Elférad entendit Lyert murmurer à Neghttris en sortant :

    -Il a quoi exactement ?

    -Je pense qu'il doit avoir une discussion avec son copain.

    La porte une fois fermée, les deux adolescents se dévisagèrent. Gzadien s'était redressé, le dos contre le mur, attendant quelque chose. Comme Elférad ne bougeait pas, il demanda :

    -Tu me passes le mot ?

    L'adolescent choisit plutôt de tirer la chaise de son bureau pour la mettre vers le lit. Il s'assit, croisant bras et jambes. Si tu crois qu'il suffit de faire une tête pareille pour que j'obéisse. Ils se fixèrent encore un moment. L'héritier d'or choisissait ses mots avec attention, mais Gzadien prit de nouveau les devants :

    -Elle dit quoi exactement, cette note ?

    -J'ai pas envie de te le dire.

    Il eut un sourire mauvais. C'est agaçant, hein ? En fait, cela ne semblait pas le déranger plus que ça :

    -Mais tu peux me dire s'il parle de moi ? C'est ce que Neghttris avait l'air de sous-entendre.

    -Tu es concerné, oui.

    Gzadien ouvrit de nouveau la bouche, mais Elférad l'empêcha de parler :

    -Tu m'as dit que tu avais écris à tes parents pour les notes, qu'est-ce qu'ils ont répondu ?

    -Rien. Ils ne savent pas de quoi il peut s'agir.

    Elférad continua :

    -D'accord. Qu'as-tu fait ensuite ?

    Il se mordit l'intérieur de la joue en réalisant qu'il venait de poser une question directe. Pas bon, il ne va pas répondre. Les pupilles d'argent semblèrent le traverser de part en part, mais Gzadien finit par sourire :

    -Si je te réponds, je peux lire la note ?

    Elférad lui rendit son sourire et vint près du lit. Il se pencha, rapprochant son visage tout près de celui du jeune homme :

    -Tu te crois malin ?

    Le sourire de Gzadien s'agrandit :

    -C'est un oui ?

    -Non.

    Il roula sur le lit et se redressa pour s'adosser au torse de son petit-ami. Celui-ci referma les bras sur lui :

    -Tu ne veux pas savoir ce que je trafique tout seul dans mon coin ?

    Elférad leva les yeux pour apercevoir son visage :

    -Je crois que tu as plus envie de connaître ce que contient ce mot, que moi de savoir ce que tu trafiques tout seul dans ton coin.

    Gzadien fronça les sourcils :

    -Tu crois ?

    -Sûr, j'ai l'habitude de tes secrets, moi.

    L'étreinte se resserra :

    -Je suis retourné voir Dorase, de la chambre d'à côté...

    -Tu n'es pas obligé de m'en parler, si tu n'as pas envie.

    Gzadien se mit à rire :

    -Mais j'ai vraiment envie de voir cette note.

    L'héritier d'or la sortit de sa poche :

    -Tiens.

    -C'est un piège ?

    Elférad l'ouvrit en soupirant :

    -Non, je suis juste trop con.

    Gzadien appuya son menton sur l'épaule du garçon pour lire. Au bout d'une minute de silence, Elférad demanda :

    -C'est bon ? Je peux la ranger ?

    L'héritier d'argent ne répondit rien et Elférad tourna légèrement la tête pour voir son expression :

    -Gzadien ? T'as fini ?

    Celui-ci avait l'air sombre, les yeux toujours sur la note. Il finit par inspirer profondément :

    -Oui. C'est bon.

    Elférad la remit dans sa poche en disant pour le rassurer :

    -T'inquiètes pas. Je me doute que c'est des conneries, comme les autres.

    -Toi, mais Neghttris ? Pourquoi tu as voulu lui parler en privé ?

    L'héritier d'or mêla ses doigts à ceux du garçon :

    -Neghttris s'inquiète. Il a peur que tu ais raté un truc.

    Gzadien retomba dans le silence. Elférad lui tira une mèche de cheveux :

    -Fais pas cette tête, je te dis. Je lui ai dit de ne rien faire. Je veux m'en charger moi-même.

