• IX - Hiloy

    Hiloy Plilaz

    Rang : Or

    Héritier.ère de la grande famille Plilaz

    Héritier.ère de la charge de gardien

     

    Iel avait réussi à se redresser quand son réveil avait sonné. Ce qui était déjà un exploit. Cela faisait bien deux minutes qu'iel fixait le bout de son lit, sans avoir bougé d'un pouce. Les jumeaux étaient venus la chercher la veille pour ce qu'ils avaient appelé une réunion secrète. Ils avaient dû attendre la nuit et s'étaient glissés dehors. Ils avaient rejoint Weikom et Onfionne dans un endroit à l'écart des bâtiments. Hiloy avait été surpris.e que le Premier ne soit pas là, mais on lui avait expliqué qu'il ne sortait jamais. La raison de ce petit rassemblement était le Second qui les informa que des soldats de la garde royale avaient été aperçus dans les bois. Ce n'était sans doute rien, mais en tant qu'héritiers des Cinq, ils devaient être au courant. Ils s'étaient tournés vers Hiloy. Après tout, si la garde bougeait, c'était forcément les ordres de son père. Iel leur avoua que ce n'était certainement pas à ellui que son père aurait confié les raisons de ses agissements. Ils s'étaient ensuite perdus en conjecture, si bien qu'il était tard quand ils regagnèrent leur chambre.

    Résultat, lae Cinquième voulait se recoucher et tant pis pour les cours. Je vais juste fermer les yeux, deux secondes. Toujours assis.e, iel commença à se rendormir. Un coup léger sur la porte la força à réagir :

    -C'est qui ?

    -Falibi.

    Iel se redressa avec effort :

    -Entre.

    La jeune fille entrouvrit la porte :

    -T'es réveillée ? Cool.

    Hiloy répliqua, les yeux à demi-fermés :

    -Non, je parle en dormant.

    Falibi prit un air désolé :

    -Tu veux bien venir ? Il y a une araignée dans le lavabo.

    Hiloy glissa hors de son lit, s'étira autant que possible et s'obligea à ouvrir les yeux.

    -Elle est comment ?

    Son amie eut un air dégoûté :

    -Énorme.

    Lae Cinquième sourit en s'emparant de deux feuilles. Ils se rendirent dans la salle de bain commune, encore vide. Falibi était toujours la première à sortir de sa chambre pour aller à la douche. Si bien que Rafirin et Hiloy s'amusaient à l'imaginer se tenant derrière la porte de sa chambre, prête à bondir dès que les serrures étaient ouvertes.

    Hiloy sourit en apercevant la tache noir dans le lavabo :

    -Elle est belle.

    Falibi resta à l’entrée :

    -Il en faut pour tout le monde, je suppose.

    Lae Cinquième posa une feuille devant l'insecte et le poussa de l'autre. Voyant que l'araignée ne bougeait pas, Falibi tenta une approche :

    -Tu veux que je t'aide ?

    A ce moment, l'insecte se mit en mouvement et la jeune fille poussa un cri perçant. Hiloy éclata de rire, alors que son amie lui lançait riant et pleurnichant en même temps :

    -C'est pas drôle, elle m'a fait peur.

    Hiloy eut pitié d'elle et lui demanda :

    -Tu veux bien aller ouvrir la fenêtre du couloir ?

    La jeune fille ne se le fit pas dire deux fois. Elle s'écarta quand Hiloy arriva pour jeter l'insecte par la fenêtre. Quand ce fut fait, iel se figea une seconde avant de se tourner vers son amie :

    -Merde, j'espère qu'il n'y avait personne en dessous.

    Falibi lae dévisagea avec des yeux ronds, avant de se pencher à l'extérieur :

    -Je crois que c'est bon.

    Ils se mirent à rire et retournèrent se préparer. Hiloy vérifia son uniforme avant de sortir attendre Falibi. Celle-ci mettait toujours un temps fou pour se préparer, bien qu'Hiloy ne comprenne pas comment c'était possible. Quand elle sortit enfin, ils se rendirent en cours.

    Hiloy retrouva Ora à son bureau :

    -Salut.

    Iel lui répondit par un sourire. Quand Hiloy fut installé.e, l'héritière d'argent se pencha pour lui demander :

    -Dis, t'as fini le devoir à rendre sur la littérature du début des rois ?

    Lae Cinquième fronça le nez :

    -J'ai fait l'introduction. Falibi a quasiment fini, elle.

    Ora ouvrit des yeux ronds :

    -Non, c'est vrai ?

    Mr Irdrour entra et abattit sa règle sur la table pour réclamer le silence. Ils étaient plongés dans des théorèmes qu'Hiloy trouvait bien trop compliqué, quand les haut-parleurs se mirent en marche :

    -De un à vingt.

    Ce fut tout. Lae Cinquième allait se tourner vers Ora pour lui demander si elle savait de quoi il s'agissait, mais iel s'arrêta en voyant la crispation de sa voisine. En fait, la classe entière semblait s'être figée. Leur enseignant prit la parole :

    -Je suis désolé. Vous avez une heure.

    Une heure pour quoi ? Cette pensée venait à peine de lui traverser l'esprit que ses camarades se levèrent d'un coup pour se précipiter hors de la salle. Hiloy resta bouche bée, figé.e sur place. Qu'est-ce qu'il se passe ? Falibi apparut soudain à côté d'ellui, lui saisissant le bras et lae tirant à l'extérieur. Dans le couloir, la sortie des classes provoquait une bousculade monumentale.

    -Qu'est-ce qu'il se passe ? On a une heure pour quoi ?

    Falibi, inquiète de lae perdre dans la cohue, lui serrait le bras de toutes ses forces :

    -C'est un Grand Jeu. On a une heure pour les adieux.

    Hiloy eu une impression de vertige. Il y avait quelques jours à peine, iel avait reçu un manuel lui expliquant les règles des Grands Jeux, ainsi qu'un formulaire à remplir si iel souhaitait donner son code à des héritiers d'argent. L'adolescent.e avait inscrit Rafirin et Falibi, malgré les éternels avertissements de Tefpiro. Iel avait passé un bon nombre de soirée à lire et relire le manuel depuis. Pourtant, les Grands Jeux lui semblaient encore bien irréels à cet instant là. Ressaisis-toi. Concentre-toi. C'est maintenant. Hiloy fit en sorte d'accélérer le pas pour marcher à hauteur de son amie. Les escaliers des dortoirs étaient blindés, mais en poussant des coudes, le duo réussit à atteindre leur étage.

    -Normalement, Rafirin...

    Avant que Falibi ne finisse sa phrase, ils aperçurent le jeune homme qui attendait devant la chambre d'Hiloy.

    -Les gars...

    Falibi lui sauta au cou.

    -Vous faites attention, hein ?

    Hiloy les informa :

    -Vous devriez recevoir mon code normalement.

    Falibi relâcha Rafirin :

    -OK, on se retrouve dès qu'on peut.

    Le garçon ressentit le besoin de préciser :

    -Si on peut, on ne sera pas forcément sur le même terrain.

    Hiloy acquiesça et demanda :

    -Qu'est-ce que je dois prendre comme affaire ? Dans le manuel, ils disaient que le nécessaire était fourni, mais qu’on pouvait amener des choses.

    Falibi rassembla ses idées :

    -Heu... ce que tu veux qui te sois utile. Fais un tour dans ta chambre dans le doute.

    Hiloy allait obéir quand Rafirin leur dit :

    -Je vais y aller. Ma classe se rassemble près de l'hôpital. Bonne chance.

    Lae Cinquième eut un faible sourire :

    -Toi aussi.

    Iel fit rapidement le tour de sa chambre, mais ne vit rien qui lui soit absolument nécessaire. L’adolescent.e s'empara rapidement du manuel pour revérifier quelques détails, notamment la liste des classes et leur lieux de rassemblement. Falibi toqua à sa porte :

    -Tu as pris quelque chose ?

    Hiloy secoua la tête :

    -Non, et toi ?

    La jeune fille sortit un porte-clef de sa poche :

    -Un porte-bonheur. Mon père l’avait lors des Grands Jeux.

    Ils allèrent rejoindre leur classe dans les temps. Lorsque l'heure fut écoulée, des voitures identiques à celles qui étaient venues les chercher pour les mener à l'école, arrivèrent à la queu-leu-leu. Falibi lae serra fortement dans ses bras avant de monter en voiture :

    -On se voit à la fin au pire.

    Hiloy eut un pâle sourire. Si tout va bien. Une femme lui fit signe d'approcher et iel la suivit jusqu'à son véhicule. Une fois installée et la voiture en marche, on lui banda les yeux.

    -Avez-vous des questions concernant le déroulement du Grand Jeu ?

    La voix de la femme avait quelque chose de rassurant au vu de l'angoisse qui ne cessait d'augmenter chez Hiloy. Aucune question ne lui traversa l'esprit, cependant et iel répondit :

    -Non, je ne crois pas.

    -Votre bras, s'il vous plaît.

