• XII - Citseko

    Citseko Fraam

    Rang : Argent

    Héritier de la famille Fraam au service du clan Evarla

     

    Citseko faisait jouer les rayons du soleil sur son blason, l'air rêveur. Cela faisait un bon moment qu'ils étaient bloqués et la chaleur semblait ralentir leurs esprits.

    -Tu fais un code ?

    Citseko leva les yeux vers Matior, assis un peu plus loin :

    -Pas spécialement, non.

    Il retourna contempler les effets de lumière qu'il provoquait avant d'arrêter pour remonter les manches de sa chemise. Il aurait bien voulu se mettre torse nu, mais il était gêné de le faire devant les autres.

    Lorsqu'ils étaient arrivés dans cet étrange désert pour retrouver Ora, Vish et Lyert, des murs transparents comme ceux du grand Enfermement étaient apparus, séparant les deux groupes. Citseko, Matior et Ze avaient fait le tour de leur nouvelle prison pour définir qu'il s'agissait d'un cercle qui sur une surface de quelques mètres était conjointe à celle de l'autre groupe. Citseko aurait été bien en peine de dire depuis combien de temps ils étaient là, ignorant ce qu'ils étaient censés faire.

    L'adolescent finit par se lever et son regard tomba sur Ze qui se tenait debout, immobile depuis des heures :

    -Tu devrais mettre ton veston sur ta tête. Le soleil tape fort.

    Comme à son habitude, elle ne fit pas mine de faire le moindre mouvement en ce sens. Citseko prit alors le sien et alla lui poser sur la tête :

    -Voilà. C'est pas super, mais ça protège un peu.

    Matior éclata de rire :

    -T'es trop bizarre.

    Citseko haussa les épaules en retournant s’asseoir.

     

    Ze avait été la première qu'il avait trouvé. Il avait bien essayé d'ouvrir la conversation, mais la fille était restée muette. Au moins, elle le suivait sans problème. Il avait essayé de l'encourager à marcher à sa hauteur, sans succès. La jeune fille veillait à rester trois pas en arrière. Ils avaient marché le reste du temps en silence, ce qui ne lui posait pas vraiment de problème. Quand ils avaient atteints le refuge dans lequel ils passeraient la nuit, Citseko avait pris le temps de faire des réserves. Il avait essayé de calculer ce dont il aurait besoin, tout en veillant à en laisser suffisamment aux possibles prochains visiteurs.

    -Tu devrais en prendre aussi.

    Il avait levé la tête vers la jeune fille qui se tenait debout à quelques pas de lui :

    -Au cas où. Il vaut mieux être prévoyant, tu ne crois pas ?

    Elle était restée immobile. Est-ce qu'elle n'obéit qu'à Vish ? Si c'est ça, on n’est pas sorti de l'auberge. Ou alors, il faut lui dire un truc en particulier ?

    -Est-ce que je suis supposé te dire quelque chose pour que tu puisses agir ?

    La jeune fille avait continué de fixer le mur.

    -Ou est-ce parce que je suis un héritier d'argent ? Tu ne peux qu'obéir à un héritier d'or ?

    Comme elle ne bougeait toujours pas, Citseko avait pris trois autres sandwichs et s'était approché du sac que la jeune fille avait gardé sur son dos.

    -Je te les mets dans ton sac, OK ?

    Elle n'avait pas bougé un muscle tandis qu'il ouvrait le sac pour y glisser la nourriture. Quand il l'avait refermé, il avait proposé :

    -On va dormir ici, d'accord ?

    Toujours sans réponse, il s'était couché. Le lendemain, il l'avait trouvé exactement au même endroit.

    -T'as dormi ?

    En observant les lits, il avait fini par en trouvé un qui venait sans aucun doute d'être refait. Bon, c'est déjà ça. Il mangea une moitié de sandwich et tendit l'autre à la jeune fille :

    -Tiens, mange avant de repartir.

    Comme la veille, elle ne réagissait pas. Inquiet, l’héritier d’argent insista :

    -Tu risques de ne pas tenir si tu ne manges pas.

    Aucune réaction. Il avait alors rangé l'autre moitié de sandwich dans son sac et s'était levé :

    -Si tu veux qu'on s'arrête, tu me le dis, d'accord ?

     

    Citseko savait bien qu'il n'était pas censé se comporter ainsi avec une esclave, mais il n'arrivait pas à faire autrement. Il ne comprenait pas en quoi elle était différente de lui. Je suis étonnamment plus bavard. Il eut un demi-sourire pour lui-même et vérifia la direction sur sa carte. Ce jour-là, ils retrouvèrent Matior dont la première question fut :

    -T'es tout seul ?

    Citseko avait tiqué en montrant Ze du pouce :

    -Non,y a...

    Matior lui avait coupé la parole :

    -C'est ce que je dis, t'es tout seul. J'espère qu'on pourra s'en sortir à deux quand même.

    Il avait ensuite tourné les talons pour se remettre en route. Quelques heures plus tard, ils arrivaient dans le désert :

    -Je suis pas expert en géographie, mais si on sort d'un bois, il est en général assez rare d’atterrir dans un désert, non ?

    Citseko n'avait pu que confirmer, perplexe. En avançant de quelques pas, ils avaient aperçu les trois autres qui venaient vers eux. A nouveau, Matior avait demandé :

    -On n’est pas censé trouver un interrupteur avant de les trouver eux ?

    Et de nouveau, l’adolescent ne put que confirmer sans trouver d'explication. Les barrières avaient ensuite jailli du sable, remettant les choses en ordre. Leur seul problème, désormais, était qu'il n'y avait aucun interrupteur en vue.

    Citseko observa le ciel pour la énième fois. Rien ne va nous tomber dessus au moins ? Comme lors du grand Enfermement, ils ne pouvaient entendre ce qu'il se passait de l'autre côté du mur, mais Vish, Ora et Lyert se contentaient d'être assis à attendre. En tout cas, s'ils parlent, je ne le vois pas. L’héritier d’argent venait de retrouver un regain d’énergie après être resté assis à ne rien faire. Surtout que je vais finir par m'endormir avec cette chaleur. Donc, si la solution ne peut pas venir du ciel ou des côtés... Il baissa les yeux. Ils avaient déjà essayé de creuser un peu partout, sans rien trouver de concluant. Mais peut-être qu'on a pas creusé assez profond. Supposant qu'il y avait plus de chance de trouver quelque chose d'intéressant près de la façade commune, c'est là qu'il se remit à creuser. Le voyant faire, Matior lui rappela :

    -On a déjà essayé ça.

    En espérant ne pas le vexer, Citseko répondit d'une petite voix :

    -Je sais, mais je me demandais juste si on avait creusé assez profond.

    Le sable ne cessait de retomber sitôt qu'il le retirait, mais Matior le rejoignit et à eux deux, ils réussirent à progresser. Du coin de l’œil, Citseko vit que les trois autres faisaient de même de l'autre côté. Lyert attira un instant l'attention de Matior pour essayer de lui dire quelque chose, mais son ami ne comprit pas. Il reprit encore et encore jusqu'à ce que cela se finisse en un concours de mime entre les deux adolescents. De nouveau seul à creuser, Citseko redoubla le rythme malgré la chaleur. Soudain, son doigt heurta une surface dure et il le retira précipitamment :

    -Aouch, c'est quoi ce truc ?

    Il observa son doigt rapidement pour s'assurer qu'il n'avait rien de grave et se repencha sur le trou. Le garçon enfonça doucement la main dans le sable, qui était retourné au fond, et tâtonna. Matior était revenu vers lui :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    -J'ai touché le fond je crois.

    Citseko finit par sentir quelque chose de différent, d’indéfini et le sortit à l'air libre.

    -C'est une feuille.

    Matior la lui prit des mains :

    -Une feuille de Chêne ?

    -Je crois, oui.

    Ils tournèrent la tête en direction de la forêt qu'ils avaient quitté quelques heures plus tôt :

    -Comment elle est passée de là-bas à là-dessous ?

    De l'autre côté, Lyert et Ora faisaient des gestes pour attirer leur attention. Matior soupira, agacé :

    -C'est pas vrai ça. T’aurais pas ramener un truc qui pourrait aider à communiquer ?

    Citseko secoua la tête :

    -J'ai rien pris.

    -Sérieux ?

    Citseko glissa un regard vers Ze qui n'avait toujours pas bougé. Je suis sûr qu'elle n'a rien pris non plus, elle. Encore une chose qu'on a en commun.

    -Moi, j'ai juste ça.

    Matior sortit un vieux jeu de carte tout corné de son sac. Citseko pensa à un moyen de les utiliser, mais il doutait que l'adolescent le laisse faire.

    -On l'utilise depuis toujours ce jeu.

    Matior le montra à Lyert qui leva les pouces en l'air avec un air ébahi. Citseko se concentrait de nouveau sur le problème de l'interrupteur, tandis que les deux autres garçons recommençaient leur jeu de mime. L'héritier d'argent fit passer le sable entre ses doigts, rêveusement. On ne peut pas simplement creuser, le sable est trop fluide.

    -Pourquoi ils se sont amusés à recouvrir une plaine avec tout ce sable ?

    Citseko continuait d'observer les grains lui filer entre les doigts en disant :

    -C'est ce que je me demande aussi.