    L'adolescent lui déposa un baiser dans le cou avant de commencer :

    -Dorase n'était pas très utile. J'ai demandé à son héritière d'argent si elle, elle avait noté des choses bizarres, mais pas plus. J'ai écrit à mes parents pour savoir s'ils avaient eu des menaces quelconques, s'ils s'étaient embrouillés avec une famille de notre nouveau clan, mais rien. J'ai entendu parlé du Second des cinq. Il paraît qu'il sait tout sur tout le monde, mais qu'il y a un prix à payer. Alors, j'ai pas voulu le voir. J'ai essayé de revenir vers Dorase, j'ai fait un tour auprès de sa classe, mais mis à part qu'il est angoissé à en être cardiaque, je n'ai rien appris. J'ai aussi tenté le service de poste. Je crois que je vais finir par aller voir le Second.

    Elférad se crispa :

    -Non, c'est pas la peine. Je ne vois pas comment il pourrait en savoir plus.

    -Tu crois ? Il faudrait quand même tenter le coup, non ?

    -Non, non. Le coup du prix à payer, c'est jamais bon.

    L'héritier d'or savait bien ce en quoi consistait l'échange proposé par le Second. Il n'avait pas voulu le voir en espérant que Gzadien s'en sortirait, mais si maintenant, son copain songeait à le rencontrer, il préférait le faire lui-même.

    -Je vais trouver autre chose.

    Elférad proposa :

    -Je sais qu'on pensait qu'il était préférable que je ne m'en mêle pas au début, mais vu que cette note m'est clairement adressée, on peut dire qu'on est visé tous les deux...

    -Tu veux chercher de ton côté ?

    L'adolescent acquiesça :

    -Ça rassurerait Neghttris.

    Gzadien plissa ses yeux bridés :

    -Tu ne commencerais pas à te méfier de moi ?

    Elférad lui enfonça son coude dans les côtes :

    -T'as pas d'autres questions à la con ?

    Gzadien lui embrassa l'oreille :

    -Une seule.

    L’héritier d’or prit la parole avant qu'il ne continue :

    -Moi aussi, dis donc. Que fait ta main sous ma chemise ?

    -Eh ben, justement. Je me demandais si tu n'avais pas trop chaud avec TOUS ces vêtements ?

    Elférad éclata de rire.

     

    Il se réveilla paniqué sans savoir pourquoi. Son cœur battait la chamade, sa respiration était entrecoupée et en ouvrant les yeux dans la pénombre, l’héritier d’or eut un instant le sentiment d'être dans un refuge. Non, c'est fini. Je suis dans ma chambre. Tout va bien. Il n'y a rien. Il réussit à reprendre le contrôle de sa respiration et son cœur s'apaisa. Elférad réalisa soudain la pression autour de son poignet. Elférad baissa les yeux et vit la main de Gzadien cramponnée à son bras. Il sentait le souffle de l'adolescent sur son dos :

    -Gzadien ? Ça va ?

    Sans réponse, il se tortilla pour se tourner de l'autre côté, faire face à l'héritier d'argent. Le mouvement ne le réveilla pas, sa poigne emprisonnant toujours son poignet. De sa main libre, Elférad lui caressa le visage, essuyant une larme qui s'échappait au coin de l’œil :

    -Gzadien ? Réveille-toi. Tout va bien.

    Le jeune homme finit par ouvrir les yeux. Elférad lui posa un baiser sur le front, puis le nez avant de lui montrer son poignet emprisonné :

    -Libérez-moi, monsieur le surveillant, c'est une erreur judiciaire.

    Gzadien eut un rire sans joie en embrassant le poignet libéré :

    -T'es con.

    Il passa une main sur ses joues :

    -J'ai pleuré ?

    -Non.

    -Menteur.

    Elférad passa une main dans ses cheveux :

    -Si tu veux parler.

    Gzadien se blottit contre lui :

    -Je n'ai pas envie. Ça va passer.

    -OK.

    Un claquement de porte le réveilla en sursaut. Au moins, cette fois, il fait jour. Elférad resta immobile à écouter le silence. Avait-il vraiment entendu une porte claquer ? Puis, même ça n'a rien d'anormal. Il referma les yeux pour se rendormir quand il réalisa ce qui le gênait. Son réveil marquait cinq heures. Les portes n'étaient pas ouvertes. L’adolescent hésita une seconde, après tout, ça ne le regardait pas, mais finit par se lever. Il enfila rapidement son pantalon bleu qui traînait au sol et se dirigea vers la porte pour tenter d'entendre s'il se passait quelque chose dans le couloir. Tu ne vas rien entendre. Qui que ce soit, il a largement eu le temps de partir le temps que tu te décides. Le garçon s'écarta de la porte. T'es con ou quoi ? Il n'y a qu'une personne qui puisse sortir comme elle veut.