    Lae Cinquième le lui tendit et sentit qu'on y attachait la tablette, puis, la femme glissa un bracelet à son autre bras. Le reste du trajet se déroula dans le silence. Hiloy s'efforça de garder son calme en respirant profondément. Une fois à destination, la femme lui saisit doucement le bras pour lae guider. Se fiant à ses sens, lae Cinquième crut bien qu'ils étaient en pleine campagne. Comme iel trébuchait sur des pierres et qu'iel s'emmêlait les pieds dans des herbes hautes, Hiloy déduisit qu'ils ne devaient pas y avoir de chemin. Ensuite, iel eut l'impression de pouvoir marcher plus librement. Sa main libre frôla un arbre. Une forêt ?

    -C'est ici.

    Hiloy s'arrêta et la femme lui retira le bandeau. Iel se trouvait dans un bois. Les arbres étaient moins hauts que ce qu'iel avait imaginé. La femme posa un sac-à-dos à ses pieds :

    -Vous trouverez tout le nécessaire là-dedans.

    Elle lui montra, ensuite, le fonctionnement de la tablette avant de dire d'un air qui paraissait sincère :

    -Bonne chance.

    Quand elle s'éloigna, Hiloy prit une minute pour manipuler la tablette. Iel navigua dans les différents menus, jusqu'à trouver l'explication du Grand Jeu.

     

    Vous vous trouvez seul(e) dans une zone fermée. Vous devez trouver l'interrupteur qui vous permettra d'accéder à la zone suivante.

     

    Hiloy trouva cela assez simple, ce qui ne fit qu'éveiller sa méfiance. Iel trouva la liste énumérant le nombre de points privilèges accordés, en fonction de l'ordre de sortie du jeu. Le manuel avait expliqué ce que Falibi lui avait déjà appris. Chaque jeu rapportait des points privilèges aux participants qui leur permettraient, à la fin de l'année, de faire n'importe quelle demande au Roi, sans crainte de se la voir refuser. Hiloy avait également découvert que les héritiers d'argent partaient avec zéro points, alors que ceux d'or en avait cinquante d'avance. Quand aux héritiers des Cinq, ils partaient avec une avance ridiculement avantageuse de cent points. Il était clair que, même si les jeux étaient supposés permettre de s'élever, la réalité était que l'on faisait en sorte de garder chacun à sa place.

    Hiloy afficha ensuite, la carte. Sur le côté, iel vit la légende qui résumait les différents points et couleurs. En bleu, les endroits où iel pourrait trouver de l'eau potable. Les points rouges, les refuges qui offraient lits, couvertures et nourritures supplémentaires. Une écriture rouge se mit à clignoter sur son écran, l'informant qu'un héritier d'argent venait d'entrer son code. Iel revint sur l'explication du jeu pour vérifier une information. Dans le coin de l'écran, le mot « classe » apparaissait, signifiant que les différentes classes étaient séparées. Rafirin n'était donc pas présent, seulement Falibi. Hiloy revint à la carte. Iel ne vit pas la flèche bleue supposée représenter son amie. Elle est trop loin.

    A présent qu'iel maîtrisait l'objet, lae Cinquième jeta un œil dans son sac pour vérifier ce qu'iel avait à disposition, puis se mit en route. Sa cible ne semblait pas très loin. La croix verte, sur sa carte, se situait derrière ellui. En se retournant et avançant de quelques pas, Hiloy se retrouva bloqué.e par la végétation. Hiloy vérifia que son but se trouvait bien là et soupira :

    -Bon, évidemment, ça ne pouvait pas être facile, non plus.

    Iel commença à progresser lentement. Levant les jambes assez haut pour écraser les ronces, écartant le lierre qui tombait des arbres, leur fines branches s’accrochaient aux épines. L’adolescent.e s'évertua un bon moment avant de réaliser qu'iel avançait à peine. Je me fatigue pour rien là. Hiloy observa le fatras de végétation qui ne voulait pas se démêler et décida de changer de tactique. Tournant les talons, iel se mit à pousser de toutes ses forces. Grondant sous l'effort, lae Cinquième réussit à progresser plus rapidement. Des ronces qui tombaient des arbres s'accrochaient à ses cheveux, lae faisant grimacer. Iel continua néanmoins, poussant sur ses jambes, écrasant les ronces, en espérant que son sac tiendrait le coup. En même temps, s'il en faut si peu pour le foutre en l'air, c'est que c'est vraiment de la merde. Hiloy continua un bon moment avant de prendre le temps de respirer. L'adolescent.e jeta un regard à sa carte. J'y suis bientôt. Plus qu'un petit effort.

    Lae Cinquième vérifia l'état de son sac, avant de se remettre en action. Il lui fallut tout de même une bonne heure avant d'apercevoir un poteau de métal. Iel s'arrêta pour reprendre son souffle, suant à grosses gouttes, les mollets égratignés.

    -Je devrais y arriver de là.

    Hiloy laissa tomber son sac et avança avec précaution. Dès qu'iel se jugea assez près, lae Cinquième tendit le bras à travers le lierre et les ronces pour atteindre le poteau. Tâtonnant le sommet de celui-ci, iel sentit un interrupteur qu'iel tourna et un bip lui parvint de sa tablette. Se redressant pour dégager son bras, lae Cinquième vit que la carte s'était agrandie à une nouvelle zone. Une flèche rouge lui indiquait comment l'atteindre. Un nouveau message apparu :

     

    Vous pouvez accéder à la deuxième zone. Elle est également accessible à une autre personne.

     

    -OK.

    Hiloy reprit son sac et se mit en route. Iel avança vite, une fois sortie des broussailles. L’adolescent.e marcha tout en retirant les épines encore accrochées à ses vêtements et en chantonnant. Pour l'instant, la situation lui paraissait prometteuse. Même si iel se retrouvait avec un autre dans la nouvelle zone, vu qu'il s'agissait de quelqu'un de sa classe, Hiloy ne s'en inquiétait pas. Si c'est Xutik, ça risque de me soûler mais bon. Quoiqu'il est quand même moins collant ces derniers temps. Il lui fallut deux heures de marche pour atteindre la nouvelle zone, temps durant lequel iel entama son sandwich. Quand Hiloy passa la frontière, un nouveau bip attira son attention sur sa tablette. Une croix verte venait d’apparaître. Pas de flèche bleu, donc, ce n'est pas Falibi qui est là. L’adolescent.e se dirigea vers la destination, sans méfiance.

    Une forêt finit par se dessiner à l'horizon. En s'approchant, iel distingua une trouée dans les arbres et une haute silhouette debout au milieu. Quand lae Cinquième fut suffisamment près pour reconnaître le garçon, iel lança :

    -Nsoah ?

    L'adolescent ne se retourna pas, fixant le sol. Hiloy le rejoignit pour voir ce qui attirait son attention. Une dalle au sol était clairement visible. Lae Cinquième compara avec sa carte, mais l'interrupteur devait bien se trouver ici. Sans doute dessous. Iel s'accroupit pour pouvoir observer de plus près.

    -Ça glisse.

    Lae Cinquième leva les yeux vers Nsoah qui continuait de fixer le sol sans bouger. Il poursuivit :

    -La dalle doit glisser.

    Hiloy se releva :

    -Comment ?

    L'adolescent haussa les épaules. Lae Cinquième jeta un œil à sa tablette au cas où un indice serait apparut, mais il n'y avait rien de nouveau :

    -Comment sais-tu que ça glisse ?

    Nsoah se contenta de répondre :

    -J'ai regardé.

    -D'accord.

    Hiloy savait qu'iel n'avait pas grand chose à espérer du garçon niveau discussion. Iel ne l'avait jamais entendu prononcer plus de deux phrases dans la même heure. En soi, j'ai déjà atteint un exploit. Iel sourit au garçon :

    -Je vais faire un tour pour voir s'il y a des indices.

    -La croix est là.

    Iel hocha la tête :

    -Je sais. Je vais juste jeter un coup d’œil.

    Hiloy resta deux secondes pour s'assurer que l'adolescent n'avait pas d'autres objections avant de s'éloigner. Iel explora les abords des arbres, s'éloigna vers la plaine avant de revenir. S'il y a quelque chose à trouver, ce doit être dans le coin ou ils l'auraient indiqué sur la carte. Iel embrassa les alentours du regard avant de revenir sur ses pas avec lenteur, cherchant encore un indice quelconque. Hiloy se figea quand iel crut entendre un son. Lae Cinquième resta sur place un moment avant de réaliser que cela venait de sa tablette. Un indice est apparu ? Cependant, en jetant un coup d’œil à l'objet, iel vit que rien de nouveau n'était affiché. L’adolescent.e le porta à son oreille pour confirmer que le son venait bien de là. Il y avait bien un faible sifflement. Hiloy fit un pas en avant et le son disparu. Mouais, je ne pense pas qu'ils s'amuseraient à faire siffler les tablettes pour le plaisir... A moins que ce ne soit un dysfonctionnement. Pour s'en assurer, iel recula de nouveau. Le sifflement revint. On dirait plutôt, une espèce de radar. Hiloy se décala sur la gauche où le son devint plus fort. Progressant ainsi, lae Cinquième finit par faire quelques pas dans les bois avant d'entendre un déclic. Iel souleva son pied et un nouveau déclic se fit entendre. En s'accroupissant, Hiloy écarta les feuilles pour apercevoir un bouton de métal au sol. Iel appuya de nouveau dessus avec sa main, mais rien ne sembla se déclencher. Un nouveau regard à sa tablette, rien n'avait changé. Iel soupira.