    Il revint à la forêt derrière eux en continuant de se poser la question.

    -Apparemment, Ora a une idée.

    Citseko revint à la jeune fille de l'autre côté qui semblait expliquer quelque chose à Lyert. Celui-ci était visiblement subjugué par ce qu'elle disait et quand elle eut fini, ils prirent tous deux une poignée de sable pour l'observer avec attention. Citseko attendait avec impatience de comprendre ce qu'il se passait. Matior finit par attirer leur attention pour savoir de quoi il retournait. Ora fit quelques gestes qu'ils ne comprirent pas, mais quand Lyert prit la relève, Matior finit par dire :

    -C'est le sable.

    Comment il a fait pour comprendre ça ? Pour lui, Lyert s'était contenté de gesticuler sans que cela ne fasse aucun sens. On se doute déjà que c'est dans le sable. Quand à son tour, Matior observa une poignée de sable avec attention, Citseko comprit ce qu'il avait vraiment voulu dire. C'est le sable lui-même. Comme les autres, il saisit une poignée et fixa les grains comme si la réponse allait lui sauter au visage de cette façon.

    -Si on faisait des tas ?

    Citseko releva la tête et Matior répéta :

    -On peut essayer de mouiller le sable comme ça on pourrait creuser plus facilement, en faisant des tas.

    Le regard de Citseko dévia vers Lyert et Ora qui semblaient avoir eut une discussion. La jeune fille tenait déjà une bouteille d'eau à la main. Le jeu de mime semble mener quelque part finalement. Seulement, il avait quelques objections quand à cette solution :

    -Ça peut marcher, mais on ne sait pas où creuser et on aura pas assez d'eau pour l'étendue qu'il y a.

    Matior haussa les épaules :

    -On a qu'à commencer par là.

    Avant que Citseko n'ait le temps de lui rappeler que leur réserve d'eau n'était pas illimitée, Matior en avait versé une part sur le sable devant lui. Le résultat les garda silencieux un instant, avant qu'ils n'échangent un regard pour s'assurer que l'autre avait vu la même chose. De l'autre côté, Lyert et Ora avaient la même expression. Le sable n'avait ni changé de couleur, ni agglutiné ou rien de ce qui est supposé arriver quand il se trouve mouillé. Les grains touchés par l’eau avaient, simplement, disparu. Matior laissa échapper :

    -Il n'y a plus rien, on est d'accord ?

    Citseko ne répondit pas. Il avait du mal à accepter que cela ait pu disparaître comme ça. Matior s'apprêtait déjà à reverser de l'eau, quand le jeune homme l'en empêcha :

    -Attends, attends, on n'a pas assez d'eau pour en mettre partout.

    L'adolescent hésita avant de jeter un regard à son ami de l'autre côté. Lyert s'était levé, fixant le sol. Ora s'était également détournée de ses camarades pour observer le sable.

    -Il regarde quoi à ton avis ?

    Citseko n'avait pas de réponse à la question. Son regard dévia vers Vish qui, depuis le début, se contentait de regarder ce qu'ils faisaient, penchée par-dessus leurs épaules. Celle-ci croisa les yeux du garçon et pointa le sol du doigt. Citseko fronça les sourcils en réponse pour montrer qu'il ne comprenait pas. Vish pointa la bouteille d'eau, puis le sol de nouveau. Matior lança :

    -Tu vois, on doit reverser de l'eau.

    Citseko n'eut pas le temps de protester que l'adolescent s’exécutait. Cette fois, ils virent que le sable qui leur semblait disparaître se mettait en fait en mouvement. Cependant, trop vite pour qu'ils puissent définir par où cela disparaissait. Matior tendit la main :

    -File-moi ta bouteille.

    Citseko rechigna. Il restera la bouteille de Ze au pire, mais bon. D'un coup d’œil, il vérifia ce que faisait les autres et les vit qui s'éloignaient d'eux. Lyert prit le temps de se tourner sur lui-même pour leur pointer sa tablette du doigt et repartit. Citseko n'avait pas eu le temps de voir ce qu'il y avait de si intéressant sur cette tablette que Matior prenait d'autorité sa bouteille dans son sac.

    -T'es sûr que c'est ce qu'il faut faire ?

    Matior s'agaça :

    -Mais oui, tu vois bien qu'ils ont trouvé un truc.

    Citseko pinça les lèvres, désolé de l'avoir agacé, mais n'en pensant pas moins. N'empêche que si on a plus d'eau, on risque d'être sacrément dans la merde. Le garçon versa l'eau au même endroit, bien qu'il soupçonna que l'emplacement importait peu. Il préférait ne pas tenter le diable car Citseko n'était visiblement pas disposé aux expérimentations. De nouveau, le sable alla trop vite pour qu'ils puissent distinguer quoique ce soit. Essayant de ne pas agacer encore plus son compagnon, Citseko glissa :

    -Ça n'a pas l'air de faire quoique ce soit d'autre.

    Matior réfléchit :

    -Peut-être qu'il faut plus d'eau.

    A cet instant, un bip se fit entendre et ils baissèrent les yeux sur leur tablette en même temps. Un point rouge venait d’apparaître. Matior prit un air de triomphe :

    -Tu vois ? On progresse.

    Citseko se réjouit alors que le soulagement lui coupait le souffle. Ils se dirigèrent vers le point indiqué sur la carte, tandis que Ze restait immobile.

    -C'est là.

    Les deux garçons se mirent à creuser avec des gestes précipités dans la hâte de trouver l'interrupteur. Allez, on sera bientôt à l'ombre. La sueur lui coulait sur le front, alors qu'ils touchaient au but. Le sable ne cessait de reculer dans l'espace dégagé, mais ils poursuivirent leur labeur. Matior s'écria soudain :

    -Là ! Je l'ai vu !

    Citseko avait également entraperçu un morceau de métal avant qu'il ne soit de nouveau enseveli sous le sable. Ils redoublèrent d'effort, puis Matior finit par plonger la main pour atteindre l'interrupteur :

    -Je l'ai.

    Un nouveau bip et les barrières disparurent.

    -MATIOR !!

    Le cri strident fit grimacer, puis sourire à demi Citseko, tandis que le sus-nommé se précipitait vers son ami les bras grands ouverts. Ze alla se placer le plus stoïquement du monde derrière Vish, laissant glisser le veston de sa tête sans faire le moindre geste pour le rattraper. Citseko la ramassa pour la nouer autour de sa taille. De son côté, Ora ne s'attarda pas :

    -Le prochain est par là.

    Citseko jeta un coup d’œil rapide à sa tablette pour vérifier par réflexe avant d'attendre les autres pour se mettre en route.

     

    Citseko remit son veston en s'étonnant à quel point le corps pouvait se refroidir rapidement.

    -Le premier arrivé au point !

    Lyert partit comme une balle sans attendre Matior qui avait à peine fini de parler. Celui-ci se lança à sa poursuite en hurlant. Citseko s'inquiéta de les voir s'éloigner, mais il n'était pas vraiment en position de leur demander de rester sur place. Vish pourrait, elle. Il glissa un regard vers la jeune fille qui marchait à l'écart, silencieuse. Ze restait toujours trois pas en arrière. Il s'étonnait que l’héritière d’or n'est pas déjà essayé de donner des ordres sur la façon d'avancer.

    -Elle ne prendra pas la tête du groupe.

    Citseko se tourna vers Ora avec un air surpris. L’adolescente sourit, amusée :

    -Tu la fixes comme si tu attendais qu'elle leur dise quelque chose, mais elle fera rien.

    Voyant que l'héritier d’argent n'ajoutait rien, elle continua :

    -T'es plutôt du genre à compter sur un héritier d'or quand t'en as un à disposition, hein ?

    Citseko se défendit :

    -C'est leur rôle, non ?

    Ora prit un ton indulgent :

    -Pas quand ils sont en infériorité. Elle ne va pas oser s'imposer en chef quand elle est cernée par quatre héritiers d'argent.

    Citseko allait rectifier en disant cinq, mais se rappela à temps que Ze ne comptait pas.

    -Tu mets plein d'héritiers d'or dans une pièce et ça finira en lutte de clan. Une majorité d'héritiers d'argent et voilà que naît des envies de rébellion. Crois-moi, il vaut mieux pour elle qu'elle se tienne tranquille.

    Vraiment ? Citseko savait que ce qu'elle disait été vrai, mais il avait du mal à croire que Vish puisse être en danger si elle prenait la parole.

    -J'ai rien contre elle, personnellement. Elle est un peu...

    Ora grimaça pour terminer sa phrase. Le garçon se laissa aller à la curiosité en demandant :

    -Comment ça ?

    -Elle n'a pas voulu creuser parce qu'elle avait peur de se salir, par exemple.

    Je vois. Ora ne s'arrêtait pas :

    -S'il y avait eu d'autres héritiers d'argent, je pense qu'elle aurait tenté de s'imposer, mais avec ces deux-là...

    Elle pointa Matior et Lyert qui semblaient s'être lancés dans un jeu dont eux seuls connaissaient les règles. Citseko comprit ce qu'elle voulait dire, mais la jeune fille précisa tout de même :

    -S'ils disent à Elférad qu'un autre héritier d'or a essayé de les commander, il va être furax. Ils n'ont pas tellement l'air de craindre de provoquer des tensions entre les clans.