    -Elf ? T'es où ?

    Il revint dans la pièce pour se diriger vers la fenêtre.

    -Qu'est-ce que tu fais ?

    Elférad observa les jardins avec attention en espérant apercevoir quelque chose.

    -Elf ? Qu'est-ce que tu fais ?

    -Je crois que la Cinquième est en vadrouille et je me demande si je ne peux pas voir où elle va d'ici.

    Gzadien grinça :

    -Il est cinq heures du mat, un jour de repos et tu espionnes les voisins. T'as rien de mieux à faire ?

    Elférad finit par ouvrir la fenêtre pour se pencher à l'extérieur :

    -Tu ne trouves pas ça bizarre qu'elle se lève si tôt ?

    L'héritier d'argent se leva pour enfiler un pantalon :

    -Fais gaffe, ne te penche pas autant. Tu sais que t'es pas très discret pour un espion.

    Il rejoignit Elférad à la fenêtre :

    -Tu vois quelque chose ?

    L'héritier d'or se rejeta en arrière en se mordillant la lèvre :

    -C'est louche.

    -Pourquoi ? Elle a peut-être envie de manger tranquille.

    Elférad grimaça :

    -Non, les cuisines sont fermées.

    Gzadien le dévisagea avec un petit sourire amusé :

    -Pourquoi elle t'intéresse tellement tout d'un coup ?

    -Il y a eu un moment dans le grand Enfermement où elle a avoué avoir formé une union avec les autres héritiers des cinq.

    Cette fois, l’héritier d’argent retrouva son sérieux :

    -Comment ça une union ?

    Elférad fit un geste vague de la main :

    -Pas grand chose apparemment. Neghttris lui a demandé et il semblerait que ce soit en cas de besoin, un truc comme ça.

    -En cas de besoin ?

    L'adolescent acquiesça :

    -Oui, je pense que si l'un d'eux à des ennuis, les autres vont l'aider, je suppose.

    Gzadien croisa les bras en jetant un regard dehors :

    -Si c'est que ça, pourquoi tu l'espionnes ?

    -Parce que si c'est que ça, pourquoi elle se glisserait dehors en douce à cinq heures du matin ?

    L’héritier d’argent leva un doigt impérieux :

    -Seulement ! Ce n'est pas parce qu'elle sort à cinq heures du matin, qu'elle a un rendez-vous secret avec les autres.

    Elférad ricana :

    -Tu vois, tu penses comme moi.

    -Vraiment ? Je croyais que tu voulais l'espionner pour découvrir un secret et la faire chanter ensuite.

    L'héritier d'or prit un air blasé :

    -Tu me connais tellement bien, c'est fou.

    Gzadien haussa les épaules :

    -Mais oui, je sais. Un genre de sixième sens.

    -Bon, et bah, puisque c'est comme ça. Je vais à la douche.

    Il alla chercher des affaires propres dans son armoire, alors que Gzadien jouait les choqués :

    -Ta douche ? Il est pas six heures. Qu'est-ce que tu veux faire ?

    Elférad prit un jean et un T-shirt en répliquant :

    -J'ai des trucs à faire aujourd'hui.

    L’héritier d’argent vint le prendre dans ses bras :

    -Quoi comme truc ?

    Elférad lui fit un sourire charmeur :

    -Rien de ce que t'as en tête.

    Il s'échappa et courut s'enfermer dans la salle de bain. Elférad resta un long moment sous le jet d'eau chaude à réfléchir à ce qu'il devait faire. Il n'avait pas pensé à demander le nom du seconde année qui lui avait porté le papier, mais il avait noté le blason. Par contre, je ne vois pas à quoi ça m'avance. Il n'a certainement aucune idée de ce qu'il se passe. Pour lui, il avait juste transmis un message sans importance. Elférad soupira. Il ne voyait pas d'autre option que de demander de l'aide au Second. Il coupa l'eau, se sécha, s'habilla et sortit pour retrouver Gzadien affalé sur le lit, la note entre ses doigts. En croisant le regard d'Elférad, il s'empressa de dire :

    -Alors, ce n'est pas ce que tu crois. Je l'ai trouvée par terre. Toute seule, inerte, je me suis senti obligé de la ramasser.