    Lorsqu'iel revint vers Nsoah, celui-ci n'était plus debout, mais à genoux sur le sol. Hiloy courut vers lui :

    -Tu as trouvé quelque chose ?

    L'adolescent pointa la dalle :

    -Ça s'est ouvert.

    Hiloy se pencha :

    -Vraiment ? T'as pas pu actionner l'interrupteur ?

    -Ça s'est refermé très vite. Deux fois.

    Lae Cinquième se redressa :

    -Deux fois ?

    Iel tourna les talons pour retourner en courant à l'endroit qu'iel venait de quitter :

    -Bouge pas, je crois que je sais comment ça marche.

    Quand iel fut arrivé.e, lae Cinquième appuya sur le bouton et attendit. Iel sourit en entendant le bip de sa tablette, annonçant qu'une nouvelle zone était ouverte. Hiloy courut rejoindre Nsoah :

    -C'est bon. On y va ?

    L'adolescent fixait l'outil à son bras :

    -Je ne vois pas Tahiya.

    Hiloy s'approcha pour apercevoir la carte du garçon. Comme sur le sien, un message annonçait :

     

    Vous pouvez accéder à la troisième zone. Elle est également accessible à trois autres personnes.

     

    Lae Cinquième chercha des yeux la flèche qui indiquerait la présence de Tahiya :

    -Tu as rentré le code ?

    Il hocha la tête. Iel le rassura en disant :

    -Alors, ça veut juste dire qu'elle est trop loin. Moi c'est pareil, regarde. Je cherche Falibi.

    Iel plaça son bras près du sien :

    -Normalement, il devrait y avoir...

    -Une flèche. Mais, Tahiya a dit que je devais la retrouver.

    Hiloy acquiesça :

    -D'accord, alors, en route. Si elle n'est pas dans la zone suivante, elle sera peut-être dans la prochaine et Falibi aussi.

    Iel fit quelque pas en s'assurant qu'il lae suivait.

    -On les cherche ensemble.

    Lae Cinquième sourit :

    -C'est ça. On les cherche ensemble.

    Ils se mirent en route vers la zone suivante.

    -Si ça se trouve, elles sont ensemble en ce moment à nous chercher aussi.

    Nsoah observait les arbres en marchant :

    -Tahiya me cherche toute seule.

    Hiloy l'observa avec amusement. Il n'était pas si muet qu'iel avait entendu dire, mais en même temps, iel n'arrivait pas à se souvenir que quelqu'un se soit déjà directement adressé au garçon plutôt qu'à sa cousine.

    -Pourquoi elle te cherche toute seule ?

    -Je ne crois pas qu'elle ferait équipe avec qui que ce soit.

    Hiloy repensa aux Enfermements et dut avouer que le petit aperçu du caractère de Tahiya n'avait pas été très attendrissant. Iel fit remarquer :

    -Mais, là, elle n'a peut-être pas vraiment le choix.

    Il ne répondit pas, alors Hiloy proposa :

    -On se met en route ?

    Nsoah pointa la forêt :

    -Par là.

    Hiloy ne put s'empêcher de vérifier rapidement sur sa carte avant d’acquiescer.

    Ils marchèrent un bon moment en silence. Lae Cinquième finit par jeter un regard à sa tablette pour s'assurer qu'ils n'avaient pas dévié de leur trajectoire. Apparemment non, mais c'est beaucoup plus loin que la première frontière. Iel commençait à se demander s'ils ne devraient pas dormir à la belle étoile.

    -Tu as mis combien de temps pour arriver à cette zone toi ?

    Comme Nsoah ne répondait pas, lae Cinquième se retourna pour le chercher. A quelques mètres en arrière, l'adolescent s'était assis sur un rocher pour fouiller dans son sac. Iel revint vers lui :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    Le garçon sortit un sandwich :

    -C'est l'heure de manger.

    Hiloy n'aimait pas l'idée de rester sur place, alors que la nouvelle zone semblait si loin.

    -J'ai déjà mangé. Tu ne veux pas marcher en même temps ?

    Nsoah mâchait en fixant le sol et lae Cinquième n'aurait su dire s'il réfléchissait à ce qu'iel venait de dire ou s'il était simplement plongé dans ses pensées. Iel hésitait à insister ou partir seul.e quand il se leva. Sans rien dire, l’héritier d’argent reprit son sac et, sandwich en main, se remit en route. Hiloy fut soulagé.e de voir qu'iel n'avait pas besoin d'insister, mais s'en voulut tout de même d'interrompre, ainsi, la pause du garçon. Comme pour trouver une excuse, iel lui glissa :

    -On trouvera plus vite ta cousine et Falibi comme cela.

    Nsoah fit remarquer :

    -Cela n'aura probablement aucune influence.

    Hiloy fronça les sourcils :

    -Comment ça ?

    L'adolescent avala une nouvelle bouchée en jetant un œil aux arbres qui se clairsemaient au fur et à mesure de leur avancée :

    -Elles pourraient être arrêtées quelque part ou dans la dernière zone que nous atteindrons. Dans tous les cas, le fait de manger en marchant ne veut pas dire qu'on les trouvera plus vite.

    Hiloy eut un sourire :

    -Tu as raison.

    -Je sais.

    Iel lui jeta un regard en coin. Nsoah était toujours calme et ne semblait pas ennuyé le moins du monde.

    L'après-midi avait bien avancé quand ils franchirent, enfin, la frontière qui les mena à la zone suivante. Hiloy était heureuse de son compagnon qui, bien que la tête ailleurs, avançait à longues enjambées et leur permettait de progresser rapidement.

    -On y est presque.

    Iel releva la tête :

    -Pardon ?

    Nsoah lui tendit son bras pour qu'iel jette un regard à sa tablette. Iel se retint de lui rappeler qu'iel avait lae sienne et se pencha. Deux croix vertes se trouvaient un peu plus loin, auprès d'une vaste étendue bleue. Sans doute un lac.

    -Ce n'est pas ma cousine.

    Nsoah ne faisait qu'une simple remarque qu'Hiloy confirma :

    -En effet, et ce n'est pas Falibi non plus.

    En arrivant à destination, la première chose que lae Cinquième aperçut fut les cheveux rouges de Bélera. En approchant, Nsoah lança :

    -Vous n'avez pas vu ma cousine.

    Une nouvelle affirmation, mais quand Meb se retourna ce fut pour répliquer avec humeur :

    -Comment on l'aurait vu ? Y a que nous ici.

    Nsoah ne se soucia pas des paroles de l'adolescent et préféra se perdre dans la contemplation du lac. Toutefois, Hiloy se préoccupa de l’humeur du garçon :

    -Qu'est-ce qu'il y a ?

    Bélera pointa le lac du doigt dans le même temps où Meb le pointait du menton en disant :

    -Il y a ça.

    Lae Cinquième s'approcha pour voir de quoi il s'agissait. Une petite plate-forme circulaire se trouvait au milieu de l'étendue d'eau. Un regard à sa tablette lui confirma que l'interrupteur se trouvait là-bas. Nsoah éprouva le besoin de les informer :

    -Il faut aller là.

    Meb lui jeta un regard courroucé ce qui laissa penser à Hiloy qu'il n'appréciait pas tellement le déroulement du Grand Jeu. Iel proposa :

    -On pourrait y aller à la nage.

    Cette fois, c'est elle qui écopa du regard de Meb. De son côté, Bélera s'étonna :

    -Tu n'as pas regardé la liste des Bestioles ?

    Hiloy sentit bien qu'iel n'allait pas donner la réponse attendue, mais avoua tout du moins :

    -Non. C'est quoi ?

    Meb réagit vivement :

    -Tu ne sais pas ce que sont les Bestioles ?

    Il va se calmer, lui ? Prenant sur ellui, Hiloy se concentra sur Bélera :

    -J'ai lu ce que disait le manuel, que parfois, ils lâchent ce qu'ils appellent des Bestioles. Mais, ce n'est pas tellement plus précis.

    Bélera lui montra sa tablette tout en naviguant dans les différents menus et en disant :

    -Les Bestioles ont été créées. Là, tu trouves toute une liste et quelques mots de description. Notamment, si tu peux les utiliser, si elles peuvent t'attaquer, si elles crachent du poison...

    Hiloy regarda défiler la liste avec des yeux ronds :

    -A quel moment on a le temps d'apprendre tout ça ?

    Bélera allait répondre, quand Meb intervint :

    -A aucun moment. C'est pour cela qu'en général, la règle, c'est de courir.