    Citseko glissa :

    -Ou ils ont suffisamment confiance en Elférad pour savoir qu'il pourra calmer le jeu sans problème.

    Ora hocha vigoureusement la tête :

    -Ce doit être ça. Tu as entendu ce qui est arrivé avec Xutik ?

    Il acquiesça, mais elle n'en résuma pas moins les événements. Quand ils avaient appris que Lyert s'était plaint de Xutik à Elférad, ils s'étaient tous attendus à un duel, mais le problème semblait s'être résolu de lui-même.

    -J'ai entendu dire qu'Elférad a simplement discuté avec Xutik. Tranquillement. Un autre héritier d'or aurait pu préférer prendre le parti de Xutik et demander à Lyert de s'excuser...

    Elle se tut soudain. Citseko se doutait bien de ce qui venait de lui traverser l'esprit, après tout, cela avait traversé le sien aussi. Meb avait pris le parti de Xutik. La différence, c'est que j'ai un peu attaqué Xutik quand même. Ça, bien sûr, Ora ne pouvait pas le savoir et elle devait se dire qu'il n'avait pas été très adroit de sa part d'y faire allusion. Cela ne dérangeait pas Citseko. Il savait que Meb avait fait au mieux.

    -Xutik est un peu agaçant, non ?

    Citseko la dévisagea un long moment. Comment elle fait pour parler autant ?

    -Il est vieux jeu, un peu. Il est l'héritier d'or des anciens temps. Il n'a pas compris que le monde évolue sans doute.

    L'adolescent glissa :

    -Il n'est pas méchant, au moins.

    Ora l'entendit et répliqua :

    -Quand même, t'humilier devant la classe, ce n'est pas non plus un acte de gentillesse, je trouve.

    Je l'avais mérité. Il se garda de le dire à haute voix. Si on apprenait que l'héritier d'argent de Meb lançait des flèches sur les héritiers d'or, la réputation du clan allait chuter.

    -Il t'aimait bien pourtant, non ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

    Citseko réfléchit de nouveau à la question qu'il s'était déjà posé deux, trois fois. Il était vrai qu'au début, Xutik et Gec-Nüj le traitaient comme n'importe qui, puis ils avaient commencé doucement à se moquer. La réponse qu'il donna fut la même qui lui venait à l'esprit à chaque fois :

    -Ma façon d'agir à dû les agacer.

    Ora fit la moue :

    -Mouais. Un héritier d'argent qui se comporte à l'ancienne et un héritier d'or qui se comporte à l'ancienne, vous auriez dû être faits pour vous entendre.

    Elle ajouta avec un petit sourire :

    -Sans vouloir t'offenser.

    Citseko croisa son regard rouge acajou à cet instant et y vit une chose qui lui parut étrange, sans qu'il ne put définir pourquoi. Elle n'a pas l'air si gênée de m'offenser que ça.

    -Je me demande comment les autres se débrouillent. Tu crois qu'ils se sont déjà retrouvés ? Tu penses qu'on va voir qui en premier ?

    Un sifflement sonore reporta leur attention vers l'avant. Matior et Lyert leur faisaient de grands gestes.

    -Ah, ils ont trouvé quelque chose.

    Ora courut les rejoindre, alors que Citseko restait à marcher avec Vish et Ze, malgré les encouragements répétaient des deux garçons pour les faire accélérer. Citseko se demanda si ce n'était pas un moyen pour l'héritière d'or de marquer son autorité.

    Quand ils furent réunis, Lyert montra sa tablette :

    -Il y a un truc là.

    Citseko leva la sienne. Un point noir était placé à proximité d'eux. Ora regarda aux alentours, faisant le tour des arbres :

    -Si c'est indiqué, ce doit être intéressant.

    Matior continuait d'observer la tablette de Lyert :

    -Ouais, mais c'est bizarre que ça ne dise pas ce que c'est.

    Vish avança de quelques pas pour se placer exactement sur le point, puis scruta ce qui l'entourait avant de pointer du doigt les branches au-dessus d'elle :

    -Je crois que c'est ça.

    Ils l'entourèrent, les yeux levés vers le ciel. Ora s'étonna :

    -C'est quoi ? Une bouteille ?

    Lyert acquiesça :

    -On dirait.

    Citseko dût se décaler pour apercevoir une bouteille en plastique coincée dans les branches. Matior s'appuya contre le tronc en disant à Lyert :

    -Tu vas la chercher ? Je te soulève.

    Son ami obéit et se laissa hisser sur les premières branches. Il grimpa ensuite jusqu'à la bouteille :

    -Il y a quelque chose dedans.

    Ora demanda :

    -C'est quoi ?

    -Une manivelle, je crois.

    Il laissa tomber la bouteille au sol avant de redescendre. Matior souleva l'objet pour le scruter avec attention.

    -Comment ils ont rentré ça dedans ?

    Lyert ricana :

    -Tu parles des gars qui ont fait un désert au milieu d’une plaine ?

    -C'est vrai.

    Citseko ne s'en demanda pas moins comment ils avaient fait. Ora changea la question :

    -Comment on la récupère ?

    Matior baissa les yeux pour observer le sol à ses pieds :

    -On va bien trouver un truc. Un bâton pointu ou une pierre. A moins que l'un de vous n’ait un objet qui puisse servir.

    Lyert secoua la tête :

    -J'ai mes écouteurs.

    Vish fouilla dans sa poche :

    -J'ai pris ma broche préférée.

    Intéressant, ça. Matior partagea sa pensée et saisit l'objet :

    -On va pouvoir se débrouiller avec ça.

    Il s'assit en tailleur la bouteille sur les genoux et commença à faire une ligne en perçant des petits trous avec l'épingle de la broche :

    -Bon, ça va durer un peu.

    Citseko alla chercher une pierre d'assez bonne taille qu'il posa près de l'adolescent :

    -Tu devrais peut-être essayer avec ça.

    Matior se mit à rire en changeant de méthode. La bouteille ne résista pas longtemps et quand la manivelle se trouva libérée, Ora posa une nouvelle question :

    -Bon, qui la garde ?

    Citseko allait proposer Vish, en tant qu'héritière d'or, cela lui paraissait logique. Cependant, les paroles d'Ora le dissuadèrent de formuler sa pensée. Il y avait de forte chance pour qu'il soit le seul à être de cet avis. Matior s'était relevé :

    -Pourquoi tu demandes, Ora ? Tu veux le garder ?

    La jeune fille tendit la main :

    -Si tu proposes, écoute.

    L'adolescent la dévisagea, l'air soupçonneux :

    -Tu me parais bien contente pour une manivelle.

    Le sourire d'Ora s'élargit :

    -Il faut bien que quelqu'un la porte, non ? On en aura besoin plus tard et on ne peut pas la couper en cinq.

    Lyert intervint :

    -Je ne vois pas en quoi c'est important de savoir qui la portera, franchement.

    Matior lui répondit sans quitter Ora des yeux :

    -On ne sait jamais. Celui qui a la manivelle à un objet essentiel pour la suite. A quoi lui serviront ses petits camarades ?

    Citseko sentit la tension monter, entre le garçon et Ora qui se faisaient face. Je ne vois pas en quoi ça l’avancerait de nous abandonner, vu qu'on va tous au même endroit. Cependant, il se garda de parler, craignant de mettre de l'huile sur le feu ou de retourner la situation contre lui. Finalement, Ora mit fin à leur différent en baissant la main :

    -On n’a qu’à la confier à quelqu'un en qui on puisse avoir tous confiance.

    Elle pointa Citseko et Matior lui tendit la manivelle sans hésiter. Le garçon dévisagea ses camarades avec surprise :

    -Pourquoi moi ?

    Lyert répondit :

    -Tant que Meb est pas dans le coin, on peut te faire confiance. Tu n'es pas du genre à passer ton intérêt avant ceux des autres.

    Matior ajouta avec un sourire amusé :

    -Sauf ceux de Meb. Te vexe pas si on remet la manivelle sur le tapis quand on aura retrouvé les autres.

    Citseko mit l'objet dans son sac :

    -Non, bien sûr, je comprends.

    Matior rit en répétant à Lyert :

    -Il comprend.

    Son ami sourit avec une certaine douceur :

    -Lui, alors, je te jure.

    Citseko ne comprit pas leur réaction :

    -Quoi ? Je vous la rendrais quand vous voudrez, promis.

    Ora poussa les deux garçons pour les faire avancer :

    -On n’en doute pas, t'inquiètes. Allez, en route.

    Citseko vit passer Vish près de lui et se demanda, un instant, s'il ne devait pas s'excuser d'avoir était choisi à sa place. Le voyant traîner, Ora lui lança :

    -Grouille ou on ne retrouvera pas les autres avant la nuit.

    L'adolescent se mit en marche, en se retenant de faire remarquer que ce n'est pas parce qu'ils se dépêchaient qu'ils trouveraient les autres aujourd'hui.

     

    En voyant Matior vider une autre bouteille d'eau, Citseko recommença à s'inquiéter pour leur réserve. Cependant, il garda le silence. Après tout, il n'était probablement pas le seul à y penser. Même si les autres n'ont pas l'air spécialement soucieux.