    Elférad eut un petit rire en venant s'asseoir à califourchon sur les jambes étendues de l’adolescent :

    -Je m'en doute bien.

    Gzadien continua de jouer avec en demandant l'air de rien :

    -C'est à cause de ça que t'as des trucs à faire aujourd'hui ?

    Elférad lui reprit le mot d'un geste sec :

    -Non, c'est pas ça.

    Il vit l'amusement se dessiner sur le visage de Gzadien.

    -Qu'est-ce que t'as encore ?

    L'adolescent passa les bras autour de son cou et Elférad le fixa avec méfiance.

    -Tu sais, c'est pas grave si t'arrives pas à avoir de secret. Je t'aime quand même.

    L'héritier d'or eut un sourire carnassier :

    -Tu veux jouer à ça ? Tu crois vraiment que je ne me suis pas rendu compte que tu m'avais menti ?

    Gzadien se crispa une seconde, avant de se détendre :

    -Moi ? Quand donc ?

    -Hier, tu m'as gentiment raconté tout ce que tu avais fait ces derniers temps.

    Son copain se défendit :

    -Je ne voulais pas que tu te sentes trop con de m'avoir laissé lire le mot sans contrepartie.

    -C'est-y pas meugnon.

    Elférad l'embrassa avant d'ajouter :

    -Cela ne t'a pas empêché de me mentir dans ce que tu m'as raconté. Je ne sais pas exactement à quel moment, c'est sûr, mais je sais que quelque chose sonne faux.

    Ils se sourirent, se dévisageant un moment, avant que Gzadien ne reprenne :

    -Sinon, tu crois que tu vas le trouver où le Second ?

    -Oh, je vois. On est direct.

    -Oui, tu sais quoi que j'ignore sur lui ?

    Elférad hésita :

    -J'ai pas envie que tu viennes.

    Gzadien prit un air malheureux :

    -Pourquoi ?

    L'héritier d'or se redressa :

    -Parce que c'est toi qui as dit que tu voulais enquêter dans ton coin. Maintenant, c'est moi qui veut enquêter dans mon coin.

    Gzadien corrigea :

    -Alors, attends ! Parce qu'au début, vu qu'il n'y avait que mon nom, on a supposé que j'étais le seul visé. Donc, c'était mieux de ne pas t'impliquer. Mais maintenant, vu que le mot t'es clairement adressé, on est en droit de penser que nous sommes tous les deux visés et par conséquent, on peut chercher ensemble.

    Elférad sortit le mot de sa poche pour le relire :

    -Ouais, sans doute.

    Il lut chaque mot, chaque phrase avec attention en espérant en tirer un indice.

    -Je ne comprend pas pourquoi écrire ça en particulier ? S'il me connaît suffisamment pour savoir où me trouver, il devrait savoir que ce genre de chose ne sert à rien.

    Gzadien en profita pour glisser :

    -En ce qui me concerne, j'ai une théorie qui m'est venue il y a quelque temps.

    -Par le Roi ! Une théorie dans cette tête-là ?

    Son copain hocha amplement du chef ::

    -Vi, vi, vi, vi, vi mon petit monsieur.

    -Evite de me mettre un coup de boule quand même.

    Gzadien fit un large sourire et Elférad dû le relancer :

    -Bon, tu la sors ta théorie ?

    -Les messages nous sont destinés, mais il doit savoir que certaines personnes ne pourraient pas s'empêcher de foutre leur nez dans nos affaires.

    Elférad comprit vite de quoi il parlait :

    -Ce serait pour les faire douter eux ?

    Gzadien haussa les sourcils :

    -Ça a l'air de marcher pour Neghttris.

    L'héritier d'or tenta :

    -Non, c'est pas qu'il doute, il s'inquiète.

    L’héritier d’argent n’était pas de cet avis, mais n'insista pas.

    -Bon, qu'est-ce que tu veux faire en attendant que ça ouvre ?

    -Mes devoirs.

    Il s'échappa des bras de Gzadien, se laissa tomber du lit et rejoignit son bureau.

    -Vraiment ? Un jour de repos.

    Elférad sortit livres et cahiers à contrecœur et resta un moment à fixer le tout en sentant pointer une flemme aiguë :

    -Ouais, mais faut le faire. On reprend les cours demain.

    -Qui t'as dit ça ?

    Il fit face à l'héritier d'argent :

    -Personne. C'est juste que c'est le jour.