    Lae Cinquième approuva cette stratégie. Nsoah dit :

    -Il y a une Bestiole dans l'eau.

    Meb croisa les bras :

    -Y a des chances, oui.

    Il donna un coup de pied rageur dans une motte de terre et s'éloigna de quelques pas. Bélera répondit au regard réprobateur d'Hiloy en disant :

    -Il a perdu son sac en voulant atteindre le premier interrupteur. J'ai pas tout compris, mais je crois qu'il a été lâché en bord de falaise et ses affaires sont tombées.

    Nsoah continua de fixer l'eau en parlant :

    -Il a faim.

    Bélera acquiesça :

    -Il arrête pas de s'en plaindre depuis qu'on s'est rejoint. Je lui ai proposé de partager mes réserves, mais il ne veut pas.

    Hiloy fut surpris.e :

    -Il a peur que tu en manques ?

    La jeune fille eut un sourire amusée devant cette supposition :

    -Je crois plutôt qu'il a peur du poison.

    -Pourquoi tu voudrais le tuer ?

    Elle haussa les épaules :

    -Il vaut mieux être trop prudent.

    Oui, m'enfin, quand même. Nsoah les ramena au problème le plus urgent :

    -On doit aller là-bas.

    Hiloy se tourna vers lui :

    -Oui, tu as raison. Reste à savoir comment.

    Iel fit un tour sur ellui-même :

    -Peut-être que c'est comme dans la dernière zone. Qu'il faut marcher sur quelque chose pour actionner... un truc.

    Bélera répondit :

    -On a fait le tour, mais on n’a rien entendu.

    Meb revint vers eux :

    -On devrait recommencer. Avec deux de plus, on étendra notre recherche.

    Hiloy observa l'étendue qui entourait le lac :

    -C'est vrai.

    Meb s'écarta :

    -On marche en ligne, à trois pas de distance les uns des autres. On est resté au bord du lac avec Bélera, donc on peut s'en éloigner déjà.

    Les trois autres obéirent. Ils commencèrent à marcher lentement, attentif aux sons que pourraient produire leurs tablettes. Nsoah qui se trouvait au bord extérieur s'arrêta soudain. En le remarquant, Hiloy lui lança :

    -Tu as trouvé quelque chose ?

    Nsoah resta immobile, sans répondre, alors iel s'approcha. Lae Cinquième entendit sa tablette biper quand iel fut à proximité.

    -Tu as trouvé un des interrupteurs.

    L'adolescent acquiesça, fixant le bouton à ses pieds. Le son des tablettes s'arrêta quand il marcha dessus.

    -Vous avez quelque chose ?

    Hiloy se tourna vers Meb et Bélera qui les attendaient :

    -On a un des interrupteurs. Je crois qu'il faut être beaucoup plus près que la dernière fois pour que ça sonne.

    Lae Cinquième marchait pour les rejoindre quand iel se rendit compte que Nsoah lae suivait. Meb lae devança en lançant :

    -Reste-là, Nsoah ou on va encore le perdre.

    L'adolescent répliqua :

    -Non, je préfère écouter ce que vous dites.

    Lui, non plus, n'a pas confiance. Hiloy commençait à se demander si iel était vraiment lae seul.e à ne pas se méfier autant. Après tout, iel ne connaissait pas tant que ça les deux garçons qui l'accompagnaient. Bélera était du genre timide et parlait peu. Donc, au final, tu n'en connais aucun des trois. Toutes les mises en garde de Tefpiro lui revinrent en mémoire, mais iel refusa de céder. L’adolescent.e s'était promis de se faire des alliés et ce n'était pas en se méfiant d'eux qu'iel allait y arriver.

    Ils reprirent leur avancée et finirent par trouver les deux interrupteurs manquant.

    -Reste à savoir, maintenant, qui va aller sur l'eau au risque de se voir bloquer quand les trois autres se tireront.

    Hiloy et Bélera l'observèrent avec des yeux ronds. Ils n'avaient pas encore actionné les interrupteurs en même temps, mais il y avait des chances que si l'un d'eux retirait son pied, le chemin, ou quoique ce soit d’autre qui apparaîtrait, disparaîtrait. L'idée de bloquer l'un d'eux sur la plate-forme pour l'empêcher de récupérer les points privilèges n'était pas venu à l'esprit de lae Cinquième. Une certaine tension commençait à se faire sentir quand Nsoah déclara :

    -Tu iras sur la plate-forme.

    Meb se crispa :

    -Je plaisantais, enfin.

    Hiloy ne trouvait pas cela drôle et le fit savoir en disant avec un air fermé :

    -Nsoah a raison. C'est réglé.

    Iel se dirigea vers un des interrupteurs qu'ils avaient repérés, imité.e de Nsoah. Bélera prit le temps de dire d'un ton réprobateur :

    -Je crois que tu devrais te calmer, Meb. Ce n'est pas vraiment l'endroit pour ce genre de plaisanterie.

    En entendant cela, Hiloy se retourna pour ajouter :

    -En plus, si ça continue comme ça, on aura besoin de tout le monde dans la prochaine zone où on risque de ne pas pouvoir actionner le prochain interrupteur.

    Bélera acquiesça et rassura le garçon :

    -C'est vrai, ça. Donc, tu n'as pas à t'inquiéter de te retrouver bloquer. Ce n'est pas dans notre intérêt.

    Je faisais juste une remarque. Je ne cherchais pas forcément à le rassurer, mais bon, il sera probablement moins réticent à y aller maintenant. Iel alla se mettre en position. Lorsqu'ils appuyèrent sur les trois boutons en même temps, une passerelle à la rambarde en barre de fer sortit de l'eau. Meb courut jusqu'à la plate-forme, doutant sans doute de ses compagnons, tourna l'interrupteur, puis revint sur la terre ferme. Hiloy posa les yeux sur sa tablette en entendant le bip. Ils se rejoignirent, alors que la passerelle sombrait doucement dans les eaux. Bélera eut à peine le temps de dire :

    -Ça n'a pas l'air loin...

    Quand leurs tablettes bipèrent de nouveau et que la flèche indiquant la direction à suivre, disparue. Ils s'entre-regardèrent un moment avant qu'Hiloy ne pose la question qui leur trottait tous dans la tête :

    -Il vient de se passer quoi là ?

    Nsoah répondit, ses yeux perdus vers le ciel :

    -La zone s'est refermée.

    Meb s'agaça :

    -Mais merde, on a actionné le truc, c'est bon, là.

    Hiloy ne put s'empêcher de lui lancer :

    -T'es sûr que tu ne veux pas un bout de sandwich ?

    Il lui jeta un regard noir, mais Bélera coupa court en disant :

    -Je pense qu'il faut que quelqu'un reste ici pour garder la zone ouverte, pendant que les autres passe.

    Meb ricana :

    -Qu'est-ce que je disais ?

    Hiloy serra les dents pour ne rien dire qu'iel pourrait regretter. De sa voix calme, Bélera fit remarquer :

    -C'est différent. Là, c'est un cas de force majeure.

    Nsoah posa la question essentielle :

    -Qui va rester ?

    Hiloy leva la main :

    -Moi. On ne peut pas dire que j'ai vraiment besoin de points privilèges.

    Meb ne s'attarda pas :

    -On y va alors.

    Nsoah s'éloigna aussi, mais Bélera s'attarda un instant pour lui dire :

    -Si on trouve un moyen pour te débloquer, on viendra te chercher.

    Hiloy lui sourit :

    -Pas la peine. Je survivrais. Au pire, je retirerais mon bracelet.

    Iel montra l'objet à son bras gauche. Lorsqu'iel avait lu le manuel, iel s'était senti.e rassuré.e en lisant la partie sur le bracelet de métal. Le simple fait de l'enlever était un signal pour être évacué. Certes, on perdait tous les points gagnés jusque là, mais au moins, on était sauvé.

    Hiloy alla attendre que la passerelle sorte de nouveau de l'eau pour courir jusqu'à l'interrupteur. Iel l'actionna et le garda tourné en regardant les trois autres se lancer vers la nouvelle zone. Lae Cinquième resta la main sur l'interrupteur un bon moment, ignorant combien de temps exactement il leur faudrait pour sortir. Hiloy allait se décider à lâcher quand iel les vit revenir en courant. Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Son cœur se mit à battre frénétiquement. Derrière eux, iel ne tarda pas à apercevoir Indilk, Gec-Nüj, Neghttris et Theaon. Ils étaient paniqués, courant de toutes leur forces. C'est là qu'Hiloy vit la Bestiole. Énorme, le corps d'un lion, la tête d'une taupe. Hiloy se figea, la regardant contourner le lac à la poursuite des autres adolescents.

    Mais, soudain, la Bestiole s'arrêta, sembla renifler l'air et se tourna vers ellui. Oh non. La Bestiole sauta à l'eau pour nager vers la plate-forme. Hiloy chercha les autres du regard, retrouvant sa voix pour crier :

    -Le pont ! Relevez le pont !