    -C'est quoi ça ?

    Citseko releva la tête pour suivre la direction indiquée par Lyert. Il pointait un endroit entre les arbres que l'adolescent ne pouvait pas encore voir.

    -Vous voyez pas ? Juste là.

    Matior le rassura :

    -Si, si, je vois, mais je ne sais pas ce que c'est.

    Citseko avança encore jusqu'à apercevoir une teinte grise entre les arbres. Il plissa les yeux comme si cela pouvait l'aider à mieux voir, tandis qu'Ora supposait :

    -On dirait un bâtiment non ?

    Matior fit remarquer :

    -Ça tombe bien, c'est par là qu'on va.

    Citseko jeta un œil à sa tablette et vit que le point indiquant leur but se trouvait bien de ce côté. Mais les autres ne semblent pas y être. Il se demanda ce que Meb pouvait être en train de faire, et s'il allait bien. Au fur et à mesure qu'ils s'en approchaient, le bâtiment se découvrit à leur yeux. Il fit l'effet d'un énorme cube de béton. Une série d'ouverture à sa base permettait d'y entrer, aucunes portes ne bloquaient l'accès. Ils s'arrêtèrent en ligne, une fois devant. Matior ironisa :

    -Voilà qui est rassurant. Qui entre en premier ?

    Lyert fit un geste de la tête :

    -Vas-y, je ne voudrais pas te priver.

    Matior rit faiblement sans rien ajouter. Aucune lumière ne venait des couloirs sombres qu'ils apercevaient par les ouvertures. Ora s'approcha :

    -On peut déjà essayer de voir quelque chose avec nos lampes.

    Elle alluma la tablette qu'elle pointa dans un des passages :

    -Juste un couloir ici.

    Les autres l'imitèrent et Citseko prit une ouverture sur la gauche :

    -Je crois qu'il y a un escalier qui descend par là.

    Lyert annonça :

    -J'en ai un qui monte ici.

    Matior se recula :

    -Aucun des couloirs ne semblent aller au même endroit. Comment on fait pour savoir lequel prendre ? Vish, une suggestion ?

    Citseko vit la jeune fille se crisper quand elle entendit son nom. Elle est sur la défensive. L'adolescent glissa un regard plein d'appréhension à l'héritier d'argent. Pourquoi attirait-il soudainement l'attention sur Vish ? Voulait-il la provoquer sans raison ? L'héritière d'or répondit, sans le quitter des yeux :

    -Je suppose que le seul moyen de le savoir, c'est d'entrer.

    Elle avait parlé d'une voix qu'elle espérait calme et sans sous-entendu. Matior croisa les bras :

    -C'est sûr. Mais, lequel choisir ? Ora, une suggestion ?

    L'adolescente l'imita en croisant les bras :

    -Matior, une suggestion ?

    Le garçon se frotta le menton comme s'il était plongé dans une profonde réflexion :

    -Non, Lyert, une suggestion ?

    Son ami s'était penché tant que possible dans le couloir pour mieux y voir sans y entrer. Tout en continuant à observer les murs et le sol à la recherche d'un signe quelconque, il répondit :

    -Arrête de faire le con.

    Ora claqua des doigts :

    -Excellente suggestion.

    Matior se défendit :

    -J'essaie de faire participer tout le monde. Personne ne me comprend.

    Citseko s'était approché de Lyert

    -Tu vois quelque chose en particulier ?

    L'adolescent se redressa :

    -Non. Il n'y a pas de flèche ou de signe qui pourrait montrer qu'il s'agit du bon tunnel. Et toi ?

    Citseko s'empressa de rejoindre le couloir qu'il avait éclairé plus tôt :

    -J'ai pas regardé.

    Lyert l'accompagna, mais ils ne trouvèrent rien de plus. Les mains sur les hanches, Ora les regardait faire :

    -Vous cherchez quoi au juste ?

    Lyert lui répondit :

    -Je pensais qu'il y aurait un signe qui nous indiquerait par où aller, mais on ne voit rien et la tablette n'est pas plus précise.

    Matior intervint :

    -Peut-être que seul le couloir qu'on doit prendre est marqué et pas les autres. On devrait faire le tour pour être sûrs.

    Ils approuvèrent tous son idée et commencèrent à explorer l'entrée des passages un à un. Lorsqu'ils se retrouvèrent à leur point de départ, il parut évident qu'aucun d'eux n'avait eu de succès. Cette fois, Matior reprit son sérieux :

    -On a vraiment pas le choix. On doit en choisir un au hasard.

    Lyert proposa :

    -On pourrait attendre les autres. Il y a au moins un groupe qui devrait nous rejoindre. Peut-être qu'ils auront plus d'idée.

    Ora secoua la tête pour montrer son désaccord :

    -On ne sait pas combien de temps ça va prendre et je ne vois pas à quoi les autres pourraient penser de plus que nous.

    Matior appuya son ami :

    -Pourquoi t'es pressée ? On n’est pas chronométré à ce que je sache. Il vaut mieux attendre les renforts avant de se lancer dans... on sait pas quoi.

    Lyert continua :

    -Il pourrait y avoir des pièges ou une Bestiole.

    Ora réfléchit un instant :

    -Et qui nous dit que les autres n'y sont pas déjà ?

    Matior et Lyert levèrent leur tablettes dans un même élan, disant en chœur :

    -On verrait Elférad.

    Ora prit un air malicieux :

    -D'accord, mais les couloirs ne vont pas au même endroit. Peut-être qu'il y a d'autres entrées que ce bâtiment et peut-être que les autres passeront par ailleurs.

    Les deux adolescents la dévisagèrent, pas convaincus. Matior finit par reprendre la parole :

    -Demandons l'avis de la part silencieuse du groupe. Citseko, Vish, vos avis ? On attend ici ou on tente une entrée ?

    Vish répondit la première :

    -Je pense aussi qu'il serait plus prudent d'attendre de voir si les autres nous rejoindront. Mais si Ora veut voir ce qu'il y a dans les couloirs, on peut envoyer Ça.

    Elle fit un geste vague de la main en direction de Ze qui ne broncha pas. Matior se tourna vers Lyert comme s'ils n'y avaient qu'eux deux :

    -Ce serait pratique en cas de piège. Vaut mieux perdre Ça que l'un de nous.

    Son ami acquiesça et proposa à Ora :

    -Tu serais contente si Ça nous jouait les éclaireurs ?

    Ora grimaça :

    -Je préférerais y aller moi-même. On ne sait pas ce que Ça sait faire.

    Lyert se tourna vers Matior :

    -Elle n'a pas tort non plus.

    Son ami insista :

    -Oui, mais comme tu l'as si bien dit, vaut mieux perdre Ça que l'un de nous. Et puis, de toutes façons, c'est juste pour jeter un œil.

    Citseko sentit son cœur se serrer à parler ainsi de Ze. Au moins, Meb ne me sacrifierait pas aussi facilement. L'esclave ne réagissait pas aux paroles échangeaient, mais quand ils donnèrent leur accord à Vish pour qu'elle envoie Ze dans un tunnel, Citseko ne put se retenir :

    -J'y vais.

    Matior sourit, alors que tous dévisageaient l'adolescent avec surprise :

    -Faites pas cette tête, il est un peu bizarre aussi notre petit Citseko.

    Lyert ne trouva pas cela drôle :

    -Ne sois pas idiot. L'esclave est là, autant l'utiliser.

    Citseko ne souhaita pas le contredire, mais insista :

    -Je comprends, mais j'y vais de toute façon.

    Il fit face à Ora :

    -Je préfère voir les choses de mes propres yeux.

    L’héritière d’argent tapa dans ses mains :

    -Voilà, je suis d'accord. On n’a qu'à jeter un coup d’œil rapide et on ressort attendre les autres. On y va en groupe si vous avez peur.

    Lyert répliqua tout en gardant les yeux sur Citseko :

    -On est prudent, c'est pas pareil.

    Il s'approcha du garçon :

    -Sérieusement, pourquoi tu veux y aller ?

    Parce que si vous envoyez Ze et qu'elle meurt, je m'en voudrais. Avant qu'il ne puisse répondre, Ora reprit :

    -On perd du temps. On aurait déjà fait le tour si vous n'hésitiez pas autant.

    Citseko profita du fait que l’adolescente attirait l'attention sur elle pour s'approcher d'un des couloir. Un tour vite fait, c'est pas grand chose et puis, ils laisseront Ze tranquille. Il alluma sa lampe et pénétra dans le bâtiment.

    L’héritier d’argent avait à peine fait trois pas qu'il entendit un glissement métallique derrière lui, dans le même temps, Matior s'exclama :

    -Merde, Citseko !

    L'interpellé fit volte face pour découvrir que l'ouverture était maintenant bloquée par des barreaux de fer. Il revint sur ses pas, en caressant l'espoir que cela suffirait à les faire disparaître. Cependant, le garçon ne fut pas surpris de voir que ce ne fut pas le cas. De l'autre côté, Ora testait la solidité de la barrière en rageant :

    -C'est une blague, ça. Il fait comment pour revenir maintenant ?

    Matior se contenta d'énoncer l'évidence :

    -Il ne revient pas. Désolé.