    Gzadien fit remarquer :

    -Oui, mais lendemain de Grand Jeu, ils vont peut-être nous laisser tranquille quelques jours non ?

    -Oh, ce serait cool, mais ils nous auraient prévenu, non ?

    L'héritier d'argent se contenta de hausser les épaules. Bon, dans le doute. Il retourna à ses devoirs.

    -Bon, bah moi, je vais à la douche. Puisque c'est comme ça.

    Quelques minutes plus tard, Elférad entendit l'ouverture de la porte et jeta un regard vers la salle de bain. Gzadien n'était pas encore sorti, alors il hésita à partir sans lui. Mais, il n'a pas tort. Il n'y a plus de raison pour que l'on continue à chercher séparément. A cet instant, la porte de la salle de bain s'ouvrit.

    -Voilà qui règle la question.

    Gzadien s'étonna :

    -Quelle question ?

    Elférad referma son livre avec un certain soulagement et se leva en disant :

    -Rien. On y va ?

    Les haut-parleurs les arrêtèrent dans leur élan :

    -L'emploi du temps reprendra son cour normal dans trois jours. Nous vous rappelons qu'un service d'aide est à votre disposition à l'hôpital.

    Les garçons étaient radieux. Elférad ne se laissa pas aller trop longtemps :

    -Allez, on traîne pas.

    Gzadien s'empressa de le suivre :

    -On va où ?

    -Voir le Second.

    L'héritier d'argent s'étonna :

    -Tu sais où il est ?

    Elférad haussa les épaules :

    -Non, mais on va commencer par le dortoir des secondes.

    Ils traversèrent la cour pour atteindre l'autre bâtiment.

    -Tu ne crois pas qu'on devrait d'abord vérifier le réfectoire ? Il est peut-être allé manger.

    Elférad s'arrêta. C'est vrai qu'on risque de courir partout si on se lance comme ça. Il fit demi-tour, Gzadien toujours sur ses talons :

    -On va où maintenant ?

    -Voir quelqu'un qui pourra nous renseigner.

    L’héritier d’or remonta au second étage de leur dortoir, tournant dans le couloir des filles. Il alla droit sur la porte de lae Cinquième et toqua. Aucune réponse ne lui parvint.

    -Vous cherchez Hiloy ?

    Ils se tournèrent vers Falibi qui sortait de la salle de bain commune. Elférad acquiesça :

    -Oui, j'ai juste un truc à lui demander.

    La jeune fille le dévisagea avec un sourire mystérieux :

    -Un truc à lui demander ? C'est important ?

    -Peut-être.

    L'héritière d'argent sourit :

    -Iel est chez les secondes années. Iel traîne avec les jumeaux Jyu.

    Elférad serra les dents :

    -Les jumeaux ? Tu n'es pas invitée toi ?

    La jeune fille haussa les épaules :

    -Je lae retrouve après, pourquoi ?

    -Pour rien.

    Il s'éloigna et, une fois de retour dans les escaliers, Gzadien lui demanda :

    -Pourquoi t'as bloqué sur le fait qu'iele traîne avec les jumeaux ?

    Elférad lui prit la main :

    -C'est juste à cause de cette histoire d'union.

    -Et le fait qu'iel soit sortie ce matin.

    Il se tourna vers Gzadien :

    -Exactement. Si iel n'avait rien à cacher, Falibi serait avec ellui en ce moment.

    Son copain para :

    -Ou elle a juste eu la flemme de se lever tôt.

    -Ou le fait qu'Hiloy soit sortie à cinq heures était exprès pour l'empêcher de venir.

    Gzadien se mit à rire :

    -Bon, concentrons-nous sur notre problème. Ce sera déjà pas mal pour aujourd'hui.

    Elférad approuva. Ils avaient atteint l'autre bâtiment et entraient pour trouver le hall presque vide. Au moins, on risque pas de les louper.

    -On va à quel étage ?

    Elférad fronça le nez :

    -Je sais pas. Tu crois qu'ils sont auquel ? Ils sont aussi peut-être dans la cour intérieure.

    Un tour rapide du rez-de-chaussée, leur indiqua qu'ils ne s'y trouvaient pas et ils décidèrent de monter à l'étage en quête des portes portant les blasons des Cinq. Gzadien l'arrêta dès le premier étage :

    -C'est pas le Second, ça ?

    La porte au fond du couloir affichait un luth. Elférad ricana :

    -C'est vrai qu'on aurait pu y penser. Allons directement à la source.