    Iel vit Bélera s'arrêter après un regard par-dessus son épaule. Hiloy s'agrippait si fort au bord de la plate-forme que ses jointures étaient blanches. Les yeux fixés sur la Bestiole qui nageait vers ellui maladroitement, soulevant des gerbes d'eau. S'il y a une Bestiole dans l'eau, elle l'attaquera peut-être. Iel faisait de son mieux pour réfléchir à ses différentes options. Si les autres lae laissaient seul.e, son seul choix serait de nager, Bestiole ou pas. A la vitesse où elle avance, j'aurais peut-être une chance de la battre. Lente ou non, la Bestiole approchait. L'autre problème était de savoir s'il y avait autre chose dans l'eau ou pas. Hiloy passa du côté opposé de la plate-forme pour partir le plus loin possible de la Bestiole. A cet instant, des remous sur sa droite attirèrent son attention. Ils relèvent la passerelle. Iel leva le regard vers les bords du lac où Meb, Bélera et Nsoah avaient repris leurs places. Ceux qui les avaient rejoint observaient le lac avec angoisse.

    Hiloy se redressa aussitôt pour se placer face au pont, prêt.e à s'élancer dès que le niveau de l'eau lui permettrait de courir. La Bestiole changea de trajectoire. Qu'est-ce qu'elle fait ? Lae Cinquième se crispa. La créature se dirigeait vers la passerelle qui commençait à émerger. Hiloy tenta de deviner si iel réussirait à traverser avant que la Bestiole ne l'atteigne. Hiloy commençait à trépigner. Iel fut tenté.e de s'élancer, alors que la passerelle montait encore. Non, j'aurais pas le temps. La Bestiole s’agrippait déjà au bord du pont. L’adolescent.e repartit dans l'autre sens. Une fois au bord, iel hésita avant de sauter en fixant l'eau opaque. Quelle créature pouvait se cacher sous la surface ? Hiloy grimaça. Il faut que t'y ailles. Tu n'as pas le choix. Un dernier coup d’œil en arrière pour s'assurer qu'iel n'avait pas d'autre option et iel se figea. La Bestiole n'avançait plus. Hiloy l'observa quelques instants, toujours prêt.e à s'élancer dans l'eau au moindre changement. La créature était passée sous la rambarde et s'était contorsionnée pour tenter de monter. Ses pattes arrières battaient furieusement dans l'eau, tandis qu'elle plantait ses griffes pour essayer de se décoincer.

    Hiloy se tourna vers ses camarades qui observaient la scène de loin :

    -Reculez ! Baissez le pont ! Baissez le pont !

    Iel gesticula et cria jusqu'à ce qu'iel les voit bouger. La passerelle recommença à sombrer, emportant la créature toujours coincée. Hiloy inspira profondément en se rendant compte qu'iel avait arrêté de respirer.

    -Hiloy !

    Iel fit volte-face pour apercevoir Theaon qui montrait sa tablette. Ah, il faut que j'ouvre la zone. Hiloy actionna l'interrupteur, mais aucun son ne lui signifia que la zone s'était ouverte. Iel jeta un œil à sa tablette. La croix verte qui était censée indiquer l'emplacement de l'interrupteur était maintenant décalée. Hiloy se tourna dans la bonne direction.

    -C'est sur la Bestiole !

    Hiloy leva les yeux vers Neghttris :

    -Quoi ?!

    L'adolescent pointa l'endroit où la créature avait disparu avec la passerelle :

    -Le prochain interrupteur est sur elle !

    Lae Cinquième pâlit en se murmurant :

    -C'est une blague.

    Pourtant, c'était bien là que la nouvelle croix verte de sa tablette se situait. Hiloy vit Indilk faire signe à Meb, Bélera et Nsoah qui marchèrent de nouveaux sur les boutons qui relevèrent la passerelle. Le corps inerte de la Bestiole se trouvait encore bloqué sous la rambarde, en travers du pont. Hiloy s'avança en même temps que les quatre qui les avaient rejoint. Iel fut lae premièr.e à atteindre la Bestiole. Avec soin, l’adolescent.e évita de rester à porter des pattes et de la gueule de la bête, craignant qu'elle ne se réveille soudainement. Après tout, rien ne lui assurait que la Bestiole était vraiment morte. Après s'être assuré.e qu'il n'y avait rien sur le dos de la créature, Hiloy s'agenouilla pour glisser la main sous le ventre.

    -Tu trouves quelque chose ?

    Lae Cinquième secoua la tête à l'intention de Neghttris :

    -Je ne sais même pas ce que je cherche.

    Iel ne réussit pas à glisser la main sous le corps trop lourd. Indilk fit remarquer:

    -C'est peut-être dans la gueule.

    Hiloy grimaça en jetant un regard vers les petites dents acérées sur les babines de la taupe. Theaon longea le bord de la passerelle pour rejoindre lae Cinquième de l'autre côté du corps.

    -Ça doit être attaché quelque part.

    Hiloy pointa le ventre de la Bestiole :

    -Dessous, je pense, mais j'arrive pas à passer la main.

    Theaon s'agenouilla à côté d'ellui en lançant :

    -Les garçons, vous pouvez tirer pour la faire pencher ?

    Neghttris passa les mains dans la fourrure grasse et détrempée de la bête :

    -C'est charmant.

    Indilk et Gec-Nüj suivirent son exemple et quand Neghttris compta trois, ils tirèrent la Bestiole vers eux de toutes leurs forces. Hiloy aperçut un morceau de métal sous le ventre de la bête :

    -Je vois quelque chose.

    Theaon confirma :

    -Je le vois aussi. Il faudrait tourner encore.

    Lae Cinquième s'empara des longs poils et tira en se relevant, serrant les dents sous l'effort. Theaon les encouragea :

    -C'est un boîtier. Il faut juste soulever encore un peu pour que je puisse l'ouvrir.

    Les garçons et Hiloy redoublèrent d'effort, soufflant et grondant tout en bougeant l'énorme carcasse. Un bip les informa que Theaon avait pu atteindre l'interrupteur.

    -C'est bon.

    Ils relâchèrent leur prise avec soulagement. Hiloy s'empressa de se débarrasser des poils qui étaient restés enroulés autour de ses doigts, avant de les frotter vigoureusement sur son uniforme :

    -J'espère que ça ne va pas se refermer.

    Ils firent le tour de la Bestiole pour rejoindre les garçons. Indilk fit remarquer :

    -Si la zone s'était refermée, cela aurait déjà bipé de nouveau.

    Hiloy demanda :

    -Mais, du coup, je ne devrais pas rester pour ouvrir la zone d'à côté ?

    Neghttris parut surpris :

    -Elle s'est refermée ?

    Hiloy raconta ce qu'ils avaient dû faire pour accéder à la zone suivante. Ils écoutèrent avec attention, puis Gec-Nüj rapporta :

    -Quand on a actionné l'interrupteur de notre côté, ça a fait sortir la Bestiole.

    Neghttris ajouta :

    -Ce n'est pas une nouvelle zone que vous avez ouverte. C'était la notre. D'une manière ou d'une autre, on était supposé se débarrasser de la Bestiole pour accéder à la véritable nouvelle zone.

    Meb, Nsoah et Bélera les rejoignirent en posant la même question qu'Hiloy :

    -Il faut que quelqu'un reste pour ouvrir la zone...

    Indilk les coupa dans leur élan en répétant l'explication de Neghttris. Bélera s'assura :

    -Donc, on peut tous aller dans la zone suivante.

    Nsoah fixa ses pieds :

    -C'est logique.

    Meb soupira :

    -Alors, on continue.

     

    Ils étaient plongés dans leurs pensées depuis un bon moment. Hiloy observait le petit groupe avec un certain intérêt. Ils ne s'étaient pas parlés plus que cela avant le Grand Jeu, ce qui rendait la situation pour le moins intéressante.

    -Ça va ?

    Iel répondit à la question de Theaon d'un hochement de tête. Après la discussion avec Xutik, Hiloy avait fait de son mieux pour ignorer ce qu'il avait dit, mais cette phrase continuait de lui tourner dans la tête. Elle veut s'élever, peu importe le moyen. Lae Cinquième n'avait pas parlé de ça à Falibi et iel avait essayé de l'oublier. Après tout, ce n'était peut-être pas si important, sinon, le Second n'en aurait pas parlé à Xutik aussi aisément. D'autre part, les jumeaux lui avaient affirmé que le Second ne mentait jamais. Mais après tout, comment ils peuvent en être certains ? Dans ces tentatives pour mettre cette phrase de côté, iel n'avait fait qu'y penser. Sa conclusion était que Theaon utilisait Falibi pour se rapprocher d'ellui. Malgré cela, iel n'avait toujours rien dit à Falibi. Lae Cinquième n'avait pas de preuve de ce qu'iel avançait et Theaon, jusque là, n'avait rien fait qui anime sa méfiance.

    Neghttris lança à la ronde :

    -On marche encore une heure, puis il faudra trouver un endroit où dormir.

    Hiloy leva les yeux au ciel qui n'allait pas tardé à s'assombrir. Indilk qui observait la carte sur sa tablette les informa :

    -Si on continue encore, on devrait trouver un refuge.