    Citseko pointa le couloir obscur :

    -Je pourrais toujours avancer. Vous voulez attendre les autres ?

    Lyert et Matior échangèrent un regard, avant que le premier ne propose :

    -On va rester là. Toi aussi, Citseko.

    Ora s'opposa de nouveau :

    -Ça peut prendre une éternité. On devrait se donner une limite de temps. Passer cette limite, on entre dans un couloir.

    Vish n'était pas vraiment à l'aise avec cette idée, mais elle se retint de parler pour ne pas attirer l'attention. Elle compta sur Lyert pour lui faire changer d'avis. L'adolescent ne tarda pas, en effet, de contre argumenter :

    -Vu la vitesse à laquelle ce couloir s'est fermé quand Citseko est entré, il y a fort à parier que les autres feront pareil. Ce qui veut dire, qu'on va être séparé et c'est rarement une bonne nouvelle.

    Ora répliqua en haussant les épaules :

    -Ça reviendra au même si les autres arrivent.

    Matior concéda :

    -Elle n'a pas tort. Les attendre ne nous avancera probablement pas beaucoup.

    Lyert leva la main pour reprendre la parole :

    -N'oublions pas que l'on a trouvé une manivelle qui sera sans doute nécessaire pour la suite. Est-ce que, l'un de vous, peux me dire dans quel couloir cet objet peut être nécessaire ?

    Il vit les autres se plonger dans leurs réflexions et continua :

    -Pour l'instant, c'est Citseko qui l’a, mais rien ne nous dit que ce sera utile dans son tunnel. Si cela se trouve, ce sera moi qui en aurait besoin. Comment je ferais pour avancer si je ne l'ai pas ? Qui nous dit que les autres non pas plus d'informations ou qu'ils n'ont pas trouvé des objets qui peuvent être utiles ?

    Ora feignit l'admiration :

    -Ouah, qu'est-ce qu'il cause quand il veut.

    Matior sortit de ses pensées pour dire :

    -Peut-être, mais il n'a pas tort. Le fait d'attendre les autres est sans doute essentiel pour qu'on puisse avancer.

    Citseko entoura deux barreaux de ses bras, coinçant la tête entre eux :

    -On attend, alors ?

    Ora gronda de frustration :

    -Bon, d'accord, mais jusqu'au coucher du soleil.

    Lyert s'assit :

    -Toi, si tu veux. Moi, je verrais.

    Matior l'imita :

    -Je vais voir avec toi.

     

    Cela faisait quelques heures qu'ils attendaient. Citseko mâchait un sandwich tout en observant le couloir perdu dans l'ombre en se demandant ce qu'il trouverait au bout. Ora s'était endormie, adossée au mur gris, alors que Vish s'était assise, le regard perdu dans le vide. Le silence fut interrompu par Matior qui demanda soudain :

    -Vous n'entendez rien ?

    Lyert, à moitié endormi, se redressa :

    -T'entends quoi ?

    -Comme des couinements. Ça se rapproche. Vous n'entendez pas ?

    Ze resta immobile, mais Vish se leva :

    -J'entends aussi. C'est pas des ailes ?

    Les adolescents se mirent debout. Derrière ses barreaux, Citseko confirma ce qui venait d'être dit. Il entendait quelque chose voler vers eux. Plusieurs choses, en fait. Lyert alla réveiller Ora qui bâilla en demandant ce qu'il se passait. Le garçon posa un doigt sur ses lèvres pour qu'elle fasse silence, alors que tous tendaient l'oreille. Dans le jour qui s'obscurcissait, à travers les arbres, ils virent des formes apparaître. Des chauve-souris ? Citseko tenta de distinguer les créatures avec plus de précision. Ça avance trop vite. L’adolescent allait conseiller aux autres de bouger quand Matior le devança :

    -Courez !

    Ora roula sur le côté dans le couloir près d'elle. Les barreaux se fermèrent avant qu'elle ne se relève et se mette à courir vers les escaliers du fond. Citseko vit les autres disparaître de son champ de vision, tandis qu'il reculait également dans le couloir. L’héritier d’argent entendit Matior lancer :

    -Entre dans un tunnel, les barreaux les empêcheront d'entrer !

    Citseko compta mentalement quatre autres glissements métalliques identiques à celui qui avait annoncé la fermeture de son couloir et, une fois sûr que tous se trouvaient en sûreté, il se mit à courir. Les barreaux empêcheraient sans doute les Bestioles d'entrer, mais il ne tenait pas à rester pour s'en assurer. L’héritier d’argent dévala les escaliers à la lueur de sa torche. Cependant, une fois sur la dernière marche, des néons s'allumèrent automatiquement le long d'un couloir qui lui parut infini.

    Citseko cessa de courir optant pour une marche rapide qui lui permettrait de reprendre son souffle. Derrière lui, les néons s'éteignaient au fur et à mesure de son avancée, tandis qu'ils continuaient de s'allumer devant. Au fur et à mesure que le danger s'éloignait, l'adolescent ralentit l'allure, marchant, marchant, marchant encore sans s'arrêter. Est-ce que j'avance au moins ? Il jeta un regard dans les ténèbres derrière lui et fut saisi d'angoisse. Les Bestioles ne semblent pas avoir pu entrer au moins. Le garçon se détourna, se focalisant sur la zone éclairée devant lui. Je fais pas du sur place, donc j'avance forcément. Il passa un long moment encore à marcher, sans que rien sur sa carte ne lui montre sa progression. Parfois, Citseko se demandait s'il ne ferait pas mieux de faire demi-tour, puis, à chaque fois, il se rappelait qu'il avait déjà cherché un moyen de sortir du bâtiment pendant qu'ils attendaient les autres. Mais peut-être que je n'ai pas assez fouillé, peut-être qu'il y avait un coin en particulier... A ces pensées, il se revoyait tâtonnant le moindre recoin de mur sans rien trouver. Il n'y a pas de sortie derrière, tu le sais, alors avance. L’héritier d’argent continuait.

    Quand une porte apparut au bout du couloir, Citseko eut un immense soupir de soulagement. Faites qu'elle soit ouverte, faites qu'elle soit ouverte, faites qu'elle soit ouverte....il garda cette pensée en tête, la répétant comme une formule magique jusqu'à poser la main sur la poignée. L’adolescent l'actionna rapidement comme si la vitesse pouvait influencer le fait qu'elle soit fermée ou non, mais la porte s'ouvrit sans difficulté. Citseko fut presque surpris et resta quelques secondes à observer la passerelle de fer qui prolongeait le couloir de l'autre côté. L'héritier d’argent s'attendit à voir sa retraite barrée de nouveau en avançant. Ce fut une nouvelle surprise, car rien ne se passa. Debout sur la passerelle, Citseko resta à fixer l'embrasure de la porte, soupçonneux. Donc, je peux faire demi-tour si je veux ? Non, pas que ça servirait à grand chose, mais bon, si quelque chose se passe mal ici, je pourrais toujours aller me planquer dans le couloir. Il espérait du fond du cœur que tout se passerait bien, car une fois enfermé derrière cette porte, ces options auraient été grandement limitées. La bonne nouvelle, c'est que si je n'ai pas eu à utiliser la manivelle, il y a des chances que les autres non plus.

    Citseko se décida à faire face à la pièce immense devant lui. Un labyrinthe d'escaliers et de passerelles emplissaient l'espace. Au-dessus de lui, un escalier descendait. Il aurait fallu qu'il se mette sur la pointe des pieds pour pouvoir le frôler. Des tonnes de petits trous composaient les passerelles et il n'eut pas besoin de se pencher par-dessus la rambarde pour savoir qu'il y avait du vide sous lui. Du vide et d'autres passerelles et d'autres escaliers. Tant que je n'ai pas à choisir entre deux directions, je devrais pouvoir m'en sortir sans problème. L’héritier d’argent se redressa et commença à avancer. Son passage tourna d'abord sur la droite, puis il monta un petit escalier avant de devoir repartir sur la droite de nouveau. Là, la passerelle se sépara en deux. Évidemment. Citseko tenta de deviner par où le ferait passer chacun des passages et opta pour celui qui semblait le faire avancer vers le mur opposé.

    Il ne tarda pas à se rendre compte que ce n'était pas le cas. Au fur et à mesure de son avancée et de ses choix, le garçon se rendit compte qu'il se trouvait bloqué au centre de la pièce, ne faisant que changer de niveau.

    -Hiloy !

    L’héritier d’argent eut un énorme sursaut en entendant ce cri, mais se ressaisit aussitôt. Les autres sont là ? Il chercha à se diriger vers la voix et finit par apercevoir un peu plus haut sur sa droite, Hiloy qui s'était figé.e sur une passerelle, la tête levée. En suivant son regard, il aperçut Falibi qui la surplombait :

    -Je te rejoins.

    On a le droit ? Citseko regarda autour de lui comme s'il s'attendait à voir surgir une Bestiole ou autre chose. Falibi passa la rambarde et se suspendit dans le vide en cherchant à viser la passerelle de lae Cinquième. Hiloy leva les bras, dans l'espoir de la retenir et de la diriger. Citseko les observa avec inquiétude, imaginant déjà Falibi rater sa cible et aller se briser deux escaliers plus bas. Quand elle lâcha prise, il tendit le bras par réflexe comme s'il avait pu lui venir en aide à cette distance. Ce fut, bien sûr, inutile et l'adolescente atterrit près d'Hiloy sans problème. Cellui-ci se laissa enlacer en souriant, tandis que Falibi criait presque de joie. C'est ma chance, je dois leur demander si elles ont vu Meb. Cependant, il hésita à élever la voix. Allez savoir l'attention de qui ou de quoi, il allait attirer.