    Il allait frapper quand Gzadien l'arrêta :

    -Attends, on devrait peut-être voir ce qu'on va lui demander, non ?

    Elférad l'observa avec surprise :

    -Qu'est-ce qui t’arrive ?

    Gzadien était gêné :

    -C'est quand même le Second. On doit lui parler d'une manière particulière, tu crois ?

    Elférad réfléchit. Il se souvint qu'il avait eu la même inquiétude avec Hiloy au début, mais ce n'était plus le cas. A présent, il s'imaginait les quatre comme lae Cinquième et ne ressentait pas le besoin de faire des cérémonies. Il allait répondre quand la porte s'ouvrit :

    -C'est pour quoi ?

    Les deux adolescents se retrouvèrent interdits devant le visage aux trois cicatrices qui attendait une réponse. Elférad finit par retrouver sa voix :

    -On voudrait un renseignement.

    Le Second tendit une main garni de deux doigts de métal :

    -Vos blasons.

    Les garçons les lui donnèrent et attendirent la suite avec anxiété Adossé au chambranle de la porte, le Second fit tourner les blasons entre ses doigts, puis un sourire, que les cicatrices aux coins semblaient étendre jusqu'à ses oreilles, apparut sur son visage :

    -Intéressant.

    Elférad commença :

    -On voudrait....

    Le Second le coupa :

    -Quelqu'un sait.

    Elférad jeta un regard interrogateur à Gzadien qui haussa les épaules. Il demanda avec hésitation :

    -Quelqu'un sait quoi ?

    Le Second s'amusa à faire sauter les blasons au creux de sa main :

    -Première information ? On vous a parlé du prix ?

    Gzadien intervint :

    -Attendez. Ce n'est pas la question qu'on voulait poser.

    Elférad reprit la parole pour répondre :

    -Vous nous donnez l'info demandée et une deuxième info au hasard.

    Son copain voulut de nouveau parler, mais le Second s'empressa de dire :

    -Quelqu'un sait ce qu'il s'est passé entre vos deux familles.

    A nouveau, les adolescents se figèrent. Elférad sentit la panique le saisir mais tenta de garder le contrôle :

    -Qui ça ? Il sait quoi exactement ?

    Gzadien fit barrage en se plaçant entre le Second et Elférad :

    -Non, ne demande pas ça. Ce n'est pas ce qui nous intéresse.

    L'héritier d'or pâlit :

    -Pas ce qui nous intéresse ? Tu sais ce qui peut arriver si...

    Le Second eut un petit rire qui attira l'attention d'Elférad :

    -Pourquoi vous riez ?

    L'autre se contenta de hausser les épaules. Gzadien se plaça face à Elférad pour capter son attention :

    -Elf, on est là pour les notes. On verra le reste après.

    L'héritier d'or se sentait au bord de la crise. Il savait que Gzadien avait raison, mais ce qu’il venait d’entendre lui semblait soudain plus important. Le Second intervint :

    -Si ça peut vous réconcilier, je tiens à dire que les deux sont liés.

    Elférad eut un regain d'espoir, mais un coup d’œil à Gzadien lui fit penser que quelque chose n'allait pas :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    Gzadien lui tourna brusquement le dos pour dire au Second :

    -Merci, on va y aller.

    Elférad resta bouche-bée, mais quand Gzadien lui saisit le bras pour l'emmener, il se dégagea d'un geste brusque :

    -Tu fous quoi là ?

    Sans lui laisser le temps de répondre, Elférad se tourna vers le Second :

    -C'est qui ?

    Le second présenta les blasons :

    -Vous voulez les récupérer ?

    L'héritier d'or s'en saisit :

    -C'est qui et il sait quoi exactement ?

    Gzadien lui attrapa l'épaule pour le forcer à reculer :

    -Non, c'est bon. On y va.

    Elférad lui jeta un regard d'incompréhension en le repoussant. Le Second semblait beaucoup s'amuser de la situation :

    -Alors, concernant...

    Gzadien revint à la charge en disant :

    -Je vous donne une information si vous ne dites rien.

    Le Second se redressa :

    -Ah, ça c'est intéressant.

    Elférad n'en croyait pas ses oreilles. Alors que Gzadien s'avançait pour parler, il l'empêcha en étendant son bras devant lui :

    -C'est bon. J'ai compris. On y va.