    Gec-Nüj fit remarquer:

    -Il vaut mieux qu'on atteigne le refuge. Je ne suis pas pour dormir à la belle étoile s'il y a encore des Bestioles dans le coin.

    Neghttris marcha à reculons pour faire face au groupe :

    -On vote, alors ? Sauf si Hiloy a une suggestion.

    Lae Cinquième les observa avec surprise en se demandant pourquoi ça lui retombait soudain dessus. Ils attendaient visiblement une réponse de sa part, mais iel se contenta de demander :

    -Pourquoi moi ?

    Les regards se dirigèrent vers son blason. Aaaaaah, c'est vrai. Iel ne s'était pas imaginé.e que la hiérarchie compterait encore dans les Grands Jeux. Je suppose que tant que tout est calme, on reste civilisé.

    -Un vote, ça me va.

    Les regards se tournèrent successivement vers Indilk, Theaon et Meb, les héritiers d'or. Comme ceux-ci approuvèrent l'idée du vote, Neghttris lança :

    -Ceux qui sont pour marcher jusqu'à trouver un refuge.

    Hiloy leva la main. Iel était du côté de l'argument de Gec-Nüj et ne désirait pas se retrouver face à une Bestiole au milieu de la nuit. Un regard alentours l'informa qu'ils étaient tous d'accord.

    -Au refuge, alors.

    Ils baissèrent tous les yeux sur leur tablette dans un même réflexe, pour voir où se trouvait leur destination.

    -Vous croyez que l'on atteindra la prochaine zone demain ?

    Indilk haussa les épaules en réponse à Meb :

    -On verra bien.

    Hiloy fouilla son sac pour récupérer le reste de son sandwich et le coupa en deux :

    -Meb, prends-ça.

    Le garçon baissa les yeux vers ce qu'iel lui tendait :

    -Non, c'est bon. Il devrait y avoir des réserves dans le refuge.

    Iel lui mit le sandwich dans les mains d'autorité :

    -On ne sait pas quand on va l'atteindre et t'as rien mangé de la journée.

    Il lae dévisagea, interloqué. C'était la première fois que lae Cinquième se permettait de lui parler comme ça. A dire vrai, Hiloy se surprenait ellui-même, mais le garçon n'avait ouvert la bouche que pour se plaindre durant les dernière minutes. Meb, légèrement inquiet de la réaction de lae Cinquième, décida de se laisser convaincre et prit la part qu'on lui tendait. Ce fut comme un signal et tous commencèrent à manger. Bélera fit remarquer :

    -J'espère qu'il y aura assez de provision pour nous tous au refuge.

    Un silence lui répondit que Neghttris finit par briser :

    -Avec un peu de chance, on devrait atteindre la fin du jeu demain soir. On est huit. Donc, on peut supposer qu'il y a un autre groupe de huit et un groupe de quatre ou deux groupes de six. Ils se sont débrouillés jusque là pour nous réunir en nombre pair, il n'y a pas de raison que ça change.

    Indilk glissa :

    -Sauf s'ils continuent à nous faire parcourir des kilomètres entre les zones.

    Gec-Nüj appuya :

    -Surtout s'ils s'amusent à les faire de plus en plus grandes.

    Neghttris s'irrita des réactions de ses camarades :

    -Bon, disons qu'on a un chance d'être sorti après-demain.

    Indilk reprit :

    -Sauf si on galère encore plus à trouver les interrupteurs.

    Et Gec-Nüj de rajouter :

    -Surtout s'ils nous envoient des Bestioles à la tronche.

    Neghttris s'arrêta pour leur faire face :

    -Sérieusement, les gars ?

    Indilk se contenta de le dévisager d'un air morne tout en mâchant. Theaon en profita :

    -Je suis de l'avis de Neghttris. Un peu d'optimisme ne nous ferait pas de mal.

    Neghttris qui marchait de nouveau à reculons car il les devançait toujours d'un mètre ou deux, à croire que la fatigue de la journée ne lui était pas encore tombée dessus, la pointa du doigt :

    -Voilà, ça c'est bien pensé. De l'optimisme, messieurs dames.

    Indilk prit soudainement une petite voix pour dire :

    -Ne me mangez pas, l'optimisme est avec moi, CRACK, oh... tant pis.

    Hiloy pouffa, alors que les autres, un instant surpris, finirent par éclater de rire. Neghttris eut un large sourire :

    -Je ne savais pas que tu pouvais faire de l'humour.

    Gardant son air morne, Indilk ajouta :

    -Et si, j'en ai même une meilleure. Si on est parti huit, comment ça se fait qu'on est sept maintenant ?

    Il fit encore quelques pas alors que tous se figeaient. Ils s'observèrent les uns les autres pour chercher celui qui manquait. Hiloy fut la première à trouver et fit demi-tour en lançant :

    -C'est Nsoah.

    Gec-Nüj râla :

    -On va pas retourner le chercher, quand même. Il va faire nuit et il sait où on va. Il nous rejoindra.

    Hiloy l'ignora. Ça ne va pas nous prendre trois heures, non plus. Iel entendit des pas précipités derrière ellui, puis Theaon apparut à son côté :

    -Tu crois qu'il a eu un problème ?

    Hiloy réfléchit quelques secondes avant de répondre :

    -Je ne pense pas, non.

    Ils le trouvèrent debout, le nez au ciel. Lae Cinquième leva la tête au cas où il y ait vraiment quelque chose là-haut qui explique son arrêt, mais, bien sûr, il n'y avait rien.

    -Nsoah ? Qu'est-ce que tu fais ?

    L'adolescent ne baissa pas la tête pour répondre :

    -Les Bestioles veulent nous tuer.

    Hiloy sursauta en entendant la voix de Bélera dont iel n'avait pas remarqué la présence :

    -Pas toutes. Il y en a que l'on peut utiliser, tu sais.

    Elle parlait d'une voix douce comme si elle craignait d’effrayer le garçon. Nsoah baissa les yeux sur ses chaussures :

    -Pourquoi faire des Bestioles pour nous tuer ? Ma cousine dit que c'est parce que ce sont de dangereux psychopathes.

    Theaon admit :

    -L'explication me paraît valable.

    De son côté, Hiloy se plongeait dans ses réflexions. L'un des buts de l'école était qu'un maximum d'héritiers en sorte en vie, alors, pourquoi minimiser leur chance de survie ? Bélera proposa :

    -On devrait rejoindre les garçons, avant qu'ils ne partent sans nous.

    -T'as raison.

    Bélera attrapa Nsoah par la manche pour s'assurer qu'il suive et ils revinrent vers le petit groupe qui les attendait. Quand ils furent à portée de voix, Neghttris leur lança :

    -Alors ? Il faisait quoi ?

    Theaon répondit :

    -Il réfléchissait.

    Gec-Nüj ricana :

    -Et il pouvait pas réfléchir en marchant ?

    Indilk empêcha quiconque de répondre en disant :

    -On bouge.

    Ils se sentirent obligés de suivre lorsqu'il se remit en route. Nsoah glissa tout en suivant :

    -Ma cousine dit que les Bestioles ne devraient pas nous attaquer si l'école devait vraiment chercher à nous garder en vie.

    Neghttris se tourna vers lui :

    -C'est ça qui te tracasse ?

    Nsoah fixa l'horizon :

    -Pas tracassé, mais c'est pas logique.

    L'héritier d'argent commença :

    -En fait, il y a plusieurs versions. Certains racontent que seuls les plus forts intéressent l'école. Les Bestioles sont un moyen de purger tout ça. Bien sûr, c'est une version qu'on évite d'ébruiter.

    Gec-Nüj haussa un sourcil :

    -Tu m'étonnes, ce n'est pas vraiment encourageant.

    Neghttris poursuivit :

    -L'autre version serait que les Bestioles datent de la création de l'école, qu'ils en ont perdu le contrôle et que depuis, elles vivent en liberté. Apparemment, ils auraient été incapables de toutes les attraper à temps et elles se sont multipliées.

    Theaon laissa échapper :

    -Je ne suis pas sûre de savoir quelle version je préfère.

    -Moi non plus, partagea Gec-Nüj.

    Indilk cria à cet instant :

    -Objectif en vue.

    Hiloy vit se détacher, entre les arbres, la forme d'un cube de béton. Bélera s'inquiéta :

    -Ce sera assez grand pour nous tous ?

    Neghttris répartit :

    -Le bon point de la chose, c'est que c'était moins loin que ce que l'on s'imaginait.

    Il fit un grand sourire à Indilk qui ne lui jeta pas un regard. Nsoah tendit sa tablette sous le nez d'Hiloy :

    -Ma cousine n'est pas là.

    Hiloy l'imita en lui mettant sa tablette sous le nez :

    -Mon amie non plus.

    L'adolescent, satisfait, reporta son regard vers les arbres. Theaon s'approcha :

    -Falibi a ton code ?

    Hiloy acquiesça :

    -Mais, elle n'est pas dans le coin.