    En se détournant pour repartir, Falibi aperçut les reflets d'argent de l'uniforme du garçon et elle le pointa du doigt :

    -C'est pas Citseko, là ?

    Hiloy acquiesça :

    -Je crois bien.

    -Citseko !

    L'adolescent fit un geste timide de la main alors que Falibi continuait :

    -On est tous là-dedans, alors.

    Citseko osa demander :

    -Meb était avec vous ?

    -Oui, mais on a dû se séparer en entrant dans le bâtiment.

    L'adolescent jeta un regard à sa carte, étonné de n'y voir rien d'autre que le point indiquant leur but.

    -Je ne le vois pas et je n'ai qu'une vue extérieure du bâtiment. Ma tablette ne marche peut-être plus.

    Penchée par-dessus la rambarde, dans sa direction, Falibi le rassura :

    -Non, c'est comme ça pour moi aussi.

    Hiloy leva la main :

    -Moi aussi.

    Son amie demanda :

    -T'as vu quelqu'un d'autre ?

    Citseko secoua la tête :

    -Non, vous êtes les premiers.

    Hiloy fit remarquer :

    -Ce n'est pas étonnant. Cet endroit est énorme. Je viens d'en bas et ça fait un sacré moment que je grimpe.

    Falibi hocha la tête :

    -Pareil, mais je viens d'un peu plus haut.

    Citseko leva les yeux vers le plafond, là où les passerelles et escaliers se perdaient dans l'obscurité.

    -Tu sais par où tu vas ?

    Il revint à Falibi :

    -Pardon ?

    -Ton chemin, il va par où ?

    Citseko s'avança un peu pour voir si la passerelle tournait et revint leur dire :

    -Ça part sur la gauche, pourquoi ?

    Il vit le duo en pleine discussion, pointant différents chemins puis Falibi lui répondit :

    -On va essayer de se rejoindre. On va partir par-là. Il y a peut-être un endroit où on se croisera.

    Citseko acquiesça. Il serait certainement plus serein avec des compagnons de route. Il reprit sa route, répondant aux appels réguliers de Falibi qui cherchait à le repérer quand ils se perdaient de vue.

    Quand l'appel ne lui parvint plus, l’héritier d’argent revint sur ses pas en espérant qu'elles se seraient rendu compte qu'il était hors de portée. Il remonta rapidement les marches qu'il venait de descendre :

    -Falibi ? Hiloy ?

    -Par là.

    L’adolescent leva la tête pour les apercevoir à deux passerelles au-dessus de lui. Soulagé de les revoir, il demanda :

    -Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

    Hiloy répondit :

    -On monte de notre côté.

    Citseko baissa les yeux avec une pointe de désespoir sur l'escalier qu'il avait commencé à descendre.

    -Je descend. Je ne pense pas qu'on va pouvoir se rejoindre finalement.

    Un sifflement leur fit tourner la tête et ils découvrirent Neghttris, sur un escalier plus haut sur leur droite.

    -Citseko ! T'avais qui dans ton groupe ?

    Sachant très bien la réponse attendue, Citseko lui dit :

    -Lyert et Matior étaient avec moi. Ils ont dû entrer dans le bâtiment quand des Bestioles nous sont tombées dessus.

    Falibi tilta :

    -Des Bestioles ? Les trucs volants là ?

    Citseko acquiesça :

    -Vous les avez vu ?

    Hiloy confirma :

    -C'est pour ça qu'on est entré aussi.

    Neghttris leur rappela sa présence en demandant :

    -Vous n'avez pas croisé Elférad par hasard ?

    Ils répondirent par la négative et le garçon demanda encore :

    -Vous faîtes quoi ?

    Falibi soupira :

    -On essaie de se rejoindre, mais ça a l'air plutôt compromis.

    Neghttris observa les différents chemins, remontant les escaliers pour avoir une vue d'ensemble :

    -Il faudrait que Citseko vienne vers moi.

    Le garçon ne se fit pas prier et revint sur ses pas.

    -Arrête toi quand tu es sous l'escalier.

    Citseko repéra l'endroit dont il parlait et stoppa comme demandé.

    -Je fais quoi maintenant ?

    -Il faut que tu essaies de grimper sur l'escalier.

    Les marches les plus basses pouvaient, en effet, être à la portée du garçon et Citseko sauta pour essayer de s'accrocher aux barres verticales de la rambarde. Même comme cela, il réussit à peine à les frôler. L’héritier d’argent réfléchit deux secondes avant de décider de prendre appui sur la rambarde à sa droite. Il sauta, poussa d'un pied sur la barre de métal et lança ses bras vers l'escalier. L’adolescent réussit à s'accrocher, puis se hissa entre les barres, battant des jambes pour se pousser. Il prit le temps de respirer, une fois sur les marches.

    Neghttris était passé de l'autre côté de sa rambarde, tenant d'une main la barre, il se penchait dans le vide pour garder un œil sur Citseko.

    -OK. Hiloy et Falibi, vous repartez par là. Au croisement, vous prenez les escaliers et de là, vous pourrez descendre à la passerelle en-dessous.

    Ils obéirent et quand ils se furent exécutés, Neghttris annonça en repassant sur sa passerelle :

    -Vous devriez vous retrouver maintenant. Je vais voir si je trouve un moyen de descendre vous rejoindre.

    Citseko avait déjà commencé à progresser en direction du duo et ils ne tardèrent pas à se retrouver. Falibi lui fit de grands gestes des bras tout en progressant vers lui. Amusé et soulagé, le garçon eut un demi-sourire à l'attention de la jeune fille. Une fois réunis, Citseko s'inclina rapidement devant Hiloy qui demanda :

    -Il y avait qui dans ton groupe, exactement ?

    Citseko fit la liste et Falibi observa les alentours quand il eut fini :

    -Donc, on est vraiment tous là. Tout le monde a dû nous entendre, non ?

    Elle chercha confirmation auprès d'Hiloy, mais son ami.e se contenta de hausser les épaules. Le sifflement se fit entendre de nouveau et ils levèrent la tête à la recherche de Neghttris.

    -Par là.

    Hiloy attrapa le bras de Falibi pour la tirer dans la bonne direction. Citseko suivit.

    -Attendez-moi ! Attendez-moi !

    Le trio fit volte-face pour apercevoir Laxo qui courait quelques étages plus haut à la recherche d'un passage pour les rejoindre. Falibi s'étonna :

    -Laxo ? Comment tu nous as trouvé ?

    L'interpellée éclata de rire en sautant au bas d'un escalier :

    -Je ne crois pas que tu réalises à quel point ta voix porte.

    Falibi s'adressa à Citseko et Hiloy :

    -Elle a raison. Quiconque l'entend ne peut s'empêcher de venir pour l'écouter de nouveau. Un vrai rossignol.

    Lae Cinquième eut un rire léger en s'avançant en direction de Neghttris :

    -Il y a Laxo qui va essayer de nous rejoindre.

    L'adolescent leva la tête pour chercher la jeune fille du regard, mais elle était trop loin pour lui. Il renonça et demanda :

    -Hiloy, tu vois le passage sur ta droite ?

    Iel dut s'approcher pour l'apercevoir :

    -Oui ?

    Neghttris passa par-dessus la rambarde :

    -Je vais essayer d’atterrir par là.

    Il sauta sur la passerelle sous la sienne, puis progressa vers l'endroit indiqué. L’héritier d’argent lâcha un juron en se trouvant de nouveau bloqué et fit demi-tour. Citseko sursauta en entendant une chute sur sa gauche. Il lança, inquiet :

    -Laxo ? C'est toi ?

    La jeune fille apparut au détour d'un passage :

    -Non, c'est plus bas.

    La voix de Tahiya leur parvint :

    -Mais c'est pas possible, tu sais plus marcher ou quoi ?!

    Citseko et Falibi se penchèrent pour tenter de les voir. Tahiya et son cousin se trouvaient à quelques mètres en contrebas. Falibi fit un grand geste du bras :

    -On est là :

    Tahiya leva la tête en répliquant :

    -On sait, on ne peut pas dire que vous soyez discrets.

    Citseko s'inquiéta :

    -C'est Nsoah qu'est tombé ? Il s'est fait mal ?

    Tahiya haussa les épaules avant de demander à son cousin :

    -Tu vas bien ?

    Nsoah se contenta de sourire en fixant l'une des passerelles. La jeune fille leva un pouce à l'intention de Citseko. Falibi se tourna vers celui-ci, radieuse :

    -Elle est gentille, hein ?

    Je ne sais pas trop. Il répondit avec un demi-sourire. Un autre choc attira son attention et il se dirigea vers le coin où Hiloy venait de disparaître. Neghttris se redressait :

    -Facile, finalement.

    Citseko les informa :

    -Il y a Tahiya et Nsoah en bas, par là.