    Il s'inclina profondément devant le Second avant de partir d'un pas furieux.

    -Elf, attends-moi.

    L'héritier d'or l'ignora dévalant les marches et sortant du bâtiment. Gzadien le rattrapa et essaya de s'expliquer :

    -Attends, tu ne trouve pas bizarre qu'il ait commencé par nous donner une info direct ?

    Elférad ne répondit rien, les yeux fixés sur la porte de leur dortoir. Gzadien tenta encore :

    -Tu ne crois pas qu'il voulait qu'on lui demande de qui il parlait ? Il aurait dû nous laisser poser une question, non ?

    L'héritier d'or continua d'avancer :

    -Il a dit que c'était lié. On aurait réglé deux problèmes en un coup.

    Gzadien secoua la tête :

    -Rien ne nous dit que c'était fiable.

    Elférad lui cria au visage :

    -Rien à foutre ! C'était une piste de toute façon.

    Gzadien baissa les yeux :

    -Écoute...

    -J'ai pas envie.

    Il monta les marches pour rejoindre leur chambre. La colère le faisait trembler et il prenait énormément sur lui pour ne pas frapper Gzadien. Celui-ci ne se découragea pas :

    -Je sais de qui il parlait.

    Elférad s'arrêta net pour lui faire face :

    -Tu quoi ?!

    Gzadien ouvrit la porte de leur chambre :

    -Il vaut mieux qu'on n’en parle pas dans le couloir.

    Une fois la porte fermée derrière eux, Gzadien s'empressa de reprendre la parole avant qu'Elférad n'explose :

    -Je ne t'en ais pas parlé parce que je n'ai pas de preuves. C'est juste un soupçon.

    L'héritier d'or ne lui laissa pas l'opportunité d'en dire plus :

    -Je m'en fous, putain ! Que tu ne me dises pas tout, je veux bien, mais là, tu me caches carrément un suspect potentiel !

    Gzadien garda son calme alors qu'Elférad élevait la voix :

    -Je sais, mais c'est pas...

    L’héritier d’or tournait en rond en essayant de reprendre le contrôle :

    -Qu'est-ce qui te dis qu'il parlait de la même personne en plus ?

    -Je ne pouvais pas prendre le risque. Je ne veux pas que tu le saches tant que rien n'est prouvé. Il vaut mieux éviter de trop en parler...

    Elférad lui fit face en croisant les bras :

    -Gzadien, ferme ta gueule.

    Le garçon insista encore :

    -Si je t'avais fait part de mes soupçons, tu aurais pu être une cible. Il valait mieux qu'il n'y ait que moi. Un héritier d'argent paraît en général moins dangereux.

    -Putain ! Arrête ! J'étais une cible de toute façon !

    Gzadien répliqua en élevant le ton :

    -Ça, on en est sûr que depuis hier !

    -Hier, tu m'as dit ce que tu avais foutu et tu ne m'as rien dit de tes soupçons !

    L'héritier d'argent explosa soudain :

    -Parce que toi, t'as rien à me dire ? Tu te fous de qui, là ?!

    Elférad tomba des nus et fut un instant déstabilisé :

    -Mais de quoi tu parles, là ?

    -Tu crois que j'ai rien remarqué ? Tes petits échanges de regard avec Neghttris. Votre petit aparté dans la salle de bain !

    L'héritier d'or n'en croyait pas ses oreilles :

    -Il s'inquiète, c'est tout. Tu m'écoutes quand je te parle ?

    -C'est mignon. Et le reste du temps, vous faites quoi ?

    Un soupçon commença à saisir Elférad qui n'en croyait toujours pas ses oreilles :

    -Mais il a déraillé çui-là !

    Gzadien eut un rire mauvais :

    -C'est ça ! Tu crois que vous êtes discrets ? T'as des rumeurs dans tous les coins, figure-toi !

    Elférad s'arrachait les cheveux :

    -Mais des rumeurs de quoi ?! Il n'y a rien à raconter !

    L'héritier d'argent lui jeta un regard de dédain qui fut la goutte d'eau. Elférad leva les mains en signe d'impuissance et se dirigea vers son armoire.

    -On peut savoir ce que tu fais ?

    Elférad sortit sa valise rangé au fond et l'ouvrit :

    -Bah, tant qu'à faire. Je déménage.

    Gzadien bondit pour repousser la valise dans l'armoire :

    -Tu crois que ça va être si facile ?! Une petite engueulade et tu pars le retrouver. Je ne voudrais pas te forcer à faire des efforts.