    Meb finit par demander :

    -Ce n'est pas que j'ai quelque chose contre votre volonté d'optimisme, mais est-ce qu'on aurait pas déjà dû croiser le prochain groupe ?

    Nsoah répondit :

    -La zone est beaucoup plus grande.

    Bélera fit remarquer :

    -Ça risque d'être beaucoup plus dur de trouver les autres.

    Neghttris leva les bras pour ramener l'attention sur lui :

    -Pour l'instant, on va entrer là-dedans et on va dormir.

    Indilk s'avançait déjà vers le bâtiment :

    -Je suis pour.

    Hiloy suivit, mourant d'envie de se reposer. L'adolescent ouvrit la porte sans difficulté et ils découvrir un petit espace de deux lits simples et une large malle. Gec-Nüj grimaça :

    -La petite avait raison. Y aura pas de place pour tout le monde.

    Bélera lui jeta un regard en coin, mais ne dit rien. Neghttris pénétra dans la pièce :

    -Il doit y avoir un truc. Ils doivent se douter qu'on serait plus de deux.

    Indilk pointa la malle du doigt :

    -Je tenterais de bouger ça, personnellement.

    Neghttris saisit une des poignées de l'objet et attendit que le garçon en fasse autant, mais celui-ci se perdait dans la contemplation des lits :

    -Un coup de main ?

    Comme Indilk l'ignorait, Hiloy se dévoua. Ils la soulevèrent sans problème.

    -Elle doit être vide, fit remarquer lae Cinquième.

    Neghttris acquiesça en jetant un œil à l'espace qu'ils venaient de dégager :

    -Il y a une trappe ici.

    Ils calèrent la malle dans un coin pendant qu'Indilk saisissait l'anneau pour ouvrir la trappe :

    -Il y a un escalier. Je suppose que c'est bon signe.

    Theaon lui lança :

    -Tu descends voir ?

    L'adolescent grimaça :

    -Je ne tiens pas à tomber nez-à-nez avec une Bestiole dans l'obscurité.

    Hiloy fronça les sourcils :

    -Ils nous feraient quand même pas ce coup là.

    Les regards qu'iel reçut lui signifièrent que ce n'était pas improbable. Nsoah relança :

    -Qui descend en premier ?

    Meb jeta un regard dans le trou obscur :

    -Pourquoi pas toi ?

    L'adolescent répliqua :

    -On est trop serré, je ne peux pas passer.

    Hiloy sourit. Ce n'était pas totalement faux. Ils étaient serrés dans la pièce et il était difficile pour ceux se trouvant derrière, de voir ce qu'il se passait au niveau de la trappe. Bon, il faut quand même que quelqu'un se lance. Iel ouvrit la bouche pour se proposer, alors que Neghttris s'avançait :

    -J'y vais si vous voulez.

    Il commença à descendre, Hiloy sur ses talons :

    -Je t'accompagne.

    Iel descendit avec précaution les marches étroites. Neghttris fit jaillir une lumière de sa tablette pour y voir dans l'obscurité qui les cernait. Hiloy farfouilla dans les différents menus pour trouver la lampe torche. Ils purent voir que la descente serait longue. Ils échangèrent un regard inquiet avant de se mettre en route. Marche après marche, avec seulement le son de leur pas qui résonne, les adolescents avançaient lentement. Sitôt que Neghttris posa le pied sur la dernière marche, la lumière se fit, provenant de néons au plafond. Ils découvrirent un long couloir avec des lits jumeaux tout le long des murs. Neghttris fut ravi :

    -Et bah, voilà. Pas de quoi s'inquiéter au final.

    Hiloy se tourna vers les marches pour crier :

    -Hey ! Vous m'entendez ?!

    Venant de très loin, la voix d'Indilk lui parvint :

    -Quoi ?!

    -Il y a des lits en bas !

    Iel attendit une réponse, mais comme ils ne semblaient pas avoir compris, iel répéta l'information. Neghttris finit par se tourner vers ellui :

    -Laisse tomber. Ils finiront par descendre.

    Sauf s'ils croient que l'on a été attaqué. Iel ne dit rien et suivit le garçon qui s'avançait dans le couloir. Hiloy devinait qu'il cherchait les provisions promises.

    -Je peux te poser une question ?

    Surprise, lae Cinquième hocha la tête, curieux.se de ce qui allait suivre. C'était bien la première fois que Neghttris lui paraissait mal à l'aise.

    -Lors de l'Enfermement, il a été fait allusion à une union dont tu ferais parti.e.

    Oh, ça.

    -Oui, avec les autres des Cinq. Pourquoi ?

    L'héritier d'argent la dévisageait avec attention :

    -Je peux demander dans quel but ?

    Hiloy fut surprise :

    -Dans quel but on s'est allié ?

    -Oui.

    Avant qu'iel ne put répondre, il reprit précipitamment :

    -Je sais que l'on ne te semble peut-être pas très au point au niveau protocole. S'incliner, vouvoyer, les héritiers d'argent qui font encore ça sont très rares. Même Citseko, je ne pense pas qu'il vouvoie Meb. Bon, il s'incline devant ses supérieurs...

    Hiloy ne put s'empêcher d'être amusé.e par la vitesse à laquelle il argumentait, bien qu'iel ne comprenait pas exactement le lien avec sa première question.

    -Chez nous, c'est pire, c'est sûr. Il faut dire qu'on se connaît depuis qu'on est petit. C'était l'idée des parents d'Elférad, tu vois. On devait avoir dans les six ans quand ils ont demandé à toutes les familles d'envoyer leurs héritiers chez eux durant deux jours. Ils ont lâché Elférad dans le tas en lui disant de se faire des amis. A la fin, comme Elférad passait plus de temps avec nous, ils ont renvoyé les autres et ont installé nos familles chez eux, pour voir comment ça allait tourner.

    Hiloy se permit de le couper pour lui laisser le temps de récupérer son souffle :

    -Et ça a plutôt bien tourné, au final.

    L'adolescent acquiesça avant de reprendre avec un peu plus de calme :

    -On a subit aucun protocole. On ne nous a pas fait grandir en nous apprenant à garder une distance avec Elférad. Et je sais qu'on est un peu gamin parfois et qu'on se lâche peut-être un peu trop quand on joue.

    Hiloy se sentit à nouveau obligé.e d'intervenir :

    -Désolé.e, Neghttris, mais je ne vois pas bien le rapport avec l'union.

    Le jeune homme inspira :

    -C'est vrai. C'est pas très clair. Ce que je voulais dire, c'est que si cette union s'est formée suite à un comportement déplaisant envers ton rang... venant de certain clan de la classe...

    Lae Cinquième le coupa :

    -Non, non, ça n'a rien à voir. Elle existait déjà quand je suis arrivé.e. En plus, je ne crois pas qu'il y ait eu des comportements déplaisants envers moi.

    Une question lui vint à l'esprit qui lui sembla des plus importantes :

    -Il y a vraiment des héritiers qui s'allient à cause de ce genre de chose ?

    Neghttris était soulagé et parla beaucoup plus calmement pour répondre :

    -Il y en a qui prennent la mouche facilement, bien qu'ils n'ont pas forcément la force de combattre leurs ennemis.

    Indilk, apparaissant soudainement entre eux, les fit sursauter :

    -Je ne veux pas te vexer, Neghttris, mais le jour où elle aura envie d'écraser les Juéllits, elle n'aura pas besoin d'union pour cela.

    Hiloy relâcha son souffle :

    -Tu m'as fichue la trouille. C’est iel, en fait.

    Ils venaient d'atteindre le fond du couloir. Face à eux, des plaques d'acier carrées, alignées sur trois colonnes, fermaient des caches creusées dans le mur. Neghttris lança à l'adolescent, qui s'avançait pour lever une des plaques :

    -C'est pas vraiment le moment de surgir de nulle part comme ça.

    Le reste du groupe venait de les rejoindre en courant. Bélera reprit son souffle en disant :

    -Ça ne risque pas d'être piégé ?

    Cela n'arrêta pas Indilk qui s'écarta pour qu'ils voient ce que la cache contenait :

    -On a à manger.

    Une douzaine de sandwich était entassé là. Theaon grimaça :

    -Ils ne sont pas pourris ?

    Indilk secoua la tête :

    -Je ne pense pas. C'est frais là-dedans.

    Neghttris ouvrit son sac :

    -Allez, on prend tout.

    Bélera rechigna :

    -On devrait en laisser pour les autres, au cas où, non ?

    Meb et Gec-Nüj ouvraient déjà une cache chacun, à droite et à gauche de celle d'Indilk. Le premier trouva bandages et médicaments, le second, une nouvelle planque de provisions. L'héritier d'argent se tourna vers Hiloy :

    -Je crois que ça ira.

    Neghttris observa le mur avec attention :

    -Je pense qu'il y en a suffisamment pour tout le monde, vu le nombre de tiroir. On devrait prendre des soins aussi.

    Ils commencèrent à remplir leur sac, tandis que Meb restait les bras croisés et que Nsoah semblait compter les lits. Theaon referma son sac en demandant :

    -Comment ça se fait que tu n'as pas de sac, Meb ?