    Laxo cria à cet instant :

    -Tahiya va sur la gauche !

    Et à la jeune fille de répliquer :

    -Je sais ce que je fais !

    -D'accord, mais là, tu vas redescendre !

    Citseko et les autres rejoignirent Falibi. En haut, Laxo tentait de diriger une Tahiya récalcitrante. Un nouveau sifflement leur parvint et le visage de Neghttris s'illumina. Falibi supposa :

    -Elférad ?

    -Non, Lyert.

    Il s'écarta du groupe en lançant son propre sifflement. En-dessous, Tahiya commençait à sérieusement s'énerver. Hiloy se pencha vers Falibi :

    -Vu la taille de Nsoah, tu ne crois pas qu’en montant sur ses épaules, elle pourrait monter directement au lieu de faire le tour ?

    Son amie ouvrit de grands yeux :

    -Mais c'est vrai ça.

    Puis, se penchant à moitié dans le vide pour apercevoir le duo, elle cria :

    -Hey, Nsoah ! Fais monter ta cousine sur la passerelle au-dessus.

    Tahiya se figea une seconde, avant de faire face au garçon :

    -Pas bête, hein ? Allez, baisse-toi mon grand.

    L'adolescent obéit pour qu'elle puisse grimper sur ses épaules. Quand il se redressa, la jeune fille put monter à la passerelle supérieure et l'aider à grimper.

    -S'il vous plaît ?

    Ils revinrent à Laxo qui avait réussi à trouver une passerelle au même niveau que celle du trio, elles étaient espacées de près de deux mètres.

    -Est-ce que quelqu'un veut bien se mettre pas loin, au cas où ?

    Citseko alla se mettre face à elle :

    -Tu veux que je fasse quoi exactement ?

    Elle eut un sourire figé :

    -Me rattraper si je me loupe, ce serait pas mal.

    Je ne suis pas sûr d'arriver à faire ça. Se doutant que ce n'était pas ce qu'elle avait besoin d'entendre, il répondit simplement :

    -OK.

    La jeune fille prit le peu d'élan qu'elle put, se propulsa en poussant du pied sur la rambarde et atterrit, se prenant en plein ventre la barre de fer d'en face. Citseko se précipita pour l'agripper :

    -Ça va ?

    Laxo rit jaune :

    -Plus de souffle, mais ça va.

    Il l'aida à passer de l'autre côté au moment où Tahiya était tirée par Hiloy et Falibi jusque sur leur passerelle. Quand Nsoah fut hissé à son tour, Falibi observa le petit groupe d'un air satisfait :

    -Bon, ça commence à prendre forme.

    Laxo acquiesça :

    -Oui, mais Neghttris était pas là y a deux minutes ?

    Comme si elle venait soudainement de se souvenir de quelque chose, l’héritière d’argent pinça les lèvres :

    -Ah bah oui, je me disais aussi.

    Hiloy pointa une direction :

    -Il est parti par là.

    Tahiya soupira :

    -C'est donc par là que nous irons.

    La jeune fille se mit en marche, alors que Laxo lui demandait :

    -Comment tu as fait pour retrouver ton cousin si vite ?

    -C'est pas moi qui l'ai trouvé, c'est lui qui me trouve.

    Nsoah hocha vigoureusement la tête en fixant les trous dans la passerelle :

    -Toujours trouver Tahiya. C'est la priorité.

    J'aimerais bien qu'il me suffise de dire ça pour trouver Meb, mais visiblement ça ne marche que pour lui. Citseko observa avec attention le jeune homme. Il était clair qu'il avait plus d'un tour dans son sac. Neghttris revint en courant :

    -Ah, vous êtes là. Venez, il y en a d'autres par là.

    Ils coururent à sa suite jusqu'à atteindre l'endroit où les attendait Lyert. En levant la tête, ils l’aperçurent, assis sur un escalier. Il se leva à leur approche :

    -Woah, y a du monde.

    Tahiya lui demanda sans détour :

    -Et toi ? Tu as vu quelqu'un ?

    Lyert jeta un regard sur le côté comme s'il attendait quelqu'un :

    -Indilk ne devrait plus tarder. Il est allé vérifier une de ses théories de sortie.

    Falibi battit des paupières :

    -Théorie de sortie ?

    -Oui, il faudra bien qu'on trouve la sortie à un moment ou un autre et il se demandait si les escaliers ne formaient pas un schéma ou un truc comme ça.

    Neghttris sourit en se moquant gentiment :

    -Un truc comme ça ?

    Lyert prit un air exagérément exaspéré :

    -Oui, ho, truc comme ça. Il a à peine tenté de m'expliquer, avant de partir comme une fusée. Je ne pense pas que ça t'étonnes.

    Neghttris leva un bras :

    -En attendant, saute nous rejoindre.

    Lyert passa de l'autre côté de la rambarde en disant d'un ton hautain :

    -Et pourquoi ce n'est pas vous qui monteriez jusqu'à moi, je vous prie ?

    Il se laissa tomber sur la passerelle du dessous, en face de Neghttris qui l'aida à se relever :

    -Parce que c'est plus facile de descendre que de monter.

    -Je viens, en effet, de m'en rendre compte.

    Indilk arriva quelques secondes plus tard et, en les voyant, sauta aussitôt pour les rejoindre. Citseko sentit son cœur manquer un battement en le voyant sauter négligemment par-dessus la rambarde, sans même prendre le temps de vérifier où il atterrirait. Debout devant eux, les mains dans les poches de sa jupe, il leur dit :

    -J'ai trouvé ça, en route.

    En levant la tête, ils virent que Xutik et Bélera se tenaient sur la passerelle. Laxo sautilla en apercevant son héritière d'argent. Ces deux-là descendirent avec plus de précaution qu'Indilk. Tahiya s'adressa à celui-ci :

    -Alors, ta théorie ?

    -Rien du tout.

    Citseko ne put pas dire qu'il était surpris. Si cela avait été facile à trouver tout seul, cela n'aurait eu aucun intérêt. Neghttris leva la main :

    -Est-ce que je peux proposer quelque chose ?

    Cela, en revanche, surprit Citseko. Il n'était pas habitué à ce que Neghttris demande la permission pour parler. En même temps, il y a pas mal d'héritiers d'or maintenant. Il respecte le protocole. Cette réflexion le fit grimacer. Depuis quand Neghttris se souciait-il du protocole ? Ou il s'est passé un truc quand on était en groupe. Son regard se posa sur Xutik. Avec lui peut-être.

    -Je propose qu'on essaie de rassembler tout le monde avant de chercher la sortie.

    Indilk le dévisageait d'un air blasé :

    -Qu'est-ce que tu fous à lever la main, toi ?

    Neghttris répondit innocemment :

    -Je voulais être sûr qu'on m'entende. On commence à être un peu nombreux, donc j'ai eu peur que tout le monde se lance dans des discussions sans importance.

    Rien à voir avec le protocole, ni avec Xutik non plus, d'ailleurs. Citseko eut un demi-sourire pour lui-même, tandis que Laxo se révoltait :

    -Comment ça des discussions sans importance ? Tu penses à qui en particulier ?

    Lyert ricana :

    -Ce n'est jamais très bon quand on se sent visé.

    Tahiya frappa dans ses mains :

    -On se rassemble. Pour cela, il faut qu'on bouge. Alors, on bouge.

    Elle se mit en marche d'un pas résolu, glissant à Neghttris au passage :

    -Et sans lever la main.

    L'adolescent ne se laissa pas distancer pour lui répliquer sur le même ton :

    -Nos uniformes ne sont pas de la même couleur.

    Tahiya posa les yeux sur les broderies d'argent et concéda :

    -C'est vrai.

    Puis, elle se détourna sèchement, pour continuer sa route. Neghttris la regarda s'éloigner avec un air amusé. Lyert lui envoya une tape dans le dos en riant à demi. Citseko veilla à ne pas rester près de Xutik. Non pas que sa présence le dérangeait, mais il ne tenait pas à s'imposer à lui. Indilk ne tarda pas à marcher au même niveau que Tahiya, tandis que Hiloy s'approchait de Nsoah, souriant avec douceur :

    -Comment ça va ?

    Le garçon répondit en fixant un point au-dessus d'eux :

    -Bien, j'ai trouvé ma cousine. Tu as trouvé ton amie ?

    Falibi bondit à son côté :

    -Mais oui. Tu ne me reconnais pas ?

    Nsoah eut un sourire d'enfant en se mettant à observer ses pieds. Citseko retint un sursaut lorsque Laxo apparut soudain à sa hauteur :

    -Tahiya avait mis une annonce pour se trouver un fiancé ?

    -Quoi ? Je... j'en sais rien. Pourquoi tu demandes ça brusquement ?

    La jeune fille fit la moue :

    -C'est Bélera qui vient de s'en souvenir. Enfin, c'est ce qu'elle dit.

    La susnommée se glissa à leur côté :

    -Si, je suis quasiment sûre. C'était elle.

    L'adolescent les dévisagea l'une et l'autre :

    -Mais, pourquoi vous parlez de ça maintenant ?

    Laxo répondit :

    -Je me demandais comment Mechem s'en sortait. C'est mon fiancé.

    Elle ajouta cette information avec une certaine pointe de fierté qui amusa Citseko.