    L'héritier d'or se redressa, les poings serrés :

    -On a qu’à dire qu'on se sépare. Comme ça t'as rien à dire.

    On frappa à la porte et la voix de Neghttris se fit entendre :

    -Les gars ? Ça va ?

    Gzadien jeta un regard lourd de sous-entendus à Elférad :

    -Comme par hasard.

    L'héritier d'or leva les yeux au ciel en allant ouvrir, pour découvrir un certain nombre de personne qui se tenaient devant la porte. Neghttris tenta de jeter un coup d’œil dans la chambre :

    -Ça va ? On vous entend gueuler à des kilomètres.

    Gzadien hurla :

    -Ça va ! Je le largue, c'est tout !

    Neghttris ouvrit des yeux ronds :

    -Quoi ?

    Elférad lâcha un énorme soupir entre ses dents serrées en poussant Neghttris pour sortir. Gzadien fit mine de le suivre, mais Neghttris l'arrêta d'un geste :

    -Non, non, tu restes là.

    Elférad s'arrêta devant la porte de son ami :

    -Tu viens m'ouvrir ?

    L'héritier d'argent garda un œil sur Gzadien tout en avançant dans le couloir. Il ouvrit la porte et s'écarta à temps pour laisser entrer son ami. Elférad alla s'affaler sur le lit :

    -T'as toujours pas retrouvé ton camarade de chambre ?

    Neghttris vint s'asseoir sur le bord du lit :

    -Il se passe quoi avec Gzadien ?

    L'héritier d'or enfouit son visage dans l'oreiller :

    -Rien.

    Il y eut un silence, puis Neghttris demanda :

    -T'as mangé ?

    -Non.

    -Tu viens avec nous ? Matior et Lyert nous attendent en bas.

    Elférad se tourna sur le côté :

    -Pas faim.

    Son ami hocha la tête :

    -OK. Tu veux pas que je te ramène un truc quand même ? Tu veux que je ramène les deux compères après ? Ou tu préfères rester seul ?

    L'héritier d'or réfléchit avant de faire la moue :

    -Je sais pas.

    Neghttris allait se lever, mais se rassit pour poser une dernière question :

    -Mais, du coup, vous êtes vraiment séparés ou il est juste en colère ?

    Elférad soupira :

    -C'est le Grand Jeu qui lui pourrit la tête.

    Son ami se releva :

    -J'y vais, alors. Ça va aller ?

    -Mmmmh. Je peux t'emprunter tes affaires pour continuer mes devoirs ?

    -Bien sûr.

    Une fois qu'il entendit la porte se fermer, Elférad se redressa pour aller s'installer au bureau. Les yeux fermés, il remonta le fil de leur dispute. Cela avait commencé en parlant de la personne à laquelle le Second avait fait allusion. C'était après que le code avait débuté. Gzadien ne tenait vraiment pas à ce que l'on sache qu'il avait partagé ses soupçons avec Elférad. Il a mis Neghttris sur le tapis juste après. Gzadien soupçonnait Neghttris d'être l'auteur des notes. Ça expliquerait qu'il en sache autant sur nous. Il fallait avouer que c'était Neghttris qui avait interprété les messages, ils s'étaient basés sur ça pour leur recherche. Il a fait allusion à des rumeurs après. Il affirmait à nouveau qu'il n'avait pas de preuve, que ce n'était que des soupçons. Elférad avait alors décidé de garder un œil sur son ami et proposait d'aller partager sa chambre. La réaction de Gzadien montrait qu'il pensait qu'il se mettait en danger. Mais il a ajouté qu'il ne voulait pas me forcer. Donc, il soupçonnait que Neghttris avait d'une manière ou d'une autre était forcé d'agir comme il le faisait. Ça serait crédible. Par conséquent, en se décidant à partager sa chambre, Elférad se mettait en effet dans une situation difficile. Mais en même temps, c'est le seul moyen d'être sûrs. En faisant croire à leur séparation, ils se donnaient un air de faiblesse. Ce qui va être compliqué maintenant, c'est de trouver un moyen de communiquer sans se faire repérer.

    Il bâilla et décida de retourner se coucher. Si Neghttris était en danger, il valait mieux qu'il ait toutes ses forces. L’adolescent s'endormit en se demandant comment aborder le sujet avec son ami.

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