    Le jeune homme leva les yeux au ciel en se souvenant de la perte de son sac :

    -Ils m'ont laissé au bord d'un ravin. Quand j'ai pu y voir, j'ai voulu observer les alentours, mais ces cons avaient laissé mon sac à mes pieds. Je l'ai pas vu et j'ai tapé dedans. Il est tombé. Voilà.

    Neghttris ne put s'empêcher de lâcher un petit rire :

    -C'est quand même pas de pot.

    -Je ne te le fais pas dire.

    Bélera proposa :

    -Je prends ta part si tu veux.

    Meb haussa les épaules :

    -C'est gentil, mais si on se retrouve séparé à un moment ou un autre, ça ne m'avancera pas beaucoup.

    Neghttris ferma son sac en disant à la jeune fille :

    -Prends quand même. Faudra bien qu'il mange à un moment ou un autre et ce qu'ils nous ont donné sera épuisé demain.

    Bélera obéit.

    -Le couloir va où ?

    Hiloy se redressa en entendant Nsoah. Il pointait un nouveau couloir sur leur gauche. Trop étroit pour que deux personnes puissent marcher de front. Iel rejoignit l'adolescent pour essayer de voir où cela menait :

    -Il semble s'élargir au bout d'un moment.

    Indilk posa son sac près d'un des lits :

    -Vous faîtes ce que vous voulez, moi, je vais me coucher.

    Il retira veston et jupe pour se coucher en chemise et pantalon. Il n'a pas tort, il vaut mieux dormir tant qu'on peut.

    -Viens, Nsoah, on va se coucher.

    Le garçon suivit sans résister. Chacun se trouva un lit et ils s'endormirent presque aussitôt.

     

    Hiloy se réveilla paisiblement et resta un moment allongé.e à profiter du calme ambiant. Iel fut tenté.e de se lever pour jeter un coup d’œil au couloir que Nsoah avait découvert la veille, mais iel préféra finalement aller manger à l'air libre. Prenant un sandwich, iel se dirigea vers la surface. L'ascension l'obligea à s'arrêter pour reprendre son souffle par deux fois. La troisième fois, lae Cinquième se posa sur une marche en marmonnant :

    -Un ascenseur, sérieusement, les gars, la modernité, quoi.

    Iel rit tout.e seul.e de se voir si désespéré.e à monter des escaliers. Quand l’adolescent.e réussit à atteindre l'extérieur, iel fut bien décidé.e à ne pas redescendre. Et tant pis pour le couloir mystère. Lae Cinquième alla s’asseoir près d'Indilk, occupé à se mettre du vernis à ongle. Iel le regarda faire tout en mangeant, sans qu'ils n'échangent un mot. Theaon rompit ce silence en s'installant près d'eux :

    -Ça a une signification ?

    Indilk leva la tête :

    -De quoi ?

    -La couleur ? Ma sœur change de couleur en fonction de son humeur.

    Indilk se concentra de nouveau sur sa tâche :

    -Ça en à une pour moi.

    Elle attendit une explication qui ne vint pas et dû se décider à conclure :

    -OK.

    Theaon jeta un regard amusé à Hiloy avant de mordre dans son sandwich. Cellui-ci pensa que ce serait le moment idéal pour discuter avec Theaon de ce que Xutik lui avait dit, seulement iel se retint. A bien y penser, si sa supposition était vraie et que la jeune fille cherchait à se rapprocher d'ellui, le fait de lui en parler pourrait la pousser à laisser tomber son masque. Et si elle se révèle être quelqu'un de hargneux, ça ne va pas nous aider dans ce jeu. D'autre part, si elle s'avérait innocente de ses soupçons, le fait de lui en parler pouvait la blesser et alors, que serait-iel capable de faire ? Dans les deux cas, sa réaction risquait d'aller à l'encontre de l'objectif du Grand Jeu qui semblait se baser sur la coopération. Du moins, pour l'instant.

    Le reste du groupe arriva au compte goutte. Quand Bélera sortit à son tour, elle les observa avec attention avant de demander :

    -Vous n'avez pas vu Nsoah ?

    Ils s'entre-regardèrent avant de secouer la tête. Meb supposa :

    -Il est peut-être dans l'autre couloir.

    Bélera hésita :

    -On doit aller le chercher, vous croyez ?

    Hiloy se leva. Iel n'était pas particulièrement inquièt.e pour l'adolescent, mais ça lui donnait une bonne raison pour aller explorer ce fameux couloir. La promesse qu'iel s'était fait.e de ne plus redescendre s'était envolée avec sa fatigue. Theaon et Neghttris sur ses talons, iel retourna dans le refuge. Gec-Nüj leur cria :

    -Mais, vous n'allez pas y retourner, si ? On a des trucs à faire l'air de rien !

    -Attendez, je viens avec vous.

    Hiloy fut surpris.e que Meb se porte volontaire. Il faut croire qu'il est sympa quand il a le ventre plein. Theaon se tourna vers les garçons en riant :

    -Je ne pensais pas que vous vous inquiéterez pour Nsoah.

    Neghttris sourit :

    -Laissez passer une chance d'explorer un endroit glauque ? C'est mal me connaître.

    Lorsqu'ils arrivèrent face à l'étroit couloir, Theaon empêcha Hiloy d'entrer :

    -On devrait peut-être voir s'il est là avant d'y aller.

    Lae Cinquième haussa les épaules et se mit en marche. Comme iel l'avait deviné la veille, le couloir finissait par s'élargir. Iel appela doucement :

    -Nsoah ?

    Neghttris lae dépassa pour poursuivre l'exploration, alors que Meb s'arrêtait près d'ellui :

    -Vous croyez que ça s'étend jusqu’où exactement ?

    Theaon regarda sa tablette :

    -Vous croyez que l'on pourrait atteindre la destination en restant dans ces souterrains ?

    Meb grimaça :

    -J'ai pas envie de tenter.

    Hiloy avait rejoint Neghttris :

    -On le verrait s'il était là ?

    L'adolescent secoua la tête :

    -Je pense que oui. J'espère qu'il est pas parti à des kilomètres.

    Meb lança :

    -On devrait l'appeler d'ici. On va pas aller se perdre, alors que les autres attendent en haut.

    Hiloy approuva :

    -C'est vrai qu'il vaut peut-être mieux ne pas traîner.

    Neghttris commença à appeler Nsoah et les autres l'imitèrent. Au bout d'une minute, l'adolescent apparut face à eux, sortant probablement d'un autre couloir. Hiloy lui demanda :

    -T'as trouvé quelque chose ?

    Nsoah fixa le mur :

    -Il y a un autre couloir.

    Meb s'approcha :

    -On va retrouver les autres. A tous les coups, c'est un foutu labyrinthe.

    Hiloy était toujours curieux.se de savoir où cela pouvait mener, mais iel savait que Meb avait raison. Ils récupérèrent Nsoah et repartirent. Neghttris courut, tout de même, voir d'où l'adolescent revenait avant de les rejoindre. Lae Cinquième l'attendit pour lui demander :

    -Alors ? Comment c'est ?

    Neghttris était déçu :

    -Comme il a dit. Un autre couloir vide.

    Ils remontèrent à la surface. Pressé.e par la vitesse à laquelle les autres avançaient, Hiloy ne prit pas le temps de faire de pause et ne put reprendre son souffle qu'une fois dehors. Je devrais voir pour entrer dans le club de course aussi.

    -Vous en avez mis du temps.

    Nsoah annonça en réponse à la remarque de Gec-Nüj :

    -J'ai trouvé un autre couloir.

    Bélera lui sourit :

    -C'est vrai ? C'est cool.

    Indilk attendait les bras croisés :

    -C'est cool, mais il va falloir y aller. La prochaine cible n'est sans doute pas à côté et les autres sont peut-être déjà en train de nous attendre.

    Bélera se tourna vers lui :

    -Tu crois qu'ils nous attendrons là-bas ?

    Indilk répondit avec le ton de l'évidence :

    -Évidemment. C'est encore le plus simple que de se courir après dans toute la zone.

    Hiloy afficha sa carte et suivit la direction indiquée par la flèche. Gec-Nüj fit remarquer :

    -J'espère qu'on aura assez de réserve.

    Theaon répliqua :

    -On ne peut pas tout prendre. En plus, il y a d'autres refuges. Je ne crois pas qu'on mourra de faim.

    Tandis qu'ils marchaient, Hiloy remarqua que Bélera gardait les yeux sur sa tablette :

    -Qu'est-ce que tu fais ?

    La jeune fille lui montra son écran :

    -J'apprends les infos sur les Bestioles. Tant qu'à faire.

    -Pas con.

    Hiloy afficha la liste et commença à lire en marchant.

    -Les gars, vous traînez.

    Ils levèrent la tête pour voir qu'ils étaient en effet à plusieurs mètres derrière. Ils coururent pour les rattraper. Hiloy leva le nez pour voir le ciel bleu. J'espère qu'il ne pleuvra pas.

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