    -Bélera a alors dit que je n'étais probablement pas la seule à m’en faire pour quelqu’un d’autre. Elférad devait s'inquiéter aussi et probablement d'autres dont on n’est pas au courant. Et là, elle me sort : « Je me demande si l'annonce de Tahiya a marché ? »

    Citseko hocha la tête, incertain d'avoir tout suivi, puis demanda encore :

    -Mais pourquoi vous êtes venues me dire ça à moi ?

    Laxo sembla étonnée qu'il pose la question :

    -T'étais le seul à ne parler à personne. Je ne voulais pas m'incruster dans leurs discussions.

    -Pourquoi tu n'es pas allé demander directement à Tahiya ?

    Cette fois, la jeune fille fut choquée :

    -Tu me vois lui demander ça ? As-tu passé une annonce pour trouver un fiancé ? Elle n'a pas l'air de trop m'apprécier, déjà, alors je vais éviter d'aggraver la situation.

    Citseko eut un demi-sourire, puis elle demanda soudain :

    -Tu pourrais le faire toi.

    Il s'étonna :

    -Moi, quoi ?

    Bélera lui répondit :

    -Elle veut que tu ailles demander à Tahiya.

    Citseko demanda confirmation d'un regard auprès de Laxo qui hocha vigoureusement la tête. L'adolescent fit remarquer :

    -Si elle ne t'apprécie pas, toi, une héritière d'or, qu'est-ce qui te fait penser qu'elle jettera un regard à un héritier d'argent ?

    Laxo lui envoya un coup de coude avec un regard entendu :

    -Elle n'a pas l'air très penchée sur cette histoire d'or et d’argent, contrairement à d'autres.

    - Quand bien même ce serait vrai. Je n'ai aucune raison de lui parler de ça si brusquement.

    La jeune fille réfléchit avant de s'avouer vaincue :

    -C'est vrai t'as raison.

    Bélera pointa Falibi du menton :

    -Elle a fini de parler à Nsoah, on pourrait essayer de lui demander.

    Laxo claqua des doigts :

    -T'as raison, si quelqu'un est au courant de ce genre de chose, c'est bien elle.

    Citseko fut un peu soulagé de les voir s'éloigner. A ce moment, un mouvement attira son regard sur la gauche. Il s'arrêta pour tenter de voir ce que c'était. L’héritier d’argent perçut une silhouette sur les passerelles assez loin d'eux. Il se tourna vers les autres :

    -Hey, je crois qu'il y a quelqu'un là-bas.

    Ils revinrent tous précipitamment.

    -Qu'est-ce que tu as vu ? Demanda Indilk en se penchant pour tenter de mieux voir.

    -Une silhouette, je crois bien.

    Lyert se méfia :

    -Une silhouette humaine ? Ou plutôt bestiale ?

    Citseko secoua la tête :

    -Non, non, humaine, je suis presque sûr.

    Neghttris poussa son sifflement et tous retinrent leur souffle en guettant une réponse. Au bout d'une minute, Lyert conclut :

    -Ce ne doit pas être Elférad, ni Matior.

    Falibi mit ses mains en porte-voix :

    -Hé ho ! Là-bas ! On est là ! Hé ho !

    Pendant un instant, ils ne virent rien, puis une silhouette se découpa sur une passerelle au loin. Citseko ne put s'empêcher de la pointer du doigt :

    -Là, c'est là.

    Tahiya le fit taire d'un geste de la main, concentrée sur la silhouette.

    -... dez ?!

    Ce fut tout ce qu'ils réussirent à entendre de ce que criait l'autre. Tahiya ne s'en tourna pas moins vers le groupe pour demander à la ronde :

    -Quelqu'un reconnaît cette voix ?

    Xutik leva timidement la main :

    -Je crois que c'est Gec-Nüj.

    Laxo les fit revenir à la silhouette en disant :

    -Il bouge !

    Neghttris supposa :

    -Il va sans doute chercher un moyen de nous rejoindre. On devrait tenter de s'approcher aussi.

    Bélera remarqua doucement :

    -Ça paraît vachement loin.

    Laxo lui passa un bras autour des épaules :

    -Haut les cœurs, ma grande, il faut retrouver tous nos petits camarades.

    Tahiya proposa :

    -De ce côté là, il semble qu'on se dirige vers lui.

    Indilk haussa les épaules :

    -On ne pourra être sûrs qu'en essayant, alors, en route.

    Ils progressèrent comme ils pouvaient pour se rapprocher et finir par grimper et sauter de passerelles en escaliers dans l'espoir d'aller plus vite. De son côté, Gec-Nüj avançait également. Citseko était en train d'aider Bélera à descendre une passerelle en-dessous quand il vit Qegh, Theaon, Vish et Ze courir vers lui. Il lança au reste qui se trouvait déjà en bas :

    -Il y en a d'autres là !

    Neghttris demanda aussitôt :

    -Elférad et Matior ?

    -Non, les filles...

    Theaon se pencha pour voir qui se trouvait en bas et cria :

    -Falibi ! Hiloy !

    Citseko put enfin lâcher Bélera et nota au passage que le visage de lae Cinquième s'était assombri en apercevant son amie. Le garçon se redressa :

    -Je vais vous aider à descendre. C'est un peu haut.

    Qegh secoua la main :

    -Tu passeras avant moi. Je suis douée en saut.

    Je ne vois pas en quoi ça peut t'aider.

    -T'es sûre ?

    -Oui, oui.

    Vish passait déjà du côté du vide :

    -Bon, s'il vous plaît ?

    Citseko haussa un sourcil. Elle était moins hautaine quand on était en petit groupe. Il l'aida tout de même à descendre, ne la lâchant que lorsqu'il fut certain que Nsoah l'avait attrapé. Theaon suivit. Quand ce fut le tour de Ze, la jeune fille se contenta de sauter par-dessus la rambarde pour atterrir dans l'espace libéré par ceux en bas. Citseko se tourna de nouveau vers Qegh :

    -T'es vraiment sûre ?

    Elle lui sourit :

    -T'inquiètes, vas-y. Je te tiens.

    Il descendit de la même manière que les autres et une fois en bas, Indilk demanda :

    -Il n'y a plus personne ?

    -Qegh.

    Neghttris et Lyert se mirent à écarter le groupe pour faire un espace libre assez large :

    -OK, on recule s'il vous plaît. Merci, merci.

    Qegh bondit à ce moment là. Elle ne s'était pas contentée de se laisser tomber après la rambarde comme Ze, mais s'était propulsée vers l'avant. La jeune fille atterrit allégrement sur la passerelle, s'arrêtant de justesse au bord d'un escalier. Xutik glissa d'une voix basse en faisant le tour de ses camarades :

    -Il manque qui, encore ?

    Ils firent le décompte, se regroupant entre amis. Laxo annonça :

    -Elférad, Meb, Matior et...

    Theaon compléta :

    -Ora.

    Xutik prit le partie de les devancer en disant :

    -D'abord, on récupère Gec-Nüj.

    Bélera essaya de le rassurer en disant :

    -Il ne doit plus être loin.

    Il l'ignora, tandis que Tahiya et Indilk le rattrapaient jusqu'à reprendre la tête du groupe. Citseko vit la crispation de Xutik, mais il ne dit rien. Gec-Nüj réussit à les rejoindre quelques minutes plus tard et de là, ils continuèrent de progresser au hasard en espérant trouver les derniers qui manquaient. L'humeur était remontée, maintenant que la majorité était réunie. Ils avaient de nouveau cette sensation de force que l'on éprouve quand l'on est en grand groupe. Dans cette atmosphère plus décontractée, les langues se délièrent et les discussions allèrent bon train. Ceux qui avait formé le groupe dont Citseko avait fait partie, écoutez avec une certaine fascination les péripéties que les autres avaient vécu. L'adolescent ne fit que s'inquiéter d'autant plus sur le sort de son héritier d'or. Finalement, on a été plus chanceux. On n’a pas croisé une seule Bestiole à part les espèces de chauve-souris. Il regarda autour avec appréhension en espérant que cette pensée ne leur porterait pas malheur.

    -Je pense qu'ils les contrôlent.

    Citseko se tourna vers Neghttris au moment où Falibi demandait :

    -Qui contrôle quoi ?

    -Les Bestioles. Je pense qu'elles sont contrôlées. Certains pensent qu'elles sont en libertés par accident, mais je n'en suis pas si sûr.

    Qegh qui marchait à côté de lui et Lyert, demanda :

    -Comment tu peux être si sûr ?

    Neghttris expliqua :

    -On est entré dans les couloirs parce que des Bestioles volantes nous sont tombées dessus. Ils sont entrés dans les couloirs parce que des Bestioles volantes leur sont tombées dessus. C'est un peu gros pour une coïncidence, non ?

    Ils étaient en train de réfléchir à cet argument quand un sifflement résonna. Neghttris et Lyert répondirent aussitôt de la même manière et se mirent à courir en lançant :

    -Ça, c'est Elférad.

    Le groupe partit à leur poursuite, se dirigeant au son. Ils finirent par s'arrêter quand ils aperçurent Meb, Elférad, Matior et Ora qui leur faisaient de grands gestes.

    « Chapitre 17XIII - Hiloy »